Le Boucher
Les jardins royaux n’avaient pas changé depuis l’époque d’Aerys. Force est de constater qu’ils sont toujours entretenues. Mors capuche relevée marchait tranquillement au milieu de toute cette verdure, des dames de compagnies passaient et le regardaient avec méfiance, des damoiseaux chuchotaient avec amusement, et Mors reconnut l’emblème de la maison Merryweather sur leurs beaux pourpoints. Le vieux chevalier avait conscience de son accoutrement, sa cape noire était trouée et quelque peu abimée de boue, lui donnait un air pèlerin ou au pire comme disaient les deux garçons Merrywather : « un mendiant de Culpucier ».
Mors continua sa marche tout en observant les alentours. Il réfléchissait aux paroles de Tywin : Il avait conscience que ses promesses sont à prendre en pincette. Tywin Lannister savait juguler avec les mots aussi bien qu’avec les intrigues, rien ne garantissait qu’il tiendrait sa promesse, et Mors n’avait pas le temps de mener une guerre, même si il n’avait pas le choix, ses frères du mur avaient besoin de lui. Secouant la tête, il décida de négocier avec Tywin, il accepterait de combattre pour lui, mais a condition d’envoyer quelques hommes seconder Jon Snow. Les sauvageons sont aux portes de Châteaunoir, et la vieille forteresse ne tiendra jamais un siège avec si peu d’hommes.
Non il devait sortir de l’échiquier, montrer a Tywin qu’il n’est pas le seul seigneur a qui il demanderait de l’aide. La garde de nuit est neutre et ne prend partie pour personne. Il se souvenait des infos de Chataya, les Tyrell sont également ici pour assister au mariage de leur fille avec le roi Joffrey. Mors devra les approcher, mais avec prudence.
- Seigneur Mors ? Dit une voix de velours.
Mors regarda par-dessus son épaule et aperçu Petyr Baelish qui arrivait en compagnie d’une belle rousse à couper le souffle. Mors n’avait jamais connu Littelfinger mais a tout de même entendu des histoires sur lui, l’homme était réputé pour sa ruse au même titre que Varys l’araignée. Il avait son propre réseau et était au courant de tout, ou presque. Mors ne le portait pas dans son cœur, son sourire de fourbe n’inspirait aucune confiance, de même ses manières un peu trop mièvres.
- Lord Baelish.
- Pas de Lord entre nous. Se vexa Littelfinger, Je ne suis pas Lord le moins du monde. Mais je me présente ainsi pour ne pas incommoder les courtisans et nobles avec ma modeste généalogie. Eh bien ! Les robes et les silhouettes de ces dames vous imposent-elles ? Arrivez-vous à faire semblant de bien vous amuser ?
- Malheureusement je fais semblant car je suis ici en service.
- C’est curieux, sourit-il, mais cela confirme l’opinion générale selon laquelle vous êtes inimitable et unique en votre genre. Parce que tous les autres ici sont en service mais ne le reconnaissent pas.
- C’est justement ce que je craignais. (Mors jugea utile de sourire aussi) Je sentais qu’ici je serais unique en mon genre, pas à ma place à vrai dire.
- Puis-je vous présenter Ros, mon assistante.
La Rousse lui gratifia d’un sourire à damner un saint et Mors lui fit le baisemain. Surprise au début son sourire devint plus vrai, plus chaleureux. Littelfinger l’invita ensuite à continuer sa promenade en sa compagnie.
- J’ai entendu des rumeurs du nord, l’une d’elle fait mention d’une patrouille de garde appartenant aux Bolton qui s’est fait attaquée en pleine forêt, personne n’a survécu bien sur, mais tous furent trucidés de la manière la plus horrible qui soit.
- Le nord peut s’avérer dangereux, dit Mors d’une voix grave. J’en sais quelque chose, nous entendons aussi des rumeurs du sud, la plus étrange est celle ou des loups attaquent des voyageurs sans vergogne… Mais je vous ennuie sans doute Baelish, vous savez tout n’est ce pas ?
- Que nenni ! Sourit-il, je ne sais pas tout, comment pourrais-je tout savoir ?
- Grâce à vos relations avec les Tyrell de Hautjardin.
- Les relations, les récits, les ragots… Il faut bien que je les écoute. C’est mon métier. Mais mon métier m’oblige également à les filtrer minutieusement.
Les deux hommes s’arrêtèrent et Ros demeura a bonne distance sans perdre attention a l’échange des deux hommes.
- J’ai aussi appris à filtrer les informations quand j’étais homme lige. Dit Mors en regardant la mer, mais a notre façon a nous bien sur, la traque nécessite un œil et un esprit acéré,
Il le regarda dans les yeux
- Avant de venir ici j’ai réuni des données intéressantes, mais l’une d’elle m’échappe encore.
- Laquelle ?
- Comment se fait-il que les événements en court arrivent à vous profiter, vous Lord Baelish ? Et permettez-moi de vous appeler Lord car vous l’êtes désormais, n’êtes vous pas le seigneur d’Harrenhal ? Et n’êtes-vous pas aussi ami avec la veuve de Jon Arryn ? D’aucun diraient qu’il s’agirait de chance ou d’heureux hasard.
- Et vous qu’en pensez-vous ? Demande Petyr en le regardant avec des yeux étranges.
- Je ne crois pas à la chance. Dit Mors en souriant.
- Et que croyez-vous ?
- Que chacun forge sa propre chance. Dit Mors en notant le changement d’expression de Littelfinger.
- Ou sa propre mort. Dit-il avec un sourire plus large.
- Ooooh ! Dit mors plus amusé que jamais. La mort s’invite dans notre conversation maintenant ? Serait-ce le sujet de philosophie actuel ? La mort ?
- Qu’est ce que la mort selon vous ? Demande Littelfinger poliment.
- Une fin.
- Une fin de quoi ?
- De l’existence je présume.
- J’ai toujours eu horreur des philosophes, dit Baelish avec gravité. tentatives pitoyables et risibles pour comprendre la Nature, ou la mort. D’ailleurs je trouve que cette dernière échappe aussi à la philosophie. C’est comme si une tomate revendiquait les raisons et les conséquences de son existence, alors que son but ultime est de se laisser dégusté dans une assiette, vous me suivez ?
- Je m’y efforce, mais parlez plus lentement mon garçon. Vous vous adressez à une tomate, ne l’oubliez pas.
- Oh dans ce cas je vais reformuler mon discours. Dit Baelish en souriant avec malice. Quel est votre point de vue sur les relations entre hommes et femmes Ser Mors ?
- Tout dépend de l’aspect de la relation. Dit mors en penchant sa tête de coté et en le regardant fixement.
Le visage de Littelfinger se durcit.
- À votre avis, peut-on soumettre une femme à l’obéissance ? Je parle des vraies femmes, naturellement, pas des petites femelles. Peut-on maîtriser une véritable femme ? La dominer ? Faire en sorte qu’elle se soumette à notre volonté ? Et, si oui, de quelle manière ?
Mors jeta un œil discret a Ros puis tourna les yeux vers son interlocuteur.
- Qui est donc cette femme que vous n’avez jamais réussie a dominé, Lord Baelish ? Demande Mors en le regardant dans les yeux.
Cette fois Mors sut qu’il toucha dans le mile. Le visage de Littelfinger arborait un masque indéchiffrable.
- Elle n’est plus de ce monde. Répondit-il après un moment.
Littelfinger le regarda attentivement, Westford n’était pas a prendre a la légère, les menaces ne l’ébranlaient pas, de même que les allusions a demis teintes.
- Je vois, dit Mors en hochant la tête. Je ne suis pas peut être pas aussi philosophe comme vous Lord Baelish, ou aussi fourbe que Varys. Mais je sais reconnaître l’ambition dans chaque homme, ou femme. Dans votre cas, je dirais que vous avez bien réussi à mener votre barque. Mais jusqu’ou ira-t-elle ?
- N’avez-vous point d’ambition Ser Mors ?
Mors éclata de rire.
- Vous savez ? Mes années dans le mur m’ont appris une chose « à chacun ses moyens » Imaginons un chien bâtard qui veut devenir un ours, le serait-il devenu si il avait suivi la voix de son penchant ?
- Le chien reste un chien, il ne pourra jamais devenir un ours. Réplique Littelfinger presque froidement.
- Exactement ! Dit Mors en regardant à nouveau la mer. L’exemple du chien n’est en rien un parallèle avec vous Ser. Ce n’était qu’un pâle exemple, un peu grossier j’en conviens, mais un petit conseil de ma part : Ne confondez pas le ciel et les étoiles qui se réfléchissaient, la nuit, sur la surface de l’étang.
- Merci du conseil Ser. Il est dommage que le roi Robert ne l’ait pas suivi il y a des années, de même que les Lords Stark et Arryn. Ces sangs nobles qui ont déchainé la rébellion, et qui ont rasé ville et cité pour renverser le sang du dragon. Je suis conscient de mon ascendance mon ami, je suis comme diraient certains de petites noblesses, mais je ne lève aucun armée, et je ne tue aucun innocent jusqu'à preuve du contraire, et le pouvoir sur un trône ne m’intéresse pas nullement. Je ne suis qu’un noble rustre qui se fait sermonner par autre noble rustre.
- Très bien Baelish, cessons donc les mièvreries et conversons entres rustres en parlant avec des mots simples.
- Très bien, dit Baelish en souriant.
Mors lui ne souriait pas.
- Pourquoi veux-tu me mettre dans ton échiquier, Littelfinger ? Je sais bien que les gens comme toi détestent une pièce hors du jeu. Et par curiosité quel rôle m’as-tu attribué ? Celui du cavalier ? Ou celui d’un pion saccarifiable comme tu sais si bien le faire ?
- Je ne sais pas pour être honnête. Admit Baelish. Mais autant vous révéler Ser qu’une lutte sans merci se prépare. À la vie à la mort. Il n’y aura pas de pardon. Les uns vaincront, les autres se feront becqueter par les corbeaux. Je vais vous dire, ami, joignez-vous donc à ceux qui ont le plus de chances de l’emporter. Je sais que votre sermon de la garde de nuit vous impose la neutralité, mais pour votre salut joignez-vous aux vainqueurs quand viendra l’heur du choix.
- Allons donc mon garçon, dit Mors en secouant la tête amusé. Si j’avais a perdre quelque chose peut être que je serais tenté par ta proposition, vous êtes là a ripailler sur les restes d’Aerys le fou que vous ne regardez pas le vrai danger qui plane sur vos têtes. Un jour peut être quand vous le verrez, vous vous souviendrez qu’un noble rustre comme tu dis vous a prévenu, mais que vous avez ignoré. Continuez donc vos intrigues, vous et les Tyrell, plu aux dieux que les Stark aient choisi la bonne citation « L’hiver vient ». Nous verrons si votre échiquier vous sauvera des marcheurs blancs.
Mors détourna les talons et se retira, mais :
- Un instant Ser Mors !
Il s’arrêta et regarda Littelfinger par-dessus son épaule.
- Allez-vous prêter assistance aux Lannister ?
- Peut être...
- Même si cela causera votre mort ?
- La mort est une dette que chacun ne peut payer qu'une fois.
Mors se retira et Ros le suivit des yeux, puis se tourna vers Littelfinger qui regarda la mer avec gravité, pour une fois elle le vit soucieux et inquiet, et cette vision la combla de joie.