Game of Thrones : Fire and Ice.
Chapitre 44 : Le sauveur de Winterfell. (Jaime Lannister)
5849 mots, Catégorie: T
Dernière mise à jour 29/05/2019 12:11
CHAPITRE NUMERO TRENTE-NEUF : JAIME LANNISTER.
Dès le début lui était parvenu de tous côtés les échos de la bataille et l’horreur absolue du massacre en cours l’avait frappé de plein fouet. Jaime avait beau savoir que l’ennemi était à la tête de plusieurs dizaines de milliers d’unités, les légions qui grouillaient à présent autour de Winterfell lui paraissaient bien trop nombreuses pour espérer en venir à bout.
Très tôt Jaime avait fait sonner les cors Lannister, Tully, Frey et même ceux des différents clans des montagnes qui l’avaient suivi jusqu’ici. Par cet acte, Jaime avait tenu à ce que tout le monde ait connaissance du fait qu’il était arrivé dans le Nord et que loin d’avoir failli à sa parole, à contrario de sa sœur, il ne venait pas seul mais à la tête d’une force constituée de légions issues de grandes maisons.
Et maintenant il ne pouvait même pas prétendre que son concours ferait de lui le sauveur de toutes les âmes qui ferraillaient ici bas puisque les factions qu’il dirigeait ne possédait nulle arme efficace contre un mort si l’on exceptait les flèches enflammées bien que la quantité de traits mortels allait en se réduisant bien trop rapidement à son goût.
Certes l’acier pouvait débiter les membres froids des cadavres. Cependant ça ne les tuait pas. Bronn en avait fait l’amère expérience lorsque, après avoir tranché en deux l’une de ces choses, le spectre en question s’était agrippé à ses chevilles, le faisant choir au sol. Sans ses talents de bretteur, le roturier n’aurait probablement pas survécu.
Pour sa part Jaime se félicitait de posséder Pleurs-de-Veuve dont l’acier valyrien avait contribué à éliminer moult cadavres aux yeux bleus. Malgré tout son handicap ne l’aidait pas et plus d’une fois déjà il en était venu à déplorer la perte de sa main droite, dont l’artefact en or chargé de la remplacer était d’une inutilité sans nom.
Jaime pivota la tête sur sa gauche. Il devait rester concentré le plus possible puisque la menace venait de toute part et le flot incessant de cadavres ambulant empêchait le moindre répit.
Il chercha des yeux le reître qui l’avait accompagné au cours de nombreux affrontements. Bron n’était visible nulle part. Jaime ne s’en formalisa pas plus que cela étant donné que l’intéressé disparaissait et réapparaissait au grès de ses déplacements dans cet océan de spectres en tout genre. Il s’étonna toutefois que l’autre ne cherchait pas à demeurer auprès de lui.
« Vous êtes mon fond d’investissement, lui avait-il déclaré au moment où les premiers ennemis fondaient sur eux. Et si je peux pas avoir mon château grâce à un putain de Lannister, y a une reine des dragons qui pourrait bien me l’offrir pour lui avoir apporté votre tête de régicide. Alors pas question qu’un de ces gus vous tuent tant que j’aurai pas obtenu mon gain. Si un dragon est pas parvenu à vous avoir alors ces choses ne le feront pas tant que votre cher Bronn de la Néra veillera au bien-être de ses intérêts. »
Alors effectivement Bronn lui avait déjà sauvé la mise par trois fois. Toutefois Jaime le suspectait prêt à mettre les bouts pour peu que la situation devienne trop critique. Après tout Bronn préférerait de loin perdre un château plutôt que d’avoir à sacrifier sa précieuse vie dans une entreprise suicidaire.
Dès lors si Bronn venait à manquer à l’appel ce n’était peut-être pas plus mal. Cependant Jaime réalisa que, malgré une tendance à jouer à la girouette, Bronn était potentiellement un des seuls alliés qu’il aurait jamais si par devanture il lui faudrait se confronter à Daenerys Targaryen, les membres survivants de la famille Stark ainsi que tous ces seigneurs Nordiens qui ne seraient que trop ravis de lui faire payer et la mort du roi Aerys II et les meurtres de Robb Stark et de sa mère lady Catelyn tout comme les bannerets des Stark tombés lors de la Guerre des Cinq Rois. Avec en prime l’exécution publique de Lord Eddard Stark qu’on lui imputerait très possiblement malgré qu’à cette époque fut retenu prisonnier dans le Conflans.
Est-ce que le fait d’avoir concouru dans la bataille qui se déroulait actuellement y changerait quoi que ce soit ? Jaime aurait aimé le croire. Toutefois il était plus que vraisemblable qu’on ne lui accorde jamais une entière confiance puisque les Nordiens avaient la mémoire tenace et se plaisaient à ressasser leurs vieilles rancœurs sans que le temps ne change quoi que ce soit à cela.
Jaime se sentait prêt à plaider sa cause et qu’importe les griefs que les gens lui attribueraient, Jaime combattait du côté des vivants et il escomptait poursuivre cette lutte tant que le véritable ennemi ferait peser sa sombre menace sur le monde des hommes.
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Soudain une grande silhouette dégingandée se matérialisa juste devant lui et les cris de rage de Brienne accompagnèrent celle-ci alors qu’elle était occupée à terrasser un à un ses opposants.
Brienne de Torth arborait un bandage rudimentaire sur sa joue gauche. Pansement qui avait d’ors et déjà viré au rouge du fait de sa blessure reçue un peu plus tôt.
Déjà qu’elle n’était pas bien belle à voir, voilà que les Dieux avaient décidé de l’enlaidir davantage, ne put s’empêcher de penser Jaime et ce avant de s’en vouloir presque aussitôt pour cette réflexion, somme toute, mesquine.
Cette façon de faire appartenait à l’ancien lui. Celui du temps où il se pavanait dans l’arrogance et où il possédait encore ses deux mains qui lui faisaient affirmer que nul n’était en mesure de le défier en combat singulier et que tous auraient indubitablement mordu la poussière.
Enfin presque tous. Ser Arthur Dayne l’aurait défait sans problème tout comme ser Barristan Selmy dit « le Hardi ». La pensée du vieil homme lui remémora Qyburn venu apporter la nouvelle à Cersei quant au trépas de cet homme dont la légende s’étendait sur tout le continent. Savoir qu’un tel chevalier de renom avait péri sous les coups de lâches qui portaient des masques, révoltait toujours Jaime.
Quoiqu’il en était, il ne pouvait continuer à se laisser à médire tout un chacun, Brienne incluse. Qui plus est par le fait qu’il respectait grandement cette femme dont le sens de l’honneur dépassait de loin celui des confrères de Jaime.
« Tout comme en ce qui me concerne, moi le régicide, conclut-il sombrement. »
Toujours est-il que le duo qu’ils formèrent en suivant fit des ravages et plus d’une fois chacun sauva l’autre d’une mort certaine.
« Comment se porte le garçon, s’enquit-il dans un moment d’accalmie. »
Brienne l’observa de coin durant une fraction de seconde mais ce fut amplement suffisant pour que Jaime y perçoive là un regard où se partageait le dégoût et le reproche. A moins que le fait d’éprouver personnellement ces sentiments négatifs à son endroit lui fit voir ceux-ci dans les yeux de Brienne de Torth.
Dans tous les cas Jaime avait laissé de nombreux gardes pour assurer la protection de Brandon Stark, dont son oncle Edmure Tully trop content d’échapper au gros du conflit. Toutefois, pour une raison qui lui échappait totalement, Brandon Stark était isolé loin de tout avec seulement une poignée d’individus qui étaient supposés le maintenir en vie.
Lorsque Jaime était tombé sur lui, une gamine gisait non loin de Brandon Stark qui y serait probablement resté lui aussi sans l’arrivée providentielle de Jaime et de ses armées. Néanmoins Jaime ne parvenait à chasser de son esprit la lueur de panique qu’il avait décelé dans les yeux du jeune homme alors qu’il était en train de s’enquérir au sujet du principal intéressé.
Qu’importe le nombre d’années qui s’étaient écoulées depuis son geste fatidique, Brandon Stark paraissait ne pas avoir oublié le fait que Jaime était à l’origine de son état. Et même si très vite le garçon avait laissé place à un masque impénétrable pour ne rien laisser filtrer de ses émotions, Jaime conservait en mémoire la réminiscence de cette terreur sans nom qui avait accablé Brandon et il était très probable que cette vision continuerait à le hanter encore longtemps.
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Plusieurs minutes s’écoulèrent avant que Jaime commence à remarquer que la bataille venait de prendre une toute autre tournure. Assurément il lui fut aisé de constater que les morts étaient moins nombreux et le gros des troupes du Roi de la Nuit se retirait vers des zones plus au nord du fief ancestral de la maison Stark. Pourquoi un tel revirement de situation ? L’ennemi se regroupait-il en un seul et même bataillon dans l’optique de porter l’estocade finale contre les défenseurs de Winterfell ?
Parce que Jaime se refusait à envisager la possibilité que les vivants aient pu remporter cet affrontement sanguinaire. Les morts étaient en supériorité numérique et ce qu’importe les renforts qu’il avait lui-même apporté depuis le Conflans et les différents peuples qui résidaient dans les montagnes, de fait le replie de ses troupes composés majoritairement de spectres d’anciens hommes ne rimait à rien. Après tout agir de la sorte pouvait conduire à l’humanité d’y voir là une possible chance de pouvoir un jour triompher pleinement de ces entités maléfiques si tant est qu’ils parviennent à découvrir comment il faudrait s’y prendre.
A moins que justement c’était là une manœuvre psychologique. Le Roi de la Nuit escomptait probablement leur faire miroiter l’éventualité d’un succès sur le long terme avant de faire mourir cet espoir en ameutant toute sa puissance puis de frapper si fort que jamais l’humanité ne serait en mesure de se relever.
Aussi, sans trop savoir d’où lui venait cette conviction, Jaime était certain que la lutte finale contre ces êtres maudits dans la mort ne se déroulerait pas sur ces terres nordiennes mais en des contrées plus au sud. Et pourquoi pas à la capitale Port-Réal.
Car quoi de mieux que d’anéantir une cité dénombrant des centaines de milliers d’habitants pour apporter le désespoir dans les rangs de ceux qui se représentaient sottement être en mesure de contrer des puissances démoniaques qui les dépassaient.
Cette réflexion faites, Jaime ne put s’empêcher de penser à Cersei. La folie de la principale intéressée l’aveuglerait-elle au point de ne pas réaliser l’ampleur du désastre à laquelle elle s’exposait ou bien réussirait-elle à ouvrir les yeux avant qu’il ne soit trop tard ? Jaime se la représentait dans sa chambre, occupé à contempler les ruines fumantes de la cité, probablement convaincue qu’elle pourrait toujours inverser les choses et être en mesure de venir à bout de ses adversaires, que ceux-ci soient vivants ou morts. Quoiqu’il en était, Jaime était bien trop las de Cersei pour essayer de répondre à ses interrogations.
Toujours était-il que les spectres qui poursuivaient inlassablement de les harceler, continuaient encore de décroître petit à petit. Au moins les hommes qui tombaient sous leurs coups ne se relevaient-ils pas. Lorsque Jaime avait assisté une telle scène dès le début des hostilités, il s’était senti gagné par un frisson d’effroi en voyant ces soldats Nordiens se redressaient les uns à la suite des autres, l’iris de leurs yeux arborant cet éclat bleuté si particulier.
Une bonne vingtaine de ces spectres se rassemblèrent en un même point avant de se précipiter tout droit vers sa personne. Or Jaime n’était pas seul pour contrer cette menace. Et grâce au concours de Brienne, tous deux en virent à bout avec facilité avant de porter l’estocade finale contre les rares morts qui n’avaient pas encore rejoint leurs congénères dans le repos éternel que la magie de l’ennemi n’était plus en mesure de venir troubler.
Finalement, et après que le retrait des forces adverses fut complet, les vivants se refusant à risquer leur existence à les poursuivre trop loin et de tomber dans quelques pièges sournois dressés par la puissance du Mal, il ne resta plus que des centaines de dépouilles qui gisaient dans une neige rougit par le sang et souillée par les membres et viscères qui traînaient ici et là.
Jaime essuya alors sa lame ternie par les assauts qu’il lui avait fallu mener et les chairs putrides qu’il avait pourfendu durant de longues minutes. Après quoi il concentra son attention sur le champ de bataille, non sans ressentir une certaine joie quant au fait d’avoir lui-même survécu à cette boucherie orchestrée par le Roi de la Nuit, bien qu’au fond de lui Jaime avait conscience que ce n’était là qu’une maigre consolation.
En effet, tôt ou tard, il y avait de grandes éventualités pour qu’un jour il devienne à son tour l’une de ces choses sans âme. Il se surprit à prier mentalement les Dieux pour que, si ceci venait à se produire, quelqu’un le libère de cet état de pantin aux yeux bleus.
Jaime n’eut cependant pas le loisir de s’accorder une trop longue récupération. Effectivement il s’avisa que Brienne était en quête de quelque chose. Bien décidé à lui apporter son aide, il se précipita à sa suite.
« Auriez-vous donc égaré quoi que ce soit lady Brienne ? »
Pour il ne savait quelle raison, Jaime avait employé un ton narquois et s’en repentit instantanément lorsqu’il croisa le regard emplit d’inquiétude de Brienne.
« Pardonnez-moi, reprit-il d’une voix contrite. Mes propos étaient on ne peut plus inappropriés. Puis-je concourir à votre investigation des lieux ? »
Pourtant Brienne paraissait ne pas l’avoir entendu et son désarroi grandissait à chaque seconde qui s’écoulait. Jaime nota que son vis-à-vis paraissait sur le point de craquer avant de percevoir en suivant les marmonnements de la guerrière. Jaime dû se pencher vers elle et tendre l’oreille pour percevoir la teneur des propos qu’elle tenait.
« J’ai échoué, psalmodiait la femme originaire de Torth. J’ai failli dans ma mission de protéger vos filles. Je suis désolée lady Stark, je suis vraiment désolée. »
Et Jaime réalisa ce qu’il lui fallait faire. Il attrapa Brienne par les épaules afin de forcer cette dernière à se redresser et de devoir le toiser les yeux dans les yeux. Et bien qu’il eut le temps de remarquer la présence de larmes qui ruisselaient déjà le long des joues, Jaime l’enlaça en suivant et même si durant une fraction de seconde cette dernière émit un hoquet de surprise et d’essayer de se dérober, elle finit par fléchir et s’épancha longuement. Ne trouvant les mots qui auraient pu lui apporter un semblant de réconfort, Jaime se contenta de ce simple geste, escomptant que Brienne réalise par cet intermédiaire qu’il était présent pour elle et qu’il ne l’abandonnerait pas.
Les secondes s’écoulèrent les unes à la suite des autres. Brienne, qui n’était pas connue pour laisser miroiter ses émotions, dans ce monde d’hommes comment la blâmer de vouloir se montrer forte, elle qui tentait de gagner sa place au sein de cette caste de chevaliers interdite aux femmes, pleura abondamment. Jaime en profite pour resserrer quelque peu son étreinte. Il paraissait évident que l’armure mentale que Brienne avait confectionné durant toutes ces années pour se protéger des autres, était en train de se fissurer de toutes parts. Et à présent, la nervosité accumulé au cours de l’affrontement contre les spectres, le fait d’avoir miraculeusement survécu à contrario de son écuyer qui, Brienne le lui avait dit, s’était sacrifié pour elle, ainsi que le fait d’avoir très probablement perdu celles dont elle s’était faites un devoir solennel de protéger quoiqu’il advienne, eurent raison de sa personne et désormais plus aucune digue ne paraissait en mesure de contenir la tristesse qui l’avait submergé.
Dans le même temps, Jaime en avait parfaitement conscience, les fantassins présents autour d’eux ne devaient rien louper de ce spectacle. Jaime, qui était connu pour être l’homme qui avait baissé sa propre sœur, s’adonnait à présent dans les bras d’une bonne femme bien trop grande et qui était loin de ressembler à une beauté. Il réalisa très vite qu’il se contrefichait de ce qu’on pouvait bien en penser et il resta ainsi, muet comme une carpe, à continuer de serrer contre lui celle pour qui il en était venu à éprouver un profond respect.
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Au bout du compte ce fut à Brienne à qui il revint de mettre un terme à cette accolade. Ses yeux brillaient toujours d’une humidité salée, toutefois elle paraissait avoir qu’une hâte, chasser cette démonstration de faiblesse pour laisser place à un faciès d’une femme forte et dont rien ne pourrait venir la perturber.
« Je dois les retrouver, clama-t-elle à haute voix et de façon énergique. Et si j’ai échoué à assurer leur protection alors les Dieux n’auront qu’à me punir pour avoir failli à mon devoir.
-Je vais vous aider à localiser les filles Stark, assura Jaime en toute honnêteté. J’ai moi-même donné ma parole à lady Catelyn que ces filles seraient en sécurité à Winterfell. Je compte bien que ceci soit le cas encore longtemps. »
Comme il ne tarda pas à le remarquer, ses propos touchèrent Brienne. Finalement tous deux entreprirent dès lors à fouiller cette immense zone qui s’offrait à eux. D’autres se joignirent à eux bien qu’ils étaient eux-mêmes en quête d’autres survivants, qu’ils fussent des Lannister, Tully, Frey, Stark, Nordiens, sauvageons ou encore appartenant aux diverses factions appartenant à cette femme Targaryen revenue à Westeros afin d’y revendiquer le Trône de Fer qu’avaient autrefois occupé ses ancêtres.
La silhouette du château se découpait dans le lointain et allait en grossissant toujours plus à mesure que Jaime s’en rapprochait. Cependant il n’y avait nulle trace des filles Stark et Jaime en vint à conclure qu’il y avait de grandes chances pour qu’aucune des deux n’ait réchappé au massacre qui s’était achevé peu de temps auparavant. Néanmoins il se refusait de faire part de ses déductions à une Brienne qui s’échinait à héler le nom des deux jeunes femmes tout en retournant de temps à autre une des innombrables dépouilles qui gisaient ici et là, dans la crainte constante que l’un d’entre eux ne révéla un visage familier.
Levant la tête Jaime remarqua la présence des survivants de Winterfell qui sourdait du bâtiment et hagards ils contemplaient les plaines alentours et Jaime constata que nombreux étaient les hommes à pleurer pour avoir échappé à un trépas qui leur avait paru inévitable.
Soudain une main se posa sur son épaule et il sursauta avant de se dégager. Ce n’était que Bronn dont les traits du visage était rougi par le sang.
« Putain de Lannister vous avez vraiment une fichu chance de cocu, déclara le reître.
-Admettez que vous êtes satisfait de me savoir en vie, rétorqua Jaime. Sans moi vous n’auriez pas de château.
-Il reste votre frère, répliqua l’autre avec nonchalance. Il me paiera pour éviter que je ne lui apporte sa tête à votre chère sœur. »
Décidément Bronn avait le don pour toujours trouver le moyen de retomber sur ses pattes. Quoiqu’il en était Bronn l’escorta en compagnie de Brienne. Le visage de l’homme avait beau être tacheté de sang, en ce qui le concernait ne se voyait nulle blessure. Même sans arme adéquate pour occire un spectre, Bronn s’en était bien sorti face à un adversaire aussi nombreux.
« Il survivra à nous tous, pensa Jaime. »
Ce qui était probablement vrai. Le trio parvint finalement à hauteur du pied de la forteresse où les combattants réunissaient déjà les différentes dépouilles, séparant ceux ayant appartenu au Roi de la Nuit et ceux ayant affronté ce dernier. Tous avaient perdu des compagnons d’armes dans ce conflit et Jaime pouvait prédire que la majorité d’entre eux ne verrait probablement pas la fin de cet hiver et ce tant que leur adversaire n’aurait pas été totalement défait.
Des têtes se tournaient sur son passage mais peu étaient ceux qui le reconnurent. Son visage barbu et ses cheveux n’avaient rien de Lannister avec la teinte grisonnante qui s’y devinait. Jaime avait vieilli et l’éclat de sa jeunesse était loin derrière lui. Toutefois pour ceux qui l’identifièrent il put discerner une forme de dégoût et de défiance dans les yeux de ces derniers.
« On dirait pas que vous les avez sauvé, lui fit Bronn qui avait constaté la chose. Heureusement que j’ai à traiter avec cette reine aux dragons parce qu’avec les Nordiens j’aurai eu droit à de la neige pour récompense. »
Jaime ne releva pas. Il s’avisa plutôt de Brienne qui était toujours en quête des enfants d’Eddard Stark et de Catelyn Tully. Et lorsque le soulagement apparut sur le faciès de Brienne il comprit que l’une des filles avaient survécu. Suivant donc le regard de sa partenaire, Jaime avisa la silhouette de Sansa Stark.
La jeune femme n’était pas seule. L’homme qui l’accompagnait était reconnaissable partout où il allait du fait de sa face qui avait été en partie brûlée voilà bien des années. Que faisait donc Sandor Clegane en compagnie d’une personne du rang de Sansa ? Jaime secoua mentalement la tête. Il devait la protéger, voilà tout.
Quoiqu’il en était, les deux avaient combattu, en témoignait les vêtements tâchés ainsi que des déchirures qui se devinaient ici et là. Et malgré que Sandor Clegane arborait de vilaines plaies, il paraissait ne pas s’en formaliser et envoyait déjà promener les personnes venues lui prodiguer les premiers soins. Jaime nota alors que le Limier n’obtempéra qu’une fois que Sansa l’eut prié de le faire.
« Je suis heureuse de vous savoir en vie, balbutia une Brienne dont les yeux humides menaçaient de verser de nouvelles larmes. J’ai cru vous avoir perdu dans le chaos qui a suivi, continua la femme venue des terres du Sud.
-La fortune a voulu que mes pas me guident jusqu’à Sandor Clegane, répliqua Sansa sans animosité. Qu’en est-il de Bran ? »
Tout en interrogeant la femme qui s’était juré de la protéger, Jaime nota que Sansa le toisait avec une suspicion non dissimulée. Elle devait se questionner sur les intentions du Lannister.
« Votre frère est en sécurité auprès de mes hommes ainsi que ceux de votre oncle, décida de répondre Jaime. Comme il était convenu je suis venu apporter mon aide aux forces du Nord.
-Dans ce cas je vous en suis gré, assura une lady qui n’en demeurait pas moins vigilante. »
Une chose dans sa façon de le toiser lui fit dire qu’elle était au courant que Jaime était à l’origine de la chute de Bran des années plus tôt. Serait-il jugé pour ce crime tout comme pour le meurtre du roi Aerys. Pour ce qui concernait le premier forfait Jaime était prêt à s’en repentir tant il regrettait d’avoir eu un geste aussi cruel. Pour le second il s’estimait incompris.
Jaime n’eut toutefois pas à poursuivre la conversation puisque Sansa s’en allait à présent auprès de ses hommes afin de s’inquiéter de l’état de chacun et Jaime perçut les propos rassurant qui émanaient de la jeune femme. Au moins pouvait-il estimer qu’elle devait être très aimée de son peuple à contrario d’une Cersei qui méprisait ses sujets.
Brienne emboîta le pas de sa maîtresse et seul Bronn demeura à ses côtés alors qu’il se remettait en mouvement. Une légère angoisse commençait à le gagner à mesure qu’il parcourait les lieux. Où était son frère Tyrion ? Avait-il succombé ou était-il grièvement blessé quelque part où les secours ne pourraient rien pour lui. Il tenta donc d’appeler ce dernier sans que nul ne répondit à ses cris.
« Je savais que je pouvais compter sur toi, fit une voix au timbre familier. »
Pivotant aussitôt sur sa droite, Jaime s’avisa de la présence de son frère qui marchait à sa rencontre. Un sourire franc se dessinait sur le faciès de Tyrion. Cependant ses yeux luisaient d’un éclat où se mêlaient le soulagement d’avoir survécu au massacre et le chagrin quant au prix qu’il avait fallu payer pour réchapper de ce conflit qui avait fait tant de victimes et déversait des litres de sang.
Jaime combla la distance qui les séparait tous deux, mit un genou à terre et tous deux se serrèrent dans les bras pendant un peu plus d’une minute.
« Comme c’est touchant, fit Bronn avec ironie. Il manque plus que Cersei pour partager votre couche.
-Bronn de la Nera, fit Tyrion en s’écartant de Jaime. J’aurai dû me douter que vous ne resteriez pas auprès de ma sœur.
-C’est pas mon type de femme, se contenta de répliquer l’autre en haussant nonchalamment ses épaules. »
En ce qui le concernait, Jaime s’était redressé et identifié les personnes présentes avec Tyrion. Le seul visage qui ne lui était pas totalement étranger provenait de Jorah Mormont. Outre le fait qu’il l’eut remarqué lorsque s’était tenu les pourparlers à Fossedragon, Jaime avait déjà eu l’occasion de l’entrapercevoir lors du grand tournoi d’Harrenhal bien qu’à cette époque Jaime n’avait pas pu y participer puisque renvoyé à Port-Réal par le roi Aerys II une fois que celui-ci l’eut fait intégré la Garde Royale. Tout comme il l’avait côtoyé au cours du tournoi de Port-Lannis ou après qu’ils eurent tous deux brisées neuf lances durant une joute, le roi Robert Baratheon choisit de déclarer Mormont vainqueur. Une décision qui avait irrité un Jaime persuadé de sa supériorité numérique puisque lui au moins était un Lannister qui appartenait à la Garde Royale et dont les talents n’étaient plus à démontrer et qu’il n’était surtout pas un tel parvenu comme Jorah et ce malgré le fait que ce dernier était l’héritier d’une maison féale aux Stark.
« Le régicide, persifla l’autre avec un dégoût évident.
-Lui-même, lui rétorqua Jaime loin de se démonter. »
Qu’il le veuille ou non, ce surnom le suivrait jusqu’à la mort quand bien même ceux qui l’utilisaient avaient pour but de le blesser en l’employant à tout bout de champ. Après Jorah venait d’autres gens que Jaime rangea dans la catégorie des seigneurs et dame du Nord. L’une de ces dernières le fixait avec un éclat farouche dans le regard. Elle ressemblait tellement à l’image qu’on se faisait d’une Nordienne que Jaime manqua d’en rire devant cette évidence. C’était là une chose qu’il aurait été idiot de faire bien qu’il fallu de peu pour qu’il ne craqua.
« Quelle force nous as-tu apporté, reprit Tyrion.
-Les forces qui étaient restées à Vivesaigues ainsi que les armées Tully et Frey. »
L’énonciation de cette dernière famille n’apporte aucun suffrage parmi les Nordiens qui se mirent à gronder. Le souvenir de la traîtrise de Walder Frey était encore trop vivace dans les mémoires.
« On dirait qu’ils détestent plus qu’ils haïssent les vôtres, constata Bronn. »
Une fois de plus Jaime s’abstint de reprendre son vis-à-vis. La rancœur du Nord à l’écart des Lannister était tenace et il n’y avait nulle raison pour que la population de cette région l’oublie aisément. Et en effet ce ressentiment était vivace dans l’éclat des yeux froids qui se posaient sur sa personne.
« Notre sœur enverra-t-elle des renforts, voulu connaître Tyrion qui ne se souciait aucunement du fiel qui émanait des gens dans son dos.
-Cersei n’en fera rien, dû avouer Jaime à contrecœur. Je suis venu de mon propre chef car j’avais donné ma parole de concourir aux côtés de ce Jon Snow pour contrer cette menace des morts. »
Les bannerets des Stark ne perçurent qu’une partie de sa phrase et comme il s’y attendait ce n’était pas celle qui le voyait comme un sauveur.
« Nous savions que cette chienne n’avait aucun honneur. Comment peut-il en être autrement lorsque l’on sait de quelle perfidie cette bonne femme est capable. »
L’allusion à la relation incestueuse que Cersei entretenait avec Jaime était plus qu’évidente. Les tensions ne s’apaiseraient pas aujourd’hui et Jaime n’avait aucune envie d’entrer dans un dialogue de sourd. Si Tyrion n’était parvenu à leur faire entendre raison en plaidant sa propre cause, il n’y avait pas moyen pour que lui-même y change quoi que ce soit.
Le groupe récemment formé fut rejoint par Sansa Stark. Elle s’enquit de l’état des fidèles de sa maison ainsi que celui de Tyrion. Jaime avait oublié que tous deux avaient un jour été marié. Se pouvait-il que cette union se fasse une fois de plus afin d’apporter la stabilité au sein de deux des grandes maisons restantes ? Jaime voulait le croire bien qu’il paraissait saugrenu qu’un tel mariage se reproduise.
« Avez-vous des nouvelles de votre reine, questionna Sansa à l’intention de Tyrion. »
Jaime vit le visage de son frère s’assombrir. Il était clair qu’il n’en avait aucune idée et la perspective d’avoir perdu celle qu’il avait suivi depuis Essos l’accabla grandement.
« Tout ce que je peux affirmer c’est l’avoir vu affronter son ancien dragon. Depuis lors j’ai mené vos seigneurs dans les galeries souterraines que nous avons quitté peu après que les morts eurent renoncé à nous y suivre.
-Daenerys a survécu, assura Jorah Mormont. Elle a échappé à bien des tentatives de meurtres et elle est une femme forte. »
Jaime y décela une note qui prouvait que Jorah parlait en tant qu’homme amoureux de sa reine. C’était pourtant le seul qui se voulait optimiste. Tyrion aperçut des soldats Immaculés et dans une langue qui devait être du valyrien, Jaime ne le parlant pas, il leur déclara probablement de se mettre en quête de leur reine car ceux-ci se séparèrent de tous côtés.
Si il devait s’avérer que Daenerys ait perdu la vie, Cersei y verrait là une bonne nouvelle. Jaime lui ne sut ce qu’il devait en penser. Était-il soulagé à l’idée de ne pas se confronter avec cette jeune femme au sujet du geste qu’il lui avait valu d’être connu de tous comme le meurtrier du souverain Aerys II ? La réponse il la connaissait et décida de l’éluder.
« Je dois la trouver, affirma Jorah qui s’éloignait déjà. »
Les bannerets des Stark ne cherchèrent pas à imiter les fidèles de Daenerys Targaryen. Ils demeurèrent aux côtés de Sansa qui elle-même se plaça à la droite de Tyrion. Un long silence s’ensuivit, uniquement troublé par le sifflement dédaigneux de Bronn.
Tout à coup une silhouette surgit de nulle part et une voix excitée s’éleva de celle-ci :
« Sansa ! »
La jeune femme en question enlaça une gamine qui devait être Arya Stark sa sœur. L’intéressée s’écarta peu après et le coup d’œil méfiant qu’elle lança était adressé à Jaime. Il s’avisa qu’elle portait la main à un poignard qui était d’une facture telle qu’il paraissait hors de prix.
« Je suis rassurée de te savoir là, assura Sansa émue par la présence d’Arya. Je craignais qu’il ne te soit arrivé quoique ce soit. Mais j’aurai dû me douter que tu étais trop coriace pour te faire avoir par de simples spectres, compléta-t-elle avec l’ombre d’un sourire.
-J’ai été sauvé par Nymeria, avoua la jeune femme. Ma louve est venue avec toute une meute et c’était formidable de les voir s’en prendre aux morts. »
Son enthousiasme était telle qu’elle en oublia la présence de Jaime qui s’en félicita. Si les rumeurs sur la mort des Frey étaient vraies, il était possible que cette Arya ait empoisonné tout ceux-ci et Jaime n’escomptait pas terminer comme eux. Il se fit la promesse mentale de veiller à ce que ses prochains repas ne représentent aucun danger pour sa personne.
« Où est Jon, reprit Sansa.
-Il arrive, déclara Arya qui ne s’épancha pas davantage sur la question. »
Elle se tourna à moitié, regardant un point depuis l’endroit d’où elle était arrivée. Un homme venait à leur rencontre, portant une forme allongée. Jaime, tout comme les autres personnes présentes, ne mit pas longtemps avant d’identifier les nouveaux-venus. Jon Snow s’approchait lentement, tenant dans ses bras ce qui était plausiblement le corps de Daenerys Targaryen.