Game of Thrones : Fire and Ice.
Chapitre 21 : Jadis sur l'île aux Faces. (Brandon Stark)
3241 mots, Catégorie: T
Dernière mise à jour 14/01/2019 22:17
CHAPITRE NUMERO DIX-SEPT : BRANDON STARK.
Ici il n’y avait nul habitation humaine et ce depuis la nuit des temps semblait-il. Y avait-il seulement eu des êtres vivants pour affronter le froid glacial qui régnait perpétuellement ? Voilà bien une question qui resterait sans réponse. Quoiqu’il en était le vent soufflait avec une force implacable et pourtant les silhouettes qui progressaient là ne paraissaient aucunement s’en émouvoir.
Il y avait de tout, des hommes, des géants, même des animaux comme des chevaux et des loups géants. Et au vu de l’état dégradé de la grande majorité d’entre eux, il était plus qu’évident qu’il s’agissait là de morts. Tous se déplaçaient au même rythme, marchant droit vers le Nord, gagnant des terres aux conditions toujours plus hostile.
L’éclat des milliers d’yeux bleus luisait étrangement et malgré la neige qui leur balayait le visage, ils continuaient ainsi sans que rien ni personne ne puisse les détourner de leur destination finale.
Et à l’avant de cette puissante armada de cadavres ambulant il y avait une forme humanoïde qui paraissait les guider vers des contrées inexplorées.
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Il revint à lui et réalisa que l’aube s’apprêtait à faire son apparition. Depuis combien de temps était-il plongé dans les méandres du temps, voilà qu’il n’aurait su le dire. D’autant qu’en temps que Corneille à Trois Yeux les flashs perduraient, inlassablement et à toute heure de la journée quand bien même l’éclat de ses iris demeurait tel qu’il était du temps où il avait été ce jeune garçon insouciant et qui aimait escalader les différents murs du château de Winterfell ainsi que de ses bâtiments annexes.
Il en allait ainsi plus particulièrement la nuit et au lieu de profiter d’un sommeil réparateur comme l’aurait fait le commun des mortels, lui-même se contentait de voir. Voir des images de choses qui étaient, qui furent et qui seraient. Toujours.
Bran le savait toutefois, s’il n’avait pas été la Corneille à Trois Yeux il était fort probable qu’il n’eut tenu le coup et que sa tête aurait explosé sous le flot d’informations continues dont son pouvoir le gavait.
Si encore la majorité de ce qu’il apercevait lui permettait de trouver les réponses tant souhaitées, peut-être y trouverait-il là un regain d’intérêt dans cette quête qu’il s’était confiée, à savoir de découvrir comment le Roi de la Nuit avait été défait des millénaires auparavant. Or tout ce qu’il parvenait à repérer c’était l’armée des morts qui s’en allaient vers des terres retirées loin dans le Nord, progressant lentement à la suite de cette silhouette solitaire qui n’était autre que celle de son ennemi.
Cela s’était passé à une époque où la Longue Nuit avait plongé le monde des hommes dans un hiver qui fit énormément de victimes. Le Roi de la Nuit avait alors la main mise sur une bonne partie de la moitié supérieure du continent de Westeros et les royaumes qui existaient alors disparaissaient les uns après les autres sous l’avancée implacable de ces milliers de spectres. Cependant restait que Bran ignorait ce qui avait conduit à ce que la balance s’inverse en faveur des vivants.
Il avait bien un début de réponse. Un homme était venu à bout de cette terrible menace en terrassant son adversaire. Tout du moins en parvenant à le vaincre et à arrêter la lente invasion des cadavres en tout genre. Or le Roi de la Nuit n’avait pas été tué, il l’avait vu, seulement renvoyé de là où il était venu. Pourquoi ce revirement ? Comment ? C’était ce que, en tant que Corneille, il cherchait par-dessus tout.
D’après ce que lui avait dit Samwell Tarly, cet individu mystérieux avait atteint des régions éloignées au nord du continent alors qu’il était en quête des Enfants de la Forêt afin d’obtenir le concours de ceux-ci dans la guerre qui faisait autant de victimes que les forces aux yeux bleus. Ayant une idée de la destination finale de ce héros, il ferma les paupières espérant avoir vu juste.
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Le soleil emplissait des cieux entièrement bleus. Voilà qui était déjà surprenant en soit et ça l’était davantage lorsqu’il regarda autour de lui. Où pouvait-il bien être ? Manifestement loin du vieil arbre aux feuilles rouges où il avait séjourné autrefois et vers lequel il avait escompté apparaître pour savoir si celui qui avait triomphé des morts y était venu car en cet endroit isolé les Enfants de la Forêt se cachaient des vivants comme des défunts.
Seulement voilà, son corps n’apparut pas là où il l’eut souhaité. En témoignait le temps clément qui régnait alors. Il aurait pourtant juré avoir atteint la bonne période. Etait-il en des temps antérieurs ou postérieurs ? Ne pouvant le déterminer avec exactitude, il décida d’explorer la zone et de fait se mit à marcher droit devant lui.
La magie des lieux était puissante et les centaines de barrals qui l’environnaient à mesure qu’il parcourait le terrain, lui fit croire un moment que ses yeux aux larmes rouges avaient conscience de sa présence. Seulement ce ne pouvait être possible. Seul l’enveloppe de son esprit se tenait là, le corps consistant du garçon d’autrefois étant toujours coincé dans le fauteuil roulant.
Par les Anciens Dieux, où avait-il atterri ? Il en avait bien une petite idée mais c’était grotesque puisque sa décision avait été d’atteindre une destination qu’il avait lui-même choisie. A moins qu’une force plus puissante que la sienne n’eut œuvré pour le mener là où il aurait dû véritablement se rendre. Il secoua la tête. Non il était la Corneille, si véritablement il était sur l’Île aux Faces ceci ne signifiait qu’une chose. C’était lui et lui seul qui en avait décidé ainsi.
Ses pas silencieux foulaient l’herbe sous ses pieds. Pour un peu il aurait même cru sentir la chaleur sur ses jambes s’il ne s’était souvenu de son véritable état de garçon paralysé. Le son de l’eau lui parvint et en s’approchant il remarqua qu’une barque s’avançait droit vers le rivage avec à son bord une silhouette solitaire, chaudement vêtu et dont le capuchon relevé empêchait Bran de voir les traits du visage.
Et à mesure que l’embarcation s’aventurait droit sur les berges, la Corneille fut persuadée d’entendre des murmures autour de sa personne et dont le bruissement des feuilles rouges des barrals n’y étaient pour rien.
Finalement l’étranger accosta puis sauta au sol avant de tirer la frêle esquif pour s’assurer que celle-ci ne reprenne le large et le laissant seul sur une terre dont il ignorait tout. L’homme retira la capuche, toisant l’environnement avec un regard clair. Il paraissait tout aussi surprit de découvrir que la chaleur et le beau temps régnaient en ce lieu.
Bran s’en approcha afin de l’examiner. La personne qui lui faisait face avait à peu près sa taille, jeune de visage il possédait une épaisse crinière de cheveux noirs avec des yeux d’un bleu profond. Bran aurait juré qu’il possédait des traits de Stark. Seulement à cette époque cette famille n’existait pas encore. Tout du moins tel qu’elle est à sa propre période dans le futur.
Bien des familles avaient disparu entre ces deux âges, le nouveau-venu pouvait très bien avoir appartenu à l’une d’entre elles. Quoiqu’il en était, il décida de suivre l’homme pour savoir ce qui l’avait amené à arpenter ces terres où, il le savait, nul homme ne s’y était jamais rendu.
Plusieurs minutes passèrent sans que rien ne se passe, tout du moins est-ce ainsi que les choses semblèrent se dérouler, il n’avait plus vraiment de notions de temps bien définies. L’homme arpentait le bois aux centaines de barrals, faisant montre d’une assurance qui impressionna la Corneille. Savait-il par avance ce qui l’attendait ? Peut-être mais la Corneille ne pouvait jurer de rien.
C’est alors qu’il remarqua que de derrière les troncs de minces et petites silhouettes se découpaient, progressant silencieusement sur les traces de cet homme sans identité.
Et soudain l’intéressé se retrouva encerclé par une quinzaine d’Enfants de la Forêt qui armés de piques avec des pointes en verre-dragon l’empêchèrent et de poursuivre plus avant et de revenir sur ses pas. En somme il était totalement cerné.
N’étant lui-même aucunement entravé dans ses mouvements, Bran se plaça au centre du cercle, attendant de voir comment allait réagir cet homme dont une épée reposait sur sa hanche droite.
« Il m’a été dit que je trouverai ici vos aînés, lâcha l’individu sur un ton haut et clair. Je suis venu les trouver car j’en implore à leur aide. »
Les Enfants de la Forêt ne parurent pas comprendre le langage employé, en témoignait les coups d’œil qu’ils s’échangeaient. Ceux qui portaient des lances resserrèrent leurs rangs, se montrant un peu plus menaçant. Malgré tout celui qui était parvenu jusqu’à eux n’était pas disposé à les affronter et il leva les mains, paumes bien visibles, pour montrer ses bonnes intentions.
« Ces terres ne vous appartiennent pas, lâcha une voix. »
Le timbre qui se cachait derrière démontrait de l’ancienneté de son propriétaire. Bran pivota en même temps que son vis-à-vis et ils aperçurent ce qui ressemblait à un vieillard tout ratatiné et qui se déplaçait difficilement à l’aide d’une canne en bois de barral.
« Les hommes ont volé nos territoires et à présent voilà qu’ils décident de violer notre pacte et de pénétrer au sein même de notre principal sanctuaire.
-Je ne suis pas venu ici pour conquérir ce lopin, affirma l’étranger. Ma quête ne poursuit qu’un but, implorer votre aide contre les morts. »
Durant une fraction de seconde, la Corneille sembla croire que l’Enfant de la Forêt ressentait de la tristesse. Ce sentiment disparu lorsque ce dernier parla.
« Les hommes nous ont chassé de nos demeures, nous qui y résidions depuis des temps immémoriaux. Ce qui advient de vous autres est le prix à payer pour ce que mon peuple a subi durant tous ces siècles.
-Les hommes ne sont pas les seuls menacés contre le Roi de la Nuit. Chaque être vivant est condamné face aux forces qu’il a amassé. Les Enfants de la Forêt tomberont si rien n’est fait pour les vaincre.
-Cette île possède une puissante magie, affirma le doyen. Les morts eux-mêmes ne pourraient en fouler le sol. A présent va-t-en avant que je ne décide de te faire exécuter par les miens. Venir en ces terres est interdit et si tu t’obstines dans cette voie je crains que tu ne t’attires la foudre de nos aïeux. »
Déjà les Enfants de la Forêt l’incitaient à reculer via les lances qu’ils pointaient vers lui et en avançant pas à pas. Forcé à obtempérer, l’individu n’en continua pas moins de vouloir défendre la cause de ceux de sa race.
« Les Enfants ont succombé dans les Bois-aux-Loups. Seul l’un d’entre eux en a réchappé et lorsque je l’ai trouvé il m’a dit où je pouvais vous trouver en affirmant que vous seuls pouviez inversé la tendance de la guerre qui règne et de la Longue-Nuit qui perdure depuis des années.
-Vous dites que notre clan a disparu ? »
Il suffit au vieil Enfant de fixer le regard du jeune homme pour savoir qu’il ne mentait pas.
« Chacun de nous est menacé. Que ce soit les miens ou les vôtres, nul ne peut en réchapper.
-Et qu’attendez-vous donc de nous ?
-Me dire comment mettre fin à ce conflit. On prétend que seul vous autres Enfants de la Forêt détenaient le savoir sur comment terrasser le Roi de la Nuit.
-Le Roi de la Nuit est un être puissant et un redoutable adversaire. Si véritablement vous devez le vaincre cela ne sera pas sans conséquence.
-Si il m’est possible de sauver les différents peuples de Westeros, je suis prêt à en payer le prix, assura l’individu.
-Dans ce cas votre quête ne fait que commencer et vos réponses vous ne les trouverez pas en ce lieu. »
Le vieillard franchit le cercle, progressant avec une extrême lenteur. Il pointa sa canne sur la poitrine de l’individu puis vers un point sur sa droite.
« Là-haut, bien loin dans le Nord, existe le premier des barrals. Si votre but est celui que vous prétendez alors vous le trouverez.
-Y découvrirai-je la façon de venir à bout de notre ennemi.
-Il est possible que tel soit le cas. Ce Roi de la Nuit nous l’avons créé pour contrer les hommes mais nos pouvoirs ont été déjoués par des forces plus anciennes encore. Ce fut une redoutable erreur et voilà qu’aujourd’hui nous payons le prix du désir de notre propre survie. »
La Corneille toisa l’Enfant. Il avait la confirmation d’une vision précédente où il avait vu le Roi de la Nuit voir le jour lorsqu’un morceau de verre-dragon lui fut enfoncé en plein cœur. Toutefois quelles pouvaient bien être les forces que venaient d’évoquer l’ancien ? Les réponses se trouvaient peut-être dans le Nord, prochaine étape du voyage de cet étranger sans nom. Ne lui resterait alors qu’à la localiser dans les méandres du temps et pourquoi pas obtenir les réponses nécessaires pour que dans son propre présent les hommes parviennent à se défaire définitivement de l’armée du Roi de la Nuit.
Et alors que l’inconnu remerciait les Enfants de la Forêt et jurait de ne jamais divulguer avoir mit les pieds sur ces terres, le décor commença à disparaître autour de la Corneille puis tout devint noir.
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Il ouvrit les yeux, réalisant aussitôt qu’il était une fois de plus de retour dans le présent du garçon qu’il était auparavant. La pièce était vide et était éclairée par un feu de cheminée tandis que la nuit s’étirait sur le Nord. Ainsi il devait être parti plus longtemps qu’il ne l’aurait imaginé.
Jetant un coup d’œil autour de lui, il nota la présence de parchemins et de livres sur la table, témoignage silencieux qui lui indiquait que Sam avait été présent à un moment donné. Reste le fait qu’il ignorait quand. Aujourd’hui même ? Un jour ? Davantage ? Il n’aurait su le dire et s’en moquait.
Le mestre lui-même était absent tant et si bien que personne n’était sur place pour l’aider à se mouvoir. Il pouvait certes user de ses mains pour faire avancer son fauteuil sauf que cette tâche le ramenait à sa condition et en tant que Corneille se savoir atteint de cette faiblesse était inconcevable. Il pouvait tout voir et pourtant il était bloqué dans ce fichu siège.
« Bran ? »
La voix qui résonna dans sa tête avait des accents familiers. Meera. Se devait être Meera. Qu’il était surprenant pour lui de « l’entendre » à nouveau. Il ferma les paupières, tâchant de raviver les souvenirs de son ancienne vie et de son lien avec le jeune femme qui l’avait protégé durant toute la période où il avait été au-delà du Mur puis de Château Noir jusqu’à Winterfell.
« Bran c’est moi. »
Il était tout de même incroyable de noter avec quelle clarté lui parvenait le souvenir du timbre de voix de Meera. Un pincement au cœur s’empara de lui et il secoua mentalement la tête. Ses anciennes réminiscences appartenaient au garçon prénommé Bran. Ce n’était pas lui. Ce n’était plus lui. Pourquoi donc devait-il penser une fois de plus à Meera ?
Une silhouette se plaça alors dans son champ de vision. C’était elle. Meera Reed. Que venait-elle faire ici ? Voilà une interrogation qui l’aurait sans doute intéressé si véritablement il y avait vu là un quelconque sujet duquel il aurait dû se préoccuper. Néanmoins il devait feindre la curiosité quand bien même il n’avait cure de ce que la jeune femme pouvait bien lui dire.
« Bonjour Meera. Pour quelle raison te voici de retour dans le Nord ?
-Mon père m’a renvoyé à Winterfell, lui expliqua-t-elle. Il sait que les morts vont frapper ici et il craint pour ta vie. »
Sa seule réponse qu’il daigna lui accorder fut le silence. Il toisait toujours Meera mais ses réflexions internes étaient focalisées sur d’autres temps, d’autres lieux.
« Il sait ô combien tu es important dans la lutte contre le Roi de la Nuit. Il est persuadé que tu ne survivras pas à l’assaut que subira Winterfell. Voilà pourquoi je suis là, je dois te protéger et assurer que tu survives. »
Elle le toisait avec intensité alors que lui-même ne ressentait rien. Il n’était plus attaché aux émotions humaines qui l’auraient affaibli si véritablement il s’était adonné à les ressentir comme autrefois. En tant que Corneille il ne pouvait se permettre cela.
« Bien, consentit-il à dire. »
Il crut déceler une lueur de déception dans le regard brun de la jeune femme. Qu’à cela ne tienne, plus tôt elle accepterait qu’il n’était plus le Bran d’autrefois, mieux ça serait.
Et pourtant tout au fond de lui, si profond qu’il ne le réalisa pas pleinement, il éprouva un pincement au cœur d’avoir chagriné Meera et avec une voix qui était la sienne sans réellement lui appartenir puisque les mots paraissaient avoir été prononcés par une autre personne, il lâcha :
« Je suis content de te voir Meera. »
L’iris de la jeune femme étincelèrent lorsqu’elle perçut ce qu’il venait de déclarer.
« Moi aussi Bran. Tu m’as terriblement manqué, tu sais ? »
Il ne trouva rien à répondre. Ce court instant où Bran, le véritable Brandon Stark, était remonté à la surface, avait été fugace et appartenait au passé. Seule la Corneille à Trois Yeux demeurait désormais et rien ne changerait cet état de fait.