La dernière âme

Chapitre 2 : Au bras de la folie

1622 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour il y a environ 2 mois

Dans les rues désertes, les pas mécaniques de Foxy paraissaient particulièrement bruyants. Le renard avançait à un rythme rapide dans la direction que l'enfant lui avait indiquée plus tôt. Le temps pressait. Elle avait perdu connaissance deux fois et une tâche de sang de plus en plus étendue apparaissait sur son drap de fortune. La Marionnette assurait la surveillance, secouant de temps en temps la petite quand elle tournait de l'œil. De temps à autre, elle se mettait à délirer, à demi-consciente. Elle se mettait à vouloir faire reculer un ennemi invisible, comme si Springtrap se trouvait toujours avec elle. Les deux Animatroniques hantés s'inquiétaient sincèrement pour sa survie.


L'hôpital apparut enfin à l'horizon. Le renard ralentit le pas. Au dessus du porche, des caméras de surveillance tournaient d'un côté à l'autre. S'il parvenait à placer la petite sur le sol pendant que la caméra n'était pas pointée sur lui, il ne serait pas remarqué. Il progressa rapidement et s'exécuta. Il posa lentement la fille sur le sol, récupéra la Marionnette et courut se cacher derrière un mur. La scène se passa en seulement quelques secondes, personne ne remarqua rien.


Quelques minutes plus tard, des urgentistes sortaient avec un brancard pour prendre en charge la fillette. Foxy patienta, pour s'assurer qu'ils ne lui faisaient pas de mal, puis recula dans l'obscurité. Il jeta un coup d'œil derrière lui, les ombres de deux de ses amis l'observait.


"Où est Bonnie ? demanda t-il."


Il est parti en éclaireur pour trouver Springtrap. Nous le rejoindrons quand tu seras libéré de ton corps, à six heures.


Foxy hocha la tête, il ne lui restait plus qu'à trouver une cachette pour son corps robotique. Une porte ouverte attira son attention, un peu plus en contrebas. L'âme de Marionnette quitta son corps Animatronique quelques instants pour s'assurer qu'aucun danger ne s'y trouvait. Elle lui fit signe d'entrer. Il s'agissait d'un petit entrepôt, situé dans le sous-sol de l'hôpital. A en juger par la saleté, personne ne venait ici souvent. Foxy plaça son exosquelette dans une pièce protégée par une porte. Il s'enferma dans le noir réconfortant et ferma les yeux. Le renard secoua la tête quelques secondes, puis celle-ci se baissa, figée, comme si rien ne s'était passé. Les six heures du matin venaient de sonner.


Une ombre glissa en dehors du robot. Elle rejoignit un de ses compagnons qui l'attendait non loin. Une oreille humaine aurait pu les entendre murmurer et rire à voix basse, avant qu'elles ne disparaissent mystérieusement avec les premiers rayons du soleil.


**********


La chaleur élevée de cette nuit d'été avait découragé les fêtards les plus aguerris de sortir s'amuser. Les rues désertes donnaient à la ville des allures de cité hantée qui convenait parfaitement à l'unique personne qui osait s'y aventurer. La silhouette d'un costume de lapin démesuré avançait au rythme de foulées mécaniques qui se répercutaient en écho sur les pavés de marbre froids.


Sa fourrure jaunâtre, déjà en mauvais état, était tâchée d'immenses taches rouge vif qui peinaient à sécher tant la quantité de sang était importante. Ses deux yeux brillaient d'une lueur violette dans l'obscurité alors qu'il poursuivait son chemin, guidé par les illusions de sa propre folie.


Regarde-toi...


Springtrap s'arrêta. Le reste de ses oreilles, un alliage de métal rouillé, recouvert de quelques touffes de poil, se dressa. Il tourna légèrement la tête et lança un regard fou aux ombres derrière lui. Elles le suivaient. Ils savaient. Ils finissaient toujours par le savoir d'une manière ou d'une autre.


Tu avais promis... Tu as été puni... Pourquoi as-tu recommencé ?


Le robot poussa un grognement et reprit sa marche. Il sentit immédiatement leurs regards sur lui. Pourquoi ne le laissaient-ils pas tranquille ? Pourquoi s'acharnaient-ils sur lui ? Lorsque la mort était venue le quérir, après des années à danser avec elle, il avait naïvement cru pouvoir leur échapper. Ils l'avaient ramené, laissé à la torture dans ce costume, cette prison dont il ne pourrait jamais s'échapper, entouré de leurs ombres et de leurs murmures incessants. Il avait beau avoir tenté de se donner la mort, de brûler son enveloppe charnelle, de les détruire un à un, ils parvenaient toujours à le ramener, d'une manière ou d'une autre.


Pensais-tu vraiment qu'il n'y aurait aucune conséquence ?


Springtrap leva la tête vers le ciel. Le soleil se lèverait bientôt. Il devait trouver un endroit où se cacher. Sa malédiction prenait heureusement fin sur le coup des six heures du matin. Un mouvement rapide qui se rapprochait attira son attention. Il se cacha dans une ruelle, tapis dans l'ombre. Il eut la mauvaise surprise de voir le renard passer.


Dans une autre vie, Foxy avait été l'une de ses créations préférées. Aujourd'hui, il le tourmentait, comme les autres. Au fond, ils n'étaient que des fantômes qui jamais ne pouvaient fermer les yeux, comme lui. Ils n'étaient pas si différents. Du moins, il cherchait à se rassurer en le pensant. Prudemment, il passa la tête hors de sa cachette. L'Animatronique venait de tourner au bout de la rue.


Sans réfléchir plus, il se lança à sa poursuite, à grande distance. Même si l'acte ne servait pas à grand chose, puisqu'ils le surveillaient sans repos, les vieilles habitudes humaines refaisaient parfois surface. Il accéléra légèrement la cadence pour essayer de le rattraper. Il portait quelque chose dans ses bras et Springtrap voulait voir de quoi il s'agissait.


Malgré l'état de délabrement dans lequel il se trouvait, Foxy marchait plus rapidement que lui. Il avait toujours été le plus rapide. Le dernier jour de sa vie humaine, il avait été le dernier à tenter de le pousser dans cette carcasse métallique. Il ne lui en voulait pas. Il l'avait mérité. Il ne pouvait vivre éternellement à l'abri, c'était le jeu.


Springtrap s'arrêta quand le renard ralentit sa course. Il venait de poser son précieux paquet sur le sol et reculait déjà pour se mettre à l'abri. Le lapin se sentit défaillir quand il vit des hommes sortir de l'imposant bâtiment, avec un brancard. Quelqu'un avait survécu. Il se trouvait trop loin pour apercevoir le visage de celui qui lui avait résisté.


Pourquoi as-tu fait ça ?


La voix dans sa tête sonna menaçante, mais il l'ignora. Une peur sourde, celle qui l'avait suivie pendant ses longues années de chasse, refaisait surface : celle du jugement. Elle était ridicule, par ailleurs. Il était mort. Il errait, certes, mais la justice pouvait-elle quelque chose contre lui ? Celle des hommes, en tout cas, ne le pouvait pas.


Personne ne pouvait l'arrêter.


Alors pourquoi la peur tétanisait ses circuits métalliques ? Pourquoi la survie de cet enfant l'inquiétait ? Il se tourna vers les ombres. Leurs yeux blancs riaient de lui. Un doute l'assaillit alors. L'enfant pouvait-il l'atteindre, d'une manière ou d'une autre ? Soumis aux pulsions de son esprit paranoïaque, il commençait à perdre pied. L'obscurité dans laquelle il vivait habituellement devenait plus oppressante.


Aurais-tu peur ? Je sens que tu as peur.


Les ombres devinrent de plus en plus nombreuses autour de lui, de plus en plus moqueuses. Elles l'étouffaient et le pointaient du doigt en murmurant. Leurs sourires se reflétaient dans leurs yeux. Il en était certain, maintenant. Ils avaient trouvé un moyen de l'arrêter. Il devait fuir. Il devait leur échapper. Il lança un regard vers la cachette de Foxy.


Deux yeux blancs étaient posés sur lui, décidés. Et elle les garda braqués vers lui, avides de vengeance, jusqu'à la disparition du robot dans une pièce qui jouxtait l'hôpital. La Marionnette. Il se souvenait brièvement l'avoir tranché en deux, dans la nouvelle pizzeria. Était-ce une pizzeria ? Il l'ignorait. Il ne savait plus où il se trouvait. Il n'avait rien contrôlé, c'était le monstre en lui qui avait parlé. Les ombres l'empêchaient de réfléchir.


"Laissez-moi ! hurla t-il rageusement, en balayant l'air."


Les ombres ne firent que tourner autour de lui un peu plus rapidement, en riant. Springtrap ferma les yeux et se concentra sur le vide. Il ne pouvait pas perdre le contrôle maintenant. Pas comme plus tôt. Ce n'était pas lui. Ce n'était plus lui. Il avait changé. Il voulait s'en convaincre. Le sang sur son costume n'était que le fruit d'un accident.


Petit à petit, il se calma. Il rejeta de la main les ombres trop insistantes et reprit sa route. Le ciel s'éclaircissait, tout comme le fil de ses pensées. Le jour serait bientôt là. Il voulait rester près de l'hôpital pour pouvoir suivre l'avancée de Foxy le lendemain soir, mais assez loin tout de même pour ne pas être surpris si l'Animatronique se réveillait avant lui.


Aujourd'hui, il avait eu de la chance. Coupé des autres Animatroniques et désorienté, le renard n'avait pas eu d'indices pour le localiser. Demain serait un autre jour. Une vieille église condamnée faisait face au centre de soins. Le lapin fractura l'une de ses fenêtres et entra. Il se camoufla comme il put dans un confessionnal trop étroit et quelques minutes plus tard, sa tête retombait contre sa poitrine alors que l'âme du monstre rejoignait son enfer personnel pour la journée.


Laisser un commentaire ?