Kyme - Partie 1 - Tests

Chapitre 9 : Père et Fille

Catégorie: G

Dernière mise à jour 10/11/2016 03:44

Père et Fille


 


 


 

Raijin posa un genou à terre, essoufflé. Edern se tenait devant lui avec un sourire narquois. Le même que Fujin, remarqua-t-il immédiatement. Mais malgré son air triomphant, Edern avait quand même le souffle un peu court.

- Vous vous battez bien, réussit à articuler Raijin.

- Tu ne te défends pas mal, toi non plus, admit son entraîneur. Et arrête de me vouvoyer, je t’ai déjà dit que je ne supportais pas ça.

- Je ne vous tutoierai que le jour où je serai de votre niveau.

- Et bien, je te souhaite bon courage, sourit de plus belle Edern.

Raijin hésita. Edern était en confiance avec lui, mais il craignait que sa question ne fasse tout voler en éclat, tout comme cela se passait avec Fujin. Mais il voulait savoir. Cette question le poursuivait maintenant depuis tellement de temps. Il se lança.

- Monsieur, je peux vous poser une question personnelle ?

Edern fronça les sourcils.

- Vas-y. ..

- Comment Fujin a-t-elle perdu son œil ? se risqua-t-il.

Son entraîneur se rembrunit et ses yeux laissèrent échapper une profonde douleur. Raijin se doutait qu’il y avait anguille sous roche pour cette histoire, mais il ne pensait pas qu’il rouvrait aussi fortement de vieilles plaies. Ne saurait-il jamais le fin mot de l’histoire ? Mais pour le moment, il devait s’excuser. Quoiqu’il ait pu se passer, ce n’était pas à lui de forcer le passage pour connaître la vérité.

- Pardonnez-moi, je n’aurais pas dû vous demander ça. Je vais vous laisser.

- Attends ! ordonna la voix fortement.

Il ne bougea pas.

- Pourquoi veux-tu savoir ça ?

- Depuis que je connais Fujin, elle ne supporte pas qu’on lui parle de son œil, je veux dire sur les circonstances de cette perte. Ça la faisait entrer dans une colère folle. Et la seule autre fois où je l’ai vue autant en colère, c’est quand on cherchait cette ville. J ’ai pensé que les deux étaient liés et que vous deviez connaître les raisons de cette colère. Mais je n’ai toujours pas répondu à votre question. Je veux juste comprendre pourquoi elle a cette colère en elle et l’en débarrasser. Sinon, tôt ou tard, sa haine la dévorera.

Edem sembla hésiter.

- Vous êtes son père et donc le plus à même de m’aider, rajouta Raijin.

Le visage d’Edern se ferma complètement.

- Je ne suis plus son père depuis longtemps. L’entraînement est terminé. Bonne nuit, Raijin.

Et il disparut dans la seconde qui suit dans la semi-pénombre de la caverne. Raijin resta muet de stupeur. Il ne s’attendait pas a un tel revirement d’attitude. Il fut tiré de sa rêverie par la voix stridente de Linoa qui hurlait son nom. Il lui signala aussitôt sa présence. Elle sortit d’un fourré suivi de Maxime.

- Tu trompes notre chef ? Il ne sera pas content de l’apprendre, taquina-t-il.

Linoa rougit.

- Abruti ! Comme si je pouvais le tromper ! Je l’aime trop pour ça !

- Bon alors, qu’est-ce que tu me veux à hurler mon nom comme ça. Tu vas réveiller tout le village avec tes cris stridents.

Linoa ne releva pas la pique, ayant trop de choses en préparatifs et en ébullition dans le cerveau.

- Écoute, c’est pas le moment de faire des blagues vaseuses. J ’ai appris des choses importantes... Sur Fujin.

Elle murmura la fin de la phrase ne voulant pas être entendue.

- Quoi I? Dis moi ce que tu sais ! s’exclama Raijin.

- Chut !

Elle regarda autour d’elle. Il valait mieux que Fujin n’ait pas vent de leurs projets.

- Suis moi, souffla-t-elle. Viens aussi Maxime.

Elle les conduisit à l’endroit où elle était tout à l’heure. C’était l’endroit le plus discret et le plus calme du village.

- Maxime, répète-lui tout ce que tu m’as dit tout à l’heure.

- Tout ?

- Oui, c’est une façon d’expier ton erreur, si tu veux. Raijin est celui qui connaît le mieux Fujin entre nous deux. Il pourra nous dire si nous avons des chances de réussir, ou si nous nous trompons complètement. Depuis qu’il la connaît, il a toujours voulu savoir d’où lui venait cette haine. Il a le droit de savoir.

- Bien, mais asseyons-nous, l’histoire est longue.

Ils s’assirent, Raijin extrêmement attentif à ce qu’allait lui raconter Maxime.


 

Edern se sentait perturbé. Il n’aurait pas dû être aussi dur avec Raijin, il ne le méritait pas. Il ouvrit la porte de sa maison. Il s’arrêta net devant son salon. Fujin était assise sur le siège où il lui racontait des histoires devant le feu quand elle était petite. Elle regardait pensivement les flammes du foyer allumé. Ce souvenir le ramena des années en arrière, aux moments heureux de leur vie. Ses yeux se mouillèrent. Il se rappela la douleur qu’il avait eu à sa disparition. Pendant un instant, il la regarda avec des yeux de père. Il vit à quel point elle avait grandi et était devenue une belle jeune femme, qui ressemblait tant à sa mère. Comme il aurait voulu la féliciter d’avoir si bien mûri ! Mais ce n’était pas possible. Dans son désarroi, il ne put s’empêcher de murmurer :

- Ma fille. ..

Fujin l’entendit et bondit de son siège. Son œil était embué. Mais son regard se remplit de haine en le voyant. j

- Que veux-tu ? Lui lança-t-elle d’un air mauvais.

- Rien, maugréa-t-il.

Il se dirigea vers sa chambre, tandis que les larmes lui montaient aux yeux. Il s’allongea sur son lit et laissa sortir sa douleur. Pendant ce temps, Fujin se réinstalla dans le fauteuil, le regard triste.


 

Maxime venait de finir de raconter la triste histoire de Fujin. Cela avait été bien plus rapide avec Raijin, car celui-ci ne posait aucune question, se contentant juste d’écouter.

- Bien, je comprends mieux maintenant, admit Raijin.

- Tu vas nous aider ? interrogea Linoa.

- A quoi ?

- A réconcilier Fujin et son père, pardi !

- Évidemment, mais ça ne va pas être facile. Telle que je la connais, elle va se braquer et ne voudra rien entendre.

- A trois, on devrait y arriver, assura Maxime.

- On a plus qu’à essayer, conclut Raijin.

- Où est Fujin ? demanda Linoa.

- Je crois l’avoir vue rentrer à la maison, dit Raijin.

- Alors, allons-y ! s’exclama Linoa. Le combat sera rude, alors motivons-nous ! Nous devons gagner coûte que coûte !

Raijin et Maxime sourirent.


 

Fujin monta se coucher. Elle avait eu beau chercher, mais il n’y avait nulle part trace d’Orceïn et d’Orina, et pourtant... Le village était le seul lien entre elle et Edéa. Son père avait bien frémi en entendant ces deux noms. Elle n’en doutait pas, elle l’avait tout de même côtoyé pendant neuf ans. Elle crut entendre des pleurs en passant devant la chambre de son père. Ce devait être son imagination. Elle allait devoir lui parler en face à face pour lui tirer les vers du nez. Elle qui ne voulait pas lui adresser la parole, elle était gâtée. Elle gagna enfin sa chambre et s’allongea sur son lit, le lit de son enfance. Quelque part cela l’apaisait. Elle connaissait le moindre repli et grincement de son sommier. Elle se sentait à l’abri, en un lieu où rien ne pouvait la déranger. Des coups furent frappés à la porte. Elle alla ouvrir. Raijin, Linoa et Maxime se tenaient devant elle, le regard décidé. Elle fut surprise de les voir aussi déterminé.

- Qu’est-ce qui vous prend ?

- On a à parler, dit fermement Linoa.

- Vous avez eu des renseignements ? s’étonna-t-elle.

- En effet, lui répondit sa voisine de chambre.

- Mais qu’est-ce que vous attendez, entrez donc ! Je te signale que c’est aussi ta chambre, Linoa. Tu peux entrer sans frapper. On n’a pas besoin de faire toutes ces manières.

Ils entrèrent donc tous et Raijin s’adossa à la porte après l’avoir soigneusement refermée. Fujin ne s’en offusqua pas vu que finalement les choses s’arrangeaient pour elle. Peut-être qu’ils ne devaient pas être entendus.

- Alors ? questionna-t-elle après que Linoa se soit mise devant la fenêtre et que Maxime se soit assis sur l’autre lit, installé par les circonstances pour Linoa.

Raijin, lui, dormait habituellement sur le divan du salon, ayant refusé qu’Edern le fasse.

- C’est à propos de ton père. .. commença Maxime.

- Je m’en doutais. Il sait quelque chose, hein ? Je voulais aller lui parler pour le faire avouer ce qu’il me cachait. Je dois dire que vous m’ôtez une sacrée épine du pied, s’excita-t-elle.

Maxime regarda Linoa qui lui fit signe de continuer.

- Je ne t’ai pas tout dit à ce sujet et surtout. ..

Il hésita un instant.

- Quoi ? Quoi ? le pressa-t-elle, ne tenant plus d’avoir enfin une réponse à ses questions.

Devant son impatience, il rassembla son courage et se prépara à affronter sa colère.

-. .. tu ne sais pas tout sur la mort de ta mère.

Quelque chose se brisa en Fujin. Elle bondit de son lit.

- Quoi ! Et que veux-tu que je ne sache pas à propos de la mort de ma mère ! s’égosilla-t-elle. Ce salaud l’a laissée mourir, ça me suffit ! Je n’ai pas besoin d’en entendre davantage !

Elle se rappela alors de la présence de Linoa et de Raijin.

- Tu leur as tout raconté... Pour qui tu te prends pour raconter ainsi ma vie à n’importe qui ! hurla- t-elle.

Maxime baissa la tête.

- Ils veulent juste t’aider.

- Tais—toi ! Tu me dégoûtes ! brailla-t-elle de plus belle.

Raijin songea que la situation se présentait mal. Si Maxime n’arrivait pas à le lui dire, ce serait à eux de le faire. Mais si Fujin voulait sortir de la pièce, il l’en empêcherait, quoiqu’il advienne. Il ne la laisserait pas fuir davantage. Son regard croisa celui de Linoa et il vit qu’elle était aussi déterminée que lui. Cela le rassura et il se tint encore plus fermement contre la porte. Fujin criait toujours. Il se décida à aider Maxime.

- Calme-toi Fujin !

- Et pourquoi ! lui lança-t-elle l’œil furibond. Il croit peut-être qu’il va pouvoir excuser mon père ! Et toi ! Tu dois être content, non ? Depuis le temps que tu voulais savoir ce qui était arrivé à mon œil !

- Écoute au moins ce qu’il a à te dire, lui rétorqua-t-il, nullement impressionné par la colère de son amie.

- Jamais ! hurla-t-elle.

- On veut juste t’aider, essaya Linoa.

- Je n’ai pas besoin de votre aide, et je suis suffisamment grande pour régler mes affaires toute seule !

Sa colère grandissait encore et encore. Maxime maudit sa lâcheté et se décida enfin à frapper un grand coup. Pour une fois, il voulait arriver à quelque chose.

- Peut-être pas. ..

- Que veux-tu dire, je te prie ? grinça Fujin.

Maxime soutint son regard et se leva. Il allait être dur mais il le fallait.

- Tu te sentais grande quand tu es sortie,il y a neuf ans. Mais cela a entraîné la mort de ta propre mère ! Alors, tu as toujours envie de jouer à la grande et de tout flanquer par terre ! finit-il par crier.

Fujin recula surprise. Jamais elle n’avait vu Maxime crier. Il était toujours calme. Elle se dirigea vers la porte le cerveau en ébullition.

- Tu as encore l’intention de fuir ? la provoqua-t-il.

Elle ne répondit pas.

- Pousse-toi, maugréa-t-elle à l’adresse de Raijin.

- Non.

- Pousse-toi ! récria-t-elle.

- Non, lui répondit-il toujours impassible.

- Pourquoi ?

- Tu as encore la chance d’avoir un parent en vie et je ne peux pas te laisser te détruire. Ta haine finira par te consumer.

Elle cilla. En effet, Raijin était un orphelin qui avait longtemps vagabondé avant d’arriver à la B.G.U.. Il n’avait aucune chance de retrouver ses vrais parents. Elle se reprit.

- Si tu ne te pousses pas, j’emploierai la force.

- Fais-le. ..

- D’accord, répondit-elle un sourire cynique aux lèvres. Météore !

- Arrête Fujin ! cria Linoa.

Mais ce fut peine perdue. Raijin encaissa l’attaque de plein fouet. Mais il tint bon, malgré les multiples blessures qui parsemaient son corps.

- Morphée ! lança Linoa qui jugeait que la situation dégénérait un peu trop, mais le sort n’eut aucun effet.

- Je suis protégée contre toutes les attaques mentales, c’est inutile.

- Zut, Soin Max !

Quelques plaies de Raijin se refermèrent. Maxime, fasciné par le spectacle des magies qu’ils n’avaient jamais vu auparavant, restait bouche bée

- Écarte-toi, si tu ne veux pas mourir. Même Soin Max ne pourra pas te permettre de tenir le coup contre plusieurs Météores.

- Alors tue-moi, déclara calmement Raijin.

- Que... ?

- Tant que je serai vivant, je ne te laisserai pas sortir, quelques soient les moyens que tu utiliseras.

- Tu irais jusque-là ?

- Oui, Fujin.

Elle cilla pour la deuxième fois. Elle avait compris qu’il était déterminé et il irait jusqu’au bout. Elle ne voulait pas faire de mal à Raijin, mais il était hors de question d’écouter ce qu’ils voulaient lui dire. Et si elle se trompait ? "Non!", s’entendit-elle hurler intérieurement. Mais le regard de Raijin était direct et franc, elle n’avait pas le choix. De plus, Linoa, avec toutes les magies qu’elle avait pu accumuler lors des combats avec Ultimecia et ses sbires, pouvait largement lui tenir tête. Et Maxime pourrait la neutraliser pendant qu’elle se concentre pour envoyer une magie ou une invocation. Elle n’avait aucune chance de réussite. Elle devait céder. Peut-être que finalement, elle n’était pas aussi grande qu’elle ne le pensait. En tout cas, elle ne pouvait blesser davantage Raijin qui l’avait soutenu, en tant d’occasion. Elle allait se décider quand le vent tourna en sa faveur.


 

Raijin vit aux changements d’attitude de Fujin qu’elle allait céder. Il s’en réjouissait déjà quand, soudain, il se sentit tomber en arrière et se retrouva les quatre fers en l’air. La situation aurait pu être comique si elle n’était pas si grave. Une voix puissante se mit à crier, faisant trembler toutes les fondations de la maison.

- Mais qu’est-ce qui se passe ici !! On ne peut plus dormir tranquille ou quoi !!!

C’était Edern qui venait d’ouvrir la porte et fait tomber Raijin. Il avait été réveillé par les cris de Fujin et le bruit du Météore, qui n’était pas en soi un sort très discret. Fujin en profita pour bousculer son père, sortir de la pièce et s’enfuir en courant. Raijin se lança à sa poursuite. Linoa voulut le suivre mais Edern lui barra la route.

- J ’attends des explications.

Il ne semblait pas d’humeur à être contrarié. " Encore un de mauvais poil au réveil. Comme si Squall ne me suffisait pas. ", songea-t-elle. Elle voulut parler mais Maxime fut plus rapide.

- Je vais tout vous expliquer. Linoa, retrouve Raijin et allez dans le grenier du vieux moulin en haut du village. C’est toujours là qu’elle allait quand elle était triste ou avait un problème. Elle va certainement y retourner instinctivement.

- Je me suis toujours demandé où c’était, maugréa Edern, visiblement pas dans son état normal, ses anciens sentiments d’amour pour sa fille refaisant surface dans la nuit.

Il se surprit d’ailleurs à ne pas les cacher mieux que ça. Linoa lança un coup d’œil interrogateur à Maxime.

- Je vais devoir expier ma faute, mais je suis prêt à recevoir la punition que je mérite. Ne t’inquiète pas et va la retrouver. Elle a besoin de votre aide et vous serez plus efficaces que moi.

- Merci et bon courage, acquiescera Linoa en contournant Edern dépassé par les évènements.

"C’est moi qui te remercie. Toi aussi tu m’as donné le courage de battre ma peur.", pensa Maxime.

Puis il se tourna vers Edern.

- Monsieur Hoecke, venez vous asseoir, je dois vous expliquer plusieurs choses.

Edern, trop perdu pour résister, obéit et s’asseya. Il réussit juste à maugréer un: "Arrête de m’appeler Monsieur, il est trop tard pour ça.". Maxime se mit alors en œuvre pour lui raconter ce qui venait de se passer et ce qu’il lui avait caché.

Linoa retrouva Raijin dehors.

- Elle m’a échappée, lâcha ce dernier.

- C’est pas grave, je sais où elle est. .. Ah ?

- Qu’est-ce qu’il y a ?

- On va avoir un problème. Comment trouver un vieux moulin en haut du village, alors qu’il fait nuit et que le village fait un cercle remontant sur tous les bords avec des moulins partout, expliqua- t-elle. Dans ces conditions. ..

Elle mit ses doigts dans sa bouche et émit un long sifflement. Un petit jappement lui répondit et Angel sortit d’un des buissons environnants. Linoa se baissa à sa hauteur.

- Cherche Fujin, Angel, cherche la vite, c’est important.

La chienne huma l’air et partit au galop vers leur gauche. Ils se lancèrent à sa poursuite. Quelques minutes plus tard, ils arrivaient à un vieux moulin abandonné.

- C’est ici ? s’étonna Raijin.

- Elle est dans le grenier, d’après Maxime, répondit Linoa.

Elle fouilla ses poches et donna un biscuit à Angel qui grogna de plaisir et alla se coucher un peu plus loin. Peu après, ils trouvèrent Fujin, pensive, dans le haut du moulin. L’ouverture devant elle permettait de voir tout le village semi-éclairé. Leur tournant le dos, elle tenait dans la main la poupée qu’ils avaient trouvé à l’extérieur.

- Fujin, appela doucement Linoa.

- Vous ne me laissez jamais en paix ! Pourquoi ?

Raijin se rasséréna. Il n’y avait plus beaucoup de haine dans sa voix. En insistant, il la ferait céder.

- Fujin, reprit Linoa, tu sais, moi aussi j’ai été comme toi. Je détestais mon père. Après le combat contre Ultimecia, j’ai tout de même accepté d’aller lui parler. Cela nous a fait beaucoup plus de bien que nous le pensions. Il a accepté mon indépendance, et en échange, j’ai promis de l’écouter et de lui obéir plus souvent, même si maintenant, il n’a plus beaucoup l’occasion de me donner des ordres comme il dirige Galbadia. Nous nous sommes enfin retrouvés. Je suis sa fille, il est mon père, ce que nous étions avant la mort de ma mère. Maintenant, je sais que je peux compter sur lui quoiqu’il arrive. Alors, je t’en supplie Fujin, écoute-nous. ..

- Je te le demande aussi au nom de notre amitié, rajouta Raijin.

Fujin se leva et se tourna vers eux.

- Bon, je suppose que je n’ai pas le choix. J’espère seulement que ça sera intéressant après ce que vous m’avez fait subir.

Linoa lui raconta alors avec détail ce qui s’était passé dans le village, le jour où elle était sortie. Comment sa mère était venue la secourir et pourquoi son père n’avait pu l’en empêcher, sa réaction à son réveil et le regret qu’il avait eu de s’être comporté ainsi avec sa propre fille, son désespoir après et le pourquoi de son attitude quand ils se sont revus. Pendant tout ce récit, Fujin n’eut aucune réaction.

- Nous pensons que si tu détestes ton père, c’est parce qu’il n’a pas empêché ta mère de venir à ton secours. Mais il était inconscient. Nous ne pensons pas que tu le détestes parce qu’il a voulu te sacrifier, conclut Raijin.

Fujin se retourna vers l’ouverture du moulin.

- Vous avez peut-être raison... Peut-être... Laissez-moi seule maintenant, s’il vous plaît. ..

Sa voix tremblait. Linoa voulut s’avancer mais Raijin la retint.

- Courage Fujin, dit-il doucement. La vérité est peut-être dur à entendre mais elle a l’avantage d’être la réalité.

Sur ces derniers mots, ils quittèrent le grenier, la laissant seule comme elle le souhaitait.

- Tu crois qu’elle va s’en remettre ?

- Je le pense, acquiescera Raijin. Elle a eu un choc car son père n’est pas le salaud qu’elle pensait. Elle doit revoir sa vision du monde. Mais elle est forte. Elle admettra qu’elle a pu se tromper. Reste à savoir comment va réagir Edem après ce que va lui raconter Maxime.

Ils restèrent silencieux, regardant pensivement le moulin qu’il venait de quitter. Angel se serra contre Linoa en baillant. Elle voulait retrouver son panier.

- Allons nous coucher, concéda Linoa. Nous ne pouvons plus rien faire. La suite ne dépend que d’eux.

Raijin hocha la tête et ils descendirent doucement vers la maison d’Edern, avec la satisfaction d’avoir enfin pu accomplir quelque chose de bien depuis leur arrivée au village, mais avec l’incertitude de la suite des évènements. Ils tombèrent sur Maxime qui les attendait devant la porte.

- Alors ? demanda Linoa.

- Après ce que je lui ai raconté, il est resté silencieux. Il n’a pas eu l’air de m’en vouloir. Puis il a quitté la chambre en me disant qu’il devait réfléchir seul. Et vous ?

- Elle nous a écoutés et nous a demandés ensuite de la laisser, ce que nous avons fait, répondit Raijin.

- Tel père, telle fille, conclut Maxime. En tout cas en voilà deux qui vont passer une courte, sale et drôle de nuit.

- Oui, reconnut Linoa, merci pour tout Maxime.

- Ce n’est rien, j’avais moi aussi ma part de responsabilité. Reposez-vous bien ! lança le jeune homme avant de disparaître dans la pénombre.

Linoa et Raijin rentrèrent dans la maison et se séparèrent, Linoa montant l’escalier avec Angel sur les talons et Raijin s’écroulant dans le divan trop petit pour lui. Il s’endormit rapidement, fatigué par les évènements de la journée qui venait de se passer et par tout ce qu’il avait appris. Il n’entendit pas quelqu’un descendre les escaliers, pas plus qu’il n’entendit la porte d’entrée s’ouvrir et se fermer.


 

Fujin regarda le village, perdue dans ses pensées. Ainsi son père n’avait pas été le lâche qu’elle pensait. Elle ne savait plus que faire. Elle pleura de sa stupidité parce que sa mère était morte par sa faute et non à cause de son père incapable de pouvoir agir. Elle s’allongea dans la poussière du vieux moulin. Sans qu’elle ne s’en rende compte, elle s’endormit l’esprit perturbé. Elle ne se réveilla que trois heures plus tard quand la luminosité grandit. A l’extérieur, le jour se levait et la nuit ne lui avait guère portée conseil. L’œil rouge, elle se décida à faire la seule chose possible. Aller sur la tombe de sa mère et s’excuser même si cela ne changerait rien à ce qu’elle avait fait. Elle quitta son refuge et se dirigea vers l’unique cimetière du village. Elle eut la surprise de voir qu’elle n’était pas la seule à venir dans cet endroit à cette heure matinale. Une silhouette se découpait devant la tombe de sa mère. Une silhouette qu’elle ne connaissait que trop bien. La silhouette de son père. En s’approchant,elle vit qu’il tremblait."Il pleure ?". Le choc fut grand. Jamais de toute son enfance, elle ne l’avait vu laisser échapper une larme. Elle hésita et finit par avancer. Il fallait clore cette histoire. Son ombre finit par recouvrir le corps de son père. Surpris, il se retourna.

- Fujin. . ., murmura-t-il.

Ils se dévisagèrent. Tous deux avaient les yeux rouges soulignés par de grandes cernes. Lui non plus n’avait pas beaucoup dormi. Edern finit par rompre le silence.

- Pardonne-moi, ta mère est morte par ma faute.

- C’est faux ! cria-t-elle, surprise par la propre puissance de sa voix. Elle est morte à cause de mon inconscience.

Son père resta un instant sans voix, mais il se reprit.

- Si j’avais été te sauver, ta mère ne serait pas morte.

- Non, tout le monde serait mort, contra-t-elle. J ’aurais fait la même chose à ta place.

- J ’ai réussi à battre tous les monstres, se défendit-il.

- Tu n’étais pas toi-même. C’est pour ça que tu as réagi ainsi avec moi après.

Edern baissa les yeux, conscient de l’erreur qu’il avait commise.

- Mais je ne t’en voulais pas pour ça, continua-t-elle.

Il releva les yeux et voulut parler mais sa fille l’en empêcha.

- Je t’en voulais d’avoir laissé ma mère sortir et mourir à ma place. Je croyais que tu l’avais laissée faire. Mais je viens d’apprendre que je m’étais trompée. Tu ne pouvais rien faire, tu avais perdu connaissance à cause d’elle. J’ai aussi appris ta réaction et. ..

Fujin posa sa main sur la joue de son père. Celui-ci posa sa tête contre la peau douce et tendre de sa fille.

- ...aussi bizarre que ça puisse paraître, je suis fier de ce que tu as fait, même maintenant encore. Mais. . .

Elle retira sa main devant le regard inquisiteur de son père et recula d’un pas en laissant tomber son bras. Elle détourna son regard sur une pierre à côté de son père, ne voulant l’affronter.

- ...tu dois me détester. A cause de moi, tu as perdu celle que tu aimais et je t’ai fait beaucoup trop souffrir. Alors, je vais repartir et ainsi, tu ne souffriras plus. Mes amis et moi allons partir tout de suite. Nous ne te gênerons plus.

Fujin se tourna et commença à partir en courant. Edern ne réagit pas, cloué de surprise par la réaction de sa fille. La fatigue l’empêchait de remettre ses pensées en ordre. Il fut tiré de sa stupeur par un opportun caillou qui vint le frapper à la tête. La douleur le fit bondir et il rattrapa Fujin. Attrapant son bras, il la força à se retourner.

- Fujin, j’ai déjà fait deux erreurs, je ne laisserai pas une troisième se produire.

- Mais. ..

- Maintenant, c’est à moi de parler, coupa sèchement Edem d’un ton sans réplique.

Elle se tut et cessa de se débattre devant ce regard qu’elle connaissait si bien, ce regard qui lui sommait d’obéir, le même que quand elle était petite. Il continua.

- Ma première erreur m’a fait perdre ma femme, la seconde ma fille, et si je te laissais t’enfuir à nouveau, ma troisième erreur serait de reperdre à nouveau ma fille, et là, je pense que Majin ne me le pardonnerait jamais, ainsi que moi-même. Ce qui est arrivé était un accident et je n’ai pas à t’en vouloir. C’est ma faute, j’aurais dû être plus ferme avec toi. Mais il est hors de question que je te laisse partir ainsi. Je t’aime trop pour cela, ma fille.

- Papa, murmura-t-elle en se blottissant dans les bras puissants de son père, pardonne-moi...

- C’est moi qui doit me faire pardonner. ..

Et ils pleurèrent tous les deux, chacun voulant se faire pardonner, et pardonnant l’autre. La fille dans les bras de son père. Leurs larmes mirent un long temps avant de se tarir et ils finirent par remonter le chemin qui les menaient vers la tombe de la femme qu’ils avaient tous deux aimés,


 

Absorbée par leurs pleurs et leur conversation, ils ne remarquèrent pas les trois ombres qui se dissimulaient dans les arbres qui entouraient le cimetière, et qui les observaient avec attention.

- Je dois vous remercier. Sans vous, je n’aurais pas eu le courage de parler à Linoa et à Raijin, et ces deux-là ne se seraient jamais réconciliés, déclara la première ombre.

- Ce n’est rien, Maxime. Le village et surtout Edem, avez suffisamment pris sur vous pour cacher notre existence. C’était le moins qu’on puisse faire pour vous remercier, lui répondit une voix grave. De plus, Fujin se battra mieux avec son nouvel état d’esprit.

Et...

Maxime hésita.

- Oui ? l’encouragea une voix plus douce.

- L’échéance est pour quand ‘?

- Deux semaines. . ., répondit la voix grave.

- Non, je veux dire l’autre. ..

- Ah .... Un peu plus d’un an, lui répondit laconiquement la même voix.

Un court silence s’instaura.

- Nous devons y aller, reprit la voix la plus douce.

- Où allez-vous ? s’étonna Maxime.

- Nous allons voir s’ils ont progressé et préparer les épreuves qui les attendent, expliqua la deuxième voix.

- Et bien, bon courage à tous les deux, alors. Je n’aurais tout de même jamais pensé pouvoir vous rencontrer un jour, vous, les deux guerriers de notre légende. Et au fait, bien vu le coup du caillou ! Sans ça, la situation aurait bien pu se dégrader d'avantage, Je ne savais pas que tu étais aussi un bon lanceur Orceïn.

Le susnommé sourit.

- Je pense qu’Edern aurait quand même réussi à s’expliquer avec Fujin même sans ça. Je lui ai juste donné un petit coup de pouce. C’est pas bien compliqué à faire. Je t’explique : il faut prendre un caillou suffisamment aérodynamique et suffisamment gros pour qu’il vole bien, après tu le poses dans ta paume et. ..

Une petite tape amicale sur le haut du crâne vint mettre un terme à son exposé.

- Hey ! ! Je ne suis pas ton Raijin de poche, Orina ! s’exclama-t-il doucement.

- Arrête de faire ton intéressant et viens. On a pas mal de choses à faire.

- Comme d’habitude, quoi, grogna Orceïn. On n’a jamais l’occasion de prendre du bon temps. Et tout ça, pour sauver la planète. Quelle barbe !

- Si tu faisais moins de choses stupides, tu en aurais peut-être plus pour faire d’autre chose. Maintenant, viens.

- D’accord, d’accord, céda-t-il devant le regard insistant de son amie. A un de ces jours, Maxime. Enfin, peut-être...

Ils s’éloignèrent pour se téléporter sans se faire remarquer de Fujin. Maxime eut juste le temps de leur faire un signe de la main avant qu’il ne disparaisse dans leur éclair. Il se retourna vers le cimetière et vit que le couple père-fille descendait tranquillement le chemin vers le village bras dessus-dessous. Il sourit.


 


 


 


 


 


 


 

NdA : Le Météore est un sort de bourrin. C'est un sort qui fait passer la cible dans une autre dimension et lui balance des météores dans la gueule. Comme ça. Par pure sympathie. Le seul défaut de ce sort, c'est qu'il donne des dégâts plus ou aléatoires. Mais un jour de chance, il peut dépasser n'importe quelle autre magie en terme de puissance. Pauvre Raijin.


 

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