Une connexion à part
L’aube caressait lentement les toits de Midgar, une brume fine suspendue au-dessus des immeubles encore engourdis. Dans la demi-pénombre tiède de l’appartement, le silence était presque sacré.
Sephiroth ouvrit les yeux sans bouger, le regard voilé de songes inachevés. Son bras était encore passé autour de sa taille à elle, endormie contre lui. Sa respiration paisible, le poids léger de sa présence… C’était un instant suspendu dans l’écrin fragile d’un matin trop tôt né. Il aurait voulu rester là, figé dans cette bulle de chaleur et de calme. Mais la réalité l’appelait déjà.
Il se redressa à regret, ses gestes mesurés comme ceux d’un voleur craignant de réveiller un trésor. Il s’habilla sans bruit, les pans de son manteau glissant sur sa peau comme une armure revenant à son porteur.
Une mission l’attendait.
Et Genesis serait là.
Il serra les dents en ajustant ses gants de cuir, ses pensées teintées d’un agacement amer.
> « Pourquoi faut-il toujours qu’il veuille tout pour lui… »
murmura-t-il, à peine plus fort qu’un souffle.
Avant de franchir la porte, il s’accorda une ultime faiblesse : il s’agenouilla près d’elle, caressa tendrement sa joue du bout des doigts, et effleura sa peau d’un baiser à la douceur presque douloureuse. Elle ne bougea pas, mais un sourire imperceptible étira ses lèvres endormies, comme si, même dans le sommeil, elle avait senti sa tendresse.
Il prit un carnet au coin de la table, et écrivit d’une écriture précise :
À très vite. Je te téléphonerai quand je pourrai. — Sephiroth.
Une dernière fois, il se retourna vers elle.
Puis il partit.
---
La salle de briefing résonnait d’un calme tendu, inhabituel. Sephiroth y entra avec une ponctualité millimétrée. C'était rare qu'il se rendent aux briefing mais il voulait s'expliquer avec Genesis. Lazard, déjà assis, leva les yeux de son dossier, sourcil haussé.
— « Eh bien… être en couple te rend matinal, on dirait. » se moqua t'il gentiment.
— « Ne me cherche pas. » grogna Sephiroth, mais le pli discret au coin de ses lèvres trahissait une certaine indulgence.
La porte claqua brusquement. Genesis entra, silhouette droite, regard orageux.
— « Le grand Sephiroth. Toujours parfait. »
Sephiroth inspira profondément, contenue et lassitude mêlées devant le ton condescendant de son ami. Même si il était habitué à ces railleries, cette fois le sujet était délicat et il ne voulait rien laisser passer.
— « Genesis, j’aimerais te parler. En privé. »
Le timbre de sa voix était calme, mais ciselé d’une autorité sans appel.
Lazard leva une main, coupant court à la tension qui régnait entre les deux hommes.
— « Vous réglerez vos différends plus tard. Nous devons parler de la mission de surveillance à Wutai. Et n'oubliez pas, sur le terrain c'est coopération obligatoire. Il n'y a pas de place pour les querelles. » précisa le directeur sérieusement, ses coudes sur la table, ses poings soutenant son menton. Il expliqua chaque détails de cette mission pendant que les deux premières classes chacun se tenaient à une distance exagérément grand l'un de l'autre.
Puis, à la fin du briefing, sans un mot, ni un regard pour Sephiroth, Genesis tourna les talons et quitta la pièce, l’ombre d’un orage le suivant de près.
---
Le voyage jusqu’au Wutai se déroula dans un silence pesant, presque étouffant. À l’arrière du fourgon Shinra, les deux généraux semblaient exilés chacun dans leur monde. Genesis fixait obstinément le paysage défilant, le menton haut, les bras croisés.
Sephiroth, lui, finit par rompre le silence, sa voix grave mais sans animosité.
— « C’est vrai ? Ce qu’Angeal dit… Tu as des sentiments pour elle ? »
Genesis ne détourna même pas les yeux.
— « Qu’est-ce que ça change ? Vous êtes déjà liés comme deux maillons d’une même chaîne. L’un respire, l’autre devine. »
— « Il n’y a rien de… formel entre nous. » Avoua Sephiroth espérant que cela apaiserai cette histoire.
— « Mais tu aimerais qu’il y ait quelque chose. »
Les mots tombèrent comme des lames, froids, précis.
Sephiroth ne répondit pas. Il aurait pu mentir. Il aurait pu détourner la conversation. Mais il ne fit ni l’un ni l’autre. Il baissa simplement les yeux, les poings crispés sur ses genoux. Il savait que son ami disait la vérité même si il essayait de s'en cacher. Si bien que leur conversation s'arrêta là, n'ayant pas d'argument valable. Et si Sephiroth aurait tout fait pour lui laisser la place de Héro volontiers, il lui était hors de question de lui laisser la place à ces côtés à elle. Il soupira lourdement devant cette constatation.
Genesis tourna enfin la tête vers lui, juste un instant. Son regard était voilé, mais trop fier pour supplier.
---
Sur le terrain, les deux furent séparés. Genesis guida une équipe de reconnaissance au nord, pendant que Sephiroth prenait l’autre vers les ruines à l’est.
Le soleil déclinait lentement lorsque Sephiroth s’éloigna du groupe pour passer un appel.
— « Allô ? »
— « Sephiroth ? » Sa voix, vive, réchauffa instantanément son cœur fatigué.
— « Tout va bien ici. Je voulais entendre ta voix. Juste vérifier que tout est en ordre. »
— « J’ai passé la journée à dompter la salle de bain. Tes produits capillaires m’ont regardée comme s’ils allaient m’attaquer. »
Il sourit, un éclat rare dans son regard.
— « Tu me manques déjà. » ajouta t'elle quelques instants après.
Un silence tendre s'installa durant lequel une chaleur indescriptible envahit Sephiroth à ces mots.
— « Toi aussi.» finit il par avouer. «Si tu as besoin de compagnie, Angeal peut venir. Il veillera sur toi. »
Il omis de parler de Genesis. Cela lui paraissait soudain trop petit, trop immature. Cela passerait. Il le fallait. Il reprit sa mission, se concentrant sur cette dernière dans l'optique de la terminer au plus vite et rentrer auprès d'elle.
---
Mais deux heures plus tard, tout bascula.
Une escouade de Béhémoths surgit du couvert forestier. L’adrénaline prenait le dessus, Sephiroth taillait l’ennemi avec la précision d’un sabre divin. Puis un milicien arriva, le souffle court, visage inquiet.
— « Général ! C’est Genesis. Il… il a quitté le groupe. On ne le retrouve plus. »
Sephiroth s’immobilisa, son regard devenant acier.
— « Comment ça disparu ? »
— « On a essayé de le contacter. Il ne répond pas. Il s’est éloigné, seul. Sans prévenir. »
Déjà, Sephiroth sortait son téléphone, les sourcils froncés envoyant le miliciens aupres des autres pour continuer leur mission malgré tout..
— « Allez, décroche s'il te plait… » murmura-t-il, essayant de contacter son ami.
Une sonnerie. Puis une autre. Puis la messagerie.
Il jura à voix basse, le cœur lourd d’un pressentiment.
Les arbres sombres de la forêt semblaient refermer leurs mâchoires autour de l’invisible tandis que la pluie commençait à tomber, le laissant seul
avec ces pensées.
— « Où es-tu, Genesis…que fais tu... » souffla-t-il, les yeux perdus dans l’horizon qui s’assombrissait.