La huitième merveille

Chapitre 16 : Nouvelle Année

4054 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 29/10/2024 17:50

—    On est le 24 décembre, annonça Fanny pimpante comme un feu de cheminée.

Elle avait coiffé un bonnet rouge avec un grelot.

—   Noël ? répéta Thésée.

Ce détail avait échappé à sa mémoire.

Fanny avait pensé à tout. Un élégant sapin vert, ses guirlandes rouges et ses étoiles diaprées de strass, était posé en face d’un âtre artificiel mais brûlant de chaudes flammes. Une douce chaleur accueillait les terriens au palier de l’escalier du dortoir et se diffusait dans toute la salle. Thésée leva la main pour attraper un des nombreux flocons de neige qui tombaient depuis le plafond.

—    Elénaïde a adoré l’idée, confia Eva de mèche.  

—    C’est chouette, répondit Aaron que la joie rendait fanfaron.

Il piocha dans une chaussette de Noël accrochée au mur, elle était gonflée de caramels. Puis, il se laissa tomber sur le canapé. Son gros orteil disait bonjour depuis sa propre chaussette trouée.

Les terriens eurent le privilège de fêter Noël à bord de Gala. Un beau et bon repas avait été préparé pour le Réveillon. Eva et Fanny, en concertation avec Elénaïde, avaient dans le plus grand secret organisé la surprise. Leur tutrice se joint exceptionnellement à eux pour le repas, joyeuse de participer à cette tradition terrienne qu’elle ne connaissait pas.

—    Vous pourriez présenter cette fête lors de la semaine des Sports, Arts, et Cultures des mondes nouveaux.

Tout le monde s’était déguisé et maquillé pour l’occasion, sauf Aaron, parce qu’il trouvait ça trop puéril.

—   C’est pour les enfants, se justifia-t-il.

En même temps, il lançait des boulettes de papiers d’emballage dans la fausse cheminée et se resservit par trois fois de la dinde.  

Thésée ne s’attendait pas à recevoir de cadeaux le lendemain matin. Pourtant, un beau panier d’osier attendait chaque terrien au pied du sapin. Ils étaient garnis de chocolats et de sucreries. Elénaïde avait offert à tous une boite de confiseries originaire de sa planète, d’où émanait une odeur de sapin et de lavande, un parfum de sous de bois en été.

Quant à son père, il avait pensé à lui en lui offrant un joli couteau taillé dans une pierre blanche.  

Ces intentions émurent beaucoup Thésée. Il culpabilisa fortement parce qu’il n’avait pas prévu le moindre cadeau, même pas pour Spéciae. Mais cette dernière s’en moquait. Elle s’étonna même quand il lui expliqua l’origine de la fête, trouvant bizarre l’idée que l’on puisse réserver un jour pour s’offrir des cadeaux.

Ce fut une belle matinée festive, que les terriens passèrent ensemble, en pyjama, dans la bonne humeur et l’allégresse. Mais la magie de Noël s’estompait dès que l’on mettait un pied hors du dortoir. La station vivait à son rythme, et les traditions terriennes étaient à des années lumières de Gala.

L’après-midi, nos cinq terriens retrouvèrent Prosper et Carmin au M83. Spéciae s’était jointe à eux pour passer du temps avec Thésée, comprenant que c’était une journée importante pour les terriens. Quant à Gadga, elle avait décliné l’offre. Ni elle ni leur copine Niana ne venaient jamais avec eux.        

Fanny avait emporté avec elle un panier de chocolats qu’elle offrit généreusement aux trois extraterrestres.

—   C’est quoi ? se méfia Prosper en reniflant l’aluminium de son Père-Noël.

—    Du chocolat ! répondit Aaron comme s’il était à l’initiative du projet. Cadeau de la maison. 

Prosper déplia l’emballage avec précaution. 

—    C’est une spécialité terrienne ?

Aaron s’étrangla :   

—    Tu ne sais pas ce que c’est que le chocolat ?

Il hocha de la tête. Thésée avait constaté qu’il n’y avait pas de chocolat sur Gala. Voxa expliqua rapidement que c’était un produit que l’on trouvait exclusivement sur Terre. Prosper croqua dans la tête du Père-Noël, un éclair de plaisir illumina son front.  

—    Mmmmh ! Mais c’est délicieux.

—    Ils n’ont pas de chocolat ! répéta Aaron médusé.

—    Bah, merci beaucoup ! C’est excellent. Comment cuisinez-vous ça ?  

—    C’est le fruit du chocolatier, répondit Aaron. On cueille et puis après on emballe.

Prosper le prit au pied de la lettre.

—    C’est vraiment bon en tout cas. J’espère que je pourrais en commander pour faire découvrir à ma mère. Vous pensez que vous pourriez me trouver des graines de chocolatier, que j’en plante chez moi ?

—    Ça coûte très cher, répondit Aaron.

Fanny intervint :

—    On n’en trouve que sur Terre, parce que ça a besoin de conditions spécifiques.

—    Mais n’imp… AÏE !

Eva écrasa malencontreusement le pied de Samuel. 

—    Dommage, répondit Prosper, vraiment dommage.

Il croqua un morceau. Il avait les lèvres marrons.  

—    J’essaierais de t’en ramener d’autres, promit Aaron.

—    Ça serait gentil, je te payerai.

La dernière phrase de Prosper ne tomba pas dans l’oreille d’un sourd.   

Thésée se pencha à l’oreille de Spéciae pour lui expliquer la blague. Un sourire vint errer sur les lèvres de la jeune femme.

Taciturne quand ils étaient en groupe, Spéciae ne parlait que si on lui posait des questions. Mais Fanny, Prosper et Aaron, suffisaient à eux trois pour faire la conversation de toute la table.

La discussion dériva sur les courses de vaisseaux spatiaux. Spéciae posa sa tête sur l’épaule de Thésée. Elle le tenait par la main et ne la lâchait plus. Quant à Samuel, il avait mis ses écouteurs depuis belle lurette.  


Quelques jours plus tard, Aaron surgit en tressautant dans le salon du dortoir. Tout guilleret, il revenait d’une partie d’IFFF avec Prosper et Carmin, pendant que Thésée trainait avec Spéciae. Il lui expliqua que des prétoriens les avaient vu jouer, et qu’ils les avaient recrutés tous les trois pour compléter leur équipe en vue du tournoi de fin d’année. Thésée le félicita. Aaron expliqua qu’il allait avoir le droit à trois entrainements par semaine, une séance de stratégie, une autre de technique, et un match de préparation.

—    Je n’aurai plus trop de temps pour les devoirs.

—    Bah, répondit Thésée, on a juste des partiels en fin d’année.

—    Tu as raison, répondit Aaron, ça devrait le faire.

Nébulo pointa son gros nez rouge :

—    Ça ne changera pas grand-chose à tes habitudes.

Thésée avait hâte que les vacances se terminent. En effet, le cours d’Initiation au Pilotage de Vaisseau était annoncé pour bientôt. Il compta les jours et passa le reste de son temps libre à feuilleter des manuelles ou à regarder des vidéos sur le pilotage. Spéciae prit même le temps de lui en apprendre un peu plus.  

—    Il existe trois types de décollages, expliqua-t-elle. Le plus classique, c’est le décollage vertical. Ensuite, on trouve les décollages en largage comme les taxis-navettes, et les décollages par propulsion.

Les premiers cours se déroulèrent parfaitement et devinrent rapidement les séances les plus attendus par Thésée. Pour les initier au pilotage d’engins spatiaux, monsieur Armatta, l’enseignant, recourut à des simulateurs d’un réalisme inégalé.

Thésée réussit haut la main ses premiers tests et attira l’œil de son professeur.

—    Vous avez l’âme d’un futur pilote.

Thésée ne cacha pas sa fierté.

—    Je ne me suis craché que deux fois, admit Aaron à demi-mot en quittant une séance d’entrainement.

—    C’est toi le vaisseau que j’ai vu se planter dans le sas d’évacuation du hangar ?

—    C’est la faute de Gobe-mouche. Cette imbécile m’a accroché.

Gobe-Mouche, c’était le nom baptême qu’Aaron avait attribué à Malvina.

—    Moi, dit fièrement Fanny en passant devant les garçons, le prof m’a dit que j’avais une conduite sportive. Je me demande si je ne vais pas m’orienter chez les Prétoriens l’année prochaine.

—    Le prof a dit ça parce qu’il est amoureux de toi, répondit Aaron provocateur.

—    Au moins, on n’a pas craché notre vaisseau, nous ! répliqua Eva en accentuant la dernière syllabe.

Les deux filles pouffèrent de rire et laissèrent les garçons en plan. Aaron atone, Nébulo se chargea de les maudire. Eva avait pris beaucoup d’assurance et ne se laissait plus marcher sur les pieds par Aaron, allant même jusqu’à le titiller.

Thésée s’investit beaucoup dans les cours de pilotage. C’était de loin son cours préféré, même s’il trouvait le comportement de monsieur Armatta un peu étrange ; trop avenant avec les filles, et un peu plastique dans ses expressions.

En dehors des cours, il essayait de passer autant de temps que possible avec sa chérie, mais la différence d’emploi du temps ne facilitait pas la situation. Spéciae aimait toujours autant écouter Thésée décrire la vie des terriens. Durant ces moments à deux, elle restait silencieuse, murée dans une rêverie solitaire, comme si on lui racontait une belle histoire.

Ce jour-là, quand ils se retrouvèrent au jardin, Spéciae était accompagnée par un petit robot bleu à la démarche enfantine.

—    Je te présente Célia, dit Spéciae en montrant le robot à Thésée. Dis bonjour Célia !

Le robot pivota sa tête en forme de boite de conserve vers Thésée.

—    Bonjour ! dit-il. Je m’appelle Célia, je suis un vrai petit robot. Et toi, comment tu t’appelles ?

—    Je m’appelle Thésée London.

—    Bonjour Thésée London, répéta le robot.

Célia tendit un poing replié vers Thésée. Il rendit le poing et embrassa Spéciae.

—    Tu promènes ton robot ?

—    Je l’ai moi-même fabriqué, expliqua Spéciae. Elle est en phase de rodage. 

—    Je ne savais pas que tu avais des connaissances en fabrication de droïdes.

—    Les robots, rappela Spéciae, c’est un peu la spécialité de l’Atelier.

L’Atelier, c’est comme cela que les Démiurgiès nommaient leur école. Thésée n’y avait encore jamais mis les pieds.

—    Celle-là m’a prise deux ans, j’ai tout fait à la main, pièce par pièce. 

Thésée ne cacha pas son admiration. Peu assidu en cours de mécanique, Aaron et lui avaient surtout progressé en lancés de clé à molette, laissant Eva fournir l’essentiel du travail.

Célia intervint :

—    J’ai un processeur interne indépendant qui me permet de m’adapter à une situation nouvelle.

Thésée s’accroupit devant-elle :

—    Tu sais, tu peux me dire tout ce que tu veux, je suis obligé de te croire, parce que je n’y connais rien en robot. 

—    Ce que Célia veut dire, reprit Spéciae, c’est qu’elle est entièrement autonome. Je lui ai implanté une carte quantique. Elle est capable d’apprendre et de reproduire par elle-même ce qu’elle voit.  Elle fonctionne avec une pile à photon-nucléaire.

—    Ah bon ! Une pile à photon-nucléaire ?

—    Oui, pour produire l’énergie nécessaire.

Spéciae s’accroupit à côté de Célia, dégagea la plaque bleue qui recouvrait la poitrine du robot et révéla un clavier sur lequel elle tapota un mot de passe. Spéciae décala minutieusement la partie qui masquait le cœur du robot et invita Thésée à s’accroupir auprès d’elle. Il ne savait pas trop ce qu’il y avait à voir, en dehors d’un réseau de câbles minutieusement reliés à une capsule.

—    C’est la pile à photon-nucléaire, expliqua Spéciae. La pile fusionne les photons pour produire de l’énergie. Peu importe la source de lumière.

—    C’est un peu comme toi, répondit Thésée taquin. Quand tu es là, j’ai une source de lumière inépuisable. 

—    Mais, aux dernières nouvelles, tu n’es pas une machine, à ce que j’en sache, se moqua Spéciae en refermant le poitrail de son robot. Tu es plus proche de la bête que du droïde.

Thésée feignit d’être vexé.

—    Tu n’as pas tout à fait tort. Les humains descendent des singes, il nous a fallu du temps pour évoluer.

—    Des singes ? Je croyais que vos ancêtres avaient des origines aquatiques ?

—    Oui ! Enfin ! C’est plus compliqué que ça ! Les ancêtres de nos ancêtres viennent du fond des océans, c’est vrai. Mais en fait, si ça se trouve, on descend tous des Atlantes, alors…

—    On descend tous des Atlantes, confirma Spéciae.

Elle en était convaincue.

Suite à quoi, elle attrapa Thésée pour le cajoler et le faire taire. Ils se blottirent l’un contre l’autre. Célia s’assit à côté d’eux. Thésée narra une histoire drôle mais licencieuse. Elle eut l’effet escompté, car Spéciae éclata de rire et s’assit en califourchon sur le ventre de son copain.

—    Je te maîtrise, dit-elle en lui maintenant les poignets au sol.

—    Corps et âme, répondit Thésée.

Il força pour se libérer, mais n’y parvient pas. Spéciae était trop forte.

Satisfaite, elle le targua par deux fois d’un haussement de sourcils. Thésée ravala sa fierté ; Spéciae était réellement plus forte que lui. De toute manière, il n’avait pas envie de se libérer, et il l’eut encore moins quand elle se pencha pour l’embrasser. Elle relâcha la pression autour de ses poignets, et déposa trois tendres baisés dans son cou qu’elle caressa du bout du nez. C’est à cet instant que Célia s’exclama :

—    Je croyais que les humains étaient les ancêtres des Atlantes !

Spéciae releva le menton. Thésée tourna les yeux vers le robot. Il n’était pas sûr d’avoir compris.

—    Qu’est-ce que tu dis, toi ?

—    Je croyais que les Atlantes descendaient des humains, répéta le robot.

—    Célia ! se fâcha Spéciae. Est-ce que je t’ai posé une question ?

—    Non, maîtresse.

—    Très bien, alors tais-toi !

Célia baissa la tête et s’assit par terre, tout à l’inverse de Thésée qui se redressa en s’appuyant sur les mains.

—    Qu’est-ce qu’elle veut dire, quand elle dit que les Atlantes descendent des humains ?

Spéciae s’étonna :

—    Tu ne connais pas cette théorie ?

Il se massa la nuque. Elle semblait très sérieuse.

Ce n’était pas la première fois qu’elle changeait d’expression en un claquement de doigt. Ce changement soudain, d’une émotion à une autre, avait tendance à le déstabiliser.

—    Qu’est-ce que tu veux dire ? 

Spéciae s’écarta de Thésée et s’assit en tailleur.

—    Qu’est-ce que tu connais de la découverte de la Terre ?

Il se remémora le premier cours de madame Phi-161.

—    Ce sont les Atlantes qui l’auraient découverte.  

—    C’est ce que t’a appris madame Phi-161, rappela Spéciae. Les humains seraient les derniers descendant des Atlantes, patati et patata.

—    Oui, je crois...

—    C’est ce que les mèriens aimeraient croire, dit Spéciae.

—    Je n’en sais rien, admit Thésée. En tout cas, je crois que la théorie se tient.

Spéciae sourit.

—    Des théories, il y en a d’autres. Il y’en a une que je trouve particulièrement judicieuse, même si madame Phi-161 t’apprendra que c’est de la science-fiction. On l’appelle la théorie de l’Arche intra-dimensionnel.  

—    Vas-y, explique-toi !

—    Suivant cette théorie, les Atlantes ne peuvent pas avoir découvert la Terre.

Thésée attendait la suite, mais Spéciae se tue.

—    Il va falloir que tu précises, amour, parce que je ne peux pas lire dans tes pensées. J’essaye, mais je n’y arrive pas. Si les Atlantes n’ont pas découvert la Terre, alors qui ? 

—    Personne, répondit calmement Spéciae.

—    Personne ! Mais si personne n’avait découvert la Terre, ma petite dame, je ne serais pas là.

Spéciae soupira. Elle réfléchissait à la meilleure manière d’exposer son raisonnement :

—    Tu ne trouves pas ça louche que les Atlantes découvrent par hasard une planète solitaire à l’autre bout de l’univers, une planète tellement isolée qu’elle semble inaccessible depuis tous les systèmes connus, je veux dire, en dehors du portail ?

—    Non, avoua Thésée, je ne vois pas où est le problème.

—    Tu ne réalises pas à quel point l’univers est grand, mon petit bonhomme.

—    Si, ma petite dame, mais je ne vois pas où tu veux en venir. Crache le morceau au lieu de tourner autour du pot. 

—    Si tu suis la théorie de l’Arche intra-dimensionnel, les Atlantes n’ont pas pu découvrir la Terre, puisqu’ils seraient eux-mêmes originaires de la planète.

Thésée pencha la tête sur le côté, il essayait de comprendre.

—    La Terre serait la planète originelle, poursuivit Spéciae. Tu comprends ? Les Atlantes seraient les derniers humains qui auraient fui la Terre, il y a très longtemps. Les autres espèces, les mèriens, les airiens, les éoliens, toutes ne seraient que les lointains descendants des terriens. C’est pour cela que tout le monde se ressemble. Tu serais l’espèce originaire.

—    Ça me semble un peu farfelue, objecta Thésée. Je viens de la Terre, et je peux t’assurer que nous n’avons envoyé aucun vaisseau à la conquête de l’espace. Puis, je te signale que, pour que ta théorie marche, il faudrait qu’elle se soit passée il y a des milliards d’années, le temps que les terriens parcourent l’univers. Ce qui est absurde.

Spéciae s’attendait à cette remarque pour y avoir elle-même médité.

—    C’est toute la subtilité, répondit-elle. Elle suppose que ta Terre, celle d’où tu viens, n’appartienne pas au même plan temporel que Gala.

Thésée resta dubitatif devant cette théorie saugrenue.

—    Je viendrais d’où, moi ?  

—    Tu viendrais d’une autre dimension, du passé pour être précise, par l’intermédiaire du portail multidimensionnel. Il court-circuiterait le temps en même temps que l’espace. Les premiers terriens auraient traversé l’univers à bord de l’Arche, et auraient laissé un premier portail en sureté à proximité, pour qu’un jour leurs descendants puissent revenir.   

Elle laissa passer un long silence durant lequel Thésée essaya de remettre les idées dans le bon ordre. Quelque chose ne collait pas dans la théorie de Spéciae. L’explication de madame Phi-161 semblait plus cohérente.

—    Ce qui voudrait dire, poursuivit Spéciae, qu’ici, dans la dimension de Gala, tu serais plus vieux que moi de quelques milliards d’années. Mais quand tu retourneras sur Terre, dans ta dimension, je n’existerais pas encore.

Thésée ne considérait pas cette idée sérieusement. Il préféra blaguer pour ne pas offenser Spéciae :

—    Eh alors, ça fait quoi de sortir avec un papi ?   

Spéciae soupira fortement. Elle se pencha vers Thésée et le força à basculer sur le dos.

—    J’ai plutôt l’impression que le papi manque d’expérience avec les femmes. Dommage que tu n’aies pas profité de tout ce temps pour en apprendre un peu plus.  

Elle posa sa tête au creux de son cou. Thésée fit semblant de ne pas relever la pique, préférant apprécier la douceur du souffle de sa chérie sur sa peau.

—    De toute façon, ça ne changerait rien, marmonna-t-il. Peu importe que je vienne de ton passé ou d’un autre univers. Aujourd’hui, je suis là.

—    Tu as raison, répondit Spéciae en partageant les doutes de Thésée. L’important est qu’on soit là tous les deux.

Il décela son sourire depuis le creux de son cou.

Ils finirent par sommeiller à l’ombre des arbres du jardin, les jambes enchevêtrées comme un casse-tête chinois.

Enfin, la sieste achevée, Thésée raccompagna Spéciae et Célia au premier téléporteur. Elle l’embrassa en lui murmurant un « je t’aime », et attrapa Célia par la main.

—    Au revoir, Thésée London, dit le robot avant de disparaitre.

—    Au revoir Célia, répondit Thésée.

Elles se volatilisèrent.

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