Le domaine de Leandr

Chapitre 11 : Voyage vers l'inconnu

3788 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour il y a environ 2 mois

Le soleil se levait à peine sur le port d’Agdachi, teintant le ciel de nuances rosées et dorées. L'atmosphère était chargée d'une tension palpable alors qu'Aiyanna, Nayati et Eyota se tenaient sur les quais, observant le navire qui allait les emmener vers le continent d’Easopane. Le vent marin ébouriffait leurs cheveux, portant avec lui l'odeur salée de l'océan et la promesse d'un voyage incertain.


Aiyanna ajusta la sangle de son sac, son médaillon scintillant doucement contre sa poitrine. Ses yeux violets, habituellement si perçants, étaient voilés par l'inquiétude. "Est-ce que nous faisons vraiment la bonne chose ?" murmura-t-elle, plus pour elle-même que pour ses compagnons.


Nayati posa une main réconfortante sur son épaule, ses yeux verts reflétant à la fois sa détermination et son propre tourment intérieur. "Nous n'avons pas le choix, Aiyanna. Mais peut-être que ce voyage nous permettra de trouver des réponses... et un moyen d'éviter cette guerre insensée."


Eyota, qui observait l'horizon avec une intensité féroce, se tourna vers eux. Ses yeux ambrés brillaient d'un mélange de défi et d'appréhension. "Quoi qu'il arrive," dit-elle d'une voix ferme, "nous sommes ensemble dans cette galère. Littéralement," ajouta-t-elle avec un petit rire forcé, désignant le navire d'un geste de la main.


Alors qu'ils montaient à bord, chacun sentait le poids de leur mission peser lourdement sur leurs épaules. Ils n'étaient plus simplement des soldats suivant les ordres. Ils étaient devenus des espions, des infiltrés, portant le fardeau d'un secret qui pourrait changer le destin de deux royaumes.


Le navire quitta le port, les voiles gonflées par un vent favorable. Pendant les premiers jours, le voyage se déroula sans incident majeur. Le trio passait son temps à peaufiner leur couverture de marchands, mémorisant les détails de leur fausse identité et discutant des stratégies pour recueillir des informations une fois arrivés à Easopane.


Mais à mesure que le navire s'éloignait des côtes familières de Troëna, l'atmosphère à bord commença à changer. Les tensions, jusque-là latentes, commencèrent à faire surface.


C'est lors d'une nuit que les choses atteignirent un point de rupture. Aiyanna, Nayati et Eyota se retrouvèrent à nouveau dans leur cabine exiguë, l'humidité et la proximité forcée exacerbant leurs nerfs déjà à vif.


"Je n'arrive pas à croire que nous sommes en train de faire ça," grommela Eyota, arpentant l'espace restreint comme un animal en cage. "Espionner pour un roi qui a perdu la raison. Nous devrions être en train de le confronter, pas de faire son sale boulot !"


Aiyanna, assise sur sa couchette, leva les yeux de son médaillon qu'elle caressait distraitement. "Et que proposes-tu, Eyota ? Une mutinerie ? Un coup d'État ? Nous sommes trois contre un royaume entier."


"Au moins, ce serait agir avec honneur !" rétorqua Eyota, sa voix montant d'un cran. "Pas se faufiler comme des rats dans la nuit."


Nayati, qui était resté silencieux jusque-là, intervint d'une voix calme mais ferme. "L'honneur ne servira à rien si nous sommes morts ou emprisonnés. Parfois, la voie la plus difficile est aussi la plus juste."


Eyota se tourna vers lui, les yeux brillants de colère. "Oh, bien sûr. Saint Nayati a parlé. Toujours le mot sage, toujours le plus raisonnable. Ça doit être facile de rester si calme quand on n'a rien à perdre, pas de famille à protéger !"


Le silence qui suivit était assourdissant. Le visage de Nayati s'assombrit, la douleur de son passé flashant brièvement dans ses yeux avant qu'il ne se détourne, les poings serrés.


Aiyanna se leva d'un bond, se plaçant entre eux. "Ça suffit !" cria-t-elle, "Nous sommes tous sous pression, mais nous tourner les uns contre les autres ne résoudra rien. Nous sommes tout ce que nous avons maintenant."


Ses mots semblèrent percer la bulle de tension. Eyota recula, la honte remplaçant la colère sur son visage. "Je... je suis désolée, Nayati. C'était cruel et injuste de ma part."


Nayati hocha lentement la tête, acceptant les excuses sans un mot. Le silence qui suivit était lourd, chargé d'émotions non dites et de peurs inavouées.


Ce fut Aiyanna qui brisa finalement le silence. "Peut-être que nous avons besoin de parler. Vraiment parler. De nos peurs, de nos doutes. Nous ne pouvons pas nous permettre d'avoir des secrets entre nous, pas maintenant."


Et c’est ainsi que les trois compagnons commencèrent à s'ouvrir les uns aux autres comme jamais auparavant. Eyota parla de sa peur de décevoir sa famille, de l'angoisse de les mettre en danger par ses actions. Nayati, pour la première fois, partagea les détails sombres de son enfance, la violence de son père, la culpabilité du survivant qui le rongeait encore.


Et Aiyanna, ses yeux violets brillant dans la pénombre, confia ses doutes les plus profonds. Sa quête d'identité, la peur constante de l'abandon, et le poids écrasant de se sentir responsable du destin de tant de personnes.


Au fur et à mesure qu'ils parlaient, l'aube pointa enfin et les trois amis se sentaient épuisés, mais étrangement légers, comme si un poids invisible avait été levé de leurs épaules.


Les jours qui suivirent furent marqués par une nouvelle dynamique au sein du groupe. Ils avaient appris à se voir non pas comme de simples compagnons d'armes, mais comme une famille choisie, unie par des liens plus forts que le sang.


Cependant, au-delà des états d’âmes, l’océan amenait aussi son lot de difficultés aux voyageurs.


Alors que le soleil brillait haut dans un ciel d'un bleu limpide, Aiyanna se tenait à la proue du navire, ses yeux scrutant l'horizon à la recherche du moindre signe de terre. Soudainement, le ciel, jusqu'alors sans l’ombre d’un nuage, s'assombrit brusquement, comme si la nuit tombait en plein jour. Des éclairs zébrèrent l'horizon, suivis du grondement menaçant du tonnerre.


"Tous à vos postes !" hurla le capitaine, sa voix à peine audible par-dessus le rugissement soudain du vent. "Une tempête arrive !"


Aiyanna, Nayati et Eyota se précipitèrent sur le pont, prêts à aider l'équipage. La pluie commença à tomber, d'abord en fines gouttelettes, puis en trombes, transformant le pont en une surface glissante et dangereuse.


"Eyota, aide-moi à sécuriser ces cordages !" cria Nayati, luttant contre le vent pour maintenir son équilibre.


Eyota acquiesça, ses cheveux auburn plaqués contre son visage par la pluie. Ensemble, ils s'attelèrent à la tâche, leurs mains rendues glissantes par l'eau salée qui s'abattait sur eux sans relâche.


Pendant ce temps, Aiyanna s'était précipitée vers la proue du navire, où plusieurs marins luttaient pour maintenir le cap. Ses yeux violets scrutaient l'horizon, cherchant désespérément une échappatoire à travers le rideau de pluie.


Soudain, un cri retentit depuis le nid-de-pie. "Par les dieux ! Une vague monstrueuse droit devant !"


Aiyanna plissa les yeux, son cœur manquant un battement lorsqu'elle aperçut la montagne d'eau qui se dressait devant eux. Elle était immense, défiant toute logique, comme si l'océan lui-même s'était dressé pour les engloutir.


"Tout le monde s'accroche !" hurla-t-elle, sa voix portée par le vent rugissant.


Le navire s'éleva, porté par la vague titanesque. Pendant un instant qui sembla durer une éternité, ils furent suspendus au sommet de la vague, l'horizon basculant follement autour d'eux. Puis, aussi soudainement qu'elle était apparue, la vague s'effondra, projetant le navire vers l'avant dans une descente vertigineuse.


Alors qu’Eyota s’accrocha aussi fermement qu’elle put aux cordages, Nayati fut projetée contre le bastingage, le choc lui coupant le souffle. À travers sa vision brouillée par la pluie et la douleur, il vit Aiyanna être emporté par une vague déferlante.


"Aiyanna !" cria-t-il, son cœur se glaçant d'effroi.


Sans hésiter, il plongea à sa suite, ignorant les cris d'Eyota derrière lui. L'eau glacée l'enveloppa, le sel brûlant ses yeux alors qu'il scrutait désespérément les profondeurs sombres à la recherche de son amie.


Là ! Il repéra l’éclat de son médaillon dans l'obscurité. Nayati nagea de toutes ses forces, ses poumons brûlant du manque d'air. Il agrippa le bras d’Aiyanna, la tirant vers la surface avec une force née du désespoir.


Ils émergèrent dans le chaos de la tempête, haletants et à bout de forces. Eyota était là, leur lançant une corde de sauvetage. Avec son aide, ils parvinrent à regagner le pont du navire, s'effondrant sur les planches trempées.


"Ne me refaites plus jamais ça," haleta Eyota, ses yeux brillant d'un mélange de colère et de soulagement.


Nayati ne put que hocher faiblement la tête, trop épuisé pour parler. À côté de lui, Aiyanna toussait, recrachant l'eau de mer qu'elle avait avalée.


La tempête continua de faire rage pendant plusieurs minutes, mettant à l'épreuve chaque planche, chaque corde du navire. Mais lentement, inexorablement, elle commença à s'apaiser. Lorsque les premiers rayons de soleil percèrent enfin les nuages, ils révélèrent un équipage épuisé mais vivant, et un navire malmené mais toujours à flot.


Le calme qui suivit la tempête était presque surnaturel. L'océan, qui avait semblé si cruel et impitoyable quelques temps plus tôt, était maintenant d'un calme plat, reflétant le ciel comme un miroir parfait. Aiyanna, Nayati et Eyota se tenaient à la proue du navire, observant l'horizon en silence.


"Vous pensez que c'était naturel ?" demanda finalement Eyota, brisant le silence.


Nayati fronça les sourcils. "Que veux-tu dire ?"


"Cette tempête," expliqua Eyota. "Elle est apparue si soudainement, et elle était d'une violence... Je n'ai jamais rien vu de tel."


Aiyanna resta silencieuse un moment, son regard violet perdu dans l'horizon. "Je ne sais pas," dit-elle finalement. "Mais j'ai eu l'impression... comme si quelque chose nous observait au cœur de la tempête."


Ses compagnons la regardèrent avec surprise. "Tu veux dire, comme une créature ?" demanda Nayati, son visage pâlissant légèrement au souvenir de son plongeon dans les eaux déchaînées.


Aiyanna secoua la tête. "Non, pas exactement. C'était plus comme... une présence. Quelque chose d'ancien et de puissant."


Un frisson parcourut le groupe. Ils avaient tous entendu les légendes sur les forces mystérieuses qui régissaient les océans, mais les confronter à la réalité était une tout autre affaire.


"Enfin, quoi que ce soit," commença Eyota, "c’est maintenant derrière nous, et je ne compte pas aller dans l’eau pour vérifier de quoi il s’agit."


"Tiens donc ? Moi qui pensais que la grande Eyota ne connaissait pas la peur… L’éventualité d’un simple bain d’eau de mer arrive à te faire douter ?" dit Nayati, un ton légèrement moqueur.


Le groupe se mit à rire et Aiyanna regarda ses compagnons tour à tour, la gratitude brillant dans ses yeux violets. "Je ne sais pas ce que je ferais sans vous deux," dit-elle doucement.


"Probablement te noyer," continua Eyota, avec son humour caractéristique.


Ils rirent tous les trois, un moment de légèreté bienvenu dans l'incertitude qui les entourait. Mais alors que le rire s'estompait, Aiyanna redevint sérieuse.


"Quoi qu'il arrive une fois que nous aurons atteint Easopane, promettez-moi une chose," dit-elle, sa voix chargée d'émotion. "Promettez-moi que nous resterons ensemble. Que nous nous protégerons les uns les autres, quoi qu'il arrive."


Nayati et Eyota échangèrent un regard avant de hocher solennellement la tête. "Ensemble," dit Nayati, posant sa main sur celle d'Aiyanna.


"Jusqu'au bout," ajouta Eyota, joignant sa main aux leurs.


Alors que le soleil disparaissait à l'horizon, laissant place à un ciel étoilé, les trois amis restèrent là, unis dans leur détermination. Ils ignoraient ce que l'avenir leur réservait, mais ils savaient une chose : tant qu'ils seraient ensemble, ils pourraient affronter n'importe quel défi.


Le lendemain matin, alors que l'aube pointait à peine, un cri retentit depuis la vigie : "Terre ! Terre en vue !"


Aiyanna, Nayati et Eyota se précipitèrent sur le pont, leurs cœurs battant la chamade. Là, émergeant lentement de la brume matinale, se dessinaient les contours d'une côte inconnue. Easopane.


Alors que le navire s'approchait du rivage, ils pouvaient voir des formations rocheuses étranges, semblant pulser d'une énergie intérieure, similaire à celle qu'ils avaient vue dans la vague. L'air lui-même semblait chargé de magie, faisant frissonner leur peau.


"C'est magnifique," murmura Aiyanna, ses yeux violets écarquillés d'émerveillement.


"Et potentiellement mortel," ajouta Nayati, toujours pragmatique. "Nous devons rester sur nos gardes."


Eyota hocha la tête, son visage reflétant un mélange d'excitation et d'appréhension. "Quoi qu'il arrive, nous sommes prêts. N'est-ce pas ?"


Aiyanna serra son médaillon, sentant sa chaleur réconfortante contre sa paume. "Oui mais... C'est... différent de tout ce que j'ai pu imaginer," murmura Aiyanna, ses yeux violets écarquillés d'émerveillement. Le paysage qui s'offrait à eux était à la fois magnifique et terrifiant. Des falaises escarpées s'élevaient du rivage, leurs parois striées de veines luminescentes qui pulsaient doucement, comme au rythme d'un cœur invisible. Plus loin, une forêt dense s'étendait à perte de vue, ses arbres aux feuillages iridescents ondulant sous une brise que personne ne semblait sentir.


Nayati, toujours pragmatique, scrutait l'horizon à la recherche du moindre signe de danger. "Magnifique, certes, mais n'oublions pas pourquoi nous sommes ici," dit-il d'une voix basse. "Nous devons rester sur nos gardes."


Eyota hocha la tête, son visage trahissant un mélange d'excitation et d'appréhension. "Je n'aurais jamais cru voir ça de mes propres yeux," dit-elle, sa main se portant instinctivement à la garde de son épée. "Les histoires ne lui rendent pas justice."


Le navire accosta dans une petite crique abritée, loin des regards indiscrets. Alors que l'équipage s'affairait à amarrer le bateau, le trio rassembla ses maigres possessions, se préparant à fouler le sol d'Easopane pour la première fois.


"N'oubliez pas notre couverture," rappela Aiyanna alors qu'ils descendaient la passerelle. "Nous sommes des marchands à la recherche de nouveaux accords commerciaux. Rien de plus."


Nayati et Eyota acquiescèrent silencieusement. Dès que leurs pieds touchèrent le sable, ils sentirent un changement. L'air semblait plus épais, chargé d'une énergie qu'ils n'avaient jamais ressentie auparavant.


"Qu'est-ce que c'est que ça ?" demanda Eyota, sa voix à peine plus qu'un murmure.


"Le Chakra," répondit Aiyanna, ses yeux balayant les alentours. "Ça doit être le Chakra dont on a entendu parler. C'est... partout."


Ils commencèrent à s'enfoncer dans les terres, laissant derrière eux la sécurité relative du rivage. La forêt les engloutit rapidement, ses arbres aux troncs torsadés formant un dôme au-dessus de leurs têtes. Des créatures étranges, à mi-chemin entre l'oiseau et le reptile, les observaient depuis les branches, leurs yeux brillant d'une lueur intelligente.


Pendant des heures, ils marchèrent, cherchant un quelconque signe de civilisation. Le soleil, visible par intermittence à travers la canopée, commençait à décliner lorsqu'ils entendirent un bruit qui les fit tous s'arrêter net.


Un craquement de branche, trop fort pour être celui d'un petit animal.


En un instant, ils étaient en position défensive, dos à dos, leurs sens en alerte. Le silence qui suivit était assourdissant, rompu uniquement par le battement de leurs cœurs.


Soudain, une silhouette émergea des fourrés. Un jeune homme, probablement de leur âge, se tenait devant eux. Ses cheveux noirs étaient parsemés de reflets argentés qui semblaient capturer la lumière environnante. Ses yeux, d'un gris orageux, les scrutaient avec un mélange de curiosité et de méfiance.


"Qui êtes-vous ?" demanda-t-il d'une voix calme mais ferme. "Et que faites-vous sur les terres sacrées d'Easopane ?"


Aiyanna sentit son cœur s'emballer, et pas uniquement à cause de la surprise. Il y avait quelque chose chez ce jeune homme, une présence qui semblait irradier de lui, qui la captivait. Elle fit un pas en avant, prenant soin de garder ses mains bien en vue.


"Nous sommes des marchands," dit-elle, sa voix plus assurée qu'elle ne l'aurait cru possible. "Nous venons de Troëna, à la recherche de nouvelles opportunités commerciales."


Le jeune homme les observa un long moment, son regard s'attardant sur chacun d'eux avant de revenir sur Aiyanna. Ses yeux semblèrent s'illuminer lorsqu'ils se posèrent sur le médaillon qu'elle portait au cou.


"Je m'appelle Anoki," dit-il finalement, sa posture se détendant légèrement. "Et vous avez de la chance que ce soit moi qui vous ai trouvés et non les gardes-frontières. Ils sont... moins accueillants envers les étrangers."


Nayati fit un pas en avant, se plaçant subtilement entre Anoki et Aiyanna. "Nous apprécions votre... clémence," dit-il, sa voix trahissant une légère méfiance. "Peut-être pourriez-vous nous guider vers le village le plus proche ? Nous sommes prêts à payer pour vos services, bien entendu."


"De l’argent ?" Un sourire énigmatique se dessina sur les lèvres d'Anoki. "Je vous remercie mais ce n'est pas une chose qui m'intéresse. Je serais néanmoins ravi de vous servir de guide... en échange de quelques histoires sur vos terres. La connaissance est la plus précieuse des monnaies ici."


Eyota, qui était restée silencieuse jusque-là, intervint. "C'est un marché équitable. Nous acceptons."


Anoki hocha la tête, satisfait. "Bien. Suivez-moi alors. Mon village n'est qu'à quelques heures de marche d'ici."


Alors qu'ils se mettaient en route, Aiyanna ne put s'empêcher de remarquer la grâce avec laquelle Anoki se mouvait à travers la forêt. Chacun de ses pas semblait en harmonie parfaite avec son environnement, comme s'il faisait partie intégrante de la forêt elle-même.


"Alors," dit Anoki après un moment de silence, "vous venez de Troëna. J'ai entendu dire que c'est un royaume puissant, mais je n'y ai jamais mis les pieds. Comment est-ce, là-bas ?"


Eyota prit la parole, tissant habilement un récit mêlant vérité et fiction. Elle parla des grandes cités de Troëna, de ses marchés animés et de ses traditions ancestrales, omettant soigneusement toute mention de leurs véritables intentions ou de la situation politique tendue.


Anoki écoutait attentivement, posant de temps à autre des questions pertinentes qui révélaient une intelligence aiguë et une curiosité insatiable. Alors qu'ils progressaient, il commença à son tour à partager des informations sur Easopane.


"Ici, tout est lié au Chakra," expliqua-t-il. "C'est l'énergie qui coule à travers toute chose - les rochers, les arbres, les animaux, et bien sûr, nous-mêmes. C'est ce qui donne à notre terre sa magie, sa vie."


Aiyanna buvait ses paroles, fascinée. "Et comment... comment l'utilisez-vous ?" demanda-t-elle, incapable de contenir sa curiosité.


Anoki sourit, visiblement ravi de son intérêt. "C'est une question complexe. Chacun a sa propre affinité avec le Chakra, sa propre façon de le canaliser. Certains l'utilisent pour soigner, d'autres pour communiquer avec la nature, d'autres encore pour combattre."


Il s'arrêta soudainement, se tournant vers eux. "Peut-être une démonstration serait-elle plus parlante qu'une explication ?"


Sans attendre leur réponse, Anoki ferma les yeux, semblant se concentrer intensément. L'air autour de lui commença à vibrer, et soudain, une lueur bleutée émana de ses mains. Sous leurs yeux ébahis, de minuscules particules de lumière se rassemblèrent, formant une sphère qui flottait au-dessus de sa paume.


"C'est... incroyable," murmura Aiyanna, ses yeux violets reflétant la lumière éthérée.


C'est alors que quelque chose d'extraordinaire se produisit. Alors qu'Aiyanna tendait inconsciemment la main vers la sphère de Chakra, une lueur similaire commença à émaner de ses propres doigts. Des filaments de lumière violette s'entremêlèrent avec le bleu d'Anoki, créant une danse hypnotique de couleurs.


Nayati et Eyota échangèrent un regard alarmé. C'était impossible. Aiyanna ne pouvait pas manipuler le Chakra. Personne du continent de Leadreon ne le pouvait. Le Prana était la seule énergie qu’il leur était possible de maîtriser. Utiliser le Prana et le Chakra était… impossible.


Anoki, lui, observait le phénomène avec un mélange de surprise et d'intérêt intense. "Fascinant," dit-il doucement. "Il semblerait que vous ayez des talents cachés, Aiyanna."


La jeune femme recula brusquement, brisant la connexion. La lueur s'estompa, la laissant confuse et légèrement effrayée. "Je... je ne comprends pas. Comment est-ce possible ?"


Nayati intervint rapidement, son instinct protecteur prenant le dessus. "C'est probablement juste une réaction à l'environnement. Nous ne sommes pas habitués à tant de... Chakra dans l'air."


Anoki ne semblait pas convaincu, mais il n'insista pas. "Peut-être," dit-il, son regard s'attardant sur le médaillon d'Aiyanna. "Quoi qu'il en soit, nous ferions mieux de continuer. La nuit tombe vite ici, et vous ne voudriez pas être dehors quand l'obscurité s'installera."


Alors qu'ils reprenaient leur marche, l'atmosphère avait changé. Nayati restait proche d'Aiyanna, son corps tendu comme s'il s'attendait à une attaque à tout moment. Eyota, elle, observait leur guide avec un mélange de fascination et de méfiance.


Aiyanna, quant à elle, était plongée dans ses pensées. Le Chakra qu'elle avait ressenti... c'était comme si quelque chose en elle s'était réveillé, une partie d'elle-même dont elle ignorait l'existence jusqu'alors. Et le regard d'Anoki... elle y avait vu quelque chose, elle en était sûre. Mais quoi ?


Alors que le soleil disparaissait à l'horizon, teintant le ciel de nuances pourpres et orangées, ils aperçurent enfin les premières lueurs du village d'Anoki. Des lanternes flottantes, alimentées par ce qui ne pouvait être que du Chakra, éclairaient les chemins entre des maisons aux formes organiques, semblant avoir poussé directement du sol.


"Bienvenue à Sephora," annonça Anoki, un sourire fier illuminant son visage. "L'un des derniers bastions de la sagesse ancienne d'Easopane."


Alors qu'ils pénétraient dans le village, Aiyanna, Nayati et Eyota échangèrent un regard lourd de sens. Leur mission venait véritablement de commencer, et avec elle, une plongée dans un monde de mystères et de dangers qu'ils étaient loin d'avoir imaginés.


Le médaillon d'Aiyanna sembla pulser contre sa poitrine, comme en écho aux battements de son cœur. Quelque chose lui disait que les réponses qu'elle cherchait depuis si longtemps se trouvaient peut-être ici, dans cette terre étrange et merveilleuse. Mais à quel prix ?

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