World Wars Two : Écho du Destin.
Chapitre 6 : Le sacrifice.
2883 mots, Catégorie: T
Dernière mise à jour 17/09/2024 06:33
Chapitre 7 : Le Sacrifice
13 mai 1940. À l’aube. Une forêt dense, près des lignes françaises.
Le soleil commence à se lever, projetant une lueur dorée à travers les arbres denses de la forêt. Hans Meier et Alexandre Chauss avancent lentement, leurs pas mesurés, presque silencieux, comme si chaque mouvement pouvait trahir leur présence. La douleur, la fatigue, et le doute se sont installés en eux comme des compagnons silencieux, mais ils continuent, poussés par une volonté de survivre.
Hans, visiblement affaibli, trébuche légèrement sur une racine. Alexandre, toujours vigilant, le soutient instinctivement.
Alexandre Chauss : Inquiet. Hé, tiens bon, Hans. On y est presque.
Le lieutenant Allemand serre les dents, refusant de montrer à quel point il souffre. Sa blessure au flanc n’a jamais vraiment guéri.
Les soins prodigué par le médecin Allemand était efficace mais Hans n’a pas eu de repos nécessaire. Mais malgré tout, il continue d’avancer. Il refuse de ralentir, refusant d’être un fardeau pour Alexandre.
Hans Meier : « Soufflant avec difficulté. » Ne t’en fais pas… je peux encore marcher. Je vais tenir jusqu’aux lignes françaises.
Alexandre le regarde, silencieux. Il sait que Hans dit cela pour le rassurer, mais la réalité est claire : Hans ne tiendra pas longtemps même soigner. Il est à bout de forces, et Alexandre le sait. Ils marchent toute la nuit, poursuivis par des patrouilles allemandes, sans répit, sans véritable repos.
Soudain, alors qu’ils avancent prudemment à travers un chemin étroit bordé de buissons, Alexandre s’arrête net. Il lève une main pour signaler à Hans de faire de même. Devant eux, à quelques centaines de mètres, ils aperçoivent un groupe de soldats. Des uniformes allemands.
Alexandre Chauss : À voix basse. Des patrouilles… Ils sont juste devant.
Hans, respirant difficilement, se penche légèrement en avant pour voir. Le groupe est petit, quatre ou cinq soldats peut-être, mais ils sont armés et semblent surveiller activement la zone. Ils sont trop près des lignes françaises, et ces patrouilles sont probablement là pour bloquer les fuyards comme eux.
Hans Meier : « Voix faible. » Sheisse (Merde)… avec nos armes et de faible munition nous n’y arriverons pas… Il faut les contourner. Si on se fait prendre ici, c’est fini pour nous.
Alexandre Chauss : « Acquiesça. » On va longer les bois et rester à couvert. Si on fait le moindre bruit, ils nous repèrent.
Ils reculent lentement, à pas mesurés, cherchant une route alternative à travers la forêt. Chaque branche qu’ils écrasent sous leurs pieds semble résonner comme une alarme dans l’esprit d’Alexandre, qui jette sans cesse des regards derrière lui pour s’assurer qu’ils ne sont pas suivis.
Hans, quant à lui, s’affaiblit de plus en plus, ses mouvements devenant plus lents, sa respiration plus saccadée. Alexandre le remarque et commence à s’inquiéter sérieusement.
Après plusieurs minutes de marche tendue, ils trouvent un autre sentier, un peu plus dégagé, qui semble les mener plus loin des patrouilles. Mais à ce moment, Hans s’effondre brusquement, sa main glissant contre l’écorce d’un arbre pour tenter de se stabiliser. Le Sergent Français se précipite vers lui.
Alexandre Chauss : Hans ! Qu’est-ce qu’il se passe ?
Son frère d’arme Allemand respire difficilement, le visage blême et couvert de sueur. Il sait que ses forces le quittent, et qu’il ne pourra pas continuer ainsi. Ses yeux cherchent ceux d’Alexandre, et dans ce regard, celui-ci voit une vérité qu’il ne veut pas admettre.
Hans Meier : « D’une voix rauque, presque murmurée. » Alexandre… je ne peux plus continuer. Pas comme ça.
Alexandre secoue la tête, refusant d’accepter l’évidence.
Alexandre Chauss : Ne dis pas ça. On y est presque, Hans. On va s’en sortir, tous les deux.
Mais l'oberleutnant sait que ce n’est pas vrai. Il sent que son corps l’abandonne. Le froid qui s’empare de lui n’a rien à voir avec l’air frais du matin. C’est le froid de la mort qui approche, doucement mais inexorablement. Pourtant, il refuse de mourir ainsi, en traînant Alexandre avec lui.
Hans Meier : Ma… ma blessure a été pris en charge trop tôt… tu n’y es pour rien mein Lieber (Mon cher.) Écoute-moi. Tu dois continuer sans moi.
Alexandre le fixe, choqué par ces mots. Il ouvre la bouche pour protester, mais Hans lève une main pour l’arrêter.
Hans Meier : Tu sais aussi bien que moi que je ne tiendrai pas. Je suis un poids pour toi. Si tu continues à me traîner, ils finiront par nous trouver tous les deux. Tu dois te sauver, Alexandre. Toi, tu as encore une chance de passer les lignes.
Son frère d’arme secoue violemment la tête, incapable de se résoudre à l’abandonner. Leurs jours ensemble, à se battre côte à côte, ont forgé une amitié inattendue, mais profonde. L’idée de laisser Hans derrière lui est insupportable.
Alexandre Chauss : Je ne peux pas te laisser ici, Hans. Pas après tout ce qu’on a traversé.
Hans pose une main tremblante sur l’épaule d’Alexandre, un geste qui en dit long. Il n’a plus la force de discuter. Mais il sait qu’il doit le convaincre.
Hans Meier : « D’un ton calme. » Écoute-moi. Si tu restes, on meurt tous les deux. Je ne peux pas continuer, et tu le sais. Mais toi… toi, tu peux t’en sortir. Tu dois t’en sortir.
Les larmes montent aux yeux d’Alexandre, mais il les retient. Ce n’est pas le moment de faiblir. Pas maintenant.
Hans Meier : « Affiche un sourire fatigué. » Je vais créer une diversion. Ils penseront que je suis seul, et tu pourras passer pendant ce temps-là. Ça te donnera une chance.
Alexandre ouvre la bouche pour protester, mais Hans serre légèrement son épaule, une dernière expression de fraternité et de détermination sur son visage.
Hans Meier : Avec insistance. C’est ma décision. Laisse-moi faire ça. J’ai déjà tout perdu. Il n’y a plus rien pour moi dans cette guerre. Mais toi… tu peux encore retourner chez toi. Tu peux encore vivre.
Le français, la gorge nouée, finit par hocher lentement la tête. Il sait que Hans a raison. Mais cela ne rend pas la décision moins douloureuse.
Alexandre Chauss : « Se met au Garde-à-vous. » Je n’oublierai jamais ce que tu fais pour moi. Je te le promets.
Hans sourit, un sourire triste mais paisible.
Hans Meier : Va, Alexandre. Passe les lignes. Vis pour les deux.
Ils échangent un dernier regard, une compréhension silencieuse passant entre eux. Hans se redresse autant qu’il le peut, puis, lentement, il s’avance à découvert, laissant Alexandre derrière lui, caché dans les buissons.
Hans Meier : « Crie d’une voix claire malgré la fatigue. » Hier ! (Ici !) Überläufer ! (Déserteur !)
Les soldats allemands, alertés par ses cris, se retournent brusquement, armes en main. Hans se tient debout, à découvert, les bras levés en signe de reddition. Alexandre, caché dans les fourrés, voit tout se dérouler sous ses yeux.
Hans, résolu à offrir à Alexandre le temps dont il a besoin, s’approche lentement des soldats. Les balles ne tardent pas à fuser dans sa direction. Le son des tirs résonne dans l’air froid du matin, frappant Hans en pleine poitrine. Il tombe au sol, lourdement.
Dans les buissons, Alexandre serre les dents, retenant un cri de rage et de douleur. Son cœur se brise en voyant son ami s’effondrer, mais il sait que c’est ce que Hans voulait. C’était son sacrifice. Pour lui.
Profitant de la distraction, Alexandre se faufile à travers les bois, ses mouvements rapides et silencieux. Il court, le visage tendu, les larmes coulant librement maintenant qu’il est hors de vue des soldats.
Il ne s’arrête qu’une fois qu’il atteint enfin les lignes françaises, ses jambes tremblantes, ses mains tremblant sous l’effet de l’épuisement et de l’émotion. Il est sauf. Mais à quel prix ?
Quelques heures plus tard.
Assis sur une caisse en bois, Alexandre fixe l’horizon. Le poste avancé français où il a trouvé refuge est une petite forteresse de fortune, protégée par des sacs de sable et des barbelés, surveillant attentivement les lignes ennemies.
Autour de lui, les autres soldats se préparent à la prochaine offensive, le regard dur, les visages marqués par la fatigue et l’angoisse des jours à venir. Mais il est ailleurs. Il ne les voit pas vraiment. Son esprit est resté derrière, dans cette forêt dense où Hans a fait son dernier acte de courage.
Le sacrifice de Hans Meier lui revient sans cesse en mémoire. La façon dont il s’est avancé vers les soldats allemands, les bras levés, criant pour attirer leur attention. Le bruit des balles. La chute de son corps. Alexandre a encore du mal à croire qu’il est parti. Tout s’est passé si vite, et pourtant, cette scène semble s’étirer à l’infini dans son esprit.
Un camarade s’approche, posant une main amicale sur son épaule.
Camarade français (Sergent): Hé, Chauss, t’as survécu. C’est ce qui compte. Quoi que t’aies vécu là-bas, t’as fait ce qu’il fallait pour revenir en vie.
Alexandre acquiesce d’un mouvement de tête, mais ses yeux restent fixés sur le paysage désertique devant lui, sur cette ligne indistincte entre le territoire français et les terres envahies par l’ennemi. Il sait que son camarade veut bien faire, mais les mots réconfortants ne suffisent pas à apaiser la tempête en lui.
Alexandre Chauss : « Murmurant pour lui-même. » Mais à quel prix…
Son camarade, sentant qu’il n’est pas d’humeur à parler, tapote doucement son épaule avant de s’éloigner. Alexandre reste seul avec ses pensées, ses souvenirs, et ce sentiment écrasant de culpabilité qui ne le quitte plus depuis la mort de Hans.
Il n’aurait pas dû survivre. Hans méritait de vivre. Il avait tant sacrifié, tant enduré, et pourtant, c’est lui qui est resté là, à se sacrifier une dernière fois pour qu’Alexandre puisse passer les lignes. Et pour quoi ? Pour le laisser ici, dans ce monde déchiré par la guerre, où l’avenir semble tout aussi incertain que l’instant présent.
Alexandre Chauss : « Se parle à lui-même. » Il m’a dit de vivre pour nous deux… mais comment vivre avec ça ?
Le vent souffle doucement, apportant avec lui une odeur de fumée et de terre humide. Chauss inspire profondément, ses poings serrés sur ses genoux. Il repense à leurs conversations, aux moments partagés pendant leur fuite, à cette amitié improbable qui s’était nouée entre eux.
Deux soldats de camps opposés, unis dans une quête désespérée pour survivre à une guerre qui ne semblait épargner personne.
Hans avait trouvé en lui quelque chose qu’il ne pensait jamais voir chez un ennemi : de la compassion, de l’humanité. Et c’est cette humanité qu’il avait défendue jusqu’au bout. Hans n’était pas mort en soldat allemand, mais en homme, en ami. C’était ce qui rendait son sacrifice si lourd à porter pour Alexandre.
Peut-être que c’est ça, la vraie tragédie de la guerre. Pas les batailles, ni les morts. Mais les sacrifices silencieux, ceux qu’on fait dans l’ombre, pour sauver une vie, une amitié… des gestes que personne ne verra jamais, mais qui nous brisent de l’intérieur.
Soudain, il est interrompu par l’arrivée d’un officier, qui se tient droit, un dossier à la main. Son uniforme est impeccable, mais son visage porte les marques d’un homme ayant trop vu la guerre. Il s’approche d’Alexandre avec une expression grave.
Capitaine français : « D’un ton sérieux. » Sergent Chauss ?
Alexandre se lève, secouant la torpeur qui l’avait engourdi. Il se tient au garde-à-vous, respectant l’autorité de l’officier malgré la fatigue qui l’alourdit.
Alexandre Chauss : Oui, mon capitaine.
Le Capitaine l’observe un instant, puis lui tend un document scellé.
Capitaine français : Vous avez accompli quelque chose d’extraordinaire en franchissant les lignes. Vous avez des informations cruciales sur les positions allemandes, des informations qui peuvent changer la donne pour nous. Je vais vous demander de rédiger un rapport détaillé sur votre traversée et tout ce que vous avez vu.
Le jeune homme prend le document, mais son esprit reste embrouillé. Il comprend l’importance de ce qu’on lui demande, mais dans l’immédiat, il n’arrive pas à se concentrer sur ce genre de choses. Comment écrire un rapport sur ce qu’il a vu, alors que la seule chose à laquelle il pense, c’est la mort de Hans ? Comment mettre des mots sur un sacrifice que personne ne pourra vraiment comprendre ?
Alexandre Chauss : Bien sûr, mon capitaine. Je vais le faire. « Dit-il d’une voix basse, presque absente. »
L’officier hoche la tête, satisfait de la réponse, puis s’éloigne. Alexandre reste là, tenant le document entre ses mains, le regard perdu. Il finit par s’asseoir à nouveau, posant le papier sur ses genoux. Mais il n’écrit rien. Ses pensées sont ailleurs.
Il ferme les yeux, se laissant submerger par les souvenirs de Hans. Il revoit leur première rencontre, ce moment improbable où deux ennemis ont mis de côté leurs différences pour survivre ensemble. Il revoit le sourire fatigué de Hans, ses blagues sèches, ses réflexions sur la guerre, sur la vie, sur l’avenir qu’il n’aurait jamais.
Le poids du silence est immense, mais Alexandre sait que ce silence est un hommage à Hans. C’est dans ce silence qu’il ressent la force de ce sacrifice, la profondeur de leur amitié.
Vous allez me dire, Comment rendre hommage à quelqu’un qui a tout donné pour toi ? Comment vivre avec l’idée que tu as survécu là où lui est mort ? Peut-être que la seule chose à faire… c’est de continuer. De ne jamais oublier. Et de faire en sorte que sa mort ne soit pas vaine.
Alexandre se redresse enfin, prenant une profonde inspiration. Il regarde autour de lui, ce monde brisé par la guerre, ces hommes fatigués mais toujours debout. Il sait que la guerre n’est pas encore terminée. Que d’autres combats les attendent. Mais pour Hans, il continuera. Il ne peut pas le laisser disparaître dans l’oubli.
Alexandre Chauss : « Murmurant pour lui-même. » Je te le promets, Hans. Je continuerai. Pour nous deux.
Il attrape finalement le crayon et commence à écrire. Pas seulement le rapport qu’on lui a demandé, mais l’histoire de Hans. Son sacrifice ne sera pas une simple note de bas de page dans l’histoire de cette guerre. Alexandre veillera à ce que la mémoire de son ami survive, à ce qu’elle soit racontée, partagée, pour que personne n’oublie ce qu’il a fait.
Chaque mot qu’il trace sur le papier est une promesse, un hommage à la fraternité improbable née au cœur de la guerre. Hans Meier n’est plus, mais son esprit, son courage, et son sacrifice vivront à travers Alexandre.
Retour à l’interview. 2016, studio d’enregistrement. Sedan.
Alexandre Chauss : « Essuie ses larmes. »…Et c’est ainsi que j’ai commencé à écrire, avec la détermination d’un homme qui sait que l’histoire qu’il raconte est plus qu’un simple témoignage de guerre. C’est une histoire de rédemption, de courage, et d’amitié. C’est l’histoire de… « Ravale sa salive avec difficulté. »…Hans Meier, l’ennemi devenu frère d’armes… mon ami… Les soldats allemands qui avaient abattu Hans continuèrent sûrement leur patrouille, indifférents à la vie qu’ils ont prise. Mais quelque part, dans cette forêt silencieuse ou j’ai laissé mon compagnon d’arme…, son sacrifice continue de résonner. Car son acte ultime n’a pas seulement sauvé une vie, il a sauvé un espoir. L’espoir que, même dans les pires moments de la guerre, l’humanité peut encore briller.
Animatrice : Et cet espoir, vous le porterez avec vous pour toujours.
Fin du dernier chapitre. Le sacrifice.