Le Sujet Athéna - Éclipse
« L’ignorance, la racine et la tige de tous les maux. »
Platon
Fuir.
Sa seule option.
Combien de temps cela faisait-il ? Elle ne savait pas. Elle ne savait plus. La seule chose qui lui importait : survivre. Encore et toujours. Malgré la fatigue, la faim, la soif, les cailloux qui écorchaient ses pieds nus, la douleur de ses blessures ou encore le froid qui transperçait chaque parcelle de sa peau meurtrie ; cachée en partie seulement par des vêtements sales et déchirés. La jeune fille tomba à genoux. Son corps, sollicité depuis longtemps déjà, commençait à l’abandonner pour de bon. Et pour ne rien arranger, la pluie se mit à tomber. Tremblante, gémissante, elle parvînt tant bien que mal à se redresser.
« Va-t’en, suppliait sa mère, pleurant à chaudes larmes devant les soldats, une lame d’un or blanchâtre sous le cou. Je t’en prie, ma fille. Fuis ! »
La scène qui s’en suivit, elle ne l’oublierait jamais. Chaque jour, à chaque fois qu’elle trouvait un endroit où reposer son corps fatigué parmi les ruines qu’elle parcourait depuis, l’adolescente en faisait des cauchemars. Même le monde onirique ne pouvait la laisser échapper à la réalité, ne fut-ce qu’un bref instant ! Elle chuta à nouveau, aggravant encore ses blessures. « Pourquoi dois-je vivre ça ? Qu’est-ce que j’ai fait au ciel ? ». Telles étaient les pensées qui se répétaient sans cesse dans son esprit. Pourquoi les dieux la punissaient, elle ? En relevant la tête, ses yeux se posèrent sur un temple abandonné. Il n’était pas censé y en avoir, en tout cas, pas à sa connaissance, pourtant en voilà un juste devant elle. Un bâtiment sans toit en pierre construit de façon traditionnelle malgré la technologie de cette époque ; haut de plusieurs mètres, l’édifice se caractérisait par de nombreuses et imposantes colonnades qui dessinaient ses contours, juste assez séparées pour permettre à quiconque le souhaitant d’y entrer. Malgré la pluie et l’obscurité, la jeune fille remarqua un symbole, non loin du sanctuaire. Un symbole qui semblait presque l’appeler, la suppliant de venir d’une voix, certes inaudible, mais perceptible par son esprit.
Une chouette.
Dans d’autres circonstances, elle en aurait ri. Dans un moment pareil, tomber sur un temple de la déesse qu’elle admirait tant ! On pourrait penser à une heureuse coïncidence… Pourtant, elle n’y croyait pas : les coïncidences n’existaient pas dans ce monde.
« Elle ne doit pas être loin. Dépêchez-vous ! »
Pas de temps à perdre. Si elle restait plus longtemps dehors, avec ceux qui la pourchassaient et les autres… créatures, l’enfant n’en aurait pas pour longtemps. Il fallait entrer dans ce temple ; sa déesse la protégerait sûrement ! Cet espoir lui donna la force de se tenir debout une nouvelle fois. Au prix de nombreux efforts, que ce soit pour marcher ou réduire ses gémissements de douleur au minimum, la jeune fille atteignit enfin l’entrée.
« La voilà ! »
Un coup de feu retentit, suivi d’un bruit de choc non loin devant l’adolescente. Au même moment, elle ressentit une légère brûlure au niveau de sa jambe, un liquide chaud qui y coulait… Mais c’était supportable. Tant qu’elle parvenait à entrer dans le temple, dans le foyer de sa protectrice, tout irait bien. Une statue de la déesse l’attendait au centre de l’édifice. Face à sa beauté, la jeune fille ne put que sourire, oubliant presque sa situation. Admirative, elle posa une main sur la partie la plus haute que lui permettait d’atteindre sa taille d’enfant : les jambes de la divinité. Enfin. Elle était en sécurité à présent. Sereine, elle s’agenouilla et adressa une prière pleine d’espoir à la déesse.
Un autre coup de feu.
Mais cette fois, la brûlure se manifestait au niveau de son ventre. Une douleur comme la jeune fille n’en avait jamais ressenti auparavant ; comme si un feu partait de son estomac et se propageait dans le reste de son corps, consumant ses os et ses organes petit à petit. Incapable de supporter cela, elle s’écroula. Son sang commença à se répandre pendant que des bruits de pas se rapprochaient. Bientôt, des personnes se placèrent autour d’elle. Impossible pour la jeune fille de savoir combien ils étaient, notamment à cause de sa fatigue et des lumières braquées sur elle qui lui brûlaient presque la rétine. Des torches, sans doute.
« IDIOT, a tonné l’un des nouveaux venus. Il ne faut pas la tuer !
- Pourquoi ? répondit son collègue avec nonchalance.
- Elle pourrait nous communiquer des informations capitales sur les rebelles.
Le premier éclata de rire.
- Elle a quoi… Dix, douze ans ? Qu’est-ce qu’elle pourrait bien savoir, au juste ?
La jeune fille peinait de plus en plus à respirer.
- Et puis, dans son état, elle ne risque pas de pouvoir nous dire quoi que ce soit.
- C’est quand même étrange qu’elle n’ait rien manifesté du tout, commenta quelqu’un d’autre.
- Silence.
Cette voix n’avait rien à voir avec les autres : féminine et ferme, il s’agissait sans le moindre doute du chef.
- Vous êtes sûrs de ce que vous avancez ? reprit-elle.
- Oui, chef. Aucun signe de la moindre Grâce chez elle. Vu son âge, impossible pour cette enfant de suivre la Voie des Douze.
- Si elle meurt, alors ce ne sera pas une grosse perte, ajouta un autre. Heureusement, sinon… Vous… Vous entendez ça ?
Dans un murmure, un nom se répétait sans cesse.
- Hé, je crois que ça vient d’elle.
Sous leur yeux, celle considérée comme leur « cible » appelait ce nom, encore et encore. Un nom, qui, malgré l’état de faiblesse de la jeune fille, semblait à ses yeux éloigner les ténèbres du temple… ainsi que celles qui obscurcissaient le destin funeste qui l’attendait. La voix de l’adolescente était si faible et la pluie si forte qu’il fallait tendre l’oreille afin d’entendre quoi que ce soit.
- J’en ai assez. (Au-dessus d’elle, le canon d’une arme à feu recouvrit en partie la lumière des torches, pointé droit sur son visage.) Chef ?
- Comme vous voulez, répondit cette dernière avec indifférence. Elle n’en a plus pour longtemps de toute façon. Mais dépêchez-vous, il ne faut pas rester trop longtemps ici. Des monstres risquent de rappliquer.
Leur cible continuait de perdre du sang. Beaucoup trop de sang.
- Très bien.
Pourtant, elle trouva la force de tendre la main en direction du ciel noir, sans lune, et de pousser un dernier murmure.
- A…
Sa déesse allait la sauver. D’une façon ou d’une autre.
Tant qu’elle serait ici…
…tout irait bien.
Un coup de feu… mais la fille n’avait rien. Peut-être fut-ce une hallucination de son esprit brisé par la douleur, la tristesse et l’espoir et qu’elle ressentirait les effets sous peu. Des cris retentirent. Des cris qui ne venaient pas d’elle.
- Qu’est-ce que…ARGH !
- Qui… Qui es-tu ?
Un concert de coups de feu et d’hurlements. Tout autour d’elle. Moins d’une minute plus tard, il ne resta plus que le silence ; un silence mortel brisé par les clapotis des gouttes de pluie. Quelqu’un s’approcha de la fille et, d’une main, souleva légèrement sa tête.
- Bois ça.
Cette voix. Une voix féminine, à la fois ferme et douce, parvint immédiatement à gagner la confiance de l’orpheline. Ainsi, elle n’hésita pas une seule seconde à boire le liquide contenu dans le récipient proposé par la nouvelle venue. Un parfum doux et sucré, légèrement acidulé envahit ses papilles. La jeune fille ne reconnaissait pas la boisson, mais elle lui plut instantanément. Aussitôt, l’enfant se sentit mieux, presque capable de marcher, mais une fatigue soudaine s’abattit sur elle. Comme si l’adolescente ne pesait rien, sa sauveuse la porta à bout de bras. Alors qu’elles se dirigeaient vers la sortie du temple, la jeune fille put jeter un regard à ses chasseurs. Ou plutôt, à ce qu’il en restait. Une dizaines de corps, tous au sol et parcourus de part en part de trous, sans doute le résultat des coups de feu entendus plus tôt. Tellement de sang… La jeune fille aurait dû être écœurée par ce spectacle macabre, pourtant, seul le soulagement la dominait. Bientôt, ses paupières se firent de plus en plus lourde. Elle avait beau lutter, ses forces la quittaient implacablement. Que faire ?
Ce qui acheva définitivement de lui faire prendre une décision furent les mots de l’inconnue :
- Ne crains rien, lui souffla-t-elle. C’est fini.
- Vous… vous croyez ? demanda la jeune fille.
Son interlocutrice acquiesça. Étrangement, la jeune fille ne parvenait pas à distinguer correctement son visage. Elle préféra alors accorder un dernier regard au ciel. Ah… L’astre céleste était visible, à présent.
- Dors, Aeluna Syphe. Tu en as besoin.
Luna ouvrit les yeux dans un décor inconnu. D’un geste prudent, ne connaissant pas trop la gravité de ses blessures, elle s’assit sur le lit, puis entreprit d’observer la pièce. La chambre, de taille moyenne, se composait simplement de deux lits, d’une table, deux chaises et d’une télévision, éteinte. Un rayon l’aveugla, ce qui dirigea son regard vers la fenêtre. Au loin, le soleil en se levant, projetait ses rayons et illuminait la pièce d’un éclat oranger. La lumière chaude de l’aube semblait bercer la jeune fille, qui sentait à nouveau le sommeil la gagner. Or, elle quitta instantanément cet état lorsqu’une personne entra dans la pièce par une porte qu’elle n’avait pas remarquée. Une femme, grande et majestueuse, avec de longs cheveux bruns en cascade ainsi qu’un visage intemporel, puisse-t-elle se trouver dans la vingtaine ou la trentaine, impossible à dire. Luna admirait son visage ; ses yeux plus particulièrement : d’un gris saisissant. Noyée dans ses pupilles, leur propriétaire eut besoin de s’y prendre plusieurs fois.
- Aeluna, appela encore l’inconnue.
Ce retour brutal à la réalité lui fit prendre conscience de ce qu’elle faisait. Luna s’empourpra.
- Oh ! Je… Je ne voulais pas…
Son interlocutrice esquissa un sourire.
- Ce n’est rien. Comment te sens-tu ?
L’enfant voulut répondre ; c’était la moindre des choses envers la personne qui l’avait sauvée, pourtant rien ne sortit de sa bouche. Tous les évènements vécus par cette dernière ces derniers mois lui revinrent en mémoire, et en particulier : le jour de son départ. La femme la regardait sans rien dire ; ses yeux de la couleur d’un ciel d’orage semblaient transpercer la mur qui protégeait l’esprit de Luna, lisant dans son esprit comme dans un livre ouvert.
- Toutes mes condoléances pour tes parents, déclara-t-elle avec sincérité. Tu n’aurais pas dû vivre ça. Aucun enfant ne le devrait.
À l’instant où cette phrase atteignit les oreilles d’Aeluna, cette dernière éclata en sanglots et courut vers son interlocutrice pour l’enlacer. Surprise, sa sauveuse se laissa faire, avant d’accepter son étreinte. Cette femme était la seule personne encore présente pour Luna ; elle qui avait tout perdu en une seule nuit, elle qui, pendant sa fuite, ne rencontra qu’hostilité, solitude et souffrance, craignant pour sa vie à chaque seconde, et poursuivit par les assassins de ses parents pour des raisons qui lui demeuraient encore inconnues, trouvait enfin quelqu’un de confiance. Quelqu’un chez qui pleurer. Alors Luna pleura, pleura encore. Rassurée par la chaleur de l’inconnue, la fille se laissa aller, déversant toute la tristesse qui la dévorait de l’intérieur depuis des mois, la détruisant à petits feux. Quelques minutes plus tard, quand Luna se fut enfin calmée, les yeux encore rouge de chagrin, elle retourna s’asseoir sur le lit, cette fois accompagnée de la femme. Les deux, en silence, observèrent le soleil couchant à travers la fenêtre. Soudain, Aeluna réalisa une chose :
- J’aurais dû vous le demander avant, mais… Comment vous appelez-vous ?
- Diane.
- Vous voulez dire, comme…
- La déesse Artémis, compléta-t-elle. Oui.
Cela ne surprit pas Luna plus que ça. Il était courant que des enfants naissent avec des noms de dieux, du moment qu’ils s’agissaient de noms « secondaires » de ces derniers. Par exemple, un garçon issu de parents voulant honorer Arès, pouvait s’appeler « Mars » ou « Enyalios », mais certainement pas le nom du dieu de la guerre lui-même.
« Diane ». Un si beau nom pour la personne qui l’avait sauvée…
Luna aurait voulu profiter de cet instant de calme et de sécurité plus longtemps, mais une question la taraudait. Elle redoutait de la pauser, pourtant elle ne put s’en empêcher.
- Et… et maintenant ? (Sa gorge se noua.) Je n’ai plus d’endroit où aller…
Un silence s’installa entre elles deux quelques secondes, avant que Diane ne le brise :
- J’aimerais m’assurer de quelque chose.
Sur ces mots, elle sortit un bout de papier de ses vêtements avant de le tendre à la jeune fille. Malgré son incompréhension, Luna saisit l’objet.
- Ce que je vais te demander va sans doute te paraître étrange, prévînt la brune, mais j’aimerais que tu le brûles.
Stupéfaite par une demande aussi inattendue qu’incompréhensible, la jeune fille fit l’aller-retour du regard entre son interlocutrice et le morceau de papier.
- Essaie, tu ne risques rien.
Malgré tout, puisqu’il s’agissait d’une demande de celle qui l’avait sauvée, Luna essaya quand même. Les secondes s’écoulèrent et les tentatives de la jeune fille se succédèrent sous le regard insistant de Diane. Luna se concentra aussi fort que possible, voulant à tout prix satisfaire Diane, et y mit toute son âme. Soudain, à la plus grande surprise de l’adolescente, le papier s’embrasa d’un feu puissant, arrachant un cri de surprise à cette dernière.
- Je… J’ai réussi ?
Diane se contenta de sourire avec bienveillance.
- Le Feu d’Héphaïstos, déclara-t-elle sur un ton de respect. Oui, Luna. Il semblerait que tu aies réussi.
La brune prit le papier des mains de Luna et le laissa se consumer. Bientôt, il n’en resta plus que des cendres. La jeune fille, encore sous le choc, s’exclama :
- Ce n’est pas possible. Je pensais n’avoir aucune Grâce !
- D’ordinaire, les Élus éveillent leur Grâce autour d’un ou deux ans, expliqua Diane. Dans certains cas, on parle d’un sur des milliers, leur pouvoir accordé par les dieux se révèle quand ils atteignent l’adolescence ou plus tard encore. (Son regard se posa sur Luna.) Les imbéciles qui te poursuivaient hier ne savaient pas qu’ils étaient sur le point de tuer une Élue !
Une Élue. Une personne choisie par les dieux. Elle.
La joie s’empara peu à peu de l’adolescente. Elle qui croyait être condamnée à ne rien faire de sa vie, jalousant les plus grands guerriers de son époque, tous au service des dieux, percevait une lueur d’espoir. L’espoir de les rejoindre… et d’entrer au service de sa déesse !
- Comment l’avez-vous su ? demanda Aeluna.
- Pendant ta fuite, tu as utilisé ce pouvoir, même s’il s’agissait de flammes bien plus faibles. Tellement que tu ne t’en es même pas aperçue.
Luna, incrédule, regarda ses mains frêles. « Je l’avais déjà fait ? », se demanda-t-elle.
- Quoi qu’il en soit, enchaîna Diane, laisse-moi te poser une question. Ta déesse favorite, celle pour qui tu te battrais de toutes tes forces…
Diane se leva du lit et contempla Luna dans les yeux. L’expression de la femme était impassible.
- Ne serait-ce pas Athéna ?
Luna hocha la tête avec vigueur.
- Oui, je donnerais tout pour la déesse de la sagesse, celle que j’admire le plus.
- Pourquoi tant d’intérêt pour une déesse comme elle ? De nos jours, rare sont les personnes qui la louent vraiment. La grande majorité des gens se tournent plutôt vers Zeus, Hermès ou même Aphrodite. Surtout en temps de paix, et c’est compréhensible.
La jeune fille le savait bien, depuis des années même. Elle secoua la tête.
- Athéna n’utilise pas la force pour vaincre ses adversaires, mais sa ruse et son intelligence. Elle est capable de détruire n’importe quel monstre et de protéger le maximum de gens possible sans avoir à se battre. Il est impossible de la vaincre. Peu importe ce que les autres pensent, à mes yeux, c’est elle qui devrait régner sur l’Olympe et le monde.
Tout ce que Luna disait provenait du fond de son cœur. L’expression de Diane demeurait impassible, mais quelque chose brilla légèrement dans ses yeux, quelque chose que Luna ne put interpréter. Puis, la femme lui demanda :
- N’es-tu pas déçue ? La Grâce que tu as révélée n’est pas celle d’Athéna, mais du dieu du feu.
Diana relevait un point, qui paraissait essentiel à Luna quelques mois, voire années, plus tôt, lorsque celle-ci fantasmait sur le fait de posséder la Grâce de la déesse qu’elle admirait tant. Avec le temps, Aeluna désespérait de plus en plus… Jusqu’à quelques instants plus tôt.
- J’aurais aimé l’avoir, c’est vrai, admit la jeune fille. Si Héphaïstos m’a choisi, alors je l’accepte. Je servirai dame Athéna d’une façon ou d’une autre !
Au bout de quelques secondes de silence, les yeux perçants de Diane quittèrent sa protégée pour se diriger vers le ciel.
- Une tel entêtement... Intéressant. Dans ce cas, c’est décidé.
À l’instant où Luna s’interrogea sur la signification de ces paroles, Diane alla ouvrir la fenêtre, laissant passer un vent agréable qui fit danser ses beaux cheveux bruns et vînt doucement caresser le visage de la jeune fille.
- Je vais t’aider.
- Que voulez-vous dire ?
Diane posa une nouvelle fois le regard sur elle, souriante. Ses yeux gris pétillaient.
- Je t’apprendrai à maîtriser ta Grâce comme il se doit, ainsi que le nécessaire pour que tu puisses suivre la Voie des Douze. Je te préviens, vu ton âge, tu as énormément de retard sur les autres, alors, même si je t’ai sauvé, ne t’attends à aucune pitié de ma part. C’est compris ?
À cet instant précis, l’environnement autour de Luna cessa d’exister. Elle n’entendait plus les gazouillis d’oiseaux des nids alentour, le bruit matinal des animaux qui se réveillaient, ou encore le sifflement du vent frais. Le temps lui-même avait ralenti, l’espace ne se limitait plus qu’à elles deux, rien de plus. Les paroles de Diane se répétaient en écho dans l’esprit de Luna. Elle, qui avait perdu espoir depuis des mois, elle qui songeait même à mettre fin à ses jours ou à se laisser mourir, tuée par la faim, la soif, ses blessures ou ses anciens poursuivants. Afin de ne plus vivre un jour de plus dans ce monde sans sa famille et sans sa déesse. Pourtant… Pourtant chaque soir, depuis cet évènement, elle n'abandonnait pas. Peut-être était-ce l’instinct de survie ? Peut-être cherchait-elle à honorer la dernière volonté de sa mère ? Peut-être était-ce un mélange des deux ou quelque chose qui n’avait rien à voir ? Un espoir irrationnel qu’on viendrait l’aider. Que quelqu’un prendrait le risque de la sauver. Et cette personne existait. Elle se trouvait juste devant ses yeux, et lui tendait la main. Une main que Luna était prête à saisir.
- Oui ! répondit-elle avec joie.
Étrangement, la lumière aurorale qui atteignait la brune sembla différente, presque surnaturelle ; donnant à la silhouette de la femme un éclat chaud et rassurant qui emplissait la pièce d’un véritable sentiment de sécurité.
À cet instant précis, Luna ne voyait plus la différence entre Diane… et une véritable déesse.