L'ânesse, le trait et le renard.

Chapitre 7 : Matthew

2867 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 27/03/2024 16:11

Sarah est allée garer la machine contre la clôture, elle a trouvé l’astuce parfaite. L’une des tôles de la grange à foin est en train de se détacher. Elle arrive tout de même avec et monte le bras mécanique au plus haut en venant coincer ladite tôle avec le bac. La caméra a un système d’allumage automatique lorsque que l’on ouvre l’écran, mais en tournant celui-ci dans le sens opposé. Il est possible de filmer tout en gardant l’écran contre l’appareil et donc faire croire qu’il est éteint, même s’il est caché derrière le siège et la coque de l’arrière du véhicule.

Bien sûr, le couple a les yeux sur Sarah, qui se tourne comme si de rien n’était et s’écrie :

 

— Erica, fais attention s’il y a du vent, la tôle ne tient plus du tout et je ne suis pas sûr qu’elle ne glissera pas avec le bac, je la répare quand tu as fini.

 

Elle s’en va sous le regard confus de son ex et de la cavalière qui regarde la tôle avec suspicion, puisque Jupiter est un cheval peureux.

Sarah rejoint Daniel près du box de Jack. Matthew est trop loin que pour les entendre parler, mais les voir partir ensemble vers la cour avec le sourire, ne lui plait pas du tout !

 

— Mon cœur, tu veux bien monter les barres d’obstacles ?

— Je reviens, j’ai laissé les clés sur le contact.

 

Erica acquiesce et met son cheval en mouvement. En passant, à côté de la chaise, elle remarque que le téléphone et les clés de son compagnon, sont là. Elle veut l’appeler, mais il n’est déjà plus en vue, elle grimace, espérant qu’il le remarque et ne s’énerve pas en pensant les avoir perdues.

Matthew se dépêche de marcher pour rattraper Daniel et Sarah, qu’ils voient alors rentrer ensemble, chez elle. Il se tend, serrant le poing de colère ! Il enrage, faisant les cent pas devant la cour, sous le regard de Gloria et Alexis.

 

— Ça ne va pas Matthew ? Demande Gloria.

— Non ! répond celui-ci.

 

Ça l’agace ! Il s’arrête et va directement tambouriner à la porte de Sarah. Celle-ci sursaute et en l’apercevant, devient en blanche. Daniel qui revient des toilettes, accélère le pas, passant devant la rousse pour ouvrir à Matthew, qui tente alors de forcer le passage pour entrer… Sauf que Daniel le bloque et le fait reculer et sortir.

 

— Bouge-toi ! Tu n’as rien à faire chez elle !

— Tu nous fais quoi là ? C’est toi qui n’as rien à faire ici, réplique Daniel.

— Allez donjuan, va t’amuser ailleurs, je veux lui parler.

— Si tu as quelque chose à lui dire, fais-le maintenant, parce que je ne partirais pas !

— Où te crois-tu ? Elle n’a rien à avoir avec toi, tu n’as pas à te mêler de ça, alors bouge !

— Me mêler de quoi, Matthew ? Qu’as-tu à lui dire de si important ? Tu ne penses pas qu’il serait temps de la laisser tranquille ?

— Ce que j’ai à lui dire ? déclare-il en regardant vers Gloria et Alexis qui sont venus voir ce qu’il se passe : qu'elle m’énerve à draguer tous les mecs qui arrivent ici pour m’agacer ! Moi, j’étais amoureux, moi, je faisais tout pour elle ! Et elle, qu'a-t-elle fait ? Elle est allée voir ailleurs parce que je n’arrivais pas à la satisfaire comme elle, elle le voulait !

— Je te rappelle que tu es en couple avec Erica, savoir qui Sarah fréquente ne devrait plus être une de tes préoccupations, réplique Daniel.

 

Matthew regarde Daniel fixement dans les yeux, sa colère se lit sur son visage, Daniel le sent qu’il est sur le point de craquer, mais cela serait se vendre… Celui-ci s’approche de Daniel, un petit sourire en coin et chuchote de façon à ce que lui seul et Sarah puissent entendre :

 

— Quoi que tu fasses, il y a bien un moment où elle se retrouvera seule et à ce moment-là, je me vengerais, comme le jour où mes amis t’ont corrigé. L’as-tu remarqué, qu’elle se laisse toujours sauter part n’importe qui ?

 

Daniel écarquille les yeux et se tourne vers Sarah qui vient tout simplement de s’écrouler au sol. Cette fois, son sang ne fait qu’un tour, Daniel se tend complètement tandis que son point rencontre la joue de Matthew qui s’en mord la langue.

Celui-ci recule, tout en se touchant la joue, il dévisage Daniel avec un sourire satisfait et continue de reculer pour que Gloria et Alexis puisse voir les larmes qui coulent le long de ses joues :

 

— Tu ne comprends donc pas que je t’ai toujours aimée ? Même avec cette faute, que je voulais te pardonner ? Non, il a fallu attendre que je trouve Erica pour que tu te décides à vouloir me demander pardon ! C'est moi le mauvais dans l’histoire, c’est moi qui m’en prends une, alors que je défends Erica d’une jalouse compulsive ! Je t’ai aimée, Sarah, mais je ne peux plus, tu me fais trop souffrir !

 

Alexis et Gloria se dévisagent et observent Daniel qui en fronce les sourcils. Il se tend, tandis que des spasmes nerveux lui parcourant le corps de colère. Toutefois, Daniel se retient d'aller plus loin, il referme la porte pour aider la rousse à aller s’asseoir sur le clic-clac. 

Daniel se pose à ses côtés, tout en tapotant le dos de la femme qui essuie ses joues humides.

 

— Pardon, dit-elle.

— De quoi ?

— De tout ça... Il vaut mieux que nous nous évitions, Daniel.

— Pourquoi ?

— Parce qu’il va continuer. Je ne peux plus le supporter et je n’ai pas envie qu’il parvienne à te chasser d’ici.

— Il ne le fera pas et je continuerai à te défendre. Erica va avoir la protection animale sur le dos, je le sais parce qu’ils m’ont contacté. On va lui saisir son cheval, elle n’aura plus le droit de venir ici et donc lui non plus.

 

Est-ce que Matthew arrêtera de venir dans ce cas ? Elle a peur qu’il continue à la visiter… Elle se demande si Daniel a compris de quoi il parlait ? Elle a beau se sentir vexée par les propos de son ex, il n’en reste pas moins, qu’il a raison. Quand il vient, elle n’arrive pas à lui dire non, ni à le repousser. Sarah en détourne la tête, espérant qu’il ne vienne pas sur le sujet…

 

— Je pense que tu n’auras pas besoin de rester toute la journée, dit la rousse.

— C’est comme tu le veux, je peux partir quand ils le seront.

— Matthew et Erica ? Tu vas attendre longtemps, elle va sans doute discuter avec Elisa qui ne devrait plus tarder à arriver pour travailler sa jument. Matthew va sans doute rester le plus longtemps possible pour voir quand tu vas partir, explique Sarah.

— Alors, je partirai le plus tard possible, histoire de l’énerver, réplique Daniel.

— Je ne pense pas que l’énerver soit une bonne idée. Il attendra que tu partes pour agir et… Cette idée me fait peur, dit-elle à voix basse.

— J’ai pris le camion pour dormir dedans à la base, rétorque Daniel.

— Pourquoi t'acharnes-tu autant ? Tu n’y gagnes rien à faire ça ?

— Ce que je gagnerai, c’est de le faire sortir de ses gongs. Un pervers narcissique fuit quand il se sent son contrôle menacé.

— D’accord, mais si cela ne fonctionne pas, la personne sur qui il va se venger, c’est moi. Parfois, je me demande même comment il agit avec Erica. Elle a du caractère, mais elle aussi est une victime de sa manipulation. Si elle est ainsi avec moi, c’est parce qu’elle a de l’empathie pour Matthew. Même quand nous étions ensemble, elle a toujours montré de l’intérêt pour lui, nous nous entendions bien, mais je l’avais remarqué que c’était pour l’approcher, qu’elle me parlait.

— Cela tombe, il t'a peut-être trompé avec elle, rétorque Daniel.

 

Sarah le dévisage, penaude, puis détourne les yeux, ce qui attire l’attention de Daniel.

 

— C’est le cas ?

— Non, mais… Je n’aime pas plaisanter là-dessus. Il pleurait tout de même parce que je l’ai trahi, dit Sarah.

 

Daniel écarquille les yeux, ensuite secoue machinalement la tête de gauche à droite :

 

— Non ! Tu n’as rien fait de ça, c’était de la comédie parce que Gloria et Alexis, étaient là, rien de plus, Sarah. S’il t’avait vraiment aimé, il aurait fait attention à toi, rétorque Daniel : Je ne le laisserai plus s’en prendre à toi.

— Tu vas rester ici à l’écurie en permanence ? rétorque Sarah, ironique.

— Je suis vraiment capable de dormir dans mon camion, tu sais.

— Pourquoi tu fais tout ça ? On se connait à peine, demande Sarah, confuse.

— Son comportement m'énerve, répond simplement Daniel.

— Tu es le seul à penser de cette façon.

— Tu oublies, Henry, Lucas et Anthony. L’adultère fait rire, pas la violence, les autres préfèrent se mettre des ouillières ou minimiser les choses, que de regarder les choses en face.

 

Sarah baisse la tête, elle se sent épuisée, autant physiquement que mentalement. Parfois, elle peine à penser, à réfléchir. Ce n’est qu’une conversation, mais elle a l’impression de sentir son énergie aspirée. Elle respire lentement pour éviter de pleurer, parce que cela l’agace.

Daniel l’observe, elle a les yeux creusés et des poches noires par-dessous. Plus les jours passent et plus, il la trouve blafarde.

 

— Si tu veux vraiment rester ici, dors dans le clic-clac, murmure Sarah.

— Tu n’es pas dérangée par ma présence ?

— Ça va, répond faiblement la rousse.

 

Sarah s’appuie sur l’accoudoir, elle n’a pas envie d’avoir de pensée négative envers Daniel, mais elle a tout de même peur de faire confiance. Il a déjà passé une nuit chez elle, mais il n’était pas dans un très bon état. Même si son œil reste noir et qu’il a encore le visage un peu boursoufler par les coups qu’il a reçus. Cette fois, il est en forme.

Sarah ferme un peu les yeux, elle doit être épuisée pour réussir à s’endormir à côté d’un homme. Daniel qui l’observe attrape et tire sur le plaid replié au-dessus du divan pour la couvrir avec. Doucement, il se lève et regarde le nombre de voitures restantes : il y en a trois. L’Opel grise doit-être celle de Sarah puisqu’il ne l’a jamais vue bouger, donc la Fiat rouge est à Matthew et la Peugeot est à Elisa. Il rentre, ferme à clé et il vient s’asseoir près de Sarah. Il met en route un jeu sur son mobile le temps qu’elle se repose un peu tout en gardant un œil sur elle et l’oreille attentive pour ce qui est des dernières voitures.

Toutefois, au bout d’une trentaine de minutes, Sarah se redresse tout en regardant Daniel en sursautant, le sommeil lui ayant fait oublier sa présence.

 

— Tu m’as laissé dormir ? dit-elle gênée.

— Tu semblais épuisée, j’ai joué le temps que tu dormes, dit-il, en montrant son personnage sur l’écran.

— J’ai dormi longtemps ?

— Non, à peine trente minutes, ne t’en fais pas, j’ai entendu une voiture partir, il n’y a pas longtemps.

 

Sarah regarde l’heure, seize heures, ce n’est pas encore le moment de rentrer les chevaux.

 

— Je nous ferais bien du poulet rôti, qu'en dis-tu ?

— Que je vais finir par te payer un loyer, si je suis à chaque fois aussi bien reçu, dit Daniel, taquin.

— N’importe quoi, réplique Sarah. On peut se regarder la suite de provenance, si ça te dit ?

— Je ne dirais pas, non, j’ai regardé l’épisode six, mais je me suis endormi sur le sept, explique Daniel.

 

Ils s’installent au fond du divan, Daniel porte son regard sur la rousse, qui en fait de même avant de les détourner de gêne.

 

— Est-ce que cela te dérange que j’aille chercher mon ordinateur portable à un moment ?

— Bien sûr que non, prends-toi aussi des vêtements de rechange si tu restes ici jusqu'à lundi, répond Sarah.

— Tu es certaine que me laisser dormir ici ? Je comptais vraiment aller dans le camion ?

— C’est hors de question de le laisser dehors et si tu restes pour surveiller Matthew, il sait forcer la porte de devant, dit Sarah.

— Comment fait-il ? Tu veux que j’y regarde ?

— J’ai déjà fait venir une personne pour la remplacer, ainsi que les barillets, explique la femme.

— Et celle-là ? dit-il en pointant la porte arrière.

— Il n’a jamais essayé, Henry a son salon et sa chambre qui donnent dans la cour, donc si Matthew vient, il est trahi, surtout avec le spot automatique.

— C’est plutôt de la route dont tu te méfierais ? Je peux placer le camion devant.

— Daniel, sauf si cela te dérange vraiment de dormir chez moi, si tu es décidé à jouer les gardes du corps pour une personne que tu connais à peine. Alors accepte au moins de dormir dans un coin, un peu plus confortable que ton camion, répond Sarah.

— Je n’en suis pas dérangé, mais je t’ai entendu fermer la porte de ta chambre la dernière fois, avoue l’homme.

 

Sarah rougit tout à coup et secoue la tête de gauche à droite :

 

— Ce n’était pas contre toi, c’est une habitude que j’ai prise, explique Sarah.

— Il n’y a pas de mal, c’est compréhensible. Ce n’est pas mon intention, mais je m’impose aussi.

 

Sarah lui sourit simplement, ils regardent la fin de l’épisode et celui-ci de fini, ils passent à table.

 

— Je prendrais de quoi faire le repas de demain à la maison, ce sera à mon tour de cuisiner, dit Daniel.

— J’ai l’impression de vivre avec un colocataire, plaisante Sarah.

— Bah jusqu’à lundi, ce sera le cas ! Ça me rappelle mes années d’études, on faisait à manger à tour de rôle, celui qui partageait ma chambre faisait toujours des omelettes, explique Daniel en riant.

— Je ne dirais rien, depuis que je vis seule, je ne mange pas de façon équilibrée, ni sainement…

— Avec ce que tu vis, cela ne m’étonnerait pas que tu aies un petit coup de dépression. Il serait vraiment temps que Matthew sorte de ta vie, réplique Daniel.

 

Sarah détourne la tête et inspire profondément pour se retenir de soupirer. Voilà un an que cette histoire dure, qu’il est bien plus présent à l’écurie qu’il ne l’était à l’époque où il était avec elle. Doit-elle admettre que cela l’agace un peu de le voir aussi souvent, de voir que leur couple semble fonctionner. 

À chaque fois, Sarah se dit que c’est bien fait pour elle… Si Daniel dit que Matthew ne l’aimait pas réellement à cause de son comportement. Il en est de même pour elle, si elle s’était bien plus pliée à ses envies, qu’elles auraient plus répondus à ses attentes, peut-être qu’il n’aurait pas changé de comportement…

Henry, Lucas et Daniel ont beau lui dire que Matthew est une mauvaise personne, si elle avait été une bien meilleure copine, il n’aurait pas dû aller à ses extrémités pour lui prouver son amour. 

À force d’y penser, de ressasser tout cela, de vouloir se remettre en question, plus rien ne va dans sa tête. Elle le sait que sa pensée est mauvaise, enfin est-ce vraiment le cas parce que trois personnes sur treize le lui disent ? Qui croire ? Ceux qui se montrent sympas avec elle ou ceux qui se montrent blessants ? Il est plus facile de reporter la faute sur les autres et elle le fait, elle aussi…

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