L'ânesse, le trait et le renard.

Chapitre 1 : L'écurie du Saule

2473 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 09/03/2024 19:50

Cela lui aura pris près de deux heures pour parvenir à la nouvelle écurie où va résider, à présent, son cheval. La route était plutôt agréable en soi et Jack est resté calme comme à son habitude, mais bordel, ce qu'il doit pisser ! Il voit enfin l'écriteau avec écrit dessus : Écurie du Saule. Il clignote à gauche et s’engage dans l’allée pour atteindre un parking privé où quelques véhicules sont déjà présents. Le domaine lui semble encore plus monstrueux que sur les photos ! Il a été habitué aux écuries de petite taille avec peu de propriétaires. C'est la première fois qu’il place Jack en pension dans un tel lieu. L’aspect écurie ancienne et surtout les disciplines présentes ici sont ce qui l’a décidée à venir. Sans compter que sa maison se trouve à dix minutes d’ici.

Le jeune homme, répondant au nom de Daniel, remarque une fille de petite taille à la chevelure rousse au carré, qui lui fait des signes pour se garer. Enfin, il peut couper le moteur et descendre du véhicule et par pitié vite aller soulager sa vessie !

 

— Tu es bien, Daniel Stats ?

— C’est moi, répond le jeune homme.

— Je suis Sarah Niemi, la palefrenière de cette écurie, ton box est prêt, je vais t’y conduire.

— Merci, répond-il sur le même ton sobre que la jeune femme.

 

Daniel est un jeune homme de vingt-huit ans, grand puisqu’il mesure plus d’un mètre nonante. Il ressemble plutôt à une perche qu’une armoire à glace. Avec sa longue chevelure noire, son simple tee-shirt et son jeans, il ne lui manque plus que le logo nirvana pour avoir un look métalleux. Les traits de son visage sont fins, il a le regard perçant et des iris d’un bleu prononcé.

Sarah quant à elle mesure un mètre cinquante-sept, sa chevelure rousse lui arrive un peu au-dessus des épaules. Elle a un visage fin, arrondit qui lui donne moins que son âge et a pour particularité de posséder des yeux verrons. Elle ne se maquille pas et sa tenue d’ouvrière d’écurie lui donne des airs de garçon maqué qui dénote totalement avec les autres filles qui reste féminine, même en tenues d’équitation.

Daniel fait le tour de son véhicule et en ouvre la porte pour laisser descendre son compagnon de route, tandis que plusieurs cavaliers s’approchent avec curiosité.

Sarah savait qu’il s’agissait d’un grand cheval, elle, ainsi que les autres, était partie du principe qu’il s’agissait d’un cheval pour le saut d’obstacle. C’est donc avec surprise que la rousse découvre un cheval de trait à la robe baie et sabino. Immédiatement, les regards curieux se changent en expressions narquoises et dédaigneuse face à l’animal.

Daniel se tourne sur Sarah, plutôt surpris par ce regard qu’elle affiche face à Jack :

 

— Serait-il possible de le lâcher quelque part pour qu’il se défoule un peu avant de le mettre en box ? demande Daniel.

— Oui, bien sûr ! Il peut aller en prairie ou, si tu préfères, il y a des paddocks. Je vais te faire faire le tour du propriétaire et tout t’expliquer, répond la jeune femme avec plus d’enthousiasme.

 

— Oui, oui, c'est ça ! Va vite lui faire faire le tour du propriétaire, intervient l’une des cavalières qui se tient devant l’entrée du bâtiment principale.

 

Daniel dévisage la fille en question, brune à la longue chevelure lisse. Habillé de façon chic, son visage est rond et doux, contrairement au ton de sa voix.

Sarah se déporte et ignore la cavalière, invitant Daniel à la suivre :

 

— C’est un clydesdale ?

 

Le garçon acquiesce, surpris qu’elle connaisse cette race peu courante en Belgique.

 

— S’il peut aller en prairie, ça m’arrangerait. Il respecte les clôtures, explique Daniel.

 

Le parking donne directement accès au plus gros bâtiment qui comporte cinq boxes se trouvant juste devant la piste intérieure, ainsi qu’une aire de pansage et un bar qui n’est plus utilisé. Eux partent complètement sur la gauche, d’un côté, il y a des prairies, de l’autre une double allée de boxes qui se font face et une dernière face aux prairies.

Ici, les cheveux sont lâchés tôt le matin et rentrent tard le soir. Il y a plusieurs parcelles pour les rotations et séparé les chevaux qui ne peuvent pas être placés ensemble. Il y a dix de chaque côté de l’allée et dix du côté qu’ils longent.

 

— Tu as l’avant-dernier box, c’est le plus grand, explique Sarah.

 

Arrivé devant celui-ci, il remarque qu’il est plus long que large ?

 

— À la base, c'était deux box, mais on l'a transformé pour en faire un grand. Ton cheval n’a pas peur des ânes ? demande la jeune.

— A priori, non, il y en a un à côté ?

— Oui, mais ne t’en fait pas, si elle dérange, je m’arrangerai avec le patron, dit Sarah.

— C’est la tienne ? ricane Daniel.

 

Sarah hoche de la tête. À deux mettre d’eux, il y a les clôtures de la prairie, une allée qui les longes ainsi que la fosse à purin, qui donne sur la partie supérieure du domaine. C’est ce passage qu’ils empruntent. Au-dessus, sur leur gauche se trouve trois paddocks accolés les uns aux autres, par où passe Sarah, pour rejoindre les autres parcelles. Sur la droite des paddocks se trouve deux pistes extérieures, une grande aménagée pour l’obstacle, une plus petite et un rond de longe. Le tout installé autour de la grange de stock pour le foin et la paille, ainsi que les machines.

 

— Il y a une prairie libre à côté de celle de mon ânesse, mais si ça te dérange, il peut aller ailleurs.

— Comment ça ? Qu’est-ce qui me dérangerait ?

— Que ton cheval soit à côté d’un âne, réplique Sarah.

 

Daniel en lève un sourcil, lui aussi a déjà eu le droit aux moqueries et aux réflexions idiotes parce qu’il n’a pas un cheval de concours. Voilà pourquoi la fille de tout à l’heure s'est montrée arrogante.

 

— Je suppose qu’elle n’est pas galeuse, répond Daniel.

— Non, elle ne l’est pas, mais on va devoir traverser la prairie de puce pour aller sur l’autre.

— Jack est calme, si tu n’as pas peur, mets-le avec elle, réplique Daniel.

— Heu, tu es sûr ? Cela lui fera de la compagnie...

 

Daniel la dévisage tout en clignant des yeux, alors qu’elle semble mal à l’aise tout à coup ? Sarah ouvre la clôture pour laisser entrer le cheval, qui bien sûr démarre au quart de tour, ravi de pouvoir enfin se défouler ! Puis s’immobilise soudain dans un renâclement sourd tout en regardant l’étrange bête qui arrive vers lui. Il hennit et trotte jusqu’à l’ânesse, aussi grande qu’un petit cheval de couleur pie rouge.

 

— C’est une mule ? déclare Daniel, étonné.

— C’est bien une ânesse, c’est une mammouth jackstock, explique Sarah.

— Une race américaine ? Je n’en avais jamais vu d’aussi grand, ni de cette couleur, elle va bien avec mon bourrin, plaisante-t-il.

 

Sarah lui sourit simplement, Daniel observe l’ânesse, il s’attendait à voir le petit âne gris du village avec la croix sur le dos.

 

— Je vais te montrer le domaine, déclare Sarah.

— Il y a des toilettes ?

— Oui, elles sont dans de l'allée.

 

Elle redescend vers les boxes pour lui indiquer la petite pièce se trouvant dans la petite sellerie de l’allée à double boxe. Ensuite, elle lui montre leur sellerie à eux avec les différentes armoires où ils peuvent ranger leurs matériels. Elle lui montre les deux accès à la piste intérieure, ainsi que le bar. Ainsi, elle dicte les différentes règles à suivre, comme le fait de ne pas lâcher son cheval dans les pistes et d'éviter de les monopoliser. Il y a trois paddocks accessibles même l’hiver. Elle lui montre également l’accès au parcours de cross et de mountain trail, particularité du domaine, qui se fait juste devant la grange à foin.

Une fois cela de fait, Sarah laisse Daniel à ses occupations et s’en va continuer son propre travail.

Daniel retourne au camion pour placer son matériel dans la sellerie. Il attrape licols, longes, et filet et pose le tout sur la selle western, pour y glisser son bras par-dessus et la soulever. Alors qu’il se prépare à aller vers la sellerie, plusieurs filles, dont la brune de tout à l’heure, viennent le rejoindre.

 

— Bonjour, on a entendu dire que tu venais de loin, c’est à toi le cheval de trait ? demande la première.

— Si tu as la moindre question, n’hésite pas à nous demander, dit une autre.

— Par-contre, tu devrais faire attention, l’âne de la palefrenière est galeux, ajoute une troisième fille.

 

Il dévisage les filles, les remercient et continue son chemin vers la sellerie, dépose ses affaires et revient vers le camion, récupérant tapis de selle, boite à brosse et le plus important, le sac de carottes. Une nouvelle fois, les filles reviennent vers lui :

 

— On ne s’est pas présenté, moi, c'est Erica, elle, Elisa et Stefanie.

 

Erika est la brune de plutôt, Elisa est blonde aux yeux noisette, élancée, voire un peu mince. Stefanie a les cheveux châtain clair, presque blond, des yeux bleus et une silhouette gracile. Avec les bijoux qu’elle porte et la marque de ses vêtements, il ne fait pas de doute qu’elle vient d’un milieu aisé.

 

— Je m’appelle Daniel, répond celui-ci.

— Je m’attendais à un nom étranger, tu es américain ? Tu as un drôle d’accent, dit Stefanie.

— J’ai fait mes études en Amérique, explique Daniel.

— Qu’est-ce qui t’a poussé à venir ici en Belgique ? continue Stefanie, visiblement charmée.

— Je reviens vivre près de mes parents puisque j’ai fini mes études.

— Pourquoi avoir choisi un cheval de trait ? demande Erika.

— J’en voulais un, répond simplement Daniel.

 

Les filles se mettent alors à rire :

 

— Ou là, c’est un sujet sensible pour toi, plaisante Erika.

— Pas spécialement, mais je commence à en avoir assez que l’on me dise de changer pour un cheval de sport, à chacun ses préférences, rétorque Daniel.

— Oui, oui, c’est certain, mais ici, tu as pratiquement que des cheveux de sport et quelques cheveux de dressage, ajoute Erika avec dédain.

 

Daniel s’apprête à répliquer par une pique, se pince la lèvre et s’abstient de le faire. Il vient d’arriver. Il vaut mieux ne pas se faire remarquer.

Une voiture vient à se garer dans le parking et la personne en sort. Un homme qui doit avoisiner son âge, aussi grand que les filles, c'est-à-dire le mètre septante, à la chevelure sombre comme ses yeux et coupé en brosse. Il porte également des lunettes de vision et lui, il n’est clairement pas un cavalier.

 

— Mon petit cœur ! S’écrie la personne.

— M’amour, répond Erika en courant vers lui.

 

Elisa regarde alors Stefanie en imitant son amie d’un ton enfantin. Le couple revient vers eux, l’homme s’approchant de Daniel en lui tendant la main, celui-ci lui répondant.

 

— Tu dois être le nouveau ! Je m’appelle Matthew, t’es une perche, mec !

— Daniel, on me le dit souvent, répond celui-ci.

— Tu fais des concours ?

— Non, je suis cavalier de loisir.

— Oh, c'est cool aussi !

— Il a un cheval de trait, m’amour, il est impressionnant, dit Erika.

— Oh, c'est cool ! Je vois rarement des gens sur des chevaux de traits ! Ça doit être quelque chose quand tu montes dessus, ce n’est pas trop large, rit Matthew.

— C’est l’avantage d’avoir de longues jambes, répond Daniel.

— Au pire, tu te couches dessus, ricane l’homme.

— Celui qui va se coucher sur son cheval, c’est Amélie si Pirlouis continue de grossir autant, plaisante Stefanie.

— Oh, oui, tu as vu ça ? On lui a dit de le mettre en prairie avec un panier, répond Elisa à la brune.

 

Daniel se retient de soupirer, la sociabilité n’a jamais été son fort, mais bon, il doit faire des efforts :

 

— Où est ton box ? demande le brun.

— De l’autre côté, près de l’ânesse, répond-il.

 

Son regard devient étrange, ce qui n’échappe pas à jeune.

 

— Tu n’as pas de bol ! Je ne comprends pas pourquoi Henry a fait le double box par là, franchement, dit Erika.

— Ça ne me dérange pas, je suis plus près des prairies, répond Daniel.

— Parce que tu n’as pas encore eu affaire à la chose, réplique la brune.

— La chose ? demande Daniel.

— Mon ex, la palefrenière, elle se tape une sale réputation ici, depuis que tout le monde sait qu’elle m’a trompée.

— Je ne vois pas en quoi ça me regarde. Tant qu’elle fait son boulot, je m’en fous, répond Daniel.

— Justement, c’est ça le problème, elle ne le fait pas et comme elle couche avec le patron, il ne la dégage pas malgré les plaintes, réplique Erika : Dire que tu te pliais en quatre pour elle, m’amour.

— Je vais y aller, la route m’a épuisé, intervient Daniel.

 

Le groupe le salue, tandis qu’il retourne au camion. Il pensait que la réaction de tout à l’heure était due au fait qu’elle ait un âne, il comprend maintenant le sous-entendu si c’est une fille facile… En soi, cela ne le regarde pas. Il met le contact, recule et quitte le domaine.


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