The Life Eaters

Chapitre 8 : Sur Un Nuage

9666 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour il y a environ 2 ans

CHAPITRE VIII


[ Sur Un Nuage ]


J'avais clairement un peu honte de moi. En effet, j'étais totalement incapable d'arborer mon air habituel. Le fait d'être avec Rhys me laissait en effet sur mon petit nuage. Le dimanche, le lendemain de leur révélation, j'étais certes encore très perturbée de leur existence mais pourtant je ne pensais qu'à Rhys. Cela me consternait de laisser passer outre leur dangerosité pour ne penser qu'à ce garçon à qui je plaisais. J'étais simplement joyeuse. Papa avait cru, par chance, que c'était à l'idée de passer notre dimanche tous les trois, à pique-niquer près de la plage. Naturellement, j'en étais également très contente, on passait assez peu de temps tous les trois mais c'était en réalité parce que j'échangeais des messages avec Rhys. Je voulais être discrète mais je savais aussi que je souriais bêtement dès que je sentais mon téléphone vibrer dans ma poche. Ce n'était pas des messages très évocateurs mais simplement des demandes de nouvelles et pourtant c'était comme si on était ensemble. Et la nuit du dimanche au lundi ne fut guère mieux, j'étais trop impatiente de le voir. Je n'avais jamais imaginé être comme ça, je m'estimais très sérieuse comme fille et pourtant je ne pensais qu'à ce garçon. Je me demandais si cela serait pareil, si il me parlerait plus, si il aurait des gestes affectueux, si il allait enfin m'embrasser... J'avais tellement pensé à tout ça qu'au petit matin, quand mon réveil sonna pour m'indiquer qu'il était largement temps de me lever, je réalisai bêtement que je n'avais pas réellement dormi. Je fonçai rapidement dans salle de bain et je pris plus de soin à me coiffer, vérifiant que chaque mèche de cheveux était parfaitement installée. J'avais très peu de maquillage mais ce matin là, je mis tout de même un tout petit peu de gloss. Pas beaucoup, j'étais assez naturelle mais juste que ce soit visible par Rhys. De même, j'avais longuement hésité pour ma tenue. Vu la chaleur, ce serait forcément un short mais j'en choisis un qui mettait un peu ma silhouette en valeur. N'ayant pas vraiment de sous-vêtements plus jolis que d'autres, ce fut des sous-vêtements en coton blanc. Ensuite, pour le t-shirt, j'avais hésité depuis la première fois de ma vie devant mon miroir. Devais-je mettre ce t-shirt orange ample dans lequel je me sentais bien mais plutôt simple ou alors devais-je mettre ce t-shirt rouge avec un petit décolleté pas très plongeant? Désireuse d'être coquette, je pris la seconde proposition. En me regardant encore dans le miroir, je vis sur mon bureau la photo de famille et je me mordis les lèvres.

- J'aimerais tellement que tu sois là pour me conseiller Maman, murmurai-je en regardant la photo. Je ne sais pas comment gérer tout ça...

Naturellement, je ne parlais que d'être avec un garçon. Je n'aurais pas révélé le secret de Rhys et sa sœur, déjà parce que j'avais fait une promesse mais surtout parce qu'Alvina pourrait m'asssassiner dans le cas contraire. Je m'empressai tout de même de descendre pour préparer le petit déjeuner et je faillis bruler le bacon. J'étais trop perdue.

- Hmmm ça sent bon, fit alors la voix de Papa derrière moi qui descendait l'escalier.

- Salut, dis-je en servant déjà à table.

- Il ne fallait pas qu'on soit en retard, me signala mon père en riant.

- Non mais c'est bon, dis-je en souriant et servant Jason.

- Je suis très content, lança alors mon père.

Je le regardai fixement, inquiète et perdue. Avait-il remarqué une différence chez moi? Dans mon comportement ?

- De quoi? demandai-je avec méfiance.

- On dirait que la sortie d'hier t'as fait du bien, assura Papa.

- Oui, c'était plaisant, dis-je alors rassurée de son propos. Cela faisait longtemps.

- Ici on aura beaucoup plus de temps à passer ensemble alors, autant en profiter, précisa mon père.

- C'est vrai, dis-je sur mon nuage.

Bêtement j'avais pensé que j'aurai aussi du temps pour Rhys. J'étais un peu trop enjouée d'ailleurs. Tellement, que je regardai l'horloge si intensément que je devais donner l'impression d'essayer de faire avancer le temps plus vite.

- Tu te plais au lycée visiblement, fit mon père en riant.

- Hein?

- T'as l'air pressée de retrouver tes amis, dit-il avec un sourire.

- Je ne pensais pas me faire des amis aussi vite, avouai-je en sachant pertinemment que je mentais.

- Fern, je pensais à quelque chose, me fit soudainement mon père.

- À quoi? demandai-je intriguée.

- Si tu veux passer un peu de temps avec tes amis après les cours aujourd'hui, je peux aller chercher Jason et m'en occuper, assura Papa. De toute façon, l'enquête n'avance pas beaucoup donc...

- Je ne veux pas te causer des soucis avec ta hiérarchie, précisai-je quand même.

- Cela n'en causera pas, je me suis déjà renseigné ma puce, assura mon père. Aujourd'hui je peux.

- Ha bon... Ben d'accord... Je ne sais pas si eux font quelque chose...

- Tu peux aussi prendre un peu de temps pour toi, comme samedi. Tu peux te faire une séance shopping aussi... Tu as besoin d'argent ?

- Non, j'ai mon argent de poche, assurai-je.

En réalité, je pensais déjà que je pouvais essayer de passer du temps avec Rhys. Ce serait bien. Je regardai encore une fois vers l'horloge avant de tapoter le bras de Jason.

- [ Allez, va t'habiller] signai-je alors.

- [ J'y vais] répondit Jason en se levant.

Je me dépêchai de ranger les couverts dans le lave-vaisselle et de le faire tourner.

- Je vais faire une lessive ce soir, assurai-je. Prépare ton bac avant de partir au travail.

- Qu'est-ce que je ferai sans toi... Je me dis parfois que je t'en demande trop, précisa mon père.

- Papa, je gère je te le jure... Et puis ça ne me gène pas, assurai-je.

- Oui, mais je t'empêche un peu de vivre, lança mon père. Quand j'étais à Quantico, tu ne sortais pas beaucoup. Jamais même.

- C'est pas grave Papa, dis-je alors.

- Ici au moins tu t'es faite des amis mais je sais que tu étais très seule, précisa mon père.

- Je le voulais... J'ai des responsabilités que je veux prendre, dis-je en rangeant vite fait la cuisine.

- Mais à ton âge, on veut aussi s'amuser, sortir, avoir un petit copain, dit-il alors.

Quand il avait évoqué les mots "petit copain", j'avais malencontreusement lâché l'assiette que j'avais en main qui finit en morceaux au sol.

- Et merde! dis-je énervée de ma bêtise.

- Attention, ne te coupe pas, fit mon père en venant m'aider.

- Quelle cruche, marmonnai-je en me retournant et voyant Jason. [ Reste là, on ramasse les morceaux]

- [ Fais attention] signa mon frère.

Je m'empressai de ramasser les morceaux en évitant au maximum les plus coupant. Papa avait attrapé une petite balayette pour les rassembler.

- Chérie, marmonna mon père. Ça va?

- Oui, tu m'as juste surprise, dis-je en ramassant.

- C'est parce que je parlais de garçon ? demanda mon père. Tu sais que je pourrais comprendre si un jour tu avais un petit ami et que tu voulais passer du temps avec lui plutôt qu'à t'occuper de nous

- Ce n'est pas à l'ordre du jour, précisai-je alors en ramassant.

- Allez va au lycée, je vais balayer ne t'en fais pas, assura mon père.

- Sûr ? demandai-je quand même.

- Oui... Fais attention tu es pieds nus, ajouta Papa.

- Ne t'inquiètes pas, dis-je en faisant littéralement un grand écart.

Je partis donc vers l'entrée, histoire de récupérer mes sandales que je glissai sur mes pieds avant de saisir mon sac à dos.

- À ce soir! dis-je alors à mon père.

- Attention à toi si tu sors, précisa mon père.

J'ouvris la porte à Jason et je vis la jeep d'Ethan déjà garée devant, comme d'habitude. Maya était descendue et tendait les bras à Jason pour son petit câlin. Je le regardai faire, méfiante pour rien. En effet, Jason vérifia bien qu'il pouvait traverser sans risques aucun avant de se faire câliner et installer.

- T'es de plus en plus sans emploi ! me lança alors Ethan.

- Laisse moi profiter de mon petit chéri, marmonna Maya.

Je souris et je montai alors dans la jeep pour m'installer au moment où Ethan démarra. Les discussions sur le week-end et la reprise des cours allaient bon train quand Ethan me regarda dans le rétroviseur.

- C'était bien samedi? demanda-t-il.

- Hein? fis-je alors horrifiée qu'il ne soit au courant de la vérité.

- On est rentré plus tôt, assura Maya. Histoire de récupérer des affaires et il y avait mon petit chouchou...

- Oui, ta mère m'a rendu un service, avouai-je.

- Tu sais quand même que tu pouvais nous demander si tu voulais aller au musée, on serait allés avec toi même si perso..., marmonna Ethan.

- J'ai l'habitude de les faire tranquillement, mentis je rapidement.

- Et moi j'ai pû faire des câlins ! lança Maya en souriant à Jason.

- Ouais ! lança un Ethan simulation la vexation. Et moi plus rien...

- Mon pauvre petit amoureux transi, me permis-je de répliquer.

- Marre toi! fit Ethan en riant. Et voilà, le petit Monsieur est arrivé.

Comme chaque matin, j'accompagnai Jason avant de saluer sa progesseure. Je ne m'inquiétais plus beaucoup de sa situation car à chaque fois la prof m'assurait qu'il travaillait bien et que tout se passait à merveille. Je retournai vers la jeep en regardant mes amis.

- Il est comme un coq en pâte le garnement, dis-je en riant.

- Tu m'étonnes... Moi aussi je ferai tout pour être gentille avec lui, assura Maya.

- Sois juste gentille avec ton mec, ajoutai-je en riant.

Maya se retourna alors vers moi en me fixant d'un air choqué. Je vis également le regard effaré d'Ethan dans le rétroviseur et je réalisai mon propos.

- Je ne parlais pas de trucs cochons ! me défendis-je immédiatement sous les regards consternés.

Mes deux amis échangèrent un regard et tout à coup, ils éclatèrent de rire. Maya tendit la main vers son mec.

- Tu me dois un resto, avoua Maya.

- Pas de soucis, assura Ethan.

- Euh..., marmonnai-je. On m'explique ?

- Vu que tu es à l'aise avec nous on a fait un pari : savoir si tu pouvais être mal à l'aise avec un propos à double lecture... J'avais dit oui! Merci ma belle! assura Maya.

- C'est mesquin..., grommelai-je faussement vexée.

- Techniquement j'ai parié un repas pour deux, je peux le faire avec toi, dit-elle en riant.

- Sympa la mesquinerie, marmonna Ethan.

- Mais faites votre resto tous les deux, dis-je quand même.

- Tu vas voir la tronche de l'addition, assura Maya amusée.

Au final, je trouvais cela très drôle quand même même si j'avais été l'objet d'un pari. J'avais réagi tellement vite qu'en vrai, c'était sans doute tordant. Nous arrivâmes rapidement au lycée et à peine étions nous descendus que le reste de nos amis était en train de nous accueillir. Naturellement, comme dans tous les lycées, ce fut évocation du week-end en perspective. Ce fut d'Elise et Melissa que le récit fut le plus court, pas besoin de détails intimes.

- Je ne savais pas si tu aurais accepté de venir au ciné, me lança Duncan. J'étais pas tout seul, avec mon petit frère de douze ans et un de ses potes.

- Ha? Et vous êtes allés voir quoi ? demandai-je sans grand intérêt.

- Le nouveau Gardians of The Galaxy, précisa Duncan. C'était pas mal.

- Je ne suis pas trop super-héros..., précisai-je quand même.

- Et t'as vu quoi en dernier? demanda Melissa.

- Euh... Je vais peu au cinéma en réalité, avouai-je. Mais j'avais très envie de voir The Son, avec Hugh Jackman.

- Je l'adore en Wolverine, il revient dans le prochain Deadpool, assura Duncan fièrement.

- T'entends pas quand elle dit qu'elle aime pas les super-héros ! s'énerva Melissa.

- Et ça raconte quoi? demanda encore Duncan qui allait trouver ça nul.

- C'est l'histoire d'une famille qui doit gérer la dépression et l'envie de suicide du fils, avoua Elise.

- Ha...

- Trop intellectuel sans doute ? proposa Maya en riant.

- Dites que je suis con, je ne dirai rien, grogna Duncan.

- Et bien... Dis rien, lança Melissa en riant.

Je n'aurais pas dit pareil en fait, aimer les films d'action et de super-héros ne rend pas les gens plus cons. Papa aimait aussi et je devais bien reconnaître que, quand je ne voulais pas réfléchir, cela aidait. Mais je préfèrerais toujours les drames...

- Tu regardes vraiment aucun film à gros budget ? demanda Duncan.

- Euh... Le film de Nolan... Tenet, dis-je alors. J'ai bien aimé.

- Tu m'étonnes... Y avait Robert Pattinson ! lança Maya en provoquant un regard consterné d'Ethan. C'est toi que j'aime.

- Et moi c'était l'idée des deux lignes temporelles qui agissent en contre temps... Très complexe à suivre, avouai-je en souriant.

- Donc même les gros budgets faut que ce soit prise de tête ? demanda Duncan consterné.

Si cela pouvait l'empêcher de me proposer une autre connerie de film à la noix, ce n'était pas plus mal. Je réalisai alors que je regardai souvent les voitures qui passaient près de nous à la recherche de quelqu'un mais je ne le vis pas. Il y avait un autre parking alors... Je devrais attendre d'être en classe. Heureusement, la sonnerie retentit et ce fut d'un pas pressé que j'accompagnai Melissa dans notre cours de mathématiques.

- On voit que c'est un cours sympa, m'assura celle-ci en souriant.

- Oui, Monsieur Clum est franchement génial, avouai-je en cachant la réalité.

Et cette réalité, bien évidemment, portait une chemise rayée à manche courte d'un bleu nuit absolument sublime. Il était déjà assis à côté de sa sœur et était plongé dans un livre. Je ne souhaitais qu'une seule chose : qu'il me regarde. Je voulais savoir si ma tenue lui plaisait, si je lui avais manqué... Consternante en somme. Tandis que j'avançai, je réalisai qu'en réalité des yeux bleus n'étaient pas fixés sur son livre mais me regardaient par-dessus le livre. Je souris en espérant que Melissa ne me remarque pas. Par contre, j'essayais aussi le regard mauvais de la sœur de Rhys. Alvina me fixait comme si elle guettait une erreur de ma part. C'était angoissant. Je m'assis doucement en levant juste la main, histoire de faire comme si de rien n'était.

- Bonjour, fit simplement Rhys pendant que sa sœur grognait.

- Vous avez passé un bon week-end ? demandai-je comme si je ne les avais pas vu.

- Qu'est-ce que ça peut te foutre? répondit sèchement Alvina qui ne devait pas foncièrement faire semblant.

Je soupirai en me retournant, déçue de sa réaction encore une fois. Elle ne semblait clairement pas prête à me faire confiance. Cela me blessait et étonnement, le professeur Clum et son cours de géomètre n'allait pas arranger les choses. En effet, j'avais dû me rendre au tableau pour tracer les coordonnées d'une figure.

- Et selon la formule... Le prochain est là ? proposai-je en le marquant à la craie.

Je me retournai vers le professeur qui était dans l'allée principale de la classe. Derrière lui, j'aurais juré qu'Alvina allait littéralement m'assassiner. Elle me regardait comme si j'avais écrit sur le tableau qu'ils étaient des êtres différents.

- Bien, fit le professeur. Et si la formule était inversée ?

- Euh... Bah.., dis-je en me retournant vers le tableau avant de regarder le professeur.

Je me figeai alors en écarquillant les yeux. Non seulement Alvina me fixait avec rage mais sa joue était différente. La peau de sa joue gauche était en corail. Son ressentiment envers moi était si grand qu'elle perdait le contrôle. Je me mis rapidement à me gratter la joue en la fixant pour qu'elle comprenne.

- Ne stressez pas Fern, réfléchissez c'est simple, m'assura le professeur.

- Ho ce n'est pas du stress, dis-je en regardant vers Rhys. C'est une allergie, ma peau s'irrite... Ça doit être étrange à voir...

En disant ces mots, je fixai alors attentivement Rhys. De ma position, quiconque me voyant fixer l'auditoire penserait que je regardais mon amie comme pour obtenir son soutien. Il ne fallut pas longtemps pour que Rhys comprenne ce que j'insinuais et il bouscula sa sœur. Celle-ci, perdue mais surprise, réalisa ce que j'insinuais et se cacha la joue, me permettant de continuer l'exercice.

- Si la formule est inversée, le point suivant serait placé de manière identique mais de l'autre côté de l'axe horizontal, comme un reflet, dis-je alors en montrant l'endroit.

- C'est bien cela, fit Monsieur Clum. Avez-vous besoin d'aller à l'infirmerie ?

- Non, ça va passer Monsieur, dis-je en retournant m'asseoir.

Je regardai vers Alvina en retournant à ma place et elle faisait tout pour se cacher. Je me rassis donc près de Melissa en recopiant l'exercice du tableau.

- Tout va bien? demanda Melissa.

- Oui, dis-je simplement.

- T'es allergique à quoi? demanda-t-elle en panique.

- C'est une allergie due à un produit ménager, Papa s'est trompé d'adoucissant, je l'ai vu trop tard... Quand je me suis essuyée avec une serviette. C'est juste quelques boutons et rougeurs, rien de mortel, dis-je avec un sourire.

- Fiou... J'ai eu peur..., fit Melissa en me souriant.

Je souris pendant que le professeur distribua des exercices, c'était bien son seul défaut d'aimer nous tester. Pendant ceux-ci, étonnement, ma position me permis de jeter des coups d'oeil au garçon derrière moi. Nos regards ne cessaient de se croiser, tendres, doux et rassurants. J'avais envie de discuter avec lui, sans aucune gêne mais un être mortel était caché dans mon dos. Je le vis murmurer quelque chose comme une question me demandant si ça allait, par rapport à Alvina sans doute. Sans émettre le moindre son, j'articulai alors discrètement.

- Je vais bien, fis-je des lèvres.

Je tournai la tête vers Melissa qui me fixait avec étonnement. Elle venait de me griller. Elle jeta un coup d'œil rapide derrière elle avant de me fixer et de se pencher.

- Tu lui parles? demanda-t-elle.

- Il a donné des cours de surf à Jason, dis-je simplement à voix basse. Il m'indiquait ma joue. Je pense qu'il voulait juste s'assurer que j'allais bien.

- Et euh... Vous parlez beaucoup durant ces cours de surf? demanda-t-elle avec un sourire en coin.

- Pas vraiment, mentis je. Je traduis à Jason en fait. Donc il parle de surf.

Cela me faisait mal de mentir même si notre rapprochement aussi rapide serait intriguant pour les gens, même si il m'avait sauvée. Naturellement cela pourrait être le syndrome du héros et compréhensible mais il y avait surtout un secret que je possédais. La suite de la journée arriva rapidement et encore une fois, nous nous retrouvâmes dehors en train de manger. Mes amis s'organisaient une sortie et je ne savais pas ce que je devais faire. Avais-je une petite chance de pouvoir me retrouver avec Rhys ou était-ce mort ? Je devais un peu mentir encore et pourtant je détestais ça.

- Je ne sais pas trop, avouai-je à mes amis quand ils me demandèrent si je voulais faire quelque chose.

- Hey c'est pas grave, assura Elise. Moi par exemple je peux pas toujours sortir... Aujourd'hui c'est devoirs avec les petits.

- D'ailleurs, je vais chez toi? demanda Melissa.

- C'est toujours prévu, répondit Elise en souriant.

- Et ça parle de devoirs, fit Duncan pour nous faire rire.

- Crétin va..., marmonna Melissa.

- Et toi? Tu viens avec nous au centre commercial ? demanda Duncan. J'ai pas envie de tenir la chandelle et puis ce serait mieux deux... Deux paires, fit-il en se rattrapant.

- Je ne sais pas trop..., avouai-je encore en sortant mon téléphone. Je dois dem... Demander l'autorisation à mon père...

- Vas-y on attend, précisa Maya.

Ils n'avaient pas relevé ma stupeur. En effet, un message était apparu sur mon écran. Il venait de Rhys et comportait quelques mots : "Si tu veux y aller c'est pas grave, on pourra se voir une autre fois". Surprise, je relevai doucement la tête, faisant celle qui avait un peu mal au cou. Je cherchais en réalité Rhys du regard et il était sous son arbre avec sa sœur. Il entendait de là-bas ? Cela m'avait surprise. Je répondis quelques mots qui lui indiquaient que cela dépendait de sa liberté de sortie. J'attendis un peu et il me répondit qu'il aimerait bien m'emmener quelque part. Je dus résister ardemment au désir de faire un bond de joie et je dus aussi à nouveau mentir.

- Ha... Désolée, dis-je à mes amis. J'ai quelque chose à faire... J'avais oublié.

- Tu sais que t'es pas obligée de tout faire chez toi, me lança Duncan.

- Quand tu prendras un parent, tu comprendras ce que c'est, dis-je alors sèchement avant de réaliser que je l'avais rembarré si violemment. Désolée je...

- Crétin ! le frappa Maya. Tu l'as vexée.

- Pardon... Je voulais pas, assura Duncan.

- Non c'est moi, dis-je honnêtement. Les gens m'avaient tourné le dos quand je dus aider mon père... Ça m'énerve qu'on me dise de m'en foutre.

- Je suis de famille nombreuse et je peux vous assurer que la famille c'est important, dit alors Elise. Son père travaille beaucoup donc forcément...

- Au pire, si tu veux, on sera au centre commercial jusqu'à au moins vingt-et-une heures, donc si tu veux nous rejoindre, tu appelles et je viens te chercher, assura Maya. Enfin, j'envoie Ethan quoi...

- Comme le voudra Madame la baronne, dit alors Ethan en riant.

- Merci, mais au pire je prendrai le bus, dis-je simplement.

- Et toi t'as intérêt de réfléchir avant de parler ! s'énerva Melissa envers Duncan.

Ensemble, avec Melissa donc, je partis en direction des salles de sciences pour mon cours avec l'horrible professeure. Par contre, un avantage était également à l'horizon, je serai près de Rhys. Juste ça, ça me mettait sur mon nuage.

- En route pour l'enfer, marmonna Melissa en partant s'asseoir dans son coin. Bonne chance.

- Fais attention aux balles, dis-je en souriant.

J'étais arrivée avant lui et je trépignai sur place. J'avais envie de lui dire de se dépêcher. Je le voulais à côté de moi. Et enfin, l'être incroyable qu'il était passa l'encadrement de la porte. Il était là et il s'approcha rapidement de son siège. Enfin, on allait pouvoir parler.

- Ça va ? demanda-t-il doucement.

- Oui... Mieux, dis-je bêtement en souriant. Et Alvina?

- Excuse la, je lui ai parlé et je l'ai suppliée de faire des efforts, me certifia Rhys.

- Tu sais... Je ne suis pas idiote, je comprends qu'elle s'inquiète mais elle ne doit pas. Je ne dirai rien.

- Je sais...

- Tu m'as pas dit que tu pouvais entendre aussi loin? dis-je tout bas en le regardant.

- J'aime garder la surprise, avoua Rhys.

Ce propos me fit un peu fondre, j'aimais bien ce côté mystérieux. Je souris bêtement, longuement en fait. Plus particulièrement, ce fut jusqu'à l'arrivée de Madame Rosebury. Celle-ci, aussi sympathique qu'à son habitude, entra en claquant violemment la porte. Ça, c'était le signe que le prochain qui passerait la porte serait considéré comme en retard et aurait droit à un gentil petit billet lui signifiant qu'il avait droit aussi à une retenue.

- Bon, cours de biologie aujourd'hui, fit elle en s'approchant du tableau.

Je pris un bloc-notes pour rédiger ce qu'elle allait écrire et comme à chaque fois, sans doute le faisait-elle exprès, elle dû prendre la seule craie qui allait crisser en me brutalisant les oreilles. J'attendis qu'elle finisse d'écrire et s'écarte du tableau pour y lire l'intitulé du cours. Je me figeai immédiatement de gêne. L'intitulé du cours: Appareil reproducteur humain chez les femmes, anatomie de la vulve. Je me sentis mal à la seconde. Je réalisai que juste à côté de moi, un stylo s'était arrêté en chemin. Lui aussi semblait gêné. Quand la professeure lança littéralement les feuilles sur nos bureaux, je pus voir avec horreur un croquis avec des flèches, muet en plus. J'allais me retrouver à parler de lèvres, vagins et clitoris avec Rhys.

- Servez vous de vos manuels pour compléter les croquis, le texte est page vingt-huit... Un commentaire graveleux et c'est la retenue, lança la professeure. Vous avez vingt minutes pour le compléter. Mesdemoiselles, je suppose que vous savez cela alors laissez ces jeunes hommes se débrouiller un peu.

Je regardai le croquis fixement en me massant le front, j'étais tellement gênée. Je vis Rhys, pas foncièrement dans un meilleur état, commencer à tourner les pages pour rechercher l'explication.

- Euh..., marmonna Rhys mal à l'aise. La vulve... Ensemble des organes génitaux externes de la femme. Elle se compose d’une cavité médiane, le vestibule, limitée de chaque côté par les grandes lèvres et les petites lèvres, et dans laquelle s’ouvrent l’urètre et le vagin. Les grandes lèvres se perdent en avant sur une saillie médiane, le mont du pubis. La commissure supérieure de la vulve est occupée par le clitoris.

Je l'entendis déglutir et j'avais envie de me cacher. J'étais honteusement gênée et je tournai la tête vers Melissa. Elle était clairement amusée que son binôme soit totalement mal à l'aise. Forcément, elle pouvait voir cela de très près de par son orientation.

- Je suppose que ce sont les grandes lèvres ? me demanda Rhys tout penaud.

- C'est ça..., dis-je rouge pivoine.

- Tu continues la lecture pour... Euh... Trouver..., fit-il très mal à l'aise.

- Oui... Faisons cela... Alors... Le vagin..., marmonnai-je consternée. Canal musculomembraneux, organe de la copulation chez la femme, qui s’étend du col de l’utérus à la vulve. Il est situé dans la cavité pelvienne, entre la vessie en avant et le rectum en arrière.

- Donc ça c'est la cavité pelvienne ? demanda-t-il complètement décomposé.

- Moui..., dis-je en mourrant d'envie de me cacher. Je... Je continue?

- Vas-y..., marmonna Rhys honteux.

- Et merde..., murmurai-je pour moi-même en voyant ce qui suivait. Le clitoris... Petit organe érectile médian, situé à la partie antérieure de la vulve, constitué de deux corps caverneux qui s’unissent sur la ligne médiane pour former le corps du clitoris; celui-ci se termine par un léger renflement, le gland du clitoris.

Je vis alors Rhys regarder fixement le croquis et, complètement gênée, je dirigeai mon doigt vers ce qui était donc le clitoris.

- C'est là Rhys, dis-je tout bas.

- Désolé d'avoir l'air idiot..., murmura Rhys.

- Non... Je suppose que tu n'en as jamais vu de près..., dis-je avant de réaliser. T'inquiètes ça se voit...

J'avais dit ça bêtement et je m'étais figée en me mordant. Quelle andouille ! Cela faisait genre... Je ne savais pas comment qualifier cela à part de propos graveleux.

- Enfin... Je veux pas dire... Je veux juste préciser que ça se voit facilement... Enfin..., dis-je en marmonnant.

- Hum... C'est... C'est important je crois? me fit alors Rhys.

Je le regardai alors complètement effarée et je réalisai surtout à quel point une telle conversation avait dû être gênante entre Rhys et sa mère. Cela ne devait franchement pas être la partie la plus aisée à aborder.

- Oui..., dis-je complètement gênée. C'est... Hum... Enfin... C'est ce qui est sensible quoi..., marmonnai-je perdue.

Je le vis noter les lettres les unes après les autres avec gêne. Et surtout, je le voyais grimacer un peu. Je le regardai attentivement et il plongea ses magnifiques yeux bleus dans les miens.

- Je sais que c'est peut-être pas le moment idéal pour demander ça maintenant mais..., marmonna Rhys. Tu... Tu voudrais venir quelque part avec moi après les cours?

Je regardai Rhys, en train de clairement m'inviter à sortir avec lui. J'étais aux anges bien sûr mais j'ignorais où il voulait m'emmener.

- Tu veux aller où ? demandai-je au cas où.

- C'est un endroit public, dit-il avec empressement. Je ne me permettrai pas de t'inviter dans un endroit où tu ne te sentirais pas en sécurité...

- Ta mère ? demandai-je alors avec un soupçon d'amusement.

- Oui..., avoua Rhys avec honte. Elle m'a conseillé un endroit public mais que j'apprécie...

- Et c'est quoi? La plage pour surfer? demandai-je au cas où.

- Non, je... Je voulais t'emmener à l'Aquarium, expliqua Rhys.

- Ça ne posera pas de problème à... À ta sœur ? demandai-je alors.

- Elle accepte de prendre le bus..., me précisa Rhys. Ainsi si tu veux que tes amis l'ignorent, on peut attendre sur le parking.

Je le regardai fixement pendant que je réfléchissais. Il me proposait la discrétion vis à vis de mes amis. Je me demandais alors si il ne pensait pas que je pouvais avoir honte de lui. Je n'en avais pas honte, ni de lui ni de sa nature mais pourtant, je préférais encore la discrétion, du moins quelques temps.

- Pas de problèmes, dis-je alors. J'accepte... Attends moi sur le parking, un quart d'heure après la fin des cours.

- Je t'attendrai, me signifia Rhys. Bon continuons...

Et ainsi, ce cours extrêmement gênant continua mais il fut encore bien plus gênant quand le processus de reproduction fut réellement abordé. Heureusement, pour une fois elle était parfaite, Madame Rosebury était si méticuleusement maniaque et aussi tellement rigide que le cours se passa dans un sérieux digne d'une messe. Personne ne faisait d'allusions graveleuses, personne ne ricanait et personne ne chachutait. Il fallait aussi reconnaître que personne ne posait ne question non plus, ce qui permettait que le cours se passe dans un silence total. Ce n'était pas plus mal, j'étais moi-même assez mal à l'aise pour parler de ces choses là à voix haute. Il n'y avait pourtant pas vraiment de quoi être gênée, après tout c'était la nature et cela se passait comme ça depuis des siècles mais je n'avais pas envie de dire où se trouvait un clitoris devant toute une classe. Et enfin, le cours se termina, pour mon plus grand bien. Maintenant, je devais réussir à rejoindre Rhys et ce fut grâce à Maya que j'en eus l'idée. Au détour d'un couloir, elle m'assura que ces cours sur la reproduction étaient à chier... Une idée avait germait.

- Vas-y ma belle, rejoins Ethan, je dois passer... Au seul endroit où on ne peut aller à ma place et après, j'irai acheter ce qu'il manque à la maison, lui annonçai-je.

- On peut t'attendre tu sais, m'assura Maya. Et on peut au moins de te déposer.

- Mais non, t'inquiètes pas pour moi, j'ai l'habitude de marcher, va t'amuser, dis-je en l'enlaçant.

- À demain! fit-elle en s'éloignant.

Honnêtement, je saisis tout de même l'occasion pour aller aux toilettes. Je n'avais pas envie de gâcher notre sortie en cherchant à assouvir un besoin naturel. Sortant des toilettes du lycée, je m'apprêtais à prendre la direction du parking quand je passai devant un distributeur de confiserie. Je m'arrêtai alors que je le dépassais et je retournai immédiatement sur mes pas en sortant un billet de cinq dollars. Je glissai mon billet dans le distribuer et j'appuyai immédiatement sur le bouton pour recevoir ma boîte de bonbons à la menthe. J'en pris immédiatement un après avoir récupéré ma monnaie.

- Si il essaye de m'embrasser, au moins j'aurais ce qu'il faut..., me dis-je à moi-même.

Peut-être avais-je l'air idiote mais je n'avais jamais embrassé de garçon alors, je voulais mettre toutes les chances de mon côté pour qu'il puisse apprécier si il lui venait l'idée. Je ne savais pas non plus si cette sortie pouvait avoir quelque chose de romantique ou non mais il valait mieux y penser quand même. Mais est-ce que si cela arrivait, allait-il aimer le faire? Et si j'étais nulle? Et si je m'y prenais mal? J'avais bien compris qu'il n'avait pas d'expérience non plus mais... Je ne devais pas le décevoir pour autant. Je m'étais mise à stresser pour rien, cela pouvait ne pas arriver après tout et je me mis à inspirer profondément.

- Ne force pas les choses Fern, murmurai-je. C'est inutile...

J'attendis encore un peu et je me dirigeai vers le parking à l'arrière du lycée, Rhys devant forcément être sur celui-là. Et effectivement, il était là, il semblait clairement aussi paniqué que moi. Nous devions avoir l'air soit très mignons soit très idiots. Je lui fis un signe de main qui, avec le recul, devait être franchement ridicule. J'avançai alors, un grand sourire aux lèvres, vers sa voiture et vers lui.

- On peut y aller, dis-je alors.

- Tu as prévenu quelqu'un ? demanda Rhys.

- Non, je garde ça secret pour l'instant, avouai-je assez surprise. Pourquoi ?

- Ton père ignore où tu vas... Il ne va pas s'inquiéter ? demanda alors Rhys éclairant ainsi ma lanterne.

- Non il pense que je suis avec les autres, dis-je alors en évoquant la conversation du matin.

- Ce n'est pas dangereux ? demanda Rhys en m'étonnant énormément.

- Euh... Rhys... Tu comptes quand même pas te jeter sur moi sans mon accord ? demandai-je alors perdue.

- Non... Non, bien sûr... C'est que peut-être il aurait pû être inquiet, avoua Rhys.

- Rhys... Si il y a quelqu'un avec qui je me sais en sécurité, c'est toi, alors... Ne t'inquiète pas, lui certifiai-je. On y va?

Je me mis à faire le tour et Rhys s'empressa de venir m'ouvrir la portière. Je fus touchée de ce détail même si cela n'était pas une obligation. Je m'installai tranquillement sur le siège et j'attachai ma ceinture. Je le vis passer à l'arrière de la voiture et rapidement, j'expirai dans ma main pour vérifier que le bonbon à la menthe était efficace et c'était le cas. J'avais juste eu peur que mon haleine sente la sauce César de ma salade. Rhys s'installa au volant et s'attacha avant de mettre le contact.

- Donc tu adores cet endroit ? demandai-je en évoquant l'Aquarium.

- Oui..., fit-il en commençant sa marche arrière. Je crois que c'est lié à notre nature.

- Votre? Tu veux dire qu'Alvina aime aussi cet endroit ? demandai-je par intérêt réel.

- Oui... Tu veux peut-être un autre endroit alors? demanda Rhys. Il y a une rétrospective Woody Allen au cinéma... Cette semaine c'est soit Match Point soit Cafe Society...

- Rhys, ne stresse pas... Par contre Cafe Society m'intéresse... Mais pas autant que ton endroit préféré, dis-je alors en souriant.

- D'accord... Tu voudras que je vérifie ? demanda-t-il en démarrant la marche avant.

- Bien sûr.

Le silence s'installa un peu entre nous, nous devions être trop novices dans cette situation pour être à l'aise. Je n'arrêtai d'ailleurs pas d'inspirer et d'expirer profondément pour me calmer. Rhys aussi été nerveux et je l'entendais tapoter son levier de vitesse nerveusement. Je regardai sa main et je me dis alors que c'était peut-être le moment du premier contact. Je levai lentement ma main, juste histoire de la déplacer un peu. Je bougeai alors doucement mon index pour juste effleurer un peu sa main plusieurs fois. Il tourna doucement la tête et je souris, complètement gênée. Le premier contact avait été établi entre nous et j'étais assez heureuse. Par contre, cette petite caresse ne dura pas bien longtemps car nous arrivâmes aisément devant l'Aquarium. Peut-être car nous étions en début de semaine mais il semblait faire calme. Évidemment, le week-end cela devait être bien plus rempli. Nous descendîmes donc de voiture et nous avançâmes pour passer la porte. J'attendais nerveusement, comme une petite amie complètement perdue pendant qu'il achetait des billets. Je regardai vers la boutique souvenir et je me demandais si il allait marquer le coup en m'en achetant un. Je grimaçai bêtement en pensant à cela, je donnais l'impression d'être dans une comédie romantique. Rhys arriva et nous passâmes dans la première salle, celles des grosses espèces non carnivores.

- Wahou... C'est gigantesque, dis-je en regardant attentivement les poissons mais pas seulement.

- Il y a des milliers d'espèces endémiques à Hawaï, mais il y a encore plus d'oiseaux en fait... T'aurais peut-être préféré ? demanda Rhys.

- L'Aquarium c'est très bien, dis-je alors. Regarde ! Un bébé dauphin... Ho il est trop mignons...

- Hawai‘iloa, me fit Rhys.

- Pardon?

- C'est son prénom, nommé en l'honneur du polynésien ayant découvert Hawaï. Il a été bien célébré ce petit, il y a quelques mois. Et ils exploitent le merchandising.

- Ha c'est sympa, dis-je avec honnêteté.

- Moi, j'avais voté pour Iz, en hommage au chanteur, certifia Rhys.

- Celui qui a repris Over The Rainbow? J'avais adoré, avouai-je alors.

Rhys me sourit et nous continuâmes à avancer dans les différents aquariums. Tous ces poissons exotiques étaient incroyables de couleurs et de variétés. J'étais vraiment éberluée de chacun d'entre eux. Rhys me présentait certains poissons et puis je souris doucement.

- Tu viens si souvent ? demandai-je en riant.

- Euh... Oui... Je suis chiant c'est ça ? demanda Rhys.

- Non, non, m'empressai je de dire. Je trouve cela intéressant...

Je vérifiai doucement dans la pièce et je me rendis compte que nous étions seuls, c'était peut-être le moment de poser une question que je ne pourrais jamais poser si quelqu'un d'autre était présent.

- Est-ce qu'une de ces espèces t'évoque quelque chose ? demandai-je alors rapidement.

- Tu veux dire... Par rapport à ce que nous sommes? me questionna Rhys à voix basse.

- Oui... Regarde il fait écrit que ce sont des poissons d'eaux très profondes, dis-je en montrant le panneau.

- Je sais..., avoua Rhys.

- Tu as des réminiscences de ta vie avant la grotte? demandai-je alors.

- Non, aucune, précisa Rhys. On a beaucoup essayé... Mais non rien. Maman a essayé l'hypnose aussi mais ça ne marche pas.

- C'est comme si vous... Non ce serait idiot, dis-je en regardant les poissons.

- Tu sais, vu qu'on ne sait rien de nous, toute idée est bonne, me certifia Rhys.

- Vous avez envisagé qu'en fait... Vous étiez nés dans la grotte ?

- Avec un corps âgé de deux ans? demanda Rhys. Pour être honnête, Alvina l'a pensé.

- Et... Pourquoi ? demandai-je encore.

- Par rapport à nos capacités... Elle a imaginé qu'en réalité nous étions comme du corail, avoua Rhys.

- D'accord..., répondis-je en ne suivant pas grand chose.

- Que peut-être nous nous étions... Comme aggloméré sous cet aspect pour une raison étrange, expliqua Rhys.

- Mais ça a dû changer quand vous avez réalisé que vous n'étiez pas les seuls, compris-je donc.

- Voilà... À ce moment là, nous avons cru que nous étions donc des représentants d'une espèce précise, ajouta Rhys. Comme les humains qui ont évolué sur la terre ferme, peut-être que d'autres organismes monocellulaires ont évolué également mais dans l'océan...

- Une espèce parallèle, dis-je en comprenant. Peut-être que cela explique que vous puissiez prendre cette apparence...

- Oui surtout que nous n'avons que celle-là, ajouta Rhys.

Je le regardai fixement, elle était très bien cette apparence. En tout cas, elle me plaisait énormément. Mais je ne pouvais pas réellement comprendre pourquoi il me disait cela et je le fixai.

- Tu vas trouver cela idiot, dit-il en souriant.

- Vas-y...

- En fait, plus jeune, nous avons découvert les Comics, dit-il alors.

- Oui, comme tout enfant américain, ajoutai-je en riant.

- Mais nous avons surtout découvert le personnage de Mystique..., précisa Rhys.

J'écarquillai alors un peu les yeux. Ce personnage des X-Men, à la peau bleu et incarné successivement par Kristina Loken et Jennifer Lawrence dans les adaptations cinématographiques, pouvait changer d'apparence à volonté grâce à son gêne mutant. Même si je n'étais pas fan de comics, j'étais un peu obligée de me tenir au courant à cause de la passion naissante de mon petit frère sur ce sujet. Je réalisai alors que deux enfants, pas si humains que ça, avaient clairement dû s'identifier à des mutants et aimer cela.

- Vous pensiez être des mutants ? demandai-je en souriant. C'est mignon et franchement, plus d'un enfant le fait.

- Oui, sauf que nous, on a vraiment essayé..., avouai-je alors.

- Vous avez... Essayé ? repétai-je bêtement.

- Oui, on pensait que peut-être après avoir pris notre... Problème de peau, si nous imaginions autre chose, nous pouvions changer d'apparence...

- Et...

- Pas du tout, fit-il en riant. On redevient comme avant.

Je ris également mais je me sentis énormément touchée par cette histoire si particulière. Cela devait aussi être le cas pour d'autres enfants adoptés, de chercher à savoir qui l'on était vraiment mais eux, ils savaient qu'ils n'étaient pas "normaux". Aucun autre enfant ne pouvait faire ce qu'ils savaient faire, aucun autre enfant au monde ne pouvait respirer sous l'eau, résister au feu, aspirer les protéines humaines de quelqu'un ou même le guérir ensuite... Cela avait dû être très dur. Quand Rhys regarda vers un aquarium comme pour m'indiquer qu'il désirait continuer, je pris mon courage à deux mains. Désireuse non seulement de le rassurer mais également de me rapprocher un peu de lui, je me plaçai alors contre lui et j'attrapai son bras dans les miens. Il m'avait regardée un peu étonné mais ce fut malgré tout enlacés de cette manière que nous poursuivîmes la visite. Les pièces se suivaient mais ne se ressemblaient pas. J'avais été éberluée par les raies manta mais ensuite, je fus effrayée par les requins. Eux ils faisaient vraiment peur et en plus, nous étions arrivés au moment où on leur donnait à manger. Je m'étais alors accrochée fermement à son bras, comme une moule à son rocher ou un koala à sa branche, avant de regarder à nouveau.

- Nous avons également peur d'être comme eux, dit-il doucement. Des prédateurs.

- Rhys... Vous n'en avez pas l'air...

- Mais on peut faire du mal... Comme à Maman, dit-il tout bas.

- Les humains aussi font du mal à leurs semblables, affirmai-je alors immédiatement. Certains violent, certains s'en prennent aux enfants, d'autres tuent sans hésitation et par pur plaisir...

- Je sais, affirma Rhys.

- Si et je dis bien si vous êtes des prédateurs, ce serait comme eux, par instinct. Mais je ne pense pas... Pas vu comment tu n'as pas hésité à me sauver, dis-je doucement.

- J'ai réagi à l'instinct justement, certifia Rhys.

- Et je ne t'en remercierai dans doute jamais assez, affirmai-je. On continue ? Et parle moi encore des poissons.

- Alors je vais te montrer mes préférés, précisa Rhys.

Et là, il fit quelque chose de surprenant. Il retira en effet mes mains de son bras et ce fut pour saisir ma main dans la sienne. Mais encore mieux que ce geste simple, il entrelaça ses doigts dans les miens. Je le suivis donc en regardant nos mains, étonnée de tant de naturel. Il se sentait donc bien avec moi et j'en fus des plus heureuses. Je le suivis avec impatience et nous entrâmes dans une salle totalement vide. Celle-ci était un peu plus sombre que les autres et je regardai vers les aquariums.

- Ces poissons sont luminescents, précisa Rhys.

Je tournai alors la tête vers les fameux poissons et effectivement, ceux-ci brillaient de mille feux, de toutes les couleurs et de luminosité variable. Il y en avait des roses, des bleus, des verts, éparpillés un peu partout et cachés au milieu des décors recréés pour eux.

- C'est très beau, dis-je en les regardant avant de tendre une perche. Et romantique...

Rhys me regarda et ne sut pas où se mettre, c'était plaisant de le voir aussi peu à l'aise que moi. Je regardai alors fixement vers l'aquarium et j'en vis certains palpiter. Doucement, je m'approchais de la paroi de verre pour observer de plus près. De touts petits poissons luminescents semblaient en plein repas. C'était peut-être cela qui les faisaient s'illuminer. Je regardai fixement ce qu'ils mangeaient et je me figeai. Je regardai vers Rhys et je me suis alors immédiatement approchée du panneau. Leur nourriture préférée et surtout leur habitat naturel, c'était la barrière de corail.

- Ils aiment le corail, murmurai-je.

- Oui... Et puis nous pensons que nous avons dû partager le même habitat ou une de ses variantes, précisa Rhys.

- Quoi? demandai-je.

- Il y a quelques années, Maman nous a amené ici, pensant que peut-être cela allait réveiller des souvenirs, dit alors Rhys pensivement.

- Cela a marché ? demandai-je quand même.

- Non mais il s'est passé quelque chose..., avoua Rhys. Nous avons fait cela par instinct encore une fois mais ils ont réagi.

Je regardai vers Rhys et il me sourit. Me fixant pendant que je faisais de même, je le vis me sourire de plus belle et poser sa main gauche sur la vitre tout en me regardant toujours. Et à cet instant là, je vis un peu plus de lumière. Je quittai donc Rhys du regard pour fixer la paroi de verre et je réalisai immédiatement que beaucoup de poissons s'étaient approchés. Ils flottaient en tout sens et je trouvai cela superbe. Je regardai encore vers Rhys, étonnée quand il ferma les yeux. Et là ce fut encore plus beaux. Les poissons se mirent à briller de plus en plus chacun leur tour comme si Rhys leur ordonnait de le faire. J'étais absolument éberluée de les voir chercher à s'approcher de la paroi comme si Rhys était une partie de leur environnement. C'était absolument magnifique... Et puis ils se mirent à nager plus frénétiquement, me poussant à regarder vers Rhys avec circonspection. Lui, il gardait les yeux fermés et je pus reporter mon attention sur les poissons. Ils prenaient tranquillement une forme dans l'eau et j'écarquillai les yeux quand je réalisai que c'était la forme d'un cœur.

- Mon Dieu... Rhys, c'est magnifique ! dis-je surprise.

- Cela te plaît ? demanda-t-il.

- Évidemment, dis-je en m'en approchant.

Je posai ma main sur la sienne comme si c'était également moi qui faisait cela. C'était un moment intense et romantique. Je regardai alors vers Rhys et je n'avais qu'une envie: parfaire ce moment. Je m'approchai alors lentement de lui comme pour lui faire comprendre que je voulais quelque chose. Il enleva doucement sa main de la paroi mais en me touchant toujours la main. Je le vis lever l'autre pour venir placer mes cheveux longs derrière mon oreille. J'inspirai profondément quand je compris ce qui allait se passer. J'en étais si impatiente que je me hissai sur la pointe des pieds pour l'embrasser. Malheureusement, par mon empressement, nos dents se percutèrent en même temps que nos lèvres et j'en sentis la vibration dans ma mâchoire.

- Aïe ! m'exclamai-je.

- Pardon, s'excusa Rhys. Je ne suis pas doué...

- Non c'est ma faute, je suis allée trop vite... Excuse moi, ajoutai-je.

- J'aurais voulu faire ça mieux...

En fait, nous étions allés trop vite tous les deux... Sauf que visiblement Rhys voulait corriger cela. Il se pencha un peu plus doucement et je le laissai s'approcher. Et puis enfin, je les sentis sur mes lèvres, ses propres lèvres d'une douceur incroyable. J'espérais que mon haleine était parfaite car la sienne l'était. Ce fut un baiser doux et très chaste, simple mais j'appréciais. Et puis je voulus m'approcher un peu plus pour demander plus. J'avais légèrement écarté mes lèvres pour l'embrasser comme cela se faisait dans les films. Ce fut alors plus intense, plus passionné. Et comme j'avais compris qu'il avait également ouvert les lèvres, je me dis que je voulais mon premier véritable baiser. Peut-être avait-il senti ma langue à l'orée de ses lèvres mais il laissa la sienne venir à ma rencontre. Je savais que je devais doucement laisser ma langue effleurer la sienne et je le fis doucement. C'était tout de même une sensation étrange de sentir une langue, un peu particulier même. Mais par contre, c'était très agréable, je me sentis donc fondre tout doucement. Par contre, je n'étais pas très habituée à l'exercice et j'avais oublié de respirer par le nez. Je rompis donc mon baiser pour reprendre mon souffle en le fixant.

- Je... Je n'ai pas l'habitude..., fit tout doucement Rhys.

- Moi non plus mais c'était bien, dis-je avant de croiser ses yeux et de reculer brusquement.

- Quoi? demanda Rhys. Pardon... Tu n'en avais pas envie ?

- Si... Mais tes yeux...

- Hein? s'étonna Rhys.

- Attends, dis-je en sortant mon téléphone.

J'activai immédiatement l'appareil photo et je le levai. Ses yeux étaient toujours bleus mais désormais, ils étaient littéralement cyan. Il brillait presque autant que les poissons. En le prenant en photo, je fus saisie d'un étrange doute. En était-ce responsable ? Était-ce notre baiser qui avait provoqué cela? Et puis je m'étais posée une question bête qui me fit rougir : était-ce l'équivalent pour lui d'une réaction anatomique ?

- Regarde, dis-je alors.

- Ho bon sang..., fit Rhys en regardant la photo.

- Ça t'est jamais arrivé ? demandai-je méfiante.

- Non... Je... Merde, fit-il en me rendant mon téléphone.

Je le vis mettre une de ses mains, celle qui touchait ma joue quelques instants plus tôt, dans sa poche. Visiblement, sa peau avait changé.

- Il vaut mieux s'en aller, dis-je alors. Avant que quelqu'un ne remarque cela.

- Je suis désolé...

- T'inquiètes pas, j'ai adoré la sortie... Tu as des lunettes de soleil? demandai-je.

Effectivement, Rhys en avait, la preuve en était de la paire qu'il sortit de sa main désormais redevenue normale. Donc, seuls ses yeux gardaient une apparence étrange. Ensemble et main dans la main, pour mon petit bonheur, nous sortîmes de l'Aquarium et retournâmes sur le parking.

- Rhys..., dis-je une fois dehors.

- Oui? s'étonna Rhys surpris.

- C'est ma faute tu crois? demandai-je avec inquiétude.

- À cause du baiser? demanda-t-il doucement.

- Oui...

- J'ai apprécié... C'était parfait, dit-il en me rassurant. Mais honnêtement je ne sais pas.

Je me demandais surtout si c'était l'équivalent de tous ces petits papillons qui volaient en moi à cet instant. J'étais heureuse de l'avoir embrassé et en réalité, j'avais envie de recommencer. Je regardai Rhys et je touchai inconsciemment son bras. Il se pencha alors et m'embrassa rapidement.

- J'aurais voulu t'acheter un petit souvenir..., marmonna Rhys.

- Rhys... J'ai déjà un bon souvenir de cette sortie, dis-je en souriant bêtement. Mon premier baiser. Très très bien même.

- Merci..., dit-il un peu gêné avant de baisser les lunettes de soleil.

- Toujours brillants... Remets les, dis-je immédiatement.

- Bon, fit-il en les remettant. Cela fera un petit air prétentieux mais... Tu veux aller manger quelque chose ?

- Non, ça ira... Il vaut mieux que l'on rentre... Avant que ça ne fasse autre...

- Hey! Vous avez vu ça ! fit alors une voix près de nous.

En entendant cette personne, j'avais sursauté de manière effrayante. En effet, j'étais totalement en panique. Quelqu'un avait vu les yeux de Rhys qui n'avaient franchement plus le moindre éclat humain à l'intérieur. Ils étaient sublimes, bien plus qu'avant mais c'était clairement autre chose. Je regardai Rhys en déglutissant et, comme d'un accord tacite, nous tournâmes nos têtes en même temps. Mon soupir de soulagement fut plutôt bruyant quand je réalisai que l'homme qui avait prononcé ces mots, un type dans la trentaine visiblement, regardait vers un des murs du bâtiment.

- C'est un décor ? demanda une femme à côté de lui.

- C'est peut-être promotionnel, lui proposa l'homme.

Rhys me regarda et je vis un sacré poids quitter les épaules. Je lui souris alors de manière rassurante.

- J'ai eu peur...

- Moi aussi, avoua Rhys.

- Je m'en serais tellement voulue... Tu ne peux pas savoir, avouai-je.

- Je suis désolé de réagir aussi bêtement... Ils étaient trop loin pour me voir en plus, me signala Rhys.

Je souris car après tout, j'avais réagi de la même manière. Je tournai la tête vers l'attroupement en me disant que j'étais franchement trop stressée en arrivant. Je n'avais absolument rien remarqué tant j'étais impatiente et un peu inquiète au sujet de notre rendez-vous. C'était inutile au final car il était parfait à mes yeux et surtout, tellement romantique. Je n'avais absolument rien remarqué en arrivant, c'est pour dire.

- Merci de ce rendez-vous Rhys, dis-je alors.

- Heureux qu'il t'ait plu, fit-il en me souriant.

- Ce serait du corail? Ça vit hors de l'eau? redemanda la femme.

Là, j'écarquillai les yeux en entendant ces mots. Rhys aussi d'ailleurs et cette fois, je réagis.

- J'espère me tromper, dis-je en avançant vers l'attroupement.

- Pas aussi loin de l'eau... Ce n'est jamais arrivé, marmonna Rhys.

Je regardai vers lui et je le sentis très inquiet. C'était bien ce que je craignais, il pensait à la marque. Nous réussîmes à nous approcher et je fermai les yeux de colère quand je vis ce qui avait attiré l'attention des gens. C'était bien cela... Du corail. Le même que sur les bateaux et avec une forme de main. Non, ce n'était pas possible... C'était ce que je pensais. Je sursautai en entendant marmonner Rhys et je le regardai. Il sortit son téléphone et pianota avant de le porter à son oreille.

- Où t'es? demanda-t-il froidement. Réponds moi honnêtement Alvie...

Je réalisai qu'il avait soupçonné sa sœur en premier. Ou alors il voulait juste s'en assurer.

- Oui... J'entends Maman... Reste à la maison, il se passe des trucs. C'est pas le moment !

Il raccrocha et rangea son téléphone avant de me regarder.

- Ramène moi Rhys et rentre vite leur dire, conseillai-je à Rhys.

- D'accord... Viens, fit-il alors.

Et ce fut ainsi que nous eûmes notre premier rendez-vous. Mais ce fut surtout ainsi que je compris que ma vie allait être bien différente mais aussi que Rhys et Alvina n'étaient pas les seuls parmis nous. Il y en avait un autre... Pire, il n'était pas loin! Voulait-il les rencontrer? Était-il un ennemi? Je ne le savais pas et l'ignorance était la pire des choses à cet instant.


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