La roue de l'écriture (et plus si affinités)

Le casque suintant d’une eau sombre venue d’un ciel plus noir encore, Marcus contemple les amas de bois flottant autour de sa trirème, résultat d’une équation simple : un jet de catapulte de l’ennemi, une liburne de moins. L’autre Marcus annonce la couleur. Qu’importe cette épave qui se désagrège lentement au rythme des flots tumultueux du golfe d’Ambracie ce matin de tempête, il lui en reste CCCXCIX autres. Il a traqué sa proie, avec acharnement. Harcelé sur les mers, jusqu’à l’isoler dans cette impasse maritime. Elle est aux abois, ce jet d’avertissement lamentable en est la preuve. Plus que quelques heures avant que le vent ne s’apaise et qu’ils n’entament franchement les hostilités. Octavien pourra être fier de son ami.

Sur la rive du levant, au nord d’Actium, l’autre Marcus fixe l’horizon et sa cible détruite. Son rictus pincé trahit sa pensée : piètre consolation que ce navire réduit en miettes. Un simple fantassin de moins dans une légion entière de guerriers nautiques ligneux flottant sur la grande Ionienne. La bataille s’annonce ardue. Fort bien. Il ne la redoute guère, il a connu pire face aux Parthes. Lui, il est le descendant d’Hercule, le nouveau Dionysos qui baise le pharaon d’Egypte ! Ce n’est pas rien. Son adversaire n’est qu’un gamin qui se prend pour un conquérant, avec son chien fou de Vipsanius. "Cave canem" l’avait averti l’oracle avant l’orage. Drôle d’atellane ! Le molosse et son maître finiront en ruines, comme toutes leurs coquilles de noix.