Les prompts de Tom & Alexis

Chapitre 9 : Prompt 9

1124 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 25/08/2022 09:14

—     Encore quinze minutes les gens !

La voix imbibée d’alcool de Lola s’éleva dans le salon pour avertir ses convives. Elle leva son énième verre de la soirée avec autant de précaution possible, et ajouta :

—     J’veux tous vous voir ici pour le décompte. Vous défilez pas, hein !

Avant de le boire cul sec, sous une tonne d’applaudissement et d’acclamations, comme si elle venait de réaliser un tour de magie.

Alexis grimaça. Pire, il était aussi saoulé que les invités eux-mêmes étaient saouls. Avec une soirée comme celle-ci, il ne rêvait que d’une chose : attendre minuit pour « fêter » la nouvelle année – comme il l’avait promis à sa sœur – puis monter se coucher pour qu’on lui foute enfin la paix ! Il se sentait mal à l’aise parmi cette foule d’inconnus éméchés, ce qui, sans grande surprise, ne semblait pas être le cas de Lana et de Jay, qui s’éclataient comme des dingues à Just Dance. De son côté, plus discret, Austin les applaudissait depuis le canapé où il était perché, une bouteille de bière déjà bien entamée à la main. À eux trois, ils avaient tenté à plusieurs reprises de rameuter Alexis à leur cause, mais il avait décliné leurs invitations avec des monosyllabes aussi froides que la température extérieure.

D’ailleurs, il était grand temps d’aller fumer, histoire de tuer ce dernier quart d’heure interminable. Alexis prit sa veste, son écharpe et enfila ses chaussures pour rejoindre la terrasse qu’il espérait déserte. Son vœu étant exaucé, il s’engouffra dans le jardin, faisant craquer la neige fraîche sous ses pieds, jusqu’à trouver la balançoire en bois du terrain de jeu aménagé pour sa petite sœur. D’ordinaire, c’était là qu’il passait ses soirées d’été, plutôt que celles d’hiver où fumer était devenu un vrai supplice. Mais ce soir, il avait besoin de se poser ici, pour raviver ses souvenirs avec Tom.

Tom

Déjà plusieurs mois qu’il était parti à l’autre bout de la terre, sous la contrainte de son tyran de père. Sans compter qu’avec le décalage horaire, ils ne pouvaient même pas passer le Nouvel An ensemble. Ou alors, difficilement, sachant que Tom avait déjà passé le cap. Même si Alexis lui avait envoyé un message, huit heures auparavant, pour lui souhaiter une bonne année. Sans doute qu’il n’en recevrait pas en retour, il était trop tôt pour un lendemain de fête, surtout si Tom avait abusé sur les consommation d’alcool.

Mais tant pis.

Alexis saisit quand même son téléphone entre ses doigts gelés et, pour les réchauffer, pianota quelques mots qu’il n’aurait pas eu le courage d’exprimer de vive voix. Il avait pris la résolution de plus laisser parler son cœur et ôter ces barrières qui l’en empêchaient. Alors pourquoi ne pas l’appliquer avec un peu d’avance ?

Tom lui manquait. Atrocement. Il avait laissé comme un vide au fond de lui et, comme prévu, la relation longue distance n’était pas chose aisée. C’était même plutôt difficile de se capter par téléphone ou par message, de trouver des créneaux horaires qui leur convenaient à tous les deux, sans oublier la vie qu’ils menaient chacun de leur côté, désormais. Mais au fond, il avait envie d’y croire, de croire qu’ils surmonteraient ces obstacles et que la chance tournerait en leur faveur. Alexis se maudissait d’avoir été autant pessimiste lorsque Tom lui avait annoncé la nouvelle de son départ précipité… Mais la colère l’avait submergé et il avait détesté savoir que Tom ne s’était pas plus battu que ça. Pour eux.

Enfin. Il s’alluma une autre cigarette, la dernière de l’année. Il ne restait que quelques minutes, cinq à tout casser. Juste le temps de savourer la nicotine, recracher la fumée, la voir se mélanger à l’air transi de la nuit, puis se dissiper parmi les étoiles. Toujours le même spectacle, mais Alexis ne s’en lassait jamais.

23h59

Il était mort de froid. Son corps entier tremblait, mais il n’avait aucune envie de retourner à l’intérieur. Finalement, il n’était pas si mal, là, à imaginer la silhouette de Tom, juste sur la balançoire d’à côté, se balançant comme un gamin et hurlant son bien-être. Avec un peu de chance, Lola était tellement ivre qu’elle ne remarquerait pas son absence. Mais c’était sans compter sur la baie vitrée qui s’ouvrit, laissant sortir des bribes de l’ambiance intérieure. Le décompte n’allait pas tarder.

Sans se retourner, il lâcha :

—     Ouais, j’arrive Lola.

—     Dix, neuf, huit…

Même ensevelie sous des litres d’alcool, la voix de sa sœur ne sonnait pas aussi grave, d’habitude. Enfin, peut-être que tout ce vacarme l’induisait en erreur. Après tout, la musique tambourinait si fort contre les fenêtres qu’il n’entendait même plus les battements de son cœur.

—     Sept, six, cinq…

Une paire de bras musclés qui l’enlaça amoureusement. Un souffle chaud, dégageant de légers effluves de bière, qui s’échoua contre sa nuque, dévêtue de son écharpe. Un visage familier qui s’y enfouit délicatement, avec un petit rire presque trop effacé. Des frissons qui lui parcoururent la colonne vertébrale. Une douce chaleur naissante au creux de ses entrailles qui commença à le réchauffer.

—     Quatre, trois, deux…

Une voix suave qui lui susurra ces nombres à l’oreille. Ses doigts qui s’enfoncèrent fermement dans la peau pour s’assurer de ne pas rêver. Ses lèvres qui tremblèrent si fort. Une larme, agressée par le froid, qui échappa à sa vigilance. Un sourire qui lui fit mal aux joues. Un sentiment, à la fois magique et léger, qui l’envahit soudainement.

—     Un…

Bonne année !

—     Tom !

Lorsqu’il se retourna, Alexis se heurta à la nuit noire, comblée par un vent de solitude, glacial.

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