Wolf Skin: Omega
V.
SOIRÉE EN FORÊT
Cela faisait déjà deux semaines que la fameuse fête chez Evan Grayson avait eu lieu. Depuis ce soir-là, je m'étais posée des dizaines de questions sur ce qui avait bien pu se passer. Je n'avais toujours pas compris et pourtant, comme aurait pu l'attester mon historique Google, j'avais cherché et cherché des dizaines, que dis-je, des centaines de possibilités. Au final, je n'avais pu que conclure à une chose scientifique simple : peut-être que Matthew avait une ouïe extrêmement fine comme certaines personnes au monde. En effet, certains pouvaient avoir leur sens plus développés, comme les pilotes d'avions et leur grande acuité visuelles, ou les nez de parfumerie avec leur odorat hyper développé ; ou même encore les œnologues réputés capable d'identifier des dizaines et dizaines de saveurs. En somme, je n'avais rien trouvé. J'avais quand même également envisagé un autre truc improbable : un don catégorisé comme médiumnique. Bon ok, j'avais peut-être trop regardé la série Medium avec Patricia Arquette. Le pire dans tout ça, ce fut que je finis par m'en moquer ou presque, j'avais d'autres priorités. Ces fameuses autres priorités étaient en fait la préparation de l'équipe de cheerleading pour le premier match de la saison entre les Werewolves de Wolfcreek et les Ravens de je ne savais plus où. En fait, c'était surtout moi et Meghan qui devions absolument atteindre le niveau des autres. Elles avaient passé la première semaine à nous apprendre leurs différentes chorégraphies pour le premier match et nous avons mémorisé cela. Je n'eus pas de grandes difficultés pour les mémoriser, j'avais déjà les bases de bien des mouvements par mon expérience, après tout il me suffisait de mémoriser leurs enchaînements. Meghan avait eu plus de difficulté à les mémoriser et j'avais été rassurée de voir que les autres essayaient quand même de l'aider. Naturellement j'avais fait de même et malgré son stress grandissant à l'approche du premier match, Meghan avait fini par les enregistrer. Depuis, c'était principalement du perfectionnement. Moi j'avais appris avec plaisir que les entraînements avaient lieu dans un gymnase et non pas en extérieur. En effet, c'était souvent sur les terrains que nous nous entraînions à Topeka, pour mémoriser les limites de terrain, la position des gradins, ce genre de choses. À Wolfcreek, Lana et les filles utilisaient des plots dans le gymnase, connaissant presque par cœur les mesures. Cela m'avait un peu surprise mais j'ai surtout compris que le Colorado n'était pas l'endroit le plus chaud du monde et que forcément, il y avait aussi les intempéries. Au final, j'étais contente que nous nous entraînions en intérieur. Mais peu à peu, la date fatidique arrivait pour nos grands débuts.
Et donc ce vendredi là, c'était habillée dans ma tenue de cheerleader que je m'étais rendue au lycée. Je trouvais qu'elle m'allait bien malgré sa dominance grise et le gros W bleu nuit, le tout avec des manches et des bords de jupette blancs. On avait même des shortys de sport aux mêmes couleurs, contrairement à ce que la majorité des gens pensaient que les cheerleaders portaient c'est-à-dire des strings invisibles. Les gens étaient quand même tordus. Mais comme le froid commençait à être saisissant, j'étais heureuse d'avoir un Teddy aux couleurs de l'école. Ma matinée et mon cours de mathématiques, extrêmement chiant en passant, se passa rapidement. Je n'eus pas très faim ce jour là, comme pour chaque premier match de saison, un bon stress mais un stress qui vous noue les tripes. Lana m'avait cependant avertie qu'avec Lizzie, elles devaient aller préparer les banderoles et notre équipement, emmenant toujours une fille différente à chaque fois selon elle, afin que je puisse prendre des notes de cours pour elle au besoin. Je m'étais donc rendue à l'étage des cours de sciences, bien emmitouflée dans mon Teddy, pour passer ce que j'imaginais être une mauvaise après-midi. En effet, alors que j'avançais dans le couloir, je m'étais rendue compte que cela signifiait l'absence totale de soutien en cours alors que je devrais être avec Matthew Wilder. Désormais au courant de la position de la classe, et sachant que je n'allais pas me perdre deux fois, j'y suis allée tranquillement. Le professeur était déjà entré ainsi que quelques élèves. Je n'attendis pas à l'extérieur, n'ayant personne avec qui discuter, pour entrer directement. Juste devant la porte, à la même table que lors du premier cours, m'attendait Matthew Wilder qui releva à peine la tête à mon entrée.
- Bonjour Monsieur, dis-je en bonne petite élève en saluant le professeur.
- Mademoiselle Perkins, me répondit-il tout aussi poliment. Prête pour votre premier match?
- Un peu stressée mais ça va, dis-je simplement en allant m'asseoir.
J'avançais presque comme une condamnée vers l'échafaud pour mieux me jeter dans l'enfer du silence. Je me suis assise, faisant attention à mes jambes nues et j'ai juste enlevé mon Teddy. Matthew ne me jeta même pas un regard poli et j'ai alors sorti mes affaires avant de m'appuyer sur l'établi. J'ai sorti mon téléphone pour regarder une dernière fois la vidéo que j'avais prise des filles pour observer les mouvements. C'était bien mémorisé même si je marmonnais les mouvements silencieusement. J'ai juste regardé sur le côté pour observer le caractériel de service.
- Bonjour quand même, dis-je au voisin en le regardant.
- Bonjour, me répondit-il quand même.
Je le regardai attentivement en me disant qu'on ne s'était plus adressé la parole depuis la soirée, ce dernier ayant évité le dernier cours de sciences en réalité. Je voulais quand même lui dire quelque chose que j'estimais normal et nécessaire. Tant pis si il comptait m'envoyer chier.
- Au fait, tu t'en tapes peut-être complètement mais je voulais te dire merci, précisai-je alors en feuilletant mon manuel.
- Merci de quoi? demanda-t-il extrêmement surpris.
- Pour Meghan, c'était chevaleresque, dis-je un peu surprise qu'il réponde.
- Ho ça..., fit-il simplement.
Je le regardai alors légèrement effarée que la conversation soit déjà finie. À peine commencée, déjà clôturée, la journée risquait d'être très longue. Je me demandais bien en quoi allait consister le cours quand je vis le professeur écrire au tableau en lisant ce qu'il écrivait à voix haute.
- Aujourd'hui, la circulation sanguine par le cœur... Travaux pratiques, fit le professeur me figeant un peu.
Travaux pratiques... En biologie cela avait un petit côté peu rassurant. C'était en général le signe de ce que j'appréhendais toujours : les dissections. Beurk... Et forcément le professeur avait des boîtes dans une glacière, et re Beurk... Il les distribua tranquillement, fier de lui comme la plupart de ses homologues dans ce genre de situation. Dès qu'il posa la boîte, je me suis légèrement reculée, détestant cela en général. Matthew s'était simplement approché de l'établi.
- Bien, nous allons donc découvrir le fonctionnement de la circulation sanguine chez les batraciens, un système assez proche du nôtre. Vous trouverez également des pompes dans les boîtes pour simuler un débit sanguin naturel... Allez on ouvre les boîtes, précisa le professeur.
J'étais dégoûtée de devoir faire cela, je détestais réellement ces dissections, un bon diaporama ou une vidéo scientifique ne suffisait donc pas ? Il fallait croire que non. La boîte devant moi fut prestement ouverte par mon voisin si causant et je le regardai attentivement. Je ne savais pas ce qui m'avait pris mais j'avais eu comme l'impression qu'il allait savourer ce moment. Mais en fait non, donc au moins ce n'était pas un sadique.
- Bien, fit le professeur qui avait rapidement fait un dessin de grenouille au tableau. Pratiquez l'incision à cet endroit précis, pas trop profond s'il-vous-plaît.
Beurk... Beurk... Et encore beurk... Je n'avais pas envie de faire souffrir ce pauvre Kermit, même si il était déjà mort. J'ai alors simplement regardé le scalpel sur la table et je me suis résignée à subir des critiques de mon voisin. J'ai posé mes doigts dessus et l'ai fait glisser jusqu'à lui. Il me regarda et le prit simplement.
- Tu n'aimes pas la biologie ? me demanda t'il alors avant d'inciser comme le Docteur Ross d'Urgences, c'est-à-dire avec finesse et précision.
- Pas trop non... T'es précis dis-donc, avouai-je en l'observant.
- Ça n'a rien de compliqué, me répondit-il.
- Si ça ne te gêne pas, moi oui, marmonnai-je.
- C'est moi salissant qu'un chevreuil, fit-il avec un ton qui se voulait mesquin.
- Chevreuil ? chuchotai-je étonnée. Tu veux dire que tu chasses?
- En bon bouseux, répondit-il en me fixant.
- C'est pas ce que j'ai dit..., répondis-je gênée.
- Je sais... En fait c'est comme beaucoup de gens dans le coin, avoua Matthew. En famille.
- Ho... Avec ton père ? demandai-je ensuite profitant qu'il accepte la discussion.
- Et Lacey, répondit-il.
Je le regardai attentivement. Il n'était pas encore prêt à rédiger Crimes et Sentiments mais au moins il ne me rembarrait pas. Je le laissais faire, vu qu'il était assez à l'aise pour tripatouiller la pauvre victime avec son petit air de Dexter du Colorado. Je me demandais si je pouvais essayer de savoir des choses.
- T'es médium ? demandai-je sans franchement réfléchir à une tactique.
- Quoi? s'étonna alors Matthew.
- Pour Meghan..., ai-je insisté.
- Je suis juste arrivé à temps, précisa Matthew.
- Après l'avoir entendue c'est ça ? demandai-je en me pensant.
Il me fixa alors avec un certain étonnement. Je me demandais si j'avais au final complètement rêvé ou si j'avais vraiment compris ce qu'il s'était passé.
- De quoi tu parles? demanda-t-il calmement.
- Dans le cellier... Tu l'as entendue non? demandai-je à deux doigts de toucher au but.
- J... Ne prends pas mal ma question mais... Tu avais bu? demanda-t-il en me vexant.
- Trop peu pour avoir des hallucinations, dis-je en essayant de garder mon calme.
- On était à l'autre bout, c'est juste en passant, fit-il calmement.
- Ok..., répondis-je plutôt déçue de mes réponses.
Il reprit calmement le travail sur Kermit et ne me regarda presque plus. Je me demandais quand même si j'avais vu juste ou pas. Je me questionnais encore beaucoup sur ce sujet mais je me disais aussi que c'était le moment de briser la glace pour mes futurs cours avec lui.
- Tu viens au match? demandai-je donc.
- J'hésite, tu pourrais croire que je t'observe, dit-il.
Je l'ai observé, à deux doigts de m'énerver et je vis quelque chose d'étonnant : un petit sourire. Il était donc du genre mesquin.
- Bon... Sérieusement ? insistai-je quelque peu contrite.
- Ma mère jouait dans sa jeunesse donc elle vient avec mes sœurs, répondit-il sur un ton calme.
- Pas ton père ? demandai-je alors.
- Il s'occupe des bêtes de l'exploitation, nous n'avons pas d'employés alors vu qu'on sera tous ici, développa Matthew.
Je l'ai regardé étonnée, réalisant que sur les Wilder, je ne connaissais que les rumeurs et absolument rien d'autre. Étant donné qu'il était visiblement de bonne humeur et apte à la conversation, j'en ai saisi l'occasion.
- Vous avez beaucoup de bêtes alors? demandai-je pour la forme.
- Quelques chevaux, une dizaine de vaches et quelques brebis, avoua-t-il continuant de torturer post-mortem le pauvre Kermit.
- Et vous faites des plantations aussi? demandai-je encore en le fixant.
- Oui, c'est ouvert aux clients d'ailleurs, biologique, précisa-t-il quand même.
Je supposai alors que les enfants Wilder devaient également travailler sur l'exploitation. C'était peut-être aussi cela l'explication de leur manque de sociabilité. Il devait vraisemblablement manquer de temps libre en fait. J'étais rassurée d'un point cependant. En effet, si ils arrivaient à vendre c'était peut-être que les rumeurs ne concernaient que les lycéens ou alors les adultes étaient des faux culs ce qui ne serait nullement surprenant. Tandis que je notais calmement les observations que je pouvais faire sur la circulation du sang en circuit entrant et sortant du cœur, je vis qu'il m'observait. Peut-être allait-il tenter également de converser en lançant un sujet... J'attendis patiemment jusqu'au moment où enfin il parla.
- Et toi? Tu es prête à hurler? demanda-t-il soudainement.
L'emploi du terme hurler me surpris et je l'ai regardé fixement. C'était assez tendancieux et plutôt déplacé. Il me regarda dans les yeux et soudain il indiqua ma poitrine. J'étais consternée avant de baisser les yeux, motivée par son étonnement. Et j'ai alors compris le propos mais il précisa sa pensée.
- Les Werewolves, dit-il simplement.
Je m'étais sentie bête. Les Werewolves, comme les loups-garous. C'était une tradition de l'équipe des cheerleaders que j'avais trouvée amusante au premier abord. Si l'équipe menait à la fin d'un quart temps, les filles de l'équipe hurlaient comme des loups à la lune. Vaguement amusant...
- Oui, c'est un peu bizarre, marmonnai-je.
- Ils jouent la carte du loup, me répondit-il calmement.
- C'est quand même bizarre sachant qu'il n'y a pas de loups dans le Colorado, tout le monde en fait pourtant du business, dis-je alors toujours consternée de cela.
- Officiellement, marmonna Matthew.
- Pardon? demandai-je méfiante.
- Non rien, répondit-il avant de se replonger dans son labeur scientifique.
Ce propos était assez surprenant mais il était vrai que les loups n'étaient pas sédentaires. Ils ne migraient pas certes mais ils se déplaçaient. Il n'était pas totalement impossible que certains passent dans le Colorado.
Le cours se prolongea alors quelque peu, chaque élève torturant ces pauvres petites bêtes en notant ce qu'il observait jusque la fin. J'étais assez pressée et lorsque le professeur annonça la fin du cours et nous souhaita un bon match, j'avais saisi mon sac avant de filer. J'avais traversé tout l'établissement pour sortir et rejoindre le complexe sportif, croisant Tina au passage. Ensemble nous rejoignirent les filles déjà là-bas et, toujours au bord du stade, Lana nous fit un discours.
- Bon les filles, c'est le premier match de la saison, fit-elle alors pour débuter. Si ce n'est pas parfait ce n'est pas grave. Meghan et Deb, ne vous mettez pas de pression inutile, faites de votre mieux.
- Oui chef, répondit Meghan amusée.
- Si ce n'est pas parfait, la plupart des gens ne le remarqueront pas, ajouta Lana. Alors ne vous inquiétez pas.
- Et puis, c'est vos premiers pas dans l'équipe, précisa Tina. Les erreurs arrivent.
- On pourra se perfectionner par la suite, d'accord? demanda Madison.
- Et puis même nous on peut se louper, ajouta Nicole.
- Le plus important c'est de se donner à fond, lança alors Lizzie.
J'ai beaucoup apprécié cet esprit d'équipe de la part des filles. Dans mon ancienne équipe c'était un peu pareil avec les nouvelles même si nous avions plus de pression en tant que parricipante à des championnats. C'était durant certains d'entre eux que j'avais compris que certaines équipes semblaient y jouer littéralement leur vie. Leurs capitaines étaient souvent digne d'un film sur l'armée. À Wolfcreek, je n'allais pas avoir de pression, c'était déjà ça. Tandis que les filles continuaient de nous motiver, je pus aisément me rendre compte que le stade était de plus en plus rempli. Les gens arrivaient par dizaines pour se chercher des places et s'installer patiemment. Je vis facilement ma mère se trouver une place assez loin du terrain quand même. Elle me salua et j'y répondis avant qu'elle ne me montre rapidement son téléphone. Elle allait sans doute filmer pour mes grands-parents étant donné que Grand-père devait veiller sur ma grand-mère, du moins c'était ce que j'en avais compris. Passant alors devant ma mère et la cachant à ma vue, je vis descendre les Wilder. Lacey ouvrait la marche en passant devant une femme aux longs cheveux blonds, vêtue d'un simple chandail et d'un jean mais tenant dans ses bras une fillette. Je réalisai rapidement, n'étant pas stupide, qu'il devait s'agir de la petite dernière de la famille. De loin j'avais du mal à voir son visage mais ses cheveux blonds noués en couette n'avait rien à envier à ceux de sa mère d'accueil. Fermant la marche, Matthew suivait en portant de la nourriture. Au milieu de l'escalier, il s'arrêta et je le vis faire un signe de la main dans ma direction. Je fus assez surprise, me demandant si je devais répondre, quand soudain une voix retentit près de moi.
- Ha ben il répond au moins, fit la voix de Meghan près de moi.
J'ai tourné la tête, comprenant que c'était elle qui l'avait d'abord salué et qu'il y avait répondu. Je me disais aussi... J'essayais rapidement de me concentrer, il allait être temps de commencer à bosser. Le public semblait nous attendre et nous commençâmes quand les joueurs entrèrent sur le terrain.
- Vous êtes prêts Wolfcreek? hurla Lana devant les spectateurs qui lui répondirent. Alors on y va!!!
La chorégraphie d'introduction était assez basique, des mouvements de bras et de bassin principalement. J'agitai mon corps et mes pompoms sans honte, m'amusant autant qu'à Topeka. Suivre le rythme n'était pas trop compliqué même si je gardais tout de même un œil sur les filles pour éviter une erreur de dernière minute.
- Allez les Werewolves!!! fut alors notre cri de ralliement de fin de chorégraphie tandis que nous sautions pour motiver le public.
Je regardai vers Meghan qui semblait au paradis et c'était peu dire. Nous avions bien démarré.
- Les filles, c'était bien, nous fit Lana. Continuez comme ça.
- Merci, lui ai-je répondu.
- Je crois que je me suis trompée, fit Meghan.
- On t'a dit que c'était pas grave, lança Nicole.
Elle en fut rassurée et je pris attention au match. Nous devions pousser des cris d'encouragement même si l'équipe ne semblait nullement en avoir besoin en fait. Ils étaient bons, enfin je supposais, ou alors l'adversaire était nul. Naturellement nous devions longer les gradins en poussant le public aux encouragements. C'était toujours aussi amusant même si ce n'était pas la même ambiance dingue qu'à Topeka. On faisait de notre mieux pour créer une ambiance de grande compétition.
- Les filles, on mène et on arrive à la fin du premier quart temps, nous précisa Lana.
C'était le signal pour le fameux cri. Alors, nous nous sommes alignées devant les gradins et nous avons poussé le fameux cri.
- Aouuuuuuuuuu! hurlai-je légèrement gênée.
Étonnement, cela eut son petit succès. Le public semblait adhérer totalement à ce concept. J'ai laissé mon regard se déplacer sur le public qui nous imitait tranquillement. Ma mère semblait très amusée. J'ai alors voulu voir la réaction des Wilder et je fus surprise et c'était un mot faible. La toute petite fille y répondait avec un bonheur digne d'un enfant le matin de Noël tandis que sa mère essayait de la maintenir sur ses genoux. Sa sœur semblait par contre consternée et essayait de la maintenir également en la regardant sévèrement pendant que Matthew semblait égal à lui-même et s'en foutait totalement. Meghan était quant à elle très heureuse d'avoir pu réaliser cet acte, tradition des cheerleaders sans doute extrêmement reconnue. À chaque période de repos nous avions nos petites animations à faire et elles étaient faciles à réaliser. Cependant, lors de la mi-temps, bien plus longue d'ailleurs, ce fut des figures plus complexes qui furent lancées. Évidemment, en prévoyant déjà ce match, Lana avait spécifié que les jetés ne seront pas encore réalisé, histoire que la confiance s'installe entre les nouveaux membres dont moi-même. Cependant elle m'avait demandé de réaliser ma spécialité et je m'y suis prêtée avec énormément de plaisir sachant que, comme je l'avais naturellement prévu, cela eut son succès. Le public adhérait toujours à ces mouvements bien plus complexes, parfois pour la beauté du geste mais n'étant pas dupe de toute la réalité, je savais que certains espéraient secrètement que l'on se vautre royalement. Le match s'avéra au final totalement à sens unique et l'équipe gagna avec beaucoup de points d'écart. Je n'étais pas encore très au fait de ce sport mais après tout, il me suffisait de faire comme les autres. C'était plus facile et surtout plus fainéant. Alors que le public commençait déjà à rentrer chez lui, Lana m'accosta.
- Deb... Tu veux venir avec nous? me demanda t-elle rapidement.
- Euh... Où ça ? demandai-je quand même.
- On a une tradition après les matchs ici, avec ceux qui veulent et surtout qui peuvent, nous allons faire un petit feu de camp tranquille dans la forêt. Il ne se passe rien de choquant, on s'amuse un peu, on boit un peu mais c'est pas quelque chose qui dégénère en orgie, me précisa rapidement Lana.
- Tout le monde y va? demandai-je rapidement.
- Ce soir ce sera cinq ou six joueurs, dont Evan, se sentit elle obligée de préciser. Y aura moi, Tina et Nicole... Je dois demander à Meghan mais je pense que ses parents vont refuser.
- Ok, dis-je en riant tout de même de la précision. Je vais demander à ma mère je reviens.
J'ai filé rapidement dans les gradins, esquivant tout le monde du mieux que je pouvais avant de la rejoindre rapidement. Elle me fixa durant un instant en se demandant si ce n'était pas dangereux mais au final, elle m'y autorisa à la condition que mon téléphone reste allumé au besoin. J'étais toute contente en redescendant pour aller le signifier à Lana. Avec Nicole, nous nous sommes donc rendues au parking en attendant que les gens s'en aillent. J'eus rapidement pour information que certains sportifs viendraient avec leurs copines, sans doute parce que celles-ci préféraient surveiller leurs mecs. Le trajet ne fut pas si long et nous arrivâmes aisément au beau milieu de la forêt. Lorsque je sortis de la voiture, je me rendis compte que certains étaient déjà là. Je n'arrivais pas à mémoriser les noms de toutes les personnes mais je savais déjà qu'il y avait Casey, le mec de Lana à qui elle s'accrocha mais également Evan, heureux de me voir et Dixon, l'afro-américain outé par Lana le jour de la rentrée, accompagné d'un mec un peu plus âgé appelé Josh et déjà à la fac, son mec donc. L'inconvénient de ce genre de choses, je le connaissais déjà et c'était tout bêtement que les sportifs rejouaient leur match en enjolivant les choses naturellement. Lana écoutait religieusement son mec et cela me fit bien sourire. Elle était quand même sur le terrain et donc elle en avait vu le plus gros. Moi je discutais beaucoup avec Josh, ce type était un homme sympa et cultivé comme l'attestait clairement ses études de littérature.
- Et toi, à part Jane Eyre sur lequel tu es intarissable, tu as lu quoi récemment ? me demanda t'il en me fixant attentivement.
- Euh... Je suppose que tu parles en dehors des cours, dis-je amusée.
- Bien sûr, me précisa Josh.
- J'ai lu au début de l'été "Une mort qui vaut la peine" de Donald Ray Pollock mais j'ai commencé "Le Monde de Charlie" de Stephen Chbosky.
- Ha oui c'est pas de la culture basique, m'assura Josh.
- Y a pas eu un film sur celui-là ? demanda rapidement Evan qui participait du mieux qu'il pouvait à la conversation.
- Si..., dis-je alors après avoir réfléchi. Avec Emma Watson qui joue Sam, ai-je précisé.
- Je l'ai vu, j'adore les passages sur Rocky Horror Picture Show, répondit Evan.
- Je suppose que le bustier y est pour quelque chose ? demandai-je mesquine.
- Même pas, marmonna Evan gêné.
J'avais hésité à rire mais sa mine déconfite valait vraiment le détour. Je pensais et je supposais à raison que je n'avais pas si tort que ça sur l'intérêt d'un adolescent sur le physique de l'actrice rendue célèbre par la saga Harry Potter. Josh dut réfréner également un fou rire.
- Franchement t'es faite pour des études de littérature, me fit Josh. Tu lis des auteurs de niche alors.
- Merci, j'adorerais, avouai-je. Il est bien le cursus de Fort Collins?
- J'aurais préféré aller ailleurs mais mon père a perdu son travail et j'ai deux petites sœurs plus jeune que vous, j'ai donc un boulot à côté c'est mieux, me fit il visiblement déçu.
Je me demandais dans combien d'université il avait pû être reçu et j'espérais clairement être capable d'y aller. Les conversations reprirent rapidement, plus légères et moins cultivées vu qu'elles étaient aidées par l'alcool. Je ne buvais pas trop, n'étant d'ailleurs à cet instant qu'à ma deuxième bière assez légère d'ailleurs.
- Bon on se fait un petit jeu? demanda rapidement une fille rousse.
- Du genre? demanda Evan intrigué près de moi.
- Pas un putain d'action ou vérité j'espère ? demanda rapidement un joueur.
- Ouais ça dégénère trop rapidement, fit une fille brune.
Effectivement, cela pouvait dégénérer comme dans le livre que je lisais actuellement quand Charlie embrassait la fille qu'il trouvait la plus belle de la soirée, à savoir Sam, alors qu'il avait une petite amie. Un beau bordel en perspective, cela ne finissait jamais en histoire d'amour passionnée comme dans After.
- J'avais une autre idée, lança alors la fille rousse qui avait de la suite dans les idées.
- Bon accouche Bethany, tu fais chier, insista Nicole sans aucune gêne.
- On se fait un petit moment de danse mais c'est pas si simple, on s'éclate sur ce que chacun a de plus particulier dans son smartphone... Sortez les playlists, répondit alors la rousse.
Cela pouvait être amusant de savoir ce que chacun aimait secrètement. Pendant que j'entendais Nicole et ses Pussycat Dolls, le groupe d'origine, je cherchais dans mon téléphone quoi envoyer. J'hésitais pas mal, j'avais des goûts assez éclectiques. Je patientais calmement en écoutant des choses comme Nirvan, Enya, The Platters pour Josh... Et autres joyeusetés. Evan me regarda attentivement, impatient d'apprendre quelque chose sur moi visiblement. Mais je voulais préciser une chose bien avant.
- Avant de balancer le morceau, vous devez savoir que je suis fan de Quentin Tarantino et surtout des bandes originales des films, dis-je alors pour les éclairer.
- Donc ce sera assez ancien, me fit un sportif qui visiblement voyait de quoi je parlais.
- Et elle a des goûts cinématographiques aussi bizarres que les littéraires, fit Josh en riant.
- Merci de les éclairer Josh, dis-je en riant également. Et voilà... Mon choix.
Quelques secondes après que j'avais appuyé sur le fichier son de ma playlist, les premières notes de Chick Habit, par April March avec un cover de France Gall, présent sur la bande originale du film Boulevard de la Mort démarra et je regardai les autres membres autour du feu de camp. Et forcément c'était très dansant donc on s'est éclatés et pas que quelques secondes. Je fus même très amusée quand tout le monde en redemanda. Cette seconde écoute me permit d'ailleurs de danser avec Evan sans se coller non plus, Chick Habit permettait plutôt une danse acharnée du genre à s'écheveler. À la fin du morceau, je me suis laissée choir sur mes fesses sans ménagement.
- Ho bon sang le bonheur, marmonnai-je en reprenant mon souffle.
- Faudrait se voir le film, me fit Evan.
- Attends... Tu l'as jamais vu? demandai-je choquée.
- Je ne suis pas trop Tarantino, j'ai vu que Pulp Fiction, m'assura Evan.
- Alors là, t'as des lacunes. Faut voir Reservoir Dogs avant tout, puis Jackie Brown, dis-je rapidement. Après Django Unchained mais c'est pour DiCaprio en méchant...
- Je parie que tu les as tous, me fit Evan en riant.
- Et comment, je te ferai des copies... Prépare tes soirées, dis-je alors en l'imaginant.
- Ensemble ? demanda-t-il avec un très vif intérêt.
- Alors ça, nous verrons, dis-je simplement.
Il fut alors appelé par un de ses potes de l'équipe et s'éloigna. Josh n'en avait pas râté une miette.
- Ce mec est accroc ma grande, m'assura mon tout nouvel ami.
- J'ai l'impression... Mais j'hésite à lui laisser une chance, avouai-je.
- Ha bon ? s'étonna Josh.
- Je ne le connais pas très bien, tu vois? précisai-je.
- Je comprends... Tu es nouvelle donc tu te méfies, ça tient la route... Au fait je ne suis pas le tueur en série, fit Josh avec humour.
- Très drôle, marmonnai-je en riant.
La soirée se prolongea encore, comme mes conversations extrêmement intéressantes avec Josh. Cependant, la bière faisant son effet, au bout d'un moment, le besoin le plus naturel du monde se fit ressentir. J'avais tenté de lutter mais l'appel de la nature était bien plus fort. Je me suis levée et Josh me regarda surpris.
- Tout va bien ? s'inquiéta Josh.
- Oui... Euh je vais revenir..., dis-je un peu gênée.
- Besoin naturel? demanda-t-il en riant. Faut t'accompagner?
- Non ça ira, je vais m'éloigner un peu et je reviens, lui ai-je précisé.
Tranquillement, j'ai avancé dans la forêt passant entre quelques arbres. Je me devais de me trouver un coin au calme. J'enviais vraiment les mecs dans ce genre de situation, ils avaient tant de facilité. J'ai avancé dans cette fameuse forêt pendant à peu près dix minutes. Je préférai vraiment aller loin, on ne sait jamais. D'après eux, de toute façon, il n'y avait normalement rien dangereux. J'ai rapidement réussi à trouver un petit buisson assez épais et je me suis glissée derrière. J'ai enlevé le shorty et la culotte dessous avant de me laisser aller au besoin physionomique extrêmement chiant. Cela me fit du bien, mais je regardai quand même partout au cas où. Je finis rapidement de me soulager et me suis rhabillée. J'ai soudainement remarqué que la forêt était des plus silencieuses. C'était assez surprenant, je pensais que c'était plein de vie une forêt nocturne. Je devais me tromper. Alors que j'avançais pourtant dans la bonne direction, j'avais l'étrange impression de me tromper de chemin. C'était intriguant et perturbant, trop silencieux et trop épais. J'en avais presque la chaire de poule en avançant dans cette forêt. Mais le plus étrange dans tout ça c'était cette autre impression, celle d'être suivie.
- Evan... Si c'est toi pour me faire une blague, c'est franchement pas drôle, marmonnai-je.
Je n'obtins aucune réponse et j'espérais que c'était vraiment parce qu'il n'y avait personne. Je fis ensuite quelques pas et là j'entendis quelque chose. J'ai regardé partout mais il n'y avait rien à part des arbres, des buissons et un peu de gros rochers sur ma gauche. Je devais être folle pour me tromper comme ça. En tout cas c'était ce que je me disais quand j'entendis un autre craquement. Je me suis immédiatement retournée vers le buisson et j'étais convaincue que c'était bien de là que provenait le bruit.
- Je vous préviens, j'ai un couteau, mentis je alors espérant que si c'était un rôdeur, je l'aurais effrayé.
Le buisson frémit quelque peu et je me préparais à courir quand je le vis s'écarter. Une forme immense et massive avançait en grognant vers moi. Je me suis prestement reculée, complètement choquée et en panique. Cette immense tête massive, ces pattes gigantesques, cette forme massive, je savais déjà ce que c'était : un ours. C'était impossible pourtant, les ours ne s'approchaient jamais de cette partie de la forêt selon les autres. Le premier endroit où on en avait vu était simplement à près de dix kilomètres. J'ai tenté de reculer mais la peur avait tellement alourdi mes jambes que je suis tombée sur mes fesses. Je me suis mise à reculer très rapidement en m'aidant de mes mains pendant qu'il avançait vers moi.
- AU SECOURS !!!!!! ai-je hurlé espérant être entendue.
Je continuais de reculer tandis que l'ours avançait et grognait. Il avait clairement décidé d'ajouter une cheerleader à son menu.
- Gentil... Gentil..., dis-je en espérant sans doute inutilement que cela suffirait.
Je reculais encore avant d'atteindre les rochers qui furent collés à mon dos. L'ours semblait étonnement se dire que j'étais à sa merci et il grogna poussant son cri caractéristique en ouvrant la gueule pour me donner une vue sur ce qui allait me déchiqueter quelques minutes plus tard.
- AU SECOURS !!!! UN OURS!!!!! ai-je hurlé de plus belle avant d'attraper un rocher.
Je l'ai jeté sur l'ours, espérant que cela suffise mais je ne me faisais pas vraiment d'illusions. Il avançait encore en grognant et je vis ma vie défiler devant mes yeux, me rendant compte que je ralais beaucoup. J'allais mourir parce que j'avais eu une envie de pisser. On allait écrire sur mon épitaphe : morte en voulant se soulager. Tout à coup, j'entendis un autre grognement et je me dis que j'avais vraiment pas de bol car il venait d'ailleurs. Il venait du rocher qui me surplombait et en déglutissant, j'ai relevé la tête. Il y avait une gueule juste au-dessus de moi mais celle-ci était plus longue et plus élancée, proche d'un canidé. J'étais encore plus perplexe car cela ressemblait à un loup. D'abord un ours qui ne devait pas s'approcher et maintenant un loup qui ne devait même pas être dans cet état. Cette forêt, c'était en réalité l'enfer. Le loup grogna de plus belle et je me rendis soudainement compte qu'il n'était nullement intéressé par ma petite personne. Il grognait sur l'ours qui lui répondait. Soudain, je vis le loup bondir vers l'ours et tomber sur son dos avant de l'attaquer à coup de gros sur la nuque. Je regardai alors l'ours se débattre en tout sens pour se débarrasser du loup accroché et maintenant qu'ils passaient ensemble sous les reflets nocturnes, je vis clairement que c'était un pelage extrêmement clair pour le loup. Il était intégralement gris et agité en tout sens pour rester accroché au cou de l'ours. J'étais figée, tellement que l'idée de me barrer en courant ne me traversa pas. L'ours se débattit et fonça vers un arbre pour décrocher le loup qui bondit de son dos. Un loup affrontant un ours, même dans un documentaire, je n'avais jamais vu ça. L'ours tenta d'asséner un coup de sa grosse patte sur le canidé qui fit un bon de côté, me faisant réaliser que ces animaux avaient de sacrés réflexes. Le loup, dans un nouveau grondement, sauta et mordit l'ours à la patte. Cependant, la grosse masse poilue lui asséna un coup de son autre patte envoyant valdinguer le loup dans ma direction. Je pouvais voir son pelage gris rougir, l'ours l'avait blessé. Cette pauvre bête se redressa et gronda plus lourdement, un grognement qui devait accompagner les âmes damnées en enfer. Soudain, il prit appui sur ses pattes et à cause de sa vitesse, je le vis presque flou. Il avait sauté en direction de l'ours et je m'étais dit que c'était inutile. Et pourtant, l'ours fut repoussé en arrière de près de deux mètres, le loup retombant sur sa poitrine alors que lui même tombait sur le dos. Immédiatement le loup fondit tout crocs dehors sur le cou de l'ours et le mordit dans de grandes gerbes de sang. C'était un spectacle effrayant en réalité et surtout quand le loup fut repoussé. L'ours se redressa difficilement et soudain, il prit la décision de s'éloigner de ce canidé qui l'avait gravement blessé. J'étais tout à coup soulagée mais consternée que personne n'arrive. Tout à coup, le loup se retourna vers moi et je me rendis compte que je n'étais pas forcément sortie de l'auberge. Il me fixait attentivement et j'ai déglutis de plus belle. En fait, je n'avais pas forcément envisagé qu'ils pouvaient se battre parce que j'étais le dernier menu en vogue dans cette forêt. Je me suis de nouveau appuyée sur le rocher prête à hurler de nouveau quand je le vis s'approcher de moi sans un bruit. J'avais toujours la bouche ouverte, prête à hurler quand je l'ai fermée de surprise. Il ne grognait pas du tout, ne me montrait pas les crocs et n'était donc pas menaçant. Il avançait simplement vers moi extrêmement lentement en me fixant. Plus il s'approchait et plus je vis ses yeux me fixer attentivement. Eux aussi étaient gris, comme son pelage, mais par contre ils n'étaient pas menaçant. Il me regardait comme si j'étais juste une intruse. Ce loup qui avait été providentiel avançait vers moi et se figea près de mes pieds. Je me demandais ce qu'il me voulait quand je le vis renifler vers moi. J'eus l'étrange impression, peut-être stupide d'ailleurs, qu'il me sentait pour savoir si j'étais blessée. C'était idiot, je veux bien l'avouer, mais il n'était réellement pas agressif. Mon regard quitta ses yeux qui me fixaient quand je vis la blessure sur son flanc. Cet animal avait été blessé pour moi ou pour son territoire, chose bien plus vraisemblablement correcte. Cela me faisait un choc de me retrouver nez à nez avec un tel animal sauvage qui restait calme. J'ai alors bougé très lentement la main pour la lever, je me demandais si il serait plus agressif si j'essayais de le toucher. Il me fixait simplement tandis que ma main s'approchait de sa tête. J'étais à deux doigts de toucher ses poils quand il tourna la tête dans une direction, m'obligeant à me figer. Soudain il partit sans demander son reste dans une autre et, à peine quelques secondes plus tard, j'entendis un coup de feu. Je sursautai immédiatement et puis j'entendis des cris.
- Par là !!! hurla la voix de Josh.
- Vite!!! Mais qui a tiré !!!! hurla Lana.
Je vis débarquer plusieurs personnes du feu de camp qui immédiatement fondirent sur moi.
- Deb, tu vas bien? demanda Evan.
- Qu'est-ce qui c'est passé ? demanda Josh.
- Je... Je... J'ai... J'ai été attaquée, dis-je alors encore un peu sous le choc.
- Par qui? demanda Lana.
- C'était un ours, me suis-je expliquée.
- Ici? demanda Josh surpris.
- Oui ici, tu me prends pour une folle? me suis-je énervée.
- Mais pourquoi tu t'es autant éloignée ? On a parcouru presque un kilomètre, me fit Lana.
- Pardon ? dis-je choquée.
Je n'avais pas marché si longtemps que ça pourtant, et en plus le terrain était difficile. Je n'avais pas parcouru autant de route. Et puis, alors qu'ils essayaient de me relever et de vérifier que j'allais bien. Une question me brûla les lèvres.
- Josh... C'est toi qui a tiré ? demandai-je alors.
- Euh... Non... Mais..., commença Josh avant de s'attaquer.
Il y eut d'autres pas précipités provenant de l'autre direction, celle qu'avaient emprunté les deux animaux sauvages. Je vis apparaître immédiatement un homme d'une quarantaine d'années, vêtu d'une chemise à carreaux et arborant une barbe noire aussi fournie que ses cheveux. Il tenait dans ses mains un gros fusil.
- Tirez pas! hurla Lana.
- Je suis pas débile... C'est sur un ours que j'ai tiré, dit-il.
Cet homme avait donc croisé Winny. Au moins je ne serai pas la folle du coin.
- Mais un ours ici? demanda Josh.
- Vous voyez pas les vidéos sur internet ou quoi? s'énerva l'homme. Ils s'approchent des villes bande de cons.
- Hey! s'offusqua Evan.
- Vous l'avez vu? demandai-je.
- Oui... Vous allez bien? demanda-t-il étonné.
- Ça va..., marmonnai-je.
J'entendis d'autres pas venir de derrière l'homme au fusil, et une voix l'alerta.
- Papa! Il est parti! fit alors Lacey Wilder apparaissant devant moi.
C'était donc son père, ils étaient venus en forêt se balader sans doute. Il possédait une radio et avait appelé une sorte de garde forestier. Cela avait été un peu le bordel de tout expliquer et tout le monde me regardait bizarrement.
- Heureusement que vous étiez là, fit le garde forestier à Monsieur Wilder. Avec votre fusil, vous avez fait fuir l'ours.
- C'est un loup qui a fait fuir l'ours, dis-je alors.
Tout le monde me regarda étonné et plutôt surpris. Je devais passer pour la folle du coin.
- Il n'y a pas de loups dans la forêt, avoua le garde forestier.
- Mais je l'ai vu! me suis-je justifiée. Il a attaqué l'ours.
- Comme ça ? demanda le garde forestier choqué.
- Oui... On aurait dit qu'il me défendait, avouai-je passant sans doute pour une folle.
- Ho j'ai compris, fit Monsieur Wilder. C'était un chien sauvage.
- Mais non! ai-je contredit.
- Mademoiselle avec la nuit, la peur, l'erreur est possible, fit Monsieur Wilder. Certains fuient les humains mais d'autres ont gardé un instinct de protection envers eux.
J'étais sûre de moi malgré le fait que le garde forestier voulait me ramener chez moi. Les gens ne me croyaient pas et je détestais cela. J'entendis encore un nouveau venu et, derrière Lacey, apparut son frère vêtu d'une chemise ouverte sur un marcel.
- Pas de traces de l'ours Papa, fit alors Matthew.
- Vous l'avez poursuivi? demanda le garde forestier.
- Il a fait attention, dit son père.
Je vis alors Matthew me fixer comme inquiet. Il n'avait même pas l'air surpris que j'ai eu des ennuis, cela faisait plaisir. Je pouvais voir surtout que sa sœur le regardait méchamment et je pensais qu'elle s'inquiétait pour lui. Quand le garde forestier décida de me ramener, je vis les Wilder s'éloigner. Le garde me soutenait mais mon regard fut tout de même attiré vers cette famille qui avait traversé la forêt en ne s'inquiétant pas des risques. Le père Wilder fit alors un signe de main à son fils. Immédiatement, ce dernier attrapa sa chemise pour la refermer. J'eus juste le temps de voir des taches sur ses vêtements et un regard légèrement perdu sur moi. Ma soirée était finie et le garde forestier m'emmena à la voiture de fonction avant de se décider à me ramener.
- Vous avez de la chance Mademoiselle, les ours ont une sacrée force, dit-il pendant qu'il roulait.
- C'est grâce à ce loup, dis-je alors.
- Un chien sauvage, me contredit le garde.
- Si vous voulez, dis-je alors vexée.
- Il faut éviter la forêt quelque temps, on le signalera aux habitants car un ours blessé peut devenir très dangereux, précisa le garde.
- Mais... Et les Wilder ? demandai-je. Ils y sont répartis.
- Ho les Wilder y vont souvent, ils ont l'habitude des risques..., marmonna le garde forestier.
- Qu'y a-t-il ? demandai-je inquiète. Vous pensez qu'ils sont en danger?
- Ils sont souvent en forêt pour chasser mais je ne les vois jamais charger une carcasse mais je me demande ce qu'ils y faisaient en pleine nuit... C'est vrai que je ne fais pas de ronde, marmonna encore le garde forestier.
J'ai regardé le garde forestier et j'ai commencé à me demander ce qu'ils y faisaient. Ils avaient bien un fusil mais quelque chose m'intriguait. Matthew avait les vêtements tachés, comme si ils faisaient quelque chose de bizarre dans cette forêt. Peut-être enterraient ils leur gibier pour qu'ils nourrissent la terre et participe au compost des forêts. Un autre détail me vint en tête, ils avaient été très lents pour arriver, chose valable si ils étaient loin, mais le coup de fusil avait lui eu lieu extrêmement prêt de moi. L'ours aurait déjà dû être loin alors pourquoi tirer ? Il serait resté ? Et surtout pourquoi avais-je soi-disant parcouru une telle distance sans m'en rendre compte ? Trop de questions se présentaient à moi. Il se passait vraiment beaucoup de choses bizarres pour un patelin soi-disant sans histoire comme Wolfcreek. Au final, la ville portait bien son nom car moi j'en étais sûre et certaine, j'avais bien vu un loup et ce dernier m'avait protégé. Et c'était bien ça le plus bizarre de toute cette satanée soirée.