The Dark Love (& Matt le jukebox)

Chapitre 24 : Souvenirs cachés ooOoo Piste cachée ooOoo

3444 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 28/09/2023 16:31

ooOoo Piste cachée ooOoo

 

 

Matt rentrait chez lui à pieds, seul, sans garde du corps. La maison de Cyril et Éric n’était qu’à vingt minutes de marche de sa propre demeure et située dans une zone protégée par une société de surveillance privée. Son visage mal rasé, à moitié dissimulé derrière de larges lunettes de soleil démodées, et un long gilet ample à rayures assuraient son anonymat. Sur les trottoirs sinueux menant aux villas de la côte, il n’y avait généralement que les riverains riches comme Crésus, mais le risque de croiser quelques touristes égarés en vacances ou des paparazzis campés entre deux buissons n’était pas nul.

 

Flânant sur le chemin d’une démarche élégiaque, il repensait à sa conversation avec Éric. Il l’avait toujours trouvé adorable, plutôt niais – faussement niais – et charmant, pas autant que lui bien sûr, mais au moins chez Éric tout transpirait la sincérité. À la fois flexible, un peu frivole et malgré tout intelligent, Éric était un excellent parti pour Cyk du point de vue de Matt, et il ne l’aurait jamais cédé à quelqu’un de moins méritoire. Quant à son opinion sur la famille, elle se défendait. Elle était même pertinente, sans nul doute, mais inapplicable dans le cas de Matthieu, pour la même raison que tout le reste, pour la seule raison qui l’animait depuis vingt-neuf ans.

 

Il arriva enfin à l’éperon rocheux boisé constituant sa propriété. Depuis les balcons du deuxième étage, il pouvait apercevoir la maison d’architecte dessinée par Éric, ainsi que le manoir de Corentin, plus traditionnel, en contrebas. Et, beaucoup plus loin, de l’autre côté de la ville, il y avait la colline des stars, où se trouvait la résidence d’Artus. Il était impossible d’identifier avec exactitude le domicile des Borg, toutefois sa présence à l’horizon restait rassurante pour Matthieu. Son précieux Artus était là, au bord du ciel, à une poignée de kilomètres de lui.

 

Il passa par la porte principale. Sa villa était immense et silencieuse, du moins normalement. Un samedi en fin d’après-midi, il était censé n’y avoir personne, pourtant Matthieu entendait vaguement une voix. Il devina aisément à qui elle appartenait, il avait vu la voiture de sa propriétaire garée dans la cour. Il pénétra dans son salon, spacieux comme un hall de gare. Il cligna des yeux, perplexe, en apercevant deux enfants, de neuf et sept ans, assis à la grande table au bout de la pièce, en train de colorier dans des cahiers. Il s’attendait à voir leur mère, mais pas eux.

 

— Salut Matt ! cria le garçonnet aux cheveux brun.

— Salut Matt ! répéta sa petite sœur sur la même intonation, avec un large sourire laissant apparaître ses quenottes de lait écartées.

— Salut Sasha, salut Elie, répondit chaleureu­sement Matthieu en retrouvant son sourire mondain.

— T’étais où ? demanda la fillette, le plus naturellement du monde.

— Chez Cyk.

— Sasha a appris une de tes chansons.

— Ouais ! Je peux la jouer sur ta guitare ? La Strat verte trop classe que t’as sur scène !

— Désolé, pas aujourd’hui, mais un autre jour pourquoi pas, si tu t’comportes bien avec ta mère.

— Trop bien ! Maman m’a dit que c’était une American Ultra, c’est vrai ?

— Customisée aux couleurs des Dark Love, ouaip. Mais j’crois pas qu’ce soit utile que tu retiennes tous les modèles de guitares.

— Tu ne les connais pas toi ? demanda Elie de sa voix fluette.

— Si, mais j’suis un cas à part, et pas un exemple à suivre.

 

Une petite femme blonde, d’une trentaine d’années, déboula comme une tornade dans la pièce. Scotchée à son smartphone, elle avait malgré tout entendu ses enfants parler à Matthieu depuis la cuisine.

 

— La commande devait être livrée mercredi, on est samedi et il n’y a toujours rien ! Ce n’est vraiment pas sérieux ! Je vous préviens que si lundi matin à neuf heures, je ne vois pas votre transporteur, je change de fournisseur. À bon entendeur !

 

Elle raccrocha au nez de son interlocuteur et, aussitôt, se rua vers Matthieu. Elle s’adressa à lui d’une voix beaucoup plus mielleuse, assortie d’un sourire confus qui la rajeunissait d’une décennie.

 

— Pardon Matt, ma baby-sitter n’était pas dispo. J’ai dû les prendre avec moi, dit-elle après un rapide coup d’œil à sa progéniture.

— Relax Ania, j’te l’ai déjà dit cent fois : tu fais comme chez toi du moment que mes p’tits secrets sont bien gardés.

 

Il lança un clin d’œil complice à l’intention des deux enfants de son employée. Sasha tenta de lui répondre en faisant les cornes de rockeur avec ses doigts, mais le geste était très approximatif.

 

— Je suis venue parce que je pensais que le livreur allait passer, mais il m’a encore posé un lapin… Rien d’urgent, c’était la livraison mensuelle de produits ménagers et le chlore pour la piscine. Après le savon que je viens de lui passer, ma main à couper que le camion va apparaître comme par magie dans la demi-heure qui arrive.

 — J’te fais confiance : comme d’hab, tu gères super-nana. Si tu me cherches, j’suis au studio.

— D’accord Matthieu, répondit-elle.

— Eh, on peut venir ?

— Non, vous vous restez là les terreurs ! gronda Ania en retrouvant sa voix de marâtre.

 

Ania avait été recrutée comme gouvernante quand Matthieu avait acheté cette bâtisse démesurée, mais elle possédait une casquette indéfinissable en réalité. Elle était tout à la fois majordome, maîtresse d’hôtel, logisti­cienne et secrétaire à ses heures perdues. En bref, elle supervisait le travail de tous les employés de maison et subvenait aux besoins courants de Matthieu. La confidentialité était sa première exigence, écrite en gras et surlignée sur le contrat de travail. Il cherchait avant tout quelqu’un de confiance et elle faisait partie de ces rares personnes qui avaient réussi à éveiller son instinct lors de leur première rencontre, un entretien d’embauche kafkaïen.

 

Jeune mère célibataire, avec un diplôme de comptabilité-gestion, elle n’avait pas le profil pour occuper cet emploi, mais c’était une grande passionnée de musique. À vingt ans, elle dépensait tous ses revenus en billets de concerts et en vinyles. Son ex-conjoint était vigile de supermarché et guitariste amateur, fan de hard-rock et de métal. Ensemble, ils menaient une existence dissolue, incompatible avec la parentalité. Après la naissance d’Elie, lui était parti pour continuer sa vie de bohème ailleurs, et elle s’était retrouvée seule, avec un salaire couvrant à peine ses factures et les frais de bouche de ses enfants. La cousine d’une copine d’une copine avait eu vent de l’offre d’emploi proposée par Matthieu Paris et Ania avait postulé au culot.

 

Intelligente et hardie, dotée d’un franc parlé, elle avait séduit Matt à sa manière. Elle avait été la seule, sur les quinze candidats auditionnés, à dire que son groupe préféré était The League, et non The Dark Love. Spontanément, elle avait raconté à Matt que, petite fille, elle adorait regarder « The Best ». Comme des millions de gens, elle avait découvert The Dark Love ainsi, mais elle était surtout tombée en pamoison devant les Irish Japanese. Loyd, le batteur non-binaire du groupe, était son béguin de jeunesse. Elle regrettait que les Irish se soient séparés après avoir participés à l’émission, mais comme Loyd avait intégré The League, elle était devenue fan de ce nouveau groupe.

 

Matt avait ri, beaucoup ri, en entendant cette anecdote. Pour une obscure raison, Ania lui rappelait à la fois sa mère - probablement à cause de son accent slave - et Jessica, en plus sympathique mais sans sa voix magistrale. Ania ne l’attirait pas, elle n’avait pas de talent pour la musique, elle savait jouer deux ou trois morceaux à la guitare tout au plus. En revanche, elle se posait en érudite, à la connaissance encyclopédique sur le sujet. C’était une accro du rock, une vraie. Parler avec elle était très plaisant pour Matthieu. Or, quitte à avoir une personne sur le dos tous les jours, autant qu’elle soit cultivée et aimable.

 

Compte tenu de son profil atypique et de son très jeune âge, le manager des Dark Love, leur chargée de communication, ainsi que Cyril, qui avaient tous les trois assistés aux entretiens, lui avaient dit que c’était une très mauvaise idée de l’embaucher. Et, comme de coutume, Matt avait écouté son instinct plutôt que leurs avis. À vingt-cinq ans, Ania Kozlovski s’était donc retrouvée « nounou » de Matthieu Paris, de dix ans son ainé. Il ne regrettait pas son choix, elle était compétente, énergique et elle suivait ses directives à la lettre.

 

Cela faisait plus d’une heure que Matthieu était revenu. Depuis le couloir, Ania jeta un coup d’œil à l’ampoule « on-air » au-dessus d’une belle porte en bois épaisse. Elle n’était pas allumée. Elle osa donc pénétrer à pas de velours dans le petit studio d’enregistrement personnel de Matthieu.

 

Le musicien était assis sur un tabouret avec sa guitare acoustique sur les cuisses, il ne souriait pas. Ania ne le voyait que très rarement avec cette mine si grave, elle était pourtant son employée la plus présente à domicile. Il était très impressionnant avec cette attitude. Habituellement, sa nature familière le rendait accessible à toutes et à tous. Cette vision radicalement différente du quadragénaire désinvolte qu’elle côtoyait au quotidien empêcha Ania de s’annoncer à voix haute. Il ne capta pas immédiatement sa présence.

 

Seul, je chante,

Dès que tu as le dos tourné,

L’amertume des années passées,

À faire semblant de ne pas t’aimer.

Seul, je me lamente,

Sur l’ironie de mes couplets,

Parce que tu m’as absolument tout donné,

Et je fais semblant de ne pas t’aimer.

C’est la ballade du fataliste,

La ballade du poète triste,

Incapable de dire je t’aime,

Au cœur le plus fidèle,

Abominable égoïste,

Je suis ce poète triste,

Incapable de te dire je t’aime.

J’ai essayé de faire autrement,

J’ai essayé, vraiment…

J’abuse et je le sais,

Mais tu dois me pardonner,

Je connais la couleur de sa voix,

Personne d’autre ne la perçoit.

Aussi cruel que soit mon choix,

Je détruirai le monde pour ça,

Pour qu’enfin il ne reste que moi,

Et je me déteste aussi pour ça.

C’est la ballade du fataliste,

La ballade du poète triste,

Incapable de dire je t’aime,

Au cœur le plus fidèle…

 

Matthieu s’interrompit. C’était à peine perceptible, mais il y avait quelque chose d’anormal dans la sonorité. En tentant de l’analyser, il repéra une respiration intrusive et se tourna vers la porte de la cabine acoustique qu’il n’avait pas fermée. Il y trouva Ania, debout devant la table de mixage, un paquet dans la main.

 

— Pardon de te déranger. Il est six heures et le livreur vient de passer. Je ne vais pas tarder à rentrer, mais j’avais aussi ça à te donner. Tu comprendras que je ne voulais pas le faire devant les enfants…

 

Elle tendit à Matthieu un sac gonflé, à peine plus large que sa main, contenant de l’herbe séchée amoncelée en petits agglomérats. Elle maintenait ses lèvres pincées pour cacher sa contrariété.

 

— Ton bar est rempli également.

— Nickel. Merci Ania.

 

L’instinct de maman de la gestionnaire ne résista pas davantage.

 

— Tu ne devrais pas boire autant. Et tu devrais arrêter de fumer aussi.

— Je ne fume pas tant que ça, répondit Matthieu avec une pointe d’amusement qu’Ania ne comprenait pas. Ma voix n’est pas aussi précieuse que celle d’Artus, mais elle sert bien. J’ai appris à rester raisonnable.

— Tu es encore jeune, mais un jour tu vas le regretter.

— On meurt tous par là où on a péché à ce qu’on dit. Ne t’inquiète pas pour moi.

— Tu me payes pour ça : m’inquiéter et m’occuper de toi.

— Pas vraiment. Enfin si, ouais, un peu, c’est vrai. Mais ne t’inquiète pas quand même. Tout va bien.

 

Le sourire enjôleur de Matthieu termina de convaincre Ania. Elle ne l’avait jamais vu ivre mort ou délirant sous substance, il savait effectivement se tenir, elle ne faisait que surveiller sa consommation de loin, en gérant les stocks et les factures. Malgré tout, elle avait toujours eu une drôle d’impression face à son patron. Pour se rassurer, elle mettait cela sur le compte de la fiche de poste. En acceptant ce travail improbable et indécemment bien rémunéré, elle n’imaginait pas être obligée de faire office de dealer de drogue. Elle aurait dû le deviner, en réfléchissant plus posément. Matt était une rockstar, il aurait aussi bien pu prendre de la cocaïne ou de l’héroïne, ce qui heureusement n’était pas le cas.

 

La marijuana ne la dérangeait de toute façon pas autant que l’alcool. Encore une fois, elle gérait les stocks et, indirectement, par ce biais, elle voyait les vices de Matthieu, les plus anodins comme les plus dérangeants. Il fumait très peu, en effet, mais elle avait déjà vu sa consommation de boissons augmenter une première fois après le mariage d’Artus avec Shelley, puis une seconde fois au retour d’un voyage de Matthieu dans son pays d’origine. À ce qu’elle avait compris, sa mère souffrait d’un lymphome. Visiblement, cela préoccupait Matthieu plus qu’il ne l’avouait et ne l’affichait publiquement.

 

Une question autrement plus gaie brulait les lèvres d’Ania. Elle n’avait pas envie de partir sur cette fin de discussion désagréable, bien que courtoise, sur les mauvaises habitudes de Matt et les tourments de son esprit impénétrable, alors elle se décida à la poser.

 

— Tu as écrit une nouvelle chanson ?

— Non, c’est un vieux morceau, mais il n’est jamais sorti.

— Ah bon ? Pourquoi ? demanda Ania sur trois battements de cils.

— Je l’avais écrite pour le mariage de Cyk à l’origine, mais elle était trop triste, alors je ne l’ai pas terminée et j’ai trouvé autre chose. Je retravaille dessus de temps en temps, quand je n’ai pas trop…

 

Il allait dire « le moral », mais il se rattrapa très vite et Ania ne remarqua pas le changement de cap de son discours.

 

— … de travail.

— Elle est belle, très posée, reprit Ania. Perso, j’ai un faible pour tes ballades acoustiques. Elles ont plus de charme que tes morceaux pop-rock.

— Ouais, sauf que c’est avec ceux-là que je paye ton salaire, répliqua Matt avec malice.

— Roh ! Que c’est vulgaire ! Je suis certaine que si Artus était là, il serait d’accord avec moi. C’est l’esprit Mate le jukebox.

— Pt’être, mais il n’est pas là. Et c’est un peu vexant pour Cyk et Coco de dire ça.

— Cyk est un très bon guitariste, même à l’acoustique. Il en pense quoi au fait ? Tu viens de me dire que cette chanson était pour lui.

— Je ne lui ai jamais fait écouter.

 

Surtout pas à lui d’ailleurs, songea Matthieu en sus, avant d’élargir son sourire mystérieux pour Ania.

 

— Jamais personne ne l’a entendue, à part toi.

 

Les joues de sa collaboratrice s’empourprèrent aussitôt. Cette révélation était terriblement flatteuse. Certes, elle ne l’avait entendu que par accident, mais en cet instant, elle était la seule au monde à connaître un morceau inédit de Matthieu Paris. Ania avait postulé sur ce job, sans aucun rapport avec sa formation et ses antécédents professionnels, simplement parce qu’elle allait travailler pour Matthieu Paris, le fameux Matt le jukebox, LE compositeur des Dark Love. La plèbe adorait Artus, sa voix captivante, son glamour, son élégance… Mais les mélomanes et les vrais connaisseurs vouaient un culte à Matthieu Paris. Il aurait pu diviser son salaire par deux ou trois, elle aurait gardé son poste juste pour ce genre de moment follement excitant.

 

Malgré son homosexualité clairement affichée dans la sphère intime, le charisme de Matt rayonnait aussi sur elle. Quand il lui souriait de la sorte, avec sa frimousse de Don Juan, elle hurlait intérieurement qu’il était le patron le plus beau de tous les temps et, qu’heureusement, il était gay. C’était également à elle de lui fournir ses préservatifs, son lubrifiant, ses gels de massage, son poppers, les nettoyants pour ses petits gadgets et de veiller à ce que les freluquets de passage ne fassent rien de suspect dans la villa. La douche froide était efficace contre ses vapeurs de groupie prête à s’offrir à son idole.

 

Elle salua son employeur de la main avant de quitter le studio, non sans lui avoir précisé quelques informations à propos du contenu du réfrigérateur. Ania sortie, Matt retrouva sa solitude et son sourire disparut de l’univers pour une nuit supplémentaire.

 

Il reprit sa guitare, il n’était toujours pas satisfait de la fin de ce morceau, il ne savait pas comment le terminer. Il avait envisagé de le placer en piste cachée dans un album, mais il n’avait vraiment pas envie que ses trois partenaires l’écoutent. Il ne se sentait pas prêt à l’assumer. Cette chanson resterait peut-être secrète jusqu’à sa mort, ce n’était toutefois pas une raison pour ne pas la perfectionner. Matt, à l’instar d’Artus, ne supportait pas de bâcler la musique, ça aurait été une hérésie.

 

Ses doigts se mouvèrent dans le vide, il réfléchissait. Il pensa à Scott. Il pensa à Jessy. Il pensa à Artus. Il pensa à Cyril… Il fredonna la bouche fermée, ne cherchant pas tant ses mots que l’ordre dans lequel les chanter. Il toucha finalement les cordes.

 

Je me souviens de chaque instant,

Personne ne peut en dire autant.

Mon âme n’est que noirceur,

Je n’apprends pas de mes erreurs,

Je ne vous mérite évidemment pas,

Et le destin m’a puni pour ça.

J’ai essayé d’aimer autrement…

Juré. J’ai essayé, vraiment…

Mais je ne peux pas, non je ne peux pas.

Je ne peux pas faire ce que je ne sais pas…

C’est la complainte du fataliste,

La rédemption du poète triste,

Incapable de dire je t’aime,

Aux cœurs les plus fidèles…

Abominable égoïste,

Je suis ce poète triste,

Incapable…

Abominable égoïste,

Je suis ce poète triste,

Incapable.

Je suis ce poète triste                                             

Incapable de vous dire je t’aime…


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