The Dark Love (& Matt le jukebox)

Chapitre 11 : Souvenirs éparpillés ooOoo Scott ooOoo

1740 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 19/05/2022 18:33

Souvenirs éparpillés – deuxième enregistrement

 

 

ooOoo Scott ooOoo

 

 

Je n’avais pas ressenti une telle émotion forte depuis ma rencontre avec Artus. Avec le temps, j’ai fini par me dire que j’aimais plus la musique que les êtres humains. À chaque fois que je tombe amoureux, c’est un musicien, je n’arrive pas à aimer autre chose, ni à aimer autrement d’ailleurs. La musique me guide, et elle m’a guidé jusqu’à lui : mon cher, mon adorable, mon merveilleux Scotty…

 

Accoudé au bar désert, je profitais d’un rare et savoureux moment de solitude. Artus, Cyk et Coco, je les adore, vraiment, mais être avec eux vingt-quatre heures sur vingt-quatre c’est chaud. On avait gagné une croisière sous les tropiques en participant à un concours de talent. Sur le rafiot, on s’est retrouvé dans une suite pour quatre personnes avec seulement deux lits, dans deux chambres séparées. Des king-size ok, mais quand même des lits doubles. Artus et Corentin dormaient ensemble, et moi je me suis retrouvé avec Cyk. J’étais jaloux de Coco. Il est cent pourcents hétéro mon p’tit Coco, mais il n’empêche que c’est lui qui dormait avec mon Artus, et ça, ça me déplaisait grave.

 

 

J’avais besoin de m’isoler pour cogiter à l’avenir du groupe. On avait un nouveau concours de prévu en avril, dans une salle de spectacle appelée l’Alpha & l’Omega, puis une tournée dans l’Ouest. Niveau calendrier des presta et pognon, on était à peu près tranquilles jusqu’à la fin de l’année, mais je voulais aller plus loin. Je voulais un vrai défi, à la hauteur du talent d’Artus et du mien.

 

Je n’arrivais pas à réfléchir posément avec Corentin qui jacassait sans arrêt – un vrai moulin à paroles celui-là – et Cyk qui me regardait avec ses yeux de poisson frit, en espérant une galipette. Quant à Artus, bah il était autant ma force que ma faiblesse. Au moins au bar, seul avec ma bouteille de houblon, j’avais l’esprit libre.

 

Le barman, indifférent, était planqué derrière le comptoir pour pianoter sur son smartphone. Il se faisait suer, j’étais son seul client. Quelqu’un, quelque part, s’est mis à jouer du piano, c’était cool. Je trouvais justement que ça manquait pour accompagner ma bière. J’étais un peu intrigué, parce qu’au son ça ne ressemblait pas au pianiste habituel. Il nous bombardait de sa soupe fadasse à tous les diners, là au moins c’était original.

 

J’ai levé mon cul pour aller jusqu’à l’escalier menant à la salle de réception, vide à cette heure. Je voulais voir la tête du musicien. J’ai halluciné : c’était un gosse, enfin je pensais que c’était un gosse au départ… Un petit blond à lunettes, avec une chemise moche comme tout. Une espèce de fusion entre un bébé hipster et un nerd. Il jouait bien, vraiment très bien, j’étais hypnotisé. Je souriais béatement de nostalgie, ça me rappelait quand j’étais enfant et que ma mère m’emmenait au solfège. Quand il a ouvert la bouche pour se mettre à chanter, mes souvenirs ont été balayés par l’ouragan de sa voix. Oh bordel, sa voix !

 

Nous vivons dans notre illusion,

Depuis si longtemps que nous l’oublions.

J’ai abandonné mes rêves, mes amis,

Tu as renoncé à ta liberté, ta vie.

Où en sommes-nous à présent ?

Rien ne paraît plus brillant.

On a essayé et on a échoué,

Assez de mensonges entre nous…

 

Rien à voir avec Artus évidemment. Artus est un chanteur lyrique, il a été professionnellement formé pour ça, ni même avec Jessica qui avait du coffre, mais Scotty, il avait un truc… Un truc magique.

 

Un millier de questions me sont venues à l’esprit en même temps. Déjà, j’ai réalisé qu’avec une voix pareille, il ne pouvait pas être si jeune que ça. Elle n’était pas très grave, mais elle avait muée, aucun doute là-dessus. C’était une voix de bonhomme.

 

Je suis descendu dans la grande salle de gala et je me suis approché de la scène, j’étais subjugué par ce garçon. J’ai essayé de rester le plus silencieux possible pour ne pas le déranger, mais alors que j’étais enfin arrivé devant l’estrade, il a fini par me remarquer. J’ai cru lui avoir causé la peur de sa vie. Il s’est répandu en excuses, j’ai pas compris pourquoi. Il était tellement troublé qu’il a failli envoyer valdinguer le tabouret de piano et se ramasser la gueule avec. C’était drôle, mais j’avais envie d’être gentil.

 

— Eh relax vieux, c’était cool ce que tu jouais.

—  Ah, euh… Merci.

—  T’es musicien ? Tu joues dans un groupe ?

— Moi ? Ah, non-non ! Enfin, je voyage avec les Train Twins, mais je ne fais pas partie de leur groupe.

 

Les Train Twins. Le nom fit immédiatement tilt dans ma tête. Jessy… Je ne savais pas qu’elle était à bord. D’après Scotty, le groupe avait été recruté pour faire des animations pendant la croisière. Je l’ai laissé continuer son blabla. J’ai éclaté de rire quand il m’a dit qu’il leur servait de technicien du son. Sans déconner ? Un pianiste pareil et elles se contentaient de le laisser trifouiller des fils électriques ? J’ai commencé à revoir mon jugement sur Jessica, elle devait être plus stupide qu’elle n’en avait l’air.

 

Je me suis approché du p’tit gars pour mieux l’observer. Il était tellement myope que ses pupilles noires dilatées cachaient ses iris bleus. Il n’était pas mal coiffé, il n’était pas coiffé du tout, nuance. Je n’arrivais pas bien à déterminer son âge, il avait une bouille juvénile, et il devait mesurer à peine plus d’un mètre soixante-cinq, mais dans ses fringues et son attitude, j’avais l’impression d’avoir affaire à un adulte, limite un quadra, c’était bizarre. Comme il était méga nerveux, je lui ai souri et j’ai commencé à lui causer en lui serrant la main.

 

— Tu joues mieux que bien des pianistes que j’ai connu. Si je voulais m’la jouer provoc, je dirais même que tu joues mieux que le pianiste de ce navire de gros bourges. Je m’appelle Matthieu, Matthieu Paris.

— Ah, euh… Scott Network.

— Ravi de faire ta connaissance Scott Network. Les Train Twins, hein ?

—  Tu les connais ?

—  De nom. Ce sont les jumelles rousses ça ?

—  Oui, ce sont elles.

— Elles n’ont pas la réputation d’être faciles. Mon pote Coco les a rencontrées une fois. Tu sors avec l’une des deux ?

— Quoi ? Non ! cria-t-il avant de rougir comme la p’tite Maddie.

—  Ok, ok… Je ne sais pas si je dois te dire pas de bol ou tant mieux pour toi, ah ah !

 

Je savais que j’avais l’air naturel, mais je me forçais. Je voulais juste obtenir des informations sur ce gars. Il m’attirait, c’était indéniable. Je sentais tout le potentiel qu’il avait en lui, et ça me gavait de savoir que Jessy se baladait avec lui sans le laisser jouer de la musique. Quel gros gâchis. Et puis il était mignon quand même… Je me sentais immonde d’avoir des pensées comme ça, c’était presque un petit garçon encore. Sa mélodie tournait en boucle dans ma tête, elle était trop cool. Je me suis dit que si j’le lançais sur le sujet, il finirait par se détendre.

 

— Au fait, comment s’appelle le morceau que tu jouais ? Je ne le connais pas. Il était sympa, je vais l’ajouter à ma playlist.

—  En… En fait c’est… Une de mes créations…

 

J’ai écarquillé les yeux, j’ai cru que j’allais tomber à la renverse. Sans blague ? Pour de vrai ? Une création originale ? SA création originale ? C’était impossible… Encore une fois la question de son âge m’a assailli, il devait forcément être beaucoup plus âgé que ce qu’il paraissait, les gamins n’écrivent pas, et surtout ne composent pas, des trucs comme ça. C’était meilleur que ce qu’Artus et moi on pouvait pondre quand on préparait le bac. J’étais gaga d’admiration, putain j’croyais avoir Elton John devant moi !

 

— Sérieux ? C’était… Woh, très impressionnant. Vraiment.

—  M… Merci…

— Écoute Scott, si ça te dit, viens prendre un verre avec mes potes et moi ce soir au bar.

—  Euh, j’ai dix-sept ans, je ne bois pas d’alcool.

—  On sert aussi de la limonade sur ce paquebot, tu sais ?

 

Dix-sept ans… J’en revenais pas. Physiquement, il ne les faisait pas. Sur le plan musical, c’était à peine croyable, c’était un prodige. Et au fond de moi, une voix insidieuse et tentatrice me disait : il est bientôt majeur…

 

— Te prends pas la tête, nous on se la prend jamais. À plus Scott ! Eh ! Et encore une fois : bravo pour ton morceau, il est super. J’espère que tu m’le feras écouter en entier !

 

J’ai soigné ma sortie, je voulais avoir l’air beau gosse, marquer son esprit. En bon lâche que je suis, j’avais surtout besoin de fuir loin de mon trouble.

 

J’ai tout de suite parlé de cette rencontre avec Artus. Il était sceptique, moi j’étais sûr de mon coup, alors il m’a suivi, comme toujours. Artus, Cyk et Coco faisaient confiance à mon jugement, ils ne l’ont jamais regretté. Jamais. Pourtant, avec Scotty, on a frôlé la catastrophe par ma faute.

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