Les prêtresses aux perles

Chapitre 1 : Préparations

1980 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 27/09/2021 20:50

  • « Tout le monde est présent ? »


Un « oui » retentit à l’unisson, tandis qu’une vingtaine de jeunes filles attendaient que la présidente du groupe ne prenne la parole. Celle-ci effectuait sa dernière année dans la grande École de l’Empire. Dans moins d’un mois, elle partirait et devrait donc laisser sa place à une autre prêtresse pour reprendre le groupe. Elles attendaient toutes avec espoir. Aucune ne doutait de sa propre compétence à diriger.

Malheureusement pour elles, la présidente, prêtresse du feu, préféra parler des nouvelles arrivantes pour la rentrée prochaine. L’année allait commencer très fort, c’était du jamais vu : Il allait y avoir dix nouvelles prêtresses. En général, elles n’étaient que trois, voire quatre dans le meilleur des cas. Mais les villes et villages avaient été mieux organisés. Ils avaient réussi à trouver assez rapidement les détentrices des nouvelles pierres. Ce qui n’était pas un mal dans un empire où les menaces des pays voisins pleuvaient quotidiennement.


  • « Même si mon année se termine bientôt, je souhaiterai voir les nouvelles prêtresses avant que l’on ne décide de la future présidente. Comme vous le savez, mon avis sera influent, mais je veux que vous votiez pour la meilleure, et non pas pour un coup de cœur… »


La présidente observa les filles, espérant qu’elles comprendraient, même si elle en doutait un peu. Si la majorité des prêtresses étaient sans problème, un tel rôle amenait malheureusement parfois à un développement de l’égo malsain. Elle-même n’était pas sûre qu’elle n’y aurait pas échappé, si l’ancienne présidente ne l’avait pas prise sous son aile. Elle se devait de guider et d’aiguiller au maximum. Pourtant, chaque année semblait pire que la précédente. On glorifiait les prêtresses à tort. Certaines avaient même été éduquées depuis la naissance à « devenir » prêtresses. Si seule la pierre décidait, et créait donc des frustrations intenses, il arrivait néanmoins que des « élues » soient tout de même choisies et deviennent arrogantes.

À cette pensée, la prêtresse du feu ne put s’empêcher d’observer la manipulatrice d’eau. Cette dernière portait de somptueux vêtements, rappelant parfois les tenues de dieux romains. Elle n’échappait malheureusement pas à cette vanité innée. Mais on ne pouvait pas écarter une prêtresse juste parce qu’elle n’avait pas un caractère adéquat.

Lorsque la pierre vous avait choisi, il fallait respecter ce choix.

La présidente soupira, expliquant que les nouvelles élèves arriveraient dans l’établissement au début des vacances. Elles profiteraient de ce moment pour s’installer, faire connaissance… Et trouver leur place. La demoiselle espérait sincèrement que tout se passerait bien. Elle avait déjà la liste des nouveaux pouvoirs, et l’un d’eux l’intriguait particulièrement. Malheureusement, dans leur monde, on jugeait encore les pouvoirs et on suivait aveuglément certains dogmes.

Elle espérait simplement que le cœur de la prêtresse de la Lumière soit aussi pur que son don. Car les filles allaient voter pour elle, sans aucun doute. Même en tant que présidente, sa voix n’aurait aucune utilité sur ce coup. La lumière était toujours vue comme l’unique voix. On oubliait trop souvent de dissocier la personne de son pouvoir.

La prêtresse du feu continua de parler, expliquant le déroulement de la fin d’année. Même s’il fallait qu’elle continue sa vie et passe à autre chose, la jeune femme espérait sincèrement que tout se passerait bien dans cette école. C’était une partie de sa vie après tout. Et surtout, elle ne voulait pas que les futures élèves souffrent…

La présidente acheva la réunion après quelques directives. Elle sentait que ce mois serait particulièrement long.

Et elle eut raison. Le mois passa avec lenteur, la prêtresse d’eau tentant de rassembler des votes pour elle. Malheureusement, l’arrivée des nouvelles étudiantes fit un grand bruit avec la présence d’une prêtresse de Lumière.

S’il y avait parfois plusieurs fois la prêtresse d’un même élément, les prêtresses de terre se comptant au nombre de trois, celles de Lumière étaient rares. Si rare que la dernière était morte depuis maintenant cinq longues années, et qu’il n’y en avait pas eu d’autres jusqu’à ce jour. Il était donc évident que tous les regards se tournent vers la jeune fille qui semblait pareille à un ange. De longs cheveux bouclés d’un blond profond, une peau pâle et laiteuse, des yeux d’un bleu intense… Et des lèvres si roses qu’on avait l’impression d’observer un fruit gourmand.

Dieu avait su être généreux sur cette créature. Par ailleurs, son caractère aussi semblait pur. Pourtant, la présidente actuelle sentait que tout n’était pas sincère. Même si elle n’imaginait pas la fille froide et autoritaire, elle sentait une part d’ombre en elle. L’ange semblait habituée aux attentions et aux regards. Quiconque se dresserait devant elle et lui ferait de l’ombre risquerait son courroux, à coup sûr.

La prêtresse du feu sourit doucement en voyant l’une des nouvelles à l’écart. Elle savait que ce n’était pas de la brimade de la part des autres, mais une volonté propre de s’isoler. Du peu qu’elle avait entendu, cette jeune fille n’avait pas voulu devenir prêtresse. Même si le cas était rare, il existait, et elle espérait pouvoir la mettre en confiance avant son départ :


  • « Bonjour Julie. Tu réussis à te repérer dans l’école ? »
  • « Je crois… Je suis pas habituée à être… Dans ce genre de bâtiment… »


La châtain grimaça. Même si ses parents n’étaient pas les plus pauvres, elle n’avait pas pu rester très longtemps à l’école. Elle était partie peu après ses treize ans pour aider à la boutique, et ses seules connaissances se basaient sur ce qu’elle avait lu dans les livres. Et comme ils coûtaient encore cher, elle n’en avait pas énormément. Elle se remerciait d’ailleurs d’avoir le libraire en ami pour lui en emprunter parfois…

Quoiqu’il en soit, cet endroit n’était plus habituel pour elle. Même si son rôle de prêtresse lui conférait des avantages, elle sentait une différence de rang entre elle et les autres. Elle ne supportait pas d’entendre les jeunes filles parler sans cesse de leurs futurs fiancés et de s’inquiéter si elles auraient une fille ou un garçon en premier… Était-ce réellement leur seule préoccupation dans la vie ? Être prêtresse, elle le savait, c’était potentiellement servir d’arme dans le futur. Au nom de l’Empire. Et ça, elle ne le voulait vraiment pas…

La prêtresse face à elle lâcha un petit rire, déclarant qu’il était agréable d’avoir une nouvelle venue avec la tête sur les épaules. La présidente avait senti dans le regard de Julie qu’elle avait saisi l’importance de son rôle. Ce devait être encore plus dur de l’accepter, dans ce cas… Elle n’avait malheureusement pas le choix. Sa seule solution serait de se faire remarquer par un petit prince, ou bien d’être assez douée dans son pouvoir pour servir auprès de la famille impériale. Hormis ces deux solutions, il n’y avait qu’un futur imaginable pour elle…


  • « Désolée. Je sais que je devrais être reconnaissante que la pierre m’ait choisie mais… Vous savez présidente… Ce n’est pas… »
  • « Appelle-moi Agathe. Et je sais, oui. J’étais comme toi en arrivant… Le mieux à faire, c’est d’essayer de trouver des amies sincères et fidèles. Je suis sûre que ça ira parfaitement ensuite. »


Agathe sourit avec tendresse, demandant à la jeune fille si elle avait eu l’occasion de parler avec les autres. Mais vu son regard, elle se doutait que non. Elle songea un instant qu’elle pourrait être très proche de la prêtresse aux fleurs qui passait elle aussi son temps à se cacher… Mais si elle avait appris une chose, c’était qu’il fallait laisser faire les choses naturellement. On pouvait aider, certes. Mais les pousser l’une vers l’autre ne ferait que les éloigner.

La demoiselle proposa à Julie de marcher un peu ensemble. Il ne lui restait que trois semaines pour essayer de choisir. Et elle ne voulait pas voter pour la manipulatrice de Lumière. Elle avait un mauvais pressentiment… Néanmoins, elle n’était pas sûre de voter pour Julie non plus. Même si elle semblait posée, elle savait que ce n’était pas du tout la volonté de la demoiselle que de finir présidente d’un tel comité. C’était la meilleure manière pour que la jeune fille se braque complètement.

La présidente marcha un petit moment dans le silence, demandant finalement à Julie si elle avait eu la possibilité de voir son pouvoir naître, ou s’il était encore endormi. La pierre ne donnait pas immédiatement son fruit. Il laissait au corps le temps de s’adapter et de muter pour accueillir parfaitement ce qui lui était dû. Mais, bien que rare, le pouvoir du vent était celui qui naissait le plus facilement, et le plus vite. La seule hypothèse plausible était que le corps étaient composé en grande partie de vide, et qu’il flirtait déjà avec « l’air ». De plus, elle avait entendu dire que le corps de la demoiselle avait flotté deux heures avant de retrouver le sol, ce qui était un réel record.

La châtain sembla hésiter un moment avant de confier qu’il lui arrivait parfois de se réveiller en train de flotter, quelques centimètres au-dessus de sa couche. Mais rien de plus pour le moment. Elle avait aussi parfois l’impression que le vent venait jouer avec ses cheveux, mais elle pensait surtout être un brin méfiante et pensait voir des signes malgré elle.

Heureusement, elle partageait sa chambre avec une jeune fille qui semblait aussi discrète qu’elle. Elle s’était d'ailleurs réveillée en voyant sa camarade la repositionner correctement au-dessus de son lit pour lui éviter de chuter sur le sol. Même si elle n’avait pas pris la peine de faire sa connaissance, Julie était rassurée de voir qu’elle n’avait pas une ennemie près d’elle.

Piquée par la curiosité, Agathe demanda le nom de la jeune fille en question. Elle ne put retenir un sourire en entendant qu’il s’agissait de la prêtresse aux fleurs. Elle aimait ce genre de coïncidence ! Comme quoi, elle avait bien raison de laisser faire le destin. Il savait très bien ce qu’il faisait. Elle regrettait de plus en plus de devoir quitter l’établissement dans une vingtaine de jour. Mais la jeune femme savait qu’une ancienne amie serait là pour veiller au grain.

Il était regrettable de ne pas être une petite souris pour épier tout ce petit monde…

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