Les prêtresses aux perles

Chapitre 0 : C'est ainsi que tout commença...

1191 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 14/09/2021 00:01

La foule admirait la jeune fille de dix-huit ans qui s’approchait fièrement de la perle des fleurs. Il y avait longtemps qu’une telle perle n’avait pas atterri dans un village aussi petit et peu connu. Les affaires étaient fleurissantes grâce à cela. Ce genre d’évènement amenait tant de monde, et surtout une flopée de jeunes filles qui rêvaient d’être désignées par la perle.

Être la nouvelle prêtresse.

Pourtant, tout le village s’était mis en tête que la seule fille digne de cette perle ne pouvait être que Mélodie. La jolie fille à la peau aussi blanche que du lait, aux cheveux d’un blond si doux qu’on avait l’impression d’observer un champ de blé… Oui, seule cette jolie jeune fille méritait d’être désignée par la perle.

Elle s’avançait alors, droite, digne. Ses yeux brillaient d’une impatience intense. On sentait qu’elle-même avait hâte d’être enfin unie avec cette jolie pierre qui pouvait lui conférer tant de pouvoirs… Pourtant, le doute commençait à s’installer dans la foule. La perle rosée ne réagissait pas. Aucune vibration, aucune luminosité, rien ne semblait s’effectuait. Comme si elle refusait celle qui s’avançait effrontément vers elle. Comme si ce n’était pas la bonne personne.

Mélodie tenta de la saisir entre ses doigts, poussant un petit cri de surprise et de douleur, ayant la sensation que quelque chose lui avait piqué les doigts. Comme si les épines acéraient d’une rose lui faisaient barrière. Comme si…

Cheyenne s’avança d’un pas léger. Un léger brouhaha commença à s’élever et la mère de cette dernière tenta de la rappeler à l’ordre. Ne pouvait-elle pas laisser sa sœur effectuer la cérémonie tranquillement ? C’était Mélodie la star de la journée ! Pourtant, la jeune brune semblait ne rien entendre. Ses yeux étaient dans le vague et elle continuait d’approcher lentement, comme hypnotisée. Mélodie hésita à intervenir, ne comprenant pas la réaction de sa propre sœur, mais le prêtre venu pour la cérémonie réclama le silence : Une lumière commençait à apparaître sur la pierre.

Il écarta de force la blonde, laissant la brune continuer le chemin. Contrairement à la première, aucune lueur de convoitise ne brillait dans le regard de Cheyenne. Pas même de l’envie. On avait plutôt la sensation qu’elle retrouvait une vieille amie.

La demoiselle tendit doucement le doigt, tremblante, et la pierre se mit à flotter, finissant le trajet d’elle-même. Les parents de Mélodie durent la soutenir, la pauvre jeune femme s'effondrant sur ses jambes. Elle voyait son magnifique destin lui échapper. La pierre ignora les cris d’indignation du public, finissant par se blottir contre la brune et se logeant doucement dans le creux de ses seins. Elle fusionna finalement et ne fit plus qu’une avec la jeune fille, aveuglant la foule d’un halo rosâtre avant de faire découvrir la demoiselle au sol, endormie, ses cheveux parsemées de fleurs.

La foule se mit finalement à acclamer la naissance d'une nouvelle prêtresse, délaissant la pauvre blonde, encore à genoux. Elle observait sa sœur être célébrée, glorifiée, tandis qu'elle traînait dans la boue. Elle aurait dû être à sa place. Elle glissa sa main sur son cœur, serrant le tissu avec douleur.

Elle ne voulait pas y croire.



À quelques centaines de kilomètres de là, on venait de tirer Julie de la lecture d’un livre un brin trop intéressant à son goût. La jeune fille tentait de se libérer de la poigne des gardes… Mais elle n’avait pas vraiment le choix.

La pierre de l’air était dans la ville depuis presque cinq mois. Toutes les filles étaient passées tenter leur chance, comme il était coutume de le faire. Même si certains espoirs s’étaient faits sur des filles en particulier, suite aux échecs, de nombreuses autres avaient pu tenter leur chance. Et elles avaient toutes échouées. Il ne restait plus que Julie qui ne s’était jamais intéressée à cette fichue pierre, au plus grand désespoir de ses parents. La demoiselle n’avait jamais vu l’intérêt de tenter sa chance. Elles étaient si nombreuses, qui était-elle pour être choisie ? Et même lorsqu’elle avait vu qu’il y avait de moins en moins de filles restantes pour tenter leur chance, elle s’était dit qu’il s’agirait sûrement d’une fille d’un village voisin.

Mais voilà. On ne lui laissait pas le choix. Le sir de la contrée avait ordonné qu’on tente impérativement toutes les filles habitants sur place avant de chercher plus loin. Et qu’elle le veuille ou non, la demoiselle devait essayer de toucher l’air avant qu’on ne passe à quelqu’un d’autre. C’était la règle.

De toutes façons, que risquait-elle, hormis se prendre une petite coupure de vent sur le doigt ?

C’est pourquoi on continuait de forcer la blonde à avancer, ignorant les noms d’oiseaux qu’elle était en train de balancer à tout va. Elle remercia néanmoins le sort que la curiosité des gens se soit assez abaissée, après les nombreux échecs précédents. Au lieu de plus de mille personnes, il n’y avait plus qu’une centaine de fanatiques qui attendaient de voir un nouvel essai. Et parmi eux, ses parents…

Julie tenta de se convaincre que cela ne prendrait que dix secondes à tout casser. Elle se blesserait et aurait une nouvelle occasion de se plaindre. Que demander de plus ? Elle s’approcha donc de la pierre en soupirant, pourtant une sensation étrange commença à la parcourir. La demoiselle eut l’impression de se retrouver seule, uniquement accompagner de la pierre grise. Un vent commença à parcourir ses cheveux, provoquant un tendre frisson le long de son échine.

Une centaine de murmures caressaient ses oreilles, apaisants. Une force invisible semblait la pousser petit à petit. Elle ne se doutait pas qu’on l’observait comme hypnotisée. Et pourtant, les choses lui semblaient étrangement logiques. Une seule envie l’envahissait : Toucher la pierre.

Julie s’avança d’un premier pas. Elle sentait le vent jouer avec son corps. Au deuxième pas, elle eut l’impression que la lumière grise de la pierre l’englobait délicatement… Au troisième pas, tout lui sembla flou. Une chaleur commença à s’installer dans le creux de sa poitrine, la pierre fusionnant en elle. Et le sommeil la gagna rapidement…

Tout autour, la foule commença à crier de joie : On venait enfin de trouver la nouvelle prêtresse ! Les yeux observaient avec admiration ce corps flotter dans les airs.

Une nouvelle sainte venait de naître.

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