Vampire Classroom
CHAPITRE UN
La sonnerie de mon réveil retentit...
D'un geste assez ample de mon bras droit, je tends la main pour l'attraper et je coupe immédiatement la musique. Lentement je me redresse pour m'asseoir et passe ma main dans mes cheveux noirs assez courts. Il n'est pas encore très tard en cet été, à peine dix heures trente mais je dois me lever. Une jambe après l'autre, je descends de mon grand lit pour m'approcher de la fenêtre et ouvrir la tenture. Mes yeux papillonnent sous la lumière qui resplendit sur le Washington Park. J'ai toujours habité ici, dans la cinquante-quatrième rue en plein quartier sud de Chicago, un quartier de classes inférieures, pour les gens très peu fortunés. J'ouvre la fenêtre tandis que mes oreilles sont assaillies par les bruits de la grande ville et j'allume une cigarette. Tandis que j'aspire la fumée de celle-ci, j'observe mon bureau placé sous cette même fenêtre. Il y a ma carte d'étudiant de mon lycée et je la regarde, survolant mon nom, Benjamin Trenton. Tout le monde m'appelle Ben et je préfère largement, cela évite les références à Benjamin Franklin. J'aurai bientôt dix-sept ans, le quinze septembre exactement et ma vie est sensée changer pour la rentrer. Je soupire alors.
Il y aussi sur mon bureau les photos de tous mes potes de lycée et la sienne. Elle, c'est Meghan, mon ex. Cela fait six semaines, cinq jours et désormais quinze heures que nous avons rompus. Nous avons été en couple durant un peu plus d'un an tous les deux. Elle sera toujours pour moi la première, ma première petite amie. Quand j'y pense, nous devions être ridicules tous les deux, très peu sûrs de nous. Je me rappelle à quel point j'hésitais à l'embrasser, à lui toucher la main en public, ce genre de choses. Je m'en veux beaucoup de cette rupture car c'est ma faute, j'ai agi comme un con. Meghan est née dans une famille traditionnelle et croyante, arborant largement et avec fierté sa bague de pureté. Je savais qu'elle ne voulait pas que ça aille trop vite et pourtant j'ai merdé. C'était un soir après une sortie au cinéma, une soirée qui s'était très bien passée, romantique, tranquille et j'ai déconné. Je l'ai ramenée chez elle, à pied car je n'ai pas de voiture et là, j'ai perdu le contrôle. Je crois que je me suis laissé aller au moment et j'ai commencé à la caresser avec un peu d'ardeur et... je lui ai fait peur. Ma joue s'en souvient encore, sa gifle fut magistrale mais ce n'est pas ce qui m'a fait le plus mal. Ce qui m'a réellement fait mal? Ce sont les larmes qui lui montaient aux yeux, elle avait cru que j'allais insister, la forcer à coucher avec moi. Ce soir-là, ce fut notre dernier soir en couple, elle était loin d'être prête à aller plus loin et je le savais, ce qui ne m'avait pas empêché de toucher ses seins sous son t-shirt. J'ai vraiment été un gros con. Notre relation s'est un peu améliorée depuis, nous sommes au moins redevenus amis mais elle me manque.
J'écrase ma cigarette et prend mes vêtements de rechange pour me diriger vers ma salle de bain. Je prends une douche tranquillement et, après m'être séché et avoir enfilé un boxer noir, je me regarde dans le miroir. J'ai une bonne taille, un mètre quatre-vingt-dix mais je ne suis pas très musclé, même si j'ai déjà fait un peu de boxe mais ce n'était qu'un loisir. Je ne me suis jamais trouvé très beau, j'ai même toujours eu un physique banal. Si je n'étais pas plus grand que la plupart de mes amis, personne ne me remarquerait. Il faut dire que je n'ai jamais rien fait pour non plus: je ne suis pas un sportif, je ne suis pas un dragueur, je ne suis pas populaire... J'ai un petit don cependant mais pas au point de me rendre populaire : je dessine. Je dessine même très bien en fait, surtout les paysages et les portraits. Mais ma vie me plaisait, mon lycée me plaisait, mes potes me satisfaisaient. En soupirant, je prends la bombe de mousse à raser et dépose une noisette de mousse dans ma main gauche avant de l'étaler dans mes mains et sur mes joues. J'attrape ensuite mon rasoir et commence à passer la lame. La joue gauche se passe très bien, comme souvent, et puis j'attaque la droite. Comme tout aussi souvent, je me coupe sur la joue droite. Ça pique un peu tandis que la goutte de sang tombe dans l'eau présente dans le lavabo. Je me coupe toujours sur la joue droite, je dois avoir la poisse. Je dispose un peu d'after-shave dessus pour stopper le saignement. Bon dieu ce que ça pique. Saloperie ! J'essuie mon visage avec la serviette et j'attrape mon jean bleu que j'enfile avant de mettre ma chemise. Pendant que je referme celle-ci, je retourne dans ma chambre et me fige. Sur mon lit, il y a une fille, ce n'est rien de choquant, c'est ma petite sœur de huit ans Cassie, Cassandra de son prénom complet. Elle est là, le visage fixé sur mon mur.
- Salut Ben, dit-elle sans bouger la tête.
Je m'approche de ma petite sœur et j'embrasse sa tête.
- Salut ma puce, bien dormi?
- Oui Ben, tu sors de la douche ? fait-elle ensuite.
- Oui, tu sais bien qu'on a un invité aujourd'hui.
- Je sais... Maman est dans la cuisine, elle cuit du bacon.
- Ha bon? dis-je en sentant l'air.
Je suis bien obligé de la croire, même si je n'en ai pas l'impression mais bon, elle a un meilleur odorat que moi.
- Tu viens dans la cuisine ? demande ma sœur.
- Vas-y passe devant.
Je la vois se lever de mon lit sans bouger la tête et attraper l'objet longiligne qui est replié. Elle la trimballe partout sa canne même si elle n'en a pas besoin dans l'appartement. Je la regarde se diriger vers la porte pour toucher le montant et passer dans le couloir. Cassie est née aveugle, elle n'a jamais eu la chance de voir un soleil, les couleurs ou même le visage de Maman et pourtant elle semble le vivre extrêmement bien. Je la suis alors dans le couloir, marchant tranquillement et enfin je sens la fameuse odeur de bacon qu'elle avait déjà détectée. Ma mère s'affaire dans la cuisine devant sa poêle et je m'approche donc de la brune d'un mètre soixante qui s'appelle Hayley. Je l'embrasse sur la joue.
- Salut M'man.
- Bonjour mon chéri, dit-elle avant d'aller embrasser ma petite sœur qui s'installe.
Je regarde alors la cuisine et je vois la bouteille de vin rouge vide avant de soupirer. Ma mère a encore bu hier soir. Elle n'est pas foncièrement alcoolique, mais le soir, quand elle est seule, elle boit. Je ne l'ai jamais jugée, je comprends pourquoi elle boit et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous ne sommes que trois dans cet appartement. Mon connard de père a trompé ma mère, très longtemps en réalité, pendant qu'elle m'attendait. On ne l'avait jamais su jusqu'à il y a cinq ans. Il faut bien reconnaître que quand les services sociaux débarquent en vous disant que la maîtresse de votre mari est décédée et qu'il est le seul à pouvoir élever sa fille, cela nuit à votre couple. Il n'a pas fallu longtemps pour que ma mère demande le divorce et mon père a fichu le camp avec ma demi-sœur, Mindy et ils se sont installés entre ici et Milwaukee dans le Wisconsin pour élever des chevaux alors qu'il est pas foutu d'élever ses gosses. On le voit encore de temps en temps, quelques weekends par ci par là, pour conserver le lien. Ma mère accepte même parfois que ma demi-sœur vienne à l'appartement, quand elle veut passer du temps avec nous. Selon ma mère, Mindy n'est en rien responsable de la situation, alors elle l'accueille. C'est peut-être con mais moi je vois juste le symbole de la merde qu'a foutu mon père et je suis tout sauf proche de Mindy. Par contre je dois bien lui reconnaître qu'elle est extrêmement gentille et attentionnée envers Cassie alors je fais quelques efforts. Ce divorce a provoqué le reste des problèmes, ma mère a dû trouver un job de serveuse payé au lance-pierre. On a besoin de fric parce que forcément Cassie ne peut pas aller dans une école classique, elle va dans une école pour déficients visuels et forcément, ce n'est pas une école publique. Pour aider ma mère, depuis que j'ai seize ans, je bosse aussi, dans un fastfood. C'est pas trop la joie, chaque dépense est vigoureusement surveillée et c'est une obligation.
- Tiens mange, me dit ma mère.
J'attaque donc mes œufs et mon bacon rapidement, aujourd'hui est un jour particulier.
- Fais attention à ta chemise surtout, fait ma mère.
- Je sais Maman, dis-je en réponse.
- Elle arrive bientôt la dame? demande ma sœur.
- Dans moins d'une heure.
- Mais pourquoi Ben s'est levé aussi tard? demande ma sœur ensuite.
- Parce qu'il a travaillé au grill hier soir, jusqu'à une heure du matin, lui répond ma mère. Tu dormais.
- D'accord... Ils sont très bons tes œufs Maman, fait ma sœur.
Ma sœur est la gentillesse incarnée, malgré sa situation. Jamais elle ne se plaint, jamais elle ne réclame quelque chose. Elle sait que nous n'avons pas d'argent et que quand je lui offre un livre en braille, c'est une petite somme prise sur mes pourboires alors elle apprécie toujours. C'est cela qui me dérange dans ma nouvelle situation. Je me lève rapidement et vais nettoyer mon assiette et mes couverts. Soudain, tandis que j'essuie la vaisselle, je sens les mains de ma mère qui s'applique à me recoiffer.
- Je crois qu'ils s'en foutent de ma coiffure Maman, dis-je alors.
- Il faut faire bon impression, elle est envoyée par ta nouvelle école, ajoute ma mère nerveusement.
Cette école, le centre Alguieri, est une école privée qui va ouvrir à quelques kilomètres de Milwaukee. Ma mère m'a proposé de poser ma candidature au vu de mes notes car je suis très bon élève, très assidu. Il faut reconnaître que ce lycée et ses bourses sont très intéressants sachant que ma mère ne pourrait pas m'envoyer à l'Université et qu'elle ne voulait pas que je me tue dans un petit job pour payer mes études. Autant le dire, j'ai été surpris d'être accepté parmis les boursiers, je pensais que ma candidature allait s'entasser parmis les autres et finir dans la poubelle mais on nous a contacté il y a une semaine pour nous dire que j'avais été retenu. Ma mère est aux anges depuis mais ce n'est pas réellement mon cas. Je suis content d'avoir réussi l'inscription mais je suis un peu mal à l'aise à l'idée de laisser ma mère et Cassandra. J'ai l'impression de les abandonner et de les laisser sur le bord de la route. Mais étonnamment, des frais de scolarité payés et une petite rente comme une allocation à ma famille, c'est toujours bon à prendre alors, je vais y aller. Cependant, je dois passer un petit entretien individuel. Après un nettoyage rapide de la cuisine et de la salle à manger, tandis que ma sœur est postée dans le canapé sur un livre en braille, la sonnette de l'appartement sonne. Ma mère, qui se recoiffe et vérifie qu'elle n'a pas taché ses vêtements, fonce vers la porte et l'ouvre.
- Bonjour Madame, je suis bien chez les Trenton? demande une femme que je ne vois pas.
- Sullivan en réalité mais Trenton est le nom de famille de mon fils, entrez donc, dit ma mère.
Je vois alors entrer une jeune femme d'une trentaine d'années, très belle. Elle porte un simple tailleur jupe gris clair sur une chemise blanche. Elle a de très belle jambe mais ce n'est pas ce que je remarque en premier. C'est plutôt sa coupe de cheveux. Ils sont courts et blonds dans une coupe assez anarchique en réalité, à croire qu'elle a oublié de se coiffer ou qu'elle compte défiler sur un podium dans une heure surtout avec ses grandes lunettes de soleil. En même temps elle pourrait, elle est assez canon même si des lunettes de soleil dans un bâtiment, ça dénote un peu. Je la vois se diriger vers moi, me sortant de ma contemplation de ses cheveux et elle me tend la main, je remarque alors que cette femme porte des gants. Ou elle est snob ou paranormal.
- Tu dois être Benjamin, me dit-elle.
- Ben, tous le monde m'appelle Ben. Enchanté Madame.
- Ho très poli, mais c'est encore Mademoiselle, dit-elle en enlevant ses lunettes de soleil et me dévoilant des yeux marrons. Phoebe Prescott.
- Installez vous, fait ma mère. Un peu de café peut-être ?
- Ho oui, merci beaucoup, fait Mademoiselle Prescott en s'asseyant.
Je m'installe à table et je vois ma sœur qui se lève pour rejoindre la table. J'observe la réaction de la femme de l'institut, je sais souvent ce qu'ils pensent des gens handicapés en un regard et le sien est doux.
- Bonjour, fait la dame avec un sourire.
- Bonjour Madame, je m'appelle Cassandra, fait ma sœur en s'asseyant près de moi.
J'inspire pour me calmer, je dois faire bonne impression mais je stresse comme un malade. J'ai les mains moites et une putain d'envie de fumer. Cela me ferait du bien. Je la vois sortir d'une petite malette une tablette avec clavier et l'allumer avant d'enlever ses gants tandis que ma mère lui sert son café qu'elle boit directement après l'avoir remerciée.
- Je suis accroc au café, fait la dame en souriant. Merci encore.
- Un petit biscuit ?
- Non merci.
Bon sang Maman, elle est déjà intéressée par mon dossier, arrête un peu. En fait, ça n'arrange pas mon stress et je frotte mes mains sur mon jean en déglutissant. Ma petite sœur pose une main sur ma main droite, c'est un comble, c'est elle qui me rassure.
- Je vais vérifier ton dossier d'inscription d'accord ? me dit la femme.
- Bien sûr.
- Ce ne sont que des formalités, détends toi. Alors Benjamin Anthony Trenton, dix-sept ans en septembre, le quinze... Né à Chicago. C'est correct.
- Oui Mademoiselle, je réponds rapidement.
- Parfait. J'ai trouvé le bon candidat, dit-elle en souriant. Donc ton concours d'inscription... Tu as reçu une note de quatre-vingt-dix pourcents au concours, impressionnant.
Il était vachement hard son concours, j'ai dû réviser à mort. Il portait sur toutes les matières du lycée et je suis un peu une brêle en chimie, j'avais une panique, celle de tout oublier devant la page web ou qu'elle ne se charge pas.
- Merci.
- Je suis donc venue vérifier si tu veux toujours rejoindre notre institut et si vous aviez des questions, avance la femme.
- Je voulais savoir comment fonctionne exactement l'établissement, dit ma mère.
- Je ne vais pas vous mentir, nous n'ouvrons que cette année, nous sommes un peu en rodage alors ne vous inquiétez pas de mes hésitations.
- Pas de problème, fait ma mère poliment.
- Notre directeur, Glenn Barrow, est un véritable mécène, qui a grandi dans un milieu ouvrier et a obtenu la fortune grâce à des placements chanceux selon lui. Par sa scolarité, il sait très bien que notre système éducatif n'est pas égalitaire, loin de là même. Il a donc choisi d'user de son argent pour fonder une école d'un genre nouveau, explique la femme.
- Le concept de bourse intégrale ? je demande.
- Exactement, cela n'est possible que parce que des élèves d'un milieu très aisé mais ayant dû également passer ce concours, le même que le tien, seront présents. Eux payent leurs frais de scolarité et permettent le financement des bourses. Monsieur Barrow a également engagé tout un personnel extrêmement qualifié. Je suis d'ailleurs non seulement conseillère d'orientation mais également responsable de l'infirmerie.
- Vous êtes médecin ? demande ma mère étonnée.
- Oui, j'avais beaucoup d'avance dans ma scolarité, j'ai également passé un doctorat en psychologie et pédagogie. Tout est fait pour que les élèves se sentent bien.
Moi je suis sur le cul, elle a à peine trente ans et est bardée de diplôme... J'espère en faire autant, c'est la classe.
- Donc, les deux classes, que nous appelons Red Class pour les élèves payants et Blue Class pour les élèves boursiers cohabiteront sur un campus dernier cri, continue la femme.
- J'ai vu que vous aviez bâti de sacrées infrastructures, ajoute ma mère.
- Effectivement, un complexe sportif comprenant salles de sport, de musculation, un spa et même une piscine de catégorie olympique. Nous avons également investi dans une magnifique bibliothèque, des salles d'études ergonomiques, des ateliers de formation aux métiers manuels et artisanaux, un réfectoire et des cuisines professionnelles et, fait plus surprenant, un petit observatoire astronomique.
- Un observatoire ? dis-je bêtement.
- Oui, la grande passion du directeur. Nous prévoyons également la création d'un petit studio pour des options artistiques: chant, danse et peut-être même cinématographique.
- Votre directeur a mis le paquet, fait ma mère.
Je la regarde consterné, si ça continue, c'est elle qui va y aller à ma place.
- Effectivement. Cependant, autant par sécurité que par demande, les deux classes seront logées dans des dortoirs séparés de part et d'autre du campus. Nous aurons une soixantaine d'élèves boursiers environ, séparés par niveau et également une trentaine d'élèves dans la Red Class. Je vous rassure, les garçons et les filles seront séparés par étages.
- J'espère bien, fait ma mère.
- Les chambres sont individuelles? je demande.
- Non, tu auras un colocataire. Mais les chambres sont très grandes, une trentaine de mètres carrés. Vous aurez tous les deux de grands lits, des meubles et même un bureau. Vous aurez une petite salle d'eau privative avec une douche d'appoint. Chaque étage possède des salles d'eau avec des salles de bain plus complètes, avec douches et baignoires. De même chaque dortoir aura au rez-de-chaussée des salles de détentes et de jeux où vous pourrez vous réunir.
- D'accord...
- Je te rassure Ben, vous êtes tous aussi stressés, me fait la femme.
- Et pour les frais ? demande ma mère.
- Aucun frais de scolarité ni de logement, ni même de charges. Cependant, nous mettons en place un système de cantine.
- Comme dans les prisons ? dis-je bêtement.
- Euh... Oui, enfin pas aussi cher mais oui. Pour des objets beaucoup plus accessoires, vous pourrez économiser sur une petite cagnotte, comme un compte en banque et acheter ce que nous vous proposons. Cela pourrait être des petites télévisions, des radios, ce genre de choses mais également des choses plus triviales comme des cochonneries. Accessoirement il y a des contrôles médicaux.
- Des contrôles médicaux ? fait ma mère étonnée.
- Oui, cela sera tolérance zéro pour usage de drogue, et l'alcool également. Des tests de dépistages ponctuels auront même lieu.
- Je suis fumeur, est-ce interdit ? je demande alors en panique.
- Non, si c'est du tabac bien sûr. Chaque chambre a même un petit balcon, tu pourras y fumer. Par contre dans les bâtiments, non.
- C'est normal, dis-je.
- Ensuite nous demanderons une moyenne globale constante d'au moins soixante-dix pourcents. Dans le cas contraire, tu suivras des cours de rattrapage.
- Je m'inquiète pour les sorties, fait alors ma mère.
- Les sorties du campus ne seront autorisées que le weekend, sauf cas exceptionnel. De plus, nous mettons en relation les boursiers avec des petits commerçants de Milwaukee si les élèves désirent des petits jobs pour cantiner justement.
- Je travaille dans un fastfood, vous croyez que ce serait possible... Je pourrai envoyer de l'argent à ma mère.
- C'est un bon garçon que vous avez là, je note toute suite cette demande. Voilà... Ha oui... Il y eu un petit changement.
- Lequel ? dis-je inquiet.
- Nous allons instaurer un uniforme. Différents entre les deux classes mais identiques pour tous. Pour vraiment mettre tous le monde sur un pied d'égalité. Il sera mis à ta disposition à ton arrivée. Il sera obligatoire dans l'enceinte mais pourra être porté de façon plus décontractée après les cours.
- Comment cela se passe pour les visites familiales ? demande ma mère.
Moi, je commence à me dire que cela ressemble de plus en plus au fonctionnement d'une prison. Je m'attends à parler de parloirs dans quelques secondes.
- Chaque weekend évidemment, et si certains veulent rentrer chez eux le weekend, ce sera également possible.
- Je suis divorcée donc mon mari a un droit de garde sur lui...
- Je comprends, vous n'êtes pas la seule. Tout sera organisé.
- J'ai vu sur votre site que vous parliez de rente pour les familles ? dis-je soudainement.
- Oui... Comme c'est un institut concept, qui teste son fonctionnement, il y aura une rente pour les familles de cent dollars par semaine pour permettre également les transports, ce genre de chose.
- Ce n'était pas important Ben, me dit ma mère.
- Pour moi si.
Je vois le sourire sur les lèvres de la femme envoyée par l'Institut Alguieri, je me dis que je fais bonne impression par mon comportement. Ce n'était pas le but, je veux juste que ma mère reçoive l'argent. Cela l'aiderait à payer l'école de Cassie et ça m'importe énormément.
- Bon, ensuite, tu sais déjà quelles options tu prends? me demande la femme.
- Mon frère dessine bien il paraît, fait ma sœur.
Je vois sourire à nouveau la femme et je souris également, ma sœur aveugle vente mes talents artistiques.
- Je voulais prendre vos options artistiques et histoire de l'art...
- J'ai également vu dans ton dossier du lycée, que tu avais participé au journal de ton école. Tu veux faire cela également ? demande la femme.
- Si possible...
- Tu sais que nous avons également quelques cours de préparation universitaire... Tu n'es pas encore en terminale mais est-ce que cela t'intéresse ? Pour l'instant la majorité des élèves ont choisi des cours de littérature ou de droit, il y a également anatomie si tu désires faire médecine.
- Ho... Je n'ai pas vraiment envisagé mes études universitaires...
- Je n'ai pas réellement les moyens de l'y envoyer, fait ma mère gênée.
- Pas de problème, nous essayons de créer des bourses universitaires pour nos meilleures élèves, leur ouvrir la porte des grandes études. Il peut toujours prendre un cours ou deux.
- Vous pouvez m'inscrire en littérature alors...
- Littérature, fait la femme en tapant sur son clavier, des préférences en littérature ?
- Je suis assez littérature britannique, Shakespeare, Austen, ce genre de chose...
- Ne sois pas stressé voyons... Bon, nous avons des cours de sport, peu mais il y en a. As-tu des soucis de santé qui t'empêcheraient d'y participer ?
- Non aucun, dis-je en la voyant noter ma réponse.
Elle prend alors note de cela sur sa tablette et me regarde attentivement.
- Pour ce qui est des repas, as-tu des allergies qu'il serait bon de nous signaler ? demanda la femme.
- Je suis allergique aux champignons... Et je supporte difficilement la nourriture épicée, dis-je alors.
- D'accord... fait la femme dans un bruit de clavier. Des problèmes de santé divers?
- Non, fait ma mère. Ben est en assez bonne santé, j'ai préparé son carnet de santé, ajoute-t-elle en tendant le dit cahier.
Je vois alors la femme sortir son téléphone et prendre le carnet en photo, page après page, consciencieusement. J'ai l'impression de ne plus avoir réellement de vie privée à cet instant.
- Je ne pose pas question sur ce sujet là, mais sache qu'un comportement irréprochable est attendu dans l'Institut Alguieri.
- Vous parlez de relations sexuelles ? dis-je étonné.
- Évidemment nous ne sommes pas idiots, nous nous doutons bien que cela pourrait arriver mais nous ne tolérons aucun exhibitionnisme, aucun harcèlement quel qu'il soit, encore moins un comportement déplacé.
- Aucun problème là-dessus, dis-je.
- Nous ne demandons pas à connaître ton orientation mais sache que si tu as besoin de parler de ce sujet là, même si je suis une femme, je reste un médecin avant tout. Dès que tu as besoin de parler je serai disponible, fait la femme. Faudra tout de même prendre rendez-vous parce que j'espère que vous aurez tous confiance en moi. Et je te rassure je ne mords pas.
Je ris un peu, elle est vraiment sympathique cette femme. En même temps c'est vrai que ce sera son travail de rassurer les élèves. Si ils sont tous comme moi, peu ont été éloignés de leurs parents plus de quelques jours.
- Promis au besoin je viendrai vous voir, dis-je pour la conforter dans sa position.
- N'hésite jamais Ben, ma porte sera ouverte.
- D'accord.
- Il ne reste qu'une chose à faire et c'est particulier.
- Qu'est-ce donc? demande ma mère inquiète.
- Je dois te faire une prise de sang, me fait la femme en me regardant.
Hein? Elle est dingue non? Puis je réalise que c'est peut-être pour être sûr que je n'ai aucun problème de santé. Je la vois préparer de quoi faire une prise de sang ainsi qu'une petite boîte réfrigérée.
- J'espère que tu n'as pas peur de voir du sang? dit-elle.
- Non aucun.
Je la vois se lever et préparer une seringue, elle m'installe un garrot. Elle tape légèrement sur ma veine et je remarque le froid de ses doigts, elle doit avoir une mauvaise circulation sanguine. Elle me prend une seule éprouvette et la place fermement dans sa boîte qu'elle referme consciencieusement.
- Puis-je demander à quoi cela vous sert? demande ma mère.
- C'est à cause de notre système de soins.
- Pardon? fait alors ma mère surprise.
- Oui, certaines familles de notre Blue Class, les boursiers donc, voient rarement des médecins à part dans quelques dispensaires. J'ai vu certains élèves qui sont loin d'avoir un réel suivi médical. Nous préférons nous assurer nous même de la bonne santé de nos élèves, autant arranger des soucis si ils existent.
- Cela devrait aller, c'est une chose sur laquelle nous ne plaisantons pas.
Ma mère sourit et je vois que la femme regarde ma sœur en comprenant que médicalement, nous sommes au point.
- Madame? fait alors ma petite sœur.
- Oui?
- Mon frère... Il pourra me téléphoner ? demande ma petite sœur inquiète.
- Évidemment, autant qu'il veut, et je te promets que nous ferons attention à lui.
- Tant mieux, j'y suis habituée et j'y tiens.
La femme a alors un petit fou rire, il faut avouer que je ne m'y attendais pas non plus. Je passe alors ma main dans les cheveux de ma sœur en souriant.
- Bon, je vais donc vous laisser, fait la femme.
- Vous désirez un autre café avant? demande ma mère.
- Non merci, j'ai encore de la route. Nous aurons des élèves d'un peu partout aux États-Unis dans la Blue Class, alors les rencontrer tous est un peu long.
- Ho bien sûr, fait ma mère.
Nous raccompagnons la dame à qui nous serrons la main. Sa main entière est vraiment gelée, je comprends qu'elle porte des gants. Je vois ma mère refermer la porte et s'appuyer dessus.
- Si tout le personnel est comme elle, tu seras bien entouré, me dit ma mère.
- C'est sûr qu'elle est sympa. Elle met à l'aise, dis-je.
- Mon fils va prendre son envol, fait ma mère en m'ébouriffant les cheveux.
- Je reviens les weekends Maman, peut-être pas tous si il y a beaucoup de devoirs mais souvent.
- Moi je veux que tu reviennes tous les weekends, fait ma sœur.
- Hey, je ferai au maximum d'accord ? dis-je pour la rassurer.
- Tu me le promets ? dit-elle encore.
- Évidemment ma puce, même si je trouve un petit boulot.
- Mais tu as entendu, la priorité ce sont tes notes, fait ma mère.
- Je compte te faire honneur, je te le promets.
- Ça commence à faire beaucoup de promesses, dit ma mère en riant.
- Bon Cassie, tu veux m'aider à préparer mes cartons ? dis-je à ma sœur.
- Oui! Je te mettrai des souvenirs de moi.
À la voir filer vers le couloir des chambres, je souris avant de regarder ma mère qui semble un peu triste.
- Tu t'en sortiras avec elle?
- Évidemment, c'est juste bizarre, c'est comme si tu partais à l'Université. Mais en avance.
- C'est vraiment une bonne idée tu trouves ?
- C'est une grande chance pour toi de faire des études et de réussir ta vie, me dit ma mère en me serrant dans ses bras.
- À qui vais-je manquer le plus?
- Idiot va... Et puis tu me ramèneras peut-être une riche princesse.
- Une princesse ? dis-je en m'étouffant.
- Bah c'est beau de rêver. Allez va commencer tes cartons, ton départ sera donc dans une semaine.
- Je ne serai pas trop loin, c'est près de Milwaukee et la ville n'est qu'à cent cinquante kilomètres de Chicago. Alors ça nous fera un petit trajet.
- Je me demande à quoi ressemble cette Red Class, dit ma mère.
- Et moi donc, je suis sûr qu'ils vont nous snober mais bon.
- Bah, qui sait... Ils seront peut-être sympas, annonce ma mère.
- Ou monstrueux.
- Mais non, ils ne vont pas vous manger, allez file... Je vous rejoins dans quelques minutes.
Je me rends donc dans ma chambre et je trouve ma sœur sur mon lit, son doudou lapin dans ses mains.
- Tu le prendras avec toi d'accord ? dit-elle. Moi il veillait sur moi avant toi, maintenant il veillera sur toi.
- D'accord ma grande, il a intérêt de me protéger.
J'embrasse la tête de ma sœur, c'est ça qui sera le plus dur pour moi: son absence.