Hérésie

Chapitre 0 : Prologue

891 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 31/05/2021 18:15

         Articles de journaux, extraits d'expertises médicales, avis de disparitions et témoignages étaient épinglés sur le papier peint floral d'une petite chambre sous les combles. Les coins de la pièce commençaient à se noircir de moisissure. Sous l'unique fenêtre, qui donnait directement sur les tuiles, se trouvait une commode en bois. Le premier tiroir était à moitié ouvert. Il était bien trop usé pour être entièrement fermé. À la droite du meuble, sous la pente de la toiture, se trouvait le lit dans lequel était Némésis. Elle dormait, enlacée par les bras d'une autre femme. Juste en face, la cuisine. Elle était faite d'un simple plan de travail dont la surface était occupée par un évier et une plaque de cuisson au gaz. En dessous, logé entre la tuyauterie et une sac poubelle, se trouvait un petit frigo. Sur le quatrième mur de la pièce se dressaient deux portes. Celle entre-ouverte donnait sur une salle de bain, toute aussi vétuste.

 

         La chaleur des premiers rayons de soleil, qui s'étaient invités sur ses paupières, réveillèrent le vampire. L'éclat vert de ses iris arracha un sourire tendre à celle qui partageait sa couche. La jeune femme passa une main douce dans la chevelure ébène de Némésis. Cette dernière remonta une main sur sa taille puis la tira à elle. Ainsi le peu de vide qui les séparait avait disparu. Le contact de leurs peaux nues éveillait en elles un frisson de désir. Les jeunes femmes s'admiraient mutuellement. Alanguies. Un jeu de regard s'installa entre elles. Elles se défiaient sans un mot mais savaient que celle qui craquait en premier avait perdu.

 

         Mettant toutes les chances de leurs côtés, elles promenèrent sensuellement leurs mains sur le corps de l'autre. Bien plus sensible à ces caresses de par sa nature surnaturelle, la créature brune ne parvint à résister. L'appel des lèvres de sa conquête était bien trop puissant. Elle s'en empara alors avec férocité, répondant à cet instinct sauvage qui l'avait subitement envahie. Elle approfondit leur baisser et s'agrippa à la courbe des hanches qui se dessinait sous sa paume. Elle en voulait plus. Tellement plus.

 

         Sans mettre fin à la danse de leurs langues, elle força avec douceur la jeune femme à se mettre sur le dos et se positionna au-dessus d'elle. Celle qu'elle dominait parcourut sa peau pâle du bout des doigts. Mais lorsqu'ils se promenèrent le long de sa cicatrice, qui commençait à son nombril pour rejoindre la base de son menton, de soudaines images sanglantes s'emparèrent de l'esprit du vampire. Némésis mit abruptement fin à leurs étreintes en se redressant. Elle s'excusa auprès de la blonde puis alla s'enfermer dans la salle de bain.

 

         La paume de ses mains en appui sur le lavabo, ses yeux défiaient le reflet de sa cicatrice. Son esprit confus essayait de se souvenir sans qu'elle ne le contrôle. Elle revoyait ces hommes l'arracher de la main de sa mère. Elle se revoyait à l'hôpital, à des centaines de kilomètres de chez elle. Ses narines étaient encore empreintes de l'odeur qui y régnait. Elle ressentait aussi la peur. Celle qui l'avait envahi lorsqu'elle découvrit ces affreuses sutures. Ce qu'il s'était passé entre ses deux instants – entre son enlèvement et son réveil – avait disparu de sa mémoire. La seule chose que l'on avait pu lui raconter pour l'aider à se souvenir, c'était son arrivée à l'hôpital.

 

         Une infirmière l'avait repérée sur le parking de l'hôpital. La petite fille titubait en gardant ses bras fermés contre son abdomen éventré. Ses entrailles menaçant de tomber, un morceau de tissu était enroulé autour de son torse. Lorsqu'elle avait été emmenée pour se faire soigner, elle avait dit au personnel médical où est-ce qu'on lui avait infligé telle souffrance. Des policiers avaient bien évidemment été envoyés sur place. Mais à leur arrivée dans le bâtiment, semblable à une prison, il n'y avait personne. Pas même un indice sur ce qui avait bien pu s'y passer. Tout avait été soigneusement nettoyé.

 

         De cet épisode oublié il ne lui restait que sa cicatrice, l'image psychique d'une flaque de sang sur un sol de carrelage blanc, et une petite plaque de métal accrochée à son cou. Cette dernière – des années après – y était encore, mêlée à un bric-à-brac de pendentifs. Ce collier c'était elle. Sa ligne de vie.

 

         Emportée par une profonde rage, la chasseuse enfonça son poing dans le miroir. Il se brisa sous ses phalanges. L'image qu'il renvoyait maintenant était celui de son esprit : un puzzle auquel il manquait des pièces.


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