La Flamme de Mililian - Tome 1 - Partie 1
Khassendrah ne pensait pas connaître un jour une telle honte, ni une telle rage. Elle percevait à peine la dissipation progressive de la brume à travers les larmes qui embuaient ses yeux et s’écoulaient en un flot intarissable sur ses joues. Elle goûtait l’âcre saveur métallique du sang sur sa langue, causée par la plaie laissée par ses dents à l’intérieur de sa joue à la suite du coup de poing de Raeni. Ses doigts l’élançaient à tel point qu’elle manquait de tomber inconsciente chaque fois qu’elle tentait de les remuer, et elle souffrait de multiples contusions causées par sa chute. Elle devinait aussi, au gonflement de sa mâchoire, qu’elle serait défigurée par une ecchymose pendant au moins une semaine.
Raeni venait de l’humilier une nouvelle fois. Elle ne comprenait d’ailleurs pas comment elle avait pu réussir un tel exploit. Elle avait tout calculé : la broche de Vanador pour lui faire croire qu’il pourrait la rejoindre en un instant ; la capture des deux gamins et, mieux, de Faelor pour la forcer à craquer ; la présence de ses sbires pour l’aider à la maîtriser. Elle aurait dû gagner, cette fois. Mais non, la bâtarde s’en était sortie avec une plus grande aisance encore que d’habitude.
Un mouvement à la périphérie de son champ de vision la tira un instant de ses pensées. Elle reconnut la silhouette élancée de Sindor, accompagnée de celle, plus austère, de Vanador. Tous deux discutaient avec animation, l’Ahal en position clairement dominante. Elle entendait le capitaine bafouiller de vagues excuses, ponctuées d’explications vaseuses qu’elle ne tenta même pas de comprendre. Lui aussi s’était laissé surprendre. Il avait préféré déployer ses soldats pour maîtriser les incendies, sans imaginer un seul instant que les orphelins en profiteraient pour mettre les voiles, de surcroît avec le joyau de la flotte thalëni.
Vanador, lui, s’était montré plus réactif. Il avait rejoint Khassendrah juste après la bataille, alors que le Perle d’ambre s’évanouissait dans les ténèbres. Il lui avait à peine accordé un regard avant d’aboyer des ordres à ses gardes personnels. L’un d’eux l’avait relevée et couverte d’une cape, sans doute davantage par pitié personnelle que sous les ordres de l’Ahal. La suite était plus floue pour elle : des bruits de pas, des cris, elle n’avait pas tout suivi. Elle avait bien trop mal pour faire attention à ce qui l’entourait, surtout dans la purée de pois qui recouvrait le port.
— Et toi, qu’est-ce que tu fichais là ?
Khassendrah leva les yeux, consciente que l’apostrophe s’adressait à elle. Le regard courroucé de Vanador la transperça comme s’il pouvait lancer des éclairs. Elle pinça les lèvres et baissa les yeux.
— J’ai vu une colonne de gamins parmi lesquels se trouvaient certains des amis de Raeni, lâcha-t-elle d’un ton monocorde. J’ai tout juste eu le temps de comprendre ce qu’il se passait. J’ai pensé à alerter des gardes, mais il n’y avait personne à proximité, alors je me suis dit qu’il valait mieux que je tente de les ralentir jusqu’à ce que quelqu’un intervienne.
— Idiote, siffla l’Ahal.
Il passa à côté d’elle. Le courant d’air qu’il généra la fit frissonner. Elle s’attendait au pire, avec lui. Au moins, il n’avait pas découvert ses acolytes, qui s’étaient enfuis dès que la brume s’était levée. Il faudrait qu’elle les fasse disparaître très vite avant qu’ils ne lui révèlent la vérité.
Sans un bruit, Sindor s’agenouilla face à elle et commença à inspecter ses blessures avec douceur. Elle ne le savait pas guérisseur, mais se souvint vite qu’il avait déjà participé à de multiples combats. Il devait connaître quelques rudiments de médecine. Sans lui prêter attention, elle pivota pour suivre Vanador du regard. L’Ahal allait et venait sur le quai avec de larges enjambées, tourné vers l’horizon, la mâchoire serrée. Elle devinait que la perte de sa broche le tourmentait. Elle n’osa pas émettre le moindre mot.
— Décris-moi ce qu’il s’est passé, ordonna-t-il au bout de longues minutes de silence.
Il fallut à Khassendrah quelques instants avant de réaliser qu’il s’adressait à elle. Elle s’empressa d’obtempérer.
— Raeni était sur le pont, occupée à donner des ordres avant de lever l’ancre. Tous ses camarades semblaient déjà présents sur place, je n’ai vu personne d’autre s’approcher du navire après la colonne que j’ai suivie. Je l’ai provoquée, parce que je savais qu’ils ne partiraient pas sans leur cheffe.
Elle marqua une légère pause, le temps de masser sa mâchoire douloureuse en souvenir du poing de sa rivale.
— Je me souviens qu’elle a levé la main. Le brouillard est tombé tout de suite. J’ai senti quelque chose me frapper au visage, j’ai trébuché et j’ai senti quelqu’un marcher sur ma main. Il m’a fallu un peu de temps pour reprendre mes esprits… Lorsque j’ai enfin pu me relever, le Perle d’Ambre avait déjà quitté le port. Je n’ai rien pu faire…
Un léger sanglot agita sa poitrine. Elle se sentait ridicule, à avoir ainsi laissé échapper sa rivale. Vanador proféra une injure qui la fit sursauter.
— Cette fois, c’en est trop, fulmina-t-il. Elle a dépassé les bornes.
Il se tourna d’un geste vif vers Sindor. Celui-ci frissonna sous son regard menaçant.
— Vous m’accompagnerez à l’orphelinat, capitaine, ordonna-t-il d’un ton impérieux et empreint de colère. Je veux voir cette ville bouclée de manière à ce que personne ne puisse ni entrer, ni sortir.
— Je ne peux pas faire une chose pareille, protesta l’alfombre d’une voix blanche. Ces gosses…
— Cette bande de délinquants possède à coup sûr des complices en ville, le coupa l’Ahal. Si vous refusez de coopérer, j’en déduirai que vous faites partie de leur petit groupe. Et je vous jure que vous perdrez votre poste.
Khassendrah remarqua la teinte pâle que prenait la peau de son amant. Il balbutia quelque chose avant de se reprendre :
— Je ne disais pas ça pour contester votre autorité, Ahal Vanador. C’est juste que je ne possède ni les troupes, ni l’autorité nécessaire pour organiser un tel blocage, que ce soit dans le port ou à la sortie de la ville. De plus, les habitants n’apprécieront pas et je refuse d’écoper d’une révolte en plus de tous ces problèmes.
Vanador poussa un profond soupir agacé.
— J’avais oublié l’indiscipline de ce peuple barbare. Très bien. Coupez tout accès au port, alors, et organisez des rondes dans toute la ville. Je veux voir en cellule toute personne suspecte jusqu’à ce que nous ayons pu les interroger. Ce soir, arrêtez tous ceux qui seront dehors. Demain matin, je veux que les gardes interrogent les citoyens et embarquent ceux qui leur sembleront liés de près ou de loin à cette affaire.
Avant qu’il n’ait le temps de répondre, l’Ahal vrilla sur lui un regard si perçant qu’il en fut paralysé.
— Je vous laisse transmettre l’ordre à vos troupes, martela-t-il. Et ensuite, vous me rejoindrez à l’orphelinat. Mes propres troupes se chargeront de le boucler pendant que j’interrogerai le directeur et ses mouflets.
Khassendrah retint son souffle lorsqu’il reporta ensuite son attention sur elle.
— Quant à toi, arrête de pleurer, lui lança-t-il d’un ton dur. Tu n’as reçu que ce que tu méritais. Je devrais même te donner une bonne correction pour ton échec.
La jeune fille sentit une sueur froide lui geler l’échine.
— Cependant, j’estime que tu me seras utile par la suite. Je te veux demain matin dans le bureau du directeur à la première heure. Maintenant, laisse-nous faire notre travail et va te coucher.
Khassendrah n’osa émettre la moindre objection. Elle se releva, un gémissement de douleur au bord des lèvres, mais préféra se taire. Elle avait bien compris que jouer la victime face à Vanador ne lui serait d’aucune utilité. Son cœur de pierre ne possédait aucune sensibilité avec ce type d’arguments. Non, si elle voulait rester dans ses bonnes grâces, elle devait se montrer beaucoup plus forte. Et obéir.
Elle suivit donc l’Ahal jusqu’à l’orphelinat dans un silence total. Elle se sentait mal à l’aise. Il ne lui prêtait aucune attention et marchait si vite qu’elle devait trottiner pour le suivre. Elle qui ne courait jamais se retrouva vite essoufflée, le jambes lourdes et le cœur palpitant si vite qu’elle se demanda s’il n’allait pas finir par s’échapper de sa cage thoracique.
Sa course se révéla cependant bénéfique, puisqu’ils gagnèrent Valmaëlën en quelques minutes à peine. La jeune fille faussa vite compagnie à Vanador pour regagner sa chambre, soulagée de pouvoir enfin se retrouver seule et loin de lui. Elle parcourut les couloirs en toute discrétion. Lorsqu’elle regagna la pièce exiguë où elle avait passé le plus clair de son enfance, elle s’y enferma avec soin et se laissa tomber sur son lit.
Un gémissement léger lui échappa. Elle sentait ses doigts tirailler et palpiter si fort qu’elle menaçait de défaillir à chaque battement de son cœur. Des larmes glissèrent sur ses joues. Elle se demanda un instant s’ils n’étaient pas cassés. Elle ne connaissait pas ce type de douleur. Elle s’était toujours arrangée pour ne pas risquer de se blesser, après tout.
Avec un profond soupir, elle décida de se relever et de sortir. Elle devait trouver quelque chose pour se soigner. Seule. Personne ne l’aiderait, à cette heure-ci. Sindor était débordé et menacé par l’Ahal. Le directeur devait en ce moment même discuter avec Vanador. Quant au personnel, elle ne souhaitait pas le réveiller pour ne pas ébruiter sa défaite cinglante face à l’hybride.
Pour la première fois depuis longtemps, elle sentit une profonde détresse l’envahir. Bien sûr, Vanador n’avait pas entièrement tort lorsqu’il lui disait qu’elle méritait son sort. Après tout, le prix qu’elle payait ne représentait rien face à la perte de sa broche et à l’affront que Raeni leur avait fait. Elle se demandait d’ailleurs pourquoi elle l’avait épargnée. Elle n’était pas stupide, elle avait vu – et entendu – la dague qu’elle avait laissée tomber au sol. Par peur ? Par faiblesse, peut-être ? Elle avait surpris la lueur meurtrière dans ses yeux lorsqu’elle était descendue du navire. Alors pourquoi ?
Elle faillit manquer la porte de l’infirmerie tant elle était plongée dans ses pensées. Elle attendit quelques secondes sur le pas de la porte, immobile, l’oreille tendue, à l’affût du moindre son. Rien. Avec d’infinies précautions, elle abaissa la poignée et pénétra dans la pièce.
A l’intérieur, aucune lumière, signe qu’elle était bien seule dans la pièce. Parfait. Elle chercha à tâtons la fenêtre et ouvrit le volet. L’éclat voilé des astres se déversa à travers l’ouverture. Elle battit des paupières à plusieurs reprises, puis, une fois sa vision habituée à la faible lumière, entreprit de dénicher quelque chose pour bander sa main. Elle ne savait pas trop quoi chercher. Elle fouilla donc dans les tiroirs et les armoires à la recherche de bandages pour immobiliser ses doigts, la seule chose qu’elle imaginait utile pour empêcher ses membres blessés de bouger et de la faire souffrir davantage.
Ses pensées dérivèrent pendant que ses yeux inspectaient les étagères. Une fois encore, la solitude lui imposait sa présence suffocante. Elle se sentait vulnérable, ainsi. De mauvais souvenirs remontèrent, ainsi que des peurs qu’elle croyait avoir surmontées depuis longtemps. Bien malgré elle, elle imagina des silhouettes menaçantes dans les recoins les plus sombres de l’infirmerie, accompagnées de rires moqueurs et de mots blessants. Elle sentit son cœur s’affoler tandis qu’une panique sans nom l’envahissait.
Elle sentit les regards narquois des ombres posés sur elle. Comme dans ses cauchemars, elle se plaça dos au meuble dans l’espoir d’apercevoir le visage de ses harceleurs. Rien, hormis la forme décharnée de corps dans les ténèbres. Elle les entendait, pourtant. Elle savait qu’ils s’approchaient pour l’encercler.
Dans un dernier sursaut de lucidité, elle ferma les yeux. Elle invoqua au plus profond de son esprit l’image de Sindor, son visage rassurant, ses bras puissants, ses caresses apaisantes. Il ne se trouvait certes pas à ses côtés, mais elle savait qu’il n’était pas loin. Il ne l’abandonnerait jamais. Il n’oserait pas.
Sans rouvrir les yeux, elle envoya le pâle profil de son amant à la rencontre des ombres. Elle sentit qu’ils reculaient. Elle donna à sa vision une épée rutilante, qu’il agita en direction des créatures. Bientôt, il en pourfendit un, puis un autre. Le calme revint sur l’esprit de la jeune fille, qui poussa un léger soupir de soulagement.
Elle rouvrit bien vite les yeux, consciente que ses démons ne tarderaient pas à la retrouver. Elle devait se dépêcher de trouver ce qu’elle était venue chercher. Elle redoubla d’attention, même si ses yeux survolaient les différentes surfaces en vitesse, jusqu’à dénicher, dans un placard, une pile de rouleau de tissu. Elle en attrapa quelques-uns, qu’elle glissa dans sa poche avant de s’enfuir à toutes jambes dans le couloir.
Elle regagna sa chambre en quelques instants, essoufflée, le cœur palpitant. Après avoir fermé la porte à clé avec soin, elle dénicha à tâtons son briquet et une bougie, qu’elle alluma d’un geste vif. La lueur chaude de la flamme éclaboussa la pièce familière. Elle laissa ses yeux s’attarder sur le lit simple, la petite commode où elle entreposait ses maigres possessions, ainsi que le vieux plancher de bois qui grinçait sous ses pieds. Elle abandonna les rouleaux de tissu sur l’oreiller, puis entreprit de démonter l’un des tiroirs du meuble de rangement. Elle le retourna ensuite pour actionner une petite trappe, qui révéla une cache. Elle en tira un objet, une réplique de loup en tissu rembourrée à l’aide de plumes, dont le cou présentait une couture épaisse et grossière. Sa surface rêche présentait quelques taches, mais, dans l’ensemble, il semblait en bon état.
Des larmes se mirent à couler sur ses joues en silence. Elle caressa du bout du doigt la tête de l’animal, dont les yeux cousus au fil noir semblèrent un instant la fixer avec tendresse.
— J’ai tellement besoin de toi… souffla-t-elle à mi-voix.
Elle serra le jouet contre son cœur, les yeux fermés, à la recherche d’un maigre réconfort. Elle se sentait seule. Vulnérable. Elle n’avait personne à qui confier ses peines et sa douleur, hormis ce petit loup qu’elle prenait grand soin à dissimuler. Il ne lui répondait jamais, mais sa douceur et la chaleur qu’il lui procurait suffisait en général à l’apaiser. Elle n’avait pas d’autre choix, de toute manière. Qui aurait voulu d’elle, une pauvre orpheline aussi stupide qu’une mouette ivre ? Elle ne possédait ni famille, ni amis réels. Même Sindor, au fond, finirait par se détacher d’elle lorsqu’il découvrirait à quel point elle était inutile, en réalité.
La sensation de ce minuscule corps de tissu contre elle représentait la seule marque d’affection qui lui restait, surtout en cette heure avancée de la nuit. Il lui apportait la lumière qu’elle cherchait, la guidait sur le chemin de son avenir, pas à pas, dans un silence empli de sagesse qu’elle s’efforçait de ne jamais briser. Elle écoutait sa voix, celle qui, au loin, dans les limbes de son esprit, s’élevait en une intuition suggestive et lui donnait la force de continuer à vivre.
Au bout de longues minutes, Khassendrah releva la tête. Elle se sentait un peu mieux, même si le malaise causé par la solitude ne s’estompait guère. La douleur de ses doigts crispés sur le loup la ramenait à la réalité. Elle migra donc du sol au lit et déposa l’animal sur ses genoux le temps de déterminer comment bander sa main au mieux. Elle attrapa l’un des rouleaux et commença à le déployer autour de son poignet, puis le long de son membre blessé qu’elle s’efforçait de maintenir déplié. Elle serrait les dents pour ne pas gémir, mais des larmes perlaient encore au coin de ses paupières et troublaient sa vision, ce qui ne lui simplifiait pas la tâche. Une fois encore, elle songea avec amertume qu’une présence amicale à ses côtés l’aurait apaisée.
Elle s’efforça cependant de chasser ces pensées parasites. Elle avait grandi. Elle devait apprendre à se débrouiller, sans quoi elle ne réussirait jamais à obtenir une place au sein de la société thalëni. Elle devait donc commencer par dompter la douleur, et se soigner de son mieux à défaut d’avoir quelqu’un de qualifié pour l’y aider.
Une fois son bandage terminé, elle poussa les rouleaux surnuméraires et se laissa tomber allongée sur le lit. Son loup revint se nicher contre son cou. Elle ferma les yeux, sa main valide crispée sur la fourrure de tissu.
— Je crois que je m’en suis bien sortie, déclara-t-elle à voix basse à son compagnon. J’ai déjà moins mal, je crois.
C’était vrai. Le simple fait d’avoir immobilisé les articulations abîmées semblait avoir diminué la douleur, sans doute parce qu’elle n’arrivait même plus à esquisser le moindre geste. L’ombre d’un sourire se glissa sur ses lèvres. Elle se sentait déjà mieux.
— J’irai voir l’infirmière demain matin, décida-t-elle. Elle aura sans doute quelque chose pour faire disparaître la douleur.
Elle passa ensuite un doigt sur sa mâchoire. La zone restait sensible, mais déjà moins qu’en début de soirée. Le contrecoup du choc, sans doute. Elle pourrait toujours dissimuler derrière une crème ou un sort la marque le temps qu’elle disparaisse.
Ses idées, simples, achevèrent de lui redonner confiance en elle. Elle serra encore une fois le loup contre elle, ravie de sentir sa faiblesse la quitter petit à petit. D’ailleurs, une autre pensée venait apaiser son esprit. Elle la formula dans un murmure léger :
— En plus, Raeni et sa bande de bâtards sont partis.
Elle commençait à peine à réaliser ce fait. Sa rivale avait pris le large, au sens propre du terme. Pour en arriver à une telle extrémité, elle avait dû se sentir acculée. Elle ne s’était certes pas inclinée devant elle, mais elle avait cédé, d’une certaine manière. Elle avait reconnu qu’avec Vanador comme ennemi, elle ne pouvait plus rester à Khaëlentis. Quelque part, sa fuite indiquait à Khassendrah qu’elle avait gagné, pour son plus grand plaisir.
Il ne lui en fallut pas plus pour retrouver sa confiance habituelle. Un immense sourire éclaira son visage. Raeni ne reviendrait sans doute jamais. Elle n’avait jamais voyagé en mer. Elle ne pouvait pas survivre à un tel périple. Et, si par miracle elle y parvenait, elle ne pourrait jamais remettre les pieds à Khaëlentis sans se faire tuer.
Ravie de la tournure que prenaient les évènements, la jeune alfombre laissa son esprit imaginer les tourments que sa rivale rencontrerait en mer, tandis que le sommeil la gagnait peu à peu. Vanador avait raison : c’était désormais à lui de travailler. Elle pouvait se reposer, au moins jusqu’au lendemain matin, et ainsi profiter de sa petite victoire avant de s’atteler à une autre tâche, bien plus complexe : obtenir de l’Ahal un voyage direct pour Torfrirta.