La Flamme de Mililian - Tome 1 - Partie 1
Raeni achevait un énième calcul dans sa cabine. Maintenant qu’elle commençait à manier les chiffres plusieurs fois par jour, ses opérations lui semblaient de plus en plus simples à effectuer, et elle ne les revérifia que quatre fois avant d’être certaine de ne pas avoir fait de fautes. Elle traça ensuite un trait sur la carte de la région, étudia le dessin des côtes avec attention. Avec un sourire satisfait, elle se redressa au bout de quelques instants et attrapa une longue-vue avant de quitter sa cabine.
La porte se referma dans un claquement sec derrière elle, mais ses pieds nus effleuraient avec légèreté les planches de bois, si bien que ses pas résonnaient à peine sur le pont du vaisseau. Elle battit des paupières lorsqu’elle sortit en plein soleil, le temps de s’habituer à la luminosité. Le vent marin agita ses cheveux courts, retenus par un bandana noué autour de son front pour éviter qu’ils ne se glissent devant ses yeux ou la gênent lorsqu’elle aidait ses camarades aux manœuvres. La bande de tissu lui servait aussi à se protéger la tête des rayons mordants de l’astre diurne, dont les reflets sur les vagues venaient frapper les jeunes matelots.
Les cris de ceux-ci se mêlaient au chant de l’océan, au fracas de la coque contre les crêtes d’écume et aux mugissements des bourrasques chaudes venues de la terre. Les embruns éclaboussèrent le visage de l’hybride, qui sourit. Maintenant que son mal de mer était passé, elle appréciait la sensation des gouttes salées sur sa peau et ses lèvres, le mouvement perpétuel du bois sous ses pieds. Elle se sentait libre, bien plus qu’elle ne l’avait jamais été, bien plus que dans ses rêves les plus fous. La caresse de l’air lui donnait la sensation de voler, l’immense étendue saphir aux reflets chatoyants autour d’elle l’enivrait. Seule l’absence de Faelor, au fond de son cœur, lui pesait d’un amer regret.
Le salut rapide de deux adolescents occupés à courir sur le pont la tira de ses pensées. Elle les suivit du regard alors qu’ils grimpaient le long d’un mât, aussi agiles que deux singes aux oreilles pointues. La voix forte de Thaelor couvrit un court instant le sifflement du vent alors qu’il lançait ses instructions pour la manœuvre en cours, épaulé par Thaëlya, dont le regard concentré suivait fixement l’horizon. Ses mains tenaient le gouvernail avec fermeté, mais la douceur qu’elle mettait à la faire tourner fit sourire sa capitaine. L’albinos aussi semblait avoir trouvé sa place sur le vaisseau.
En une semaine, les progrès de tout l’équipage avaient été remarquables, d’après les deux marins. Thaëlya se débrouillait plutôt bien pour diriger le navire et suivre une trajectoire fixée par sa jeune capitaine. Les autres réussissaient de mieux en mieux à grimper dans les gréements et manœuvrer les voiles, jouer avec les cordes ou encore chouchouter le vaisseau. Thaelor surveillait ce qu’ils faisaient d’un œil sévère, mais leur donnait autant de conseils qu’il le pouvait. Les adolescents apprenaient vite et réclamaient souvent son attention pour en savoir davantage plus rapidement. Une ambiance chaleureuse et amicale régnait donc à bord, guère perturbée par les petites erreurs qu’ils pouvaient faire de temps à autres. La météo clémente jouait en leur faveur, puisqu’elle leur permettait de se concentrer sur ce qu’ils faisaient sans les presser, sans faire peser sur eux la moindre menace en cas de bêtise.
Raeni aussi avait beaucoup appris en une semaine. Elle se battait encore avec les noms des voiles et des cordages, confondait parfois bâbord et tribord, mais avait réussi à comprendre le fonctionnement des appareils de navigation avec facilité. Pour l’instant, ses calculs se révélaient exacts, très précis, et Thaëlya n’avait qu’à se concentrer sur les indications qu’elle lui donnait pour mener le navire où elle le souhaitait. Thaelor était plutôt satisfait d’elle et de ce qu’elle faisait, tout comme il se sentait fier de gérer, avec Ehanor, les nouveaux matelots.
La jeune capitaine promena un instant son regard sur ses camarades suspendus dans les mâts. Un sourire éclaira son visage tandis qu’elle les détaillait l’un après l’autre. Elle les trouvait plus heureux, plus confiants en eux-mêmes pour certains. Libérés de la menace que pesait Khassendrah sur eux, guidés par le vent et la perspective d’un avenir plus joyeux loin de Khaëlentis, ils n’avaient plus aucune raison de craindre quoi que ce soit.
Son regard chercha Ayrik sur le pont. Elle repéra sa petite tête blonde aux côtés de l’albinos. Un sourire fugace glissa sur ses lèvres. Depuis qu’ils avaient quitté la terre ferme, l’enfant se montrait bien plus joyeux, confiant et apaisé. Même s’il restait rêveur, passait des heures allongé sur le tillac à contempler les nuages ou les étoiles, il avait gagné en assurance et riait bien plus avec ses camarades. Il semblait à l’aise sur le navire, comme s’il y avait passé toute sa vie. Sa joie contaminait ses camarades, qui se mettaient souvent à chanter pour accompagner sa voix enfantine lorsqu’il lui prenait l’envie de fredonner une comptine.
La jeune capitaine regarda son protégé jouer avec un bout de corde qu’il apprenait à nouer sous le regard attendri d’Ehanor. Son jeune âge, et surtout sa petite taille, l’empêchaient de grimper dans les mâts et d’avoir un véritable rôle à bord. Il se contentait donc d’apprendre ce qu’il pouvait et d’aider pour la cuisine et l’entretien du navire. Il s’occupait de toutes les tâches qu’on lui assignait avec enthousiasme. Quand il n’avait rien à faire, il essayait d’apprendre à jouer de la flûte, dessinait sur le pont avec des craies de couleur trouvées dans la cabine du capitaine, dansait avec les autres ou s’isolait pour rêver. Raeni se félicitait de l’avoir sorti de l’orphelinat. Il était bien plus heureux en mer, loin de Khassendrah et des althëliens qui ne l’appréciaient guère.
L’enfant releva la tête et croisa son regard. Un sourire épanoui dévoila sa mâchoire édentée, privée de deux dents qui commençaient à peine à repousser. Il lui adressa un petit signe de la main, auquel elle répondit joyeusement. Elle replongea cependant dans ses pensées lorsqu’il baissa à nouveau les yeux sur le bout de drisse dans ses mains. Son visage doux lui revint, les orbites vides, la peau desséchée sur ses os, ses cheveux arrachés par touffes et poisseux de sang. Le visage du garçon fut vite remplacé, dans son esprit, par celui de Faelor tel qu’elle l’avait vu dans son tout premier cauchemar. La phrase qu’il avait prononcée résonna dans sa tête, aussi claire que dans son rêve.
Depuis qu’ils avaient quitté la terre ferme, elle ne cessait d’enchaîner les visions horrifiques dans ses songes nocturnes. Pas une noct-heure ne s’était écoulée sans qu’elle ne revît son ami zombifié et le navire maudit, dont la gueule terrifiante s’ouvrait toujours sur une rangée de crocs acérés et une haleine brûlante. Elle se réveillait toujours lorsque le dragon tentait de l’avaler, parfois après avoir laissé échapper un hurlement terrifiant. Lorsqu’elle se réveillait, son médaillon lui brûlait la peau, comme s’il ressentait la chaleur des flammes dans son cauchemar. Elle pensait alors à Faelor, espérait qu’il ne lui était rien arrivé.
— Alors, capitaine ? De nouveaux ordres ?
L’hybride sursauta. Thaelor retint un rire, mais son expression amusée ne la trompa pas.
— Tu as fait exprès, grogna-t-elle.
— Mais non, assura-t-il avec un faux air d’ange.
— Refais ça encore une fois et je te colle à la cale pendant deux jours, le menaça-t-elle.
— Tu n’oserais pas…
— On parie ?
— Tu as de nouvelles indications de cap ?
Son soudain changement de sujet et son expression vaguement inquiète firent sourire la jeune femme.
— On a bien vogué, ces derniers jours, annonça-t-elle. On approche de l’île d’Althadëlna.
— Vraiment ? se réjouit l’alfombre. Impeccable, alors ! On va pouvoir relâcher quelque part pour se réapprovisionner en eau potable et en nourriture.
— Les soutes sont déjà vides ? s’étonna-t-elle.
— Non, expliqua-t-il. Mais d’après mes souvenirs, la région entre Althadëlna et Dor Thëlmýs est très animée. On va devoir passer au large pour éviter les patrouilles et les navires pirates. Et comme on en a pour une sacrée distance, surtout qu’on navigue au ralenti, il vaut mieux se ravitailler maintenant plutôt que de tomber à court de vivres en pleine mer.
— Je vois, opina-t-elle, l’air pensive. Tu as déjà une idée ?
— Regarde par-là, lui demanda-t-il.
L’hybride s’exécuta. Elle ne vit dans un premier temps que la forme vague des côtes, à une certaine distance d’eux. Thaelor l’encouragea à prendre sa longue-vue et à scruter la rive. L’outil lui révéla alors des ruines au sommet d’une petite butte, à une bonne distance. Elle fronça les sourcils.
— Qu’est-ce que c’est ?
— Voici Thal’Shara, présenta-t-il. Un ancien port humain, rasé pendant la guerre en représailles pour la destruction d’une ville althëlienne. La région est déserte, depuis. On sera tranquilles, surtout que des récifs forment un couloir naturel et empêchent d'approcher sans prévenir. Au moindre signe de danger depuis la mer, on peut s’enfuir par la terre.
La jeune femme contempla le bout de tour démolie qui se profilait au loin, guère plus qu’un pic de pierre dressé vers le ciel. Revenir sur un champ de bataille ne lui plaisait guère. Elle avait peur de se remémorer de mauvais souvenirs.
— Tu es vraiment sûr qu’on ne craint rien ? insista-t-elle.
— Certain, confirma-t-il. Les dragons ont nettoyé la ville de toute présence humaine. L’incendie a duré plusieurs jours, d’après les conteurs. On sentait la chaleur des flammes depuis le large. On entendait les cris, aussi.
Il avait prononcé sa dernière phrase si bas qu’elle crut avoir rêvé.
— Tu y étais ? s’étonna-t-elle.
Seul un hochement de tête lui répondit. L’alfombre avait détourné le regard vers l’horizon, là où le ciel et les flots se confondaient et semblaient indissociables l’un de l’autre. L’hybride posa une main sur le bras de son ami. Elle n’ignorait pas qu’il avait été engagé plus ou moins de force quand il avait quitté l’orphelinat, mais elle ne savait rien de ce qu’il avait pu vivre durant les trois années qui avaient suivi son enrôlement. Elle devina, à son expression fermée et à son mutisme, qu’il avait dû en souffrir, et que cette douleur le hantait toujours.
— On peut trouver d’autres coins où s’arrêter, assura-t-elle. Si tu ne veux pas revenir ici, je comprendrai.
— On n’a pas le choix, souffla-t-il avec effort. C’est le seul lieu où on peut trouver de l’eau potable. Les dragons ont tout rasé en surface, mais les puits doivent toujours être quelque part dans les décombres. Et la ville est abandonnée depuis si longtemps qu’on pourra sans doute y trouver des plantes comestibles et des bêtes sauvages venues se réfugier dans les ruines.
Raeni hocha la tête. Elle resta silencieuse quelques instants, sans trop savoir quoi dire. Elle n’avait pas l’habitude de voir Thaelor aussi renfermé. Elle aurait aimé le faire parler, mais jugea plus sage de ne pas le forcer à raconter ce qu’il avait pu vivre durant la guerre. Elle se douta qu’il avait dû affronter des situations horribles auxquelles il n’était sans doute pas préparé. Elle voulait l’aider, mais ignorait comment s’y prendre.
— Ça va aller ? demanda-t-elle d’un air inquiet.
Le marin secoua la tête. Raeni put remarquer les larmes qui se formaient au coin de ses yeux. Elle jeta un œil autour d’elle, puis l’attrapa par la main pour l’entraîner vers sa cabine. Si les autres étaient trop occupés pour faire attention à eux, elle ne voulait cependant pas prendre le risque que l’un d’eux ne remarque l’état de faiblesse de Thaelor et ne vienne poser des questions délicates. Elle n’était pas sûre qu’il puisse y répondre.
Le jeune homme la suivit comme un automate. Inquiète pour lui, elle se dépêcha de gagner la petite pièce, dont elle ferma la porte une fois qu’ils furent entrés. Elle proposa ensuite à Thaelor de s’asseoir sur une chaise. Il secoua la tête tandis qu’un sanglot lui échappait.
— C’était terrifiant, articula-t-il avec peine. Les cris… les… les dragons au-dessus de nous…
Raeni le força à s’asseoir sur son lit. Les mots de son ami faisaient surgir des images dans son esprit, des images qu’elle ne contrôlait pas. Elle se força à les repousser, serra la main de Thaelor entre les siennes. Elle le laissa continuer à parler, à raconter ce qu’il avait pu voir lorsqu’il s’était trouvé face à ce port humain durant la guerre.
— Des femmes, des enfants, des vieillards, souffla-t-il. Les soldats s’étaient rendus… Le… le commandant a fait exprès de lancer les dragons pour raser la ville. Mais il n’avait pas le droit, ils s’étaient rendus, ils étaient sans… sans défense…
Elle glissa ses bras autour de lui d’un geste maladroit pour le réconforter. Elle s’imaginait sans peine la scène. Les humains, faibles, sans pouvoirs, enfermés entre les murs de leur cité. Les ombres immenses des dragons au-dessus d’eux. Leur souffle brûlant. Elle devina aux tremblements de son ami qu’assister à un tel massacre avait dû le traumatiser. Sa respiration hachée, ses sanglots incontrôlés témoignaient de sa terreur. Elle le serra un peu plus fort dans ses bras, caressa ses cheveux comme elle le faisait avec Ayrik lorsqu’il avait besoin de réconfort. Elle sentit l’alfombre enfouir sa tête contre son épaule. Elle ne savait pas quoi dire pour le calmer tant elle-même se sentait désemparée par la détresse du jeune homme.
Thaelor resta de longues minutes sans bouger. Ses larmes humidifièrent la tunique de son amie, qui le garda dans ses bras sans prononcer le moindre mot. Elle le laissa extérioriser sa peur, son dégoût et ses inquiétudes, pleurer ceux qu’il avait vu se faire tuer si injustement. En silence, elle pensa aux humains, à ceux qui avaient détruit sa maison. Aux althëliens qui lui juraient, depuis ce jour-là, qu’il fallait les tuer, les faire disparaître comme n’importe quel parasite. Un léger frisson la parcourut lorsqu’elle se demanda combien d’autres massacres similaires son peuple avait pu commettre, combien de personnes innocentes avaient pu mourir sous le feu des dragons et les lames des soldats.
Peu à peu, les reniflements de Thaelor s’apaisèrent et ses larmes cessèrent de couler. Il resta blotti contre Raeni un long moment, mais cela ne la dérangea pas. Il finit par se redresser et essuya ses yeux avec sa manche.
— Désolé, souffla-t-il, le regard baissé sur ses genoux. Je… je ne sais pas ce qui m’a pris.
— Ce n’est rien, lui assura-t-elle avec un sourire apaisant. Tu en avais besoin.
Il hocha la tête.
— Sans doute. C’est… dur de revenir ici. Je… j’ai tellement honte…
— Hé.
Elle attrapa son visage avec douceur pour le forcer à la regarder. L’alfombre releva les yeux vers elle.
— Tu n’es en rien responsable de ce qu’il s’est passé, murmura-t-elle. Je doute que tu aies eu ton mot à dire.
Il secoua la tête.
— Les commandants étaient tous d’origine thalëni, expliqua-t-il. Si j’avais exprimé mon désaccord, ils m’auraient tué.
— Foutus thalëni, grogna-t-elle. Je les hais.
— Moi aussi, avoua-t-il.
Le silence s’abattit quelques instants sur la cabine. A l’extérieur, Raeni entendit quelques cris, les rires des adolescents occupés à se chamailler sans se soucier le moins du monde du drame qui avait pu se jouer à quelques kilomètres seulement de leur position. La voix d’Ayrik parvint, claire et heureuse, aux oreilles du marin et de sa jeune capitaine. Un sourire étira ses lèvres.
— La meilleure chose que l’on puisse faire, désormais, c’est avancer, déclara-t-elle avec douceur. En hommage à tous ceux qui sont morts, je pense que trouver une famille à Ayrik serait déjà une bonne chose.
Thaelor esquissa un vague signe d’assentiment. Son regard commençait à retrouver une lueur calme, mais Raeni se douta qu’il lui faudrait du temps avant de réussir à passer au-dessus de cette épreuve. Elle serra son bras d’un geste apaisant. Elle ne prononça cependant pas un mot supplémentaire, consciente qu’il devait préférer le silence.
L’alfombre ne se releva qu’au bout de longues minutes, après avoir essuyé les dernières traces de larmes sur ses joues. Hormis le gonflement léger de ses paupières, rien n’indiquait qu’il avait pleuré. Raeni se remit sur ses pieds aussi, et serra avec douceur le bras de son ami.
— Ça va aller ? lui demanda-t-elle, inquiète.
— Oui, assura-t-il. Il le faudra bien, pour vous conduire à terre sans que vous n’éclatiez la coque contre la côte.
— Hé ! protesta-t-elle. Ce n’est pas parce qu’on n’a jamais manœuvré pour arrêter le bateau qu’on va forcément aller l’échouer sur des rochers !
— Et tu sais au moins à quelle distance du rivage tu dois jeter l’ancre pour être certaine de ne pas te prendre de récifs ?
— C’est facile, supposa-t-elle. On sort les rames, et quand elles commencent à racler le fond, c’est que c’est bon.
Thaelor éclata de rire. Même s’il se moquait d’elle ouvertement, la jeune femme ne s’en formalisa pas. Elle était bien trop heureuse de le voir retrouver son habituel sourire et ses piques affectueuses.
— Si c’était si simple, articula-t-il enfin, je pense que beaucoup plus de monde serait apte à commander et diriger un navire. Les coques sont beaucoup trop fragiles pour des frottements contre des rochers. Elles se détérioreraient en quelques secondes, et la pression de l’eau achèverait de les détruire. Et là, le navire coulerait.
— Je te laisse diriger la manœuvre, alors, déclara-t-elle avec bonne humeur. Ce serait bête qu’on s’échoue maintenant, alors qu’on est encore très loin de Thal’Ashar.
— Comme tu dis. Mais tu vas y assister aussi pour pouvoir redonner les ordres la prochaine fois !
Elle hocha la tête, et leurs regards se croisèrent. La jeune capitaine adressa un sourire au marin, qui le lui rendit. Son regard restait un peu pensif, mais il semblait aller déjà mieux. Elle se promit de rester attentive à lui tout le temps qu’ils seraient à terre, et même avant qu’ils n’y arrivent, afin de prévoir une potentielle rechute et de l’aider à la surmonter. Elle esquissa un geste pour sortir, mais il l’arrêta, soudain inquiet.
— Au fait, Rae… commença-t-il d’un ton hésitant.
— Oui ?
— Tu peux… éviter d’en parler ?
Son ton gêné et la lueur de honte dans son regard attendrirent l’hybride. Elle posa une main rassurante sur son épaule.
— Je ne dirai rien, promit-elle. Et si tu as besoin de parler, je suis toujours là.
— Merci, souffla-t-il, soulagé.
Il la serra dans ses bras un court instant, puis la relâcha. Ils sortirent ensuite sur le pont pour préparer la manœuvre. Raeni le sentait nerveux, mais elle savait qu’elle pouvait lui faire confiance. Si quelque chose n’allait pas, il lui en parlerait. Elle se promit de faire au plus vite dans la ville afin de ne pas le torturer trop longtemps. Après tout, ils devaient juste récupérer un peu d’eau et quelques vivres, ce devrait aller vite…