MÉMORIA ZÉRO - TOME 1 (Ancienne version)

Chapitre 22 : DILEMME

4038 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 18/12/2020 16:46

Lyria se réveilla en sursaut. Pendant un court instant, elle eut l’impression d’entendre la voix de Kyeran résonner dans sa tête, puis sa poitrine la brûla, l’obligeant à se rouler en boule avec un gémissement. Aux confins de sa conscience, son dragon s’agitait et rugissait de douleur. Cet étrange phénomène se manifestait régulièrement depuis trois jours et un mauvais pressentiment commença à l’envahir. Quelque chose de grave avait dû arriver au Dragyan. Malheureusement, elle ne pouvait agir.

Suite à sa désertion prolongée, les Red Skulls l’avaient confinée dans un débarras aux murs décrépis qui lui servait de chambre. Aucune décoration n’ornait les cloisons et en guise de couchette, on lui avait donné un matelas dont les ressorts avaient percé le tissu usé à certains endroits.

Lorsque la douleur s’estompa enfin, elle se redressa et hasarda son regard vers le fond du local. Parmi les empilements de malles et de cartons trônait un miroir. C’était là l’unique objet de cette pièce qui demeurait en bon état. Le reflet lui renvoya l’image d’un tatouage sombre circulaire gravé à même sa peau, juste à la naissance de sa poitrine dévoilée.

Dans des temps anciens, on réservait ce sceau aux esclaves, et Séréna n’avait pas hésité à lui infliger ce honteux sortilège afin qu’elle ne puisse plus s’éloigner sans son consentement. Le simple souvenir de la torture provoquée par cette effroyable magie noire lui laissait encore un goût amer dans la bouche.

Quelqu’un frappa à la porte.

— On se réveille, là-dedans ! Séréna te demande.

C’était la voix de Sid. Cet enfant des rues avait rejoint les Red Skulls deux ans plus tôt et depuis le retour de Lyria à la guilde, il avait été assigné à sa surveillance. À présent, elle ne pouvait se rendre nulle part sans être flanquée de ce sale petit humain fourbe et vicieux. Aussi rusé et perfide qu’un serpent, le garçon usait de son éther pour se dissimuler dans son ombre quand la situation le nécessitait. Ainsi, il pouvait la suivre en toute discrétion sans qu’elle s’en rende compte. Ce n’était donc pas le genre d’individu auquel elle pouvait facilement échapper. De plus, grâce à ses capacités, les Red Skulls savaient désormais que Kyeran possédait l’un des pendentifs recherchés et qu’elle avait échoué à leur rapporter.

— Oh ! Tu t’amènes ? la relança Sid.

— Oui, c’est bon, j’arrive, râla-t-elle en se levant.

Pendant qu’Oz regagnait sa place favorite, elle reboutonna sa chemise. Impuissant face à cette situation, le pauvre xéobrat la fixait de ses grandes prunelles d’obsidienne et émit un couinement inquiet.

Le cœur pincé face à la détresse de son petit compagnon, elle le rassura d’une caresse.

— T’inquiètes pas, j’trouverai une solution pour nous sortir de là, je te l’promets.

Malheureusement, cet espoir lui paraissait futile, car Séréna ne lui accordait plus autant de confiance depuis cet échec et un bon moment s’écoulerait avant que cette dernière ne lui délègue une nouvelle mission. Pourtant, elle s’obstinerait à la convaincre de lui redonner sa chance, juste pour une mince échappatoire.

Après un soupir désabusé, Lyria sortit de la pièce et Oz s’affaissa pour mimer l’apparence d’une simple écharpe. Sid l’attendait, adossé contre la cloison, les bras croisés. L’adolescent de seize ans releva sur elle un regard excédé sous ses cheveux blond sale et lui désigna du menton l’extrémité du couloir.

— La cheffe veut te parler.

Talonnée par son geôlier, elle arpenta le long corridor dont les appliques murales diffusaient une lueur jaunâtre. Plus le lieu indiqué se rapprochait, plus son nez se fronçait face aux effluves qui en émanaient. Quand elle poussa les portes battantes, elle déboucha dans la pièce principale et le silence laissa place à une musique assourdissante. Ce son désagréable l’étourdissait et les odeurs d’alcool, de tabac, de drogue ou encore de transpiration ne tardèrent pas à lui provoquer la nausée. Elle aurait donné n’importe quoi pour faire demi-tour et regagner le calme de sa chambre désuète. Les oreilles cachées sous ses mains, Lyria parcourut d’un regard écœuré la vaste salle éclairée par des lustres à la lumière tamisée.

Dans cette atmosphère à l’ambiance malsaine, chargée de fragrances corporelles, les humains s’adonnaient à la luxure. Sur sa droite, un homme chevauchait sauvagement sa partenaire sur un grand canapé en cuir pendant qu’à l’opposé, un autre client vautré dans un fauteuil, la tête rejetée en arrière et les bras ballants, savourait la fellation que s’affairait à lui réaliser une femme à moitié nue.

La Dragyanne grimaça face à ce dégradant spectacle et continua de se faufiler parmi la foule en délire, se faisant parfois bousculer par les danseurs qui se déhanchaient au gré du son tapageur. Elle comprenait difficilement ce qui motivait ces humains à se laisser tomber dans la débauche et à vrai dire, jamais elle n’aurait pensé que le quartier général des Red Skulls se dissimulait sous le nom d’une maison close de luxe. De ce fait, ils n’étaient jamais inquiétés, puisque personne, pas même les forces de l’ordre, ne connaissait la véritable identité de Séréna Olenna ni la localisation de leur guilde. Qui irait soupçonner un établissement sans histoires où beaucoup d’aristocrates venaient prendre du bon temps ?

Toujours suivie de Sid, elle retrouva Séréna sur la mezzanine. Installée sur de grands canapés en velours pourpre, la femme à la chevelure prune dégustait un verre de vin en compagnie de Trisha, sa petite amie, ainsi que de Sven, son bras droit. L’adolescent se hâta de se poster aux côtés de sa supérieure, tel un chien bien dressé.

Le menton relevé, Lyria se planta face à elle, non sans jeter un œil dédaigneux sur son second.

— Tu m’as demandée ?

Séréna interrompit sa conversation et ses iris violets s’animèrent d’une lueur malicieuse.

— Oui, après mûre réflexion, je vais avoir une nouvelle mission pour toi.

La Dragyanne inspira vivement et un semblant d’espoir commença à pointer au fond de son cœur.

— Mais il y aura des conditions, ajouta sa cheffe.

Bien sûr, c’était trop beau.

Séréna fit signe à l’un de ses subordonnés de s’approcher et ce dernier s’exécuta avant de lui tendre un journal qu’elle déplia et montra à Lyria. Ses yeux s’écarquillèrent aussitôt lorsqu’elle lut le gros titre en première page : Zapornia, plusieurs meurtres perpétrés en une semaine, le coupable court toujours et un exterminateur gravement blessé. Son cœur loupa un battement et un nœud douloureux lui tordit les entrailles. Un seul exterminateur régnait en maître dans cette ville et l’idée que Kyeran se retrouve entre la vie et la mort commença à l’assaillir.

— Voilà un événement qui va nous faciliter la tâche, jubila Séréna. Kyeran Estieral ne représente plus une menace pour l’instant. Tu ne devrais donc avoir aucun souci pour accomplir ta nouvelle mission.

Lyria déglutit.

— Si j’comprends bien, tu m’demandes de retourner lui voler le pendentif ?

Séréna reposa la gazette sur le canapé et entrelaça ses doigts.

— En effet, et je me fiche que tu te sois amourachée de lui. Justement, ce sera encore plus facile, maintenant que vous êtes devenus très proches et que tu as gagné sa confiance. Je veux que tu me récupères ce bijou, peu importe comment tu t’y prendras. Quitte à le tuer...

— Je l’ferais pas.

Le regard de la mercenaire s’assombrit et elle pointa un index menaçant dans sa direction.

— Oh si, tu le feras. Tu n’auras pas le choix. Si tu ne me le ramènes pas, je te laisse deviner ce qui t’attend.

Lyria porta aussitôt une main à sa poitrine tandis que son sang palpitait furieusement dans ses veines. Le souvenir de l’effroyable douleur éprouvée à cause de ce sortilège continuait de la hanter. Elle n’avait aucune envie de subir de nouveau cette torture, mais elle refusait pour autant de se laisser dominer par cette vile humaine. Elle trouverait une solution pour s’enfuir d’ici et rejoindre Kyeran au plus vite afin de le prévenir du danger qui se préparait à son encontre. Tant pis pour les conséquences...

Un gloussement retentit à sa droite et lui fit tourner la tête.

— Si tu n’obéis pas, ce sera un immense plaisir pour moi de faire de toi ma prochaine soumise.

Un verre de whisky à la main et un gros cigare coincé entre ses lèvres épaisses, Sven ricanait, imité par les deux demoiselles dévêtues assises sur chacune de ses cuisses. Cet ancien militaire âgé de quarante ans et au crâne rasé la reluquait sans cesse d’un air lubrique. Lyria avait constamment l’impression qu’il la déshabillait du regard et cela la dégoûtait au plus haut point.

 Depuis son entrée à la guilde, elle ne comptait plus le nombre de fois où il lui avait fait des avances. Cet immonde individu avait un fort penchant pour le plaisir de la chair avec des semi-humaines et il ne faisait aucun doute qu’il désirait plus que tout d’ajouter la jeune Dragyanne à son tableau de chasse. En général, elle s’arrangeait toujours pour ne pas le croiser ou trop s’éterniser lorsqu’il rôdait dans les parages. Malheureusement, à son grand désarroi, il était assis dans son canapé à peloter de sa main libre une jolie Mérienne pendant qu’une Élaphine, une femme-biche, lui resservait de l’alcool.

Ignorant les tremblements qui animaient son corps, Lyria se contenta de lui adresser un regard venimeux, puis reporta son attention sur sa supérieure. Elle accepterait sa mission, mais avant, elle avait besoin de satisfaire sa curiosité et de savoir dans quoi elle s’engageait.

— J’exécuterai tes ordres sans discuter, soupira-t-elle, résignée, mais avant, je veux savoir pourquoi tu tiens tant à récupérer c’pendentif ?

Séréna se saisit d’un sac qu’elle gardait précieusement à ses côtés et en déversa son contenu sur la table basse face à elle. Lyria retint un hoquet de surprise lorsqu’elle découvrit deux pendentifs identiques en tout point à celui de Kyeran.

— Normalement, je ne devrais pas t’en parler, mais vu que tu vas nous aider à accomplir notre but, tu as le droit à des explications. Ces objets sont en réalité des clés qui permettent de garder scellés des démons qui ont été vaincus plusieurs siècles auparavant. Il en existe dix dans le monde, mais trois suffisent pour briser le sceau de l’un d’entre eux et il se trouve qu’on a localisé l’endroit où se situe le Grand Dévoreur. Quatre clés sont gardées par des hauts dirigeants de l’Empire, mais malgré nos nombreux espions, nous n’avons réussi à en dérober que deux jusqu’à ce que la chance finisse par nous sourire grâce à toi.

Scandalisée par cet aveu, Lyria ravala bruyamment sa salive. Le Grand Dévoreur était l’une des entités démoniaques qui avaient semé le chaos sur le continent il y a deux mille ans et avait nécessité l’alliance de nombreux peuples pour en venir à bout.

— A-attend... t’es en train de m’dire que vous comptez réveiller cette chose ? Mais enfin, pour quoi faire ? Vous êtes devenus fous ?

Séréna recoiffa nonchalamment de ses doigts sa crinière hérissée avant de reprendre une gorgée de sa boisson.

— Pour détruire la citadelle et libérer nos compagnons. Bolkiah ne veut rien savoir, alors nous emploierons la force et il perdra en crédibilité aux yeux de tous. Grâce à cette force, les autorités ne nous empêcheront plus d’effectuer nos petits trafics et nous pourrons vivre librement.

Je savais qu’ils étaient cinglés, mais pas à ce point ! Avec le Fléau et un meurtrier en cavale, ça va finir en carnage !

Lyria secoua la tête, sidérée, et en conclut que la situation actuelle était le cadet de leurs soucis. Après un discret soupir, elle se recomposa une attitude plus neutre malgré le nœud qui continuait de torturer ses entrailles. Pourvu que Kyeran ne soit pas aux portes de la mort. Lui seul pourrait peut-être les empêcher de commettre cette folie.

— Et une fois que t’auras obtenu ce que tu veux, que comptes-tu faire du démon ? Tu vas le laisser en liberté pour saccager la ville ?

Un rire nasal échappa à Séréna.

— Ne t’inquiète pas, je me suis bien renseignée. Les clés nous serviront à le contrôler. Tant que nous les aurons en notre possession, il sera sous notre emprise et ne pourra ni nous fausser compagnie ni agir à sa guise.

Elle est trop naïve ! grogna soudain le dragon. Si elle croit qu’un démon millénaire va bien gentiment l’écouter, elle se fourre le doigt dans l’œil ! Elle va tous nous condamner !

Lyria ne put qu’approuver les paroles de sa conscience. Cet objectif grotesque mettrait la ville de Zapornia ainsi que les villages avoisinants en grave danger. Elle devait l’en empêcher, mais comment ? Elle n’avait pas la force de Kyeran ni sa puissance magique. Que pouvait-elle faire ? Du mouvement autour de son cou lui rappela qu’elle n’était pas seule. Même si Oz ne possédait aucun pouvoir, sa simple présence lui permit de recouvrer son sang-froid. Elle trouverait une solution.

— La fête des Illuminations est dans cinq jours, ajouta Sven, et le maire devrait faire son discours pour sa nouvelle campagne électorale à cette occasion. Cet événement attirera beaucoup de monde au centre-ville et la vigilance à la citadelle sera amoindrie. Nous profiterons de ce moment pour attaquer.

Séréna valida cette idée avec un sourire entendu, puis se tourna vers Lyria.

— Bien, tu sais à présent ce qu’il te reste à faire. Tu as quatre jours pour ramener le pendentif, pas un de plus.

Lyria la considéra quelques secondes d’un air sombre et hocha la tête avec résignation. Constatant son approbation, sa cheffe s’adressa ensuite à Sid.

— Assure-toi qu’elle accomplisse sa mission jusqu’au bout.

L’adolescent se redressa, droit comme un i, et acquiesça. Sur ces derniers mots, Lyria tourna les talons, de nouveau collée par ce stupide humain, mais au moment où elle commença à descendre les escaliers, la voix ferme de Séréna retentit.

— Une dernière chose... ne t’avise pas de nous trahir, sinon quelqu’un qui t’est très cher en subira les conséquences.

Un frisson lui parcourut l’échine et elle ferma les paupières un court instant avant de souffler.

Tout va bien se passer... tu vas bien trouver un moyen de te tirer de là...

Après avoir assimilé cet avertissement, Lyria se hâta de mettre le plus de distance possible entre elle et ce lieu oppressant. Cependant, un problème persistait : Sid. Elle devait à tout prix s’en débarrasser et l’obscurité lui rappela aussitôt un détail important : le point faible du garçon ! En effet, si sa magie lui permettait de s’introduire dans l’ombre de ses victimes, elle possédait un inconvénient : celui de s’activer uniquement dans un endroit lumineux. De plus, un champ de force entourait les murs de l’établissement et bloquait toute forme d’éther de déplacement, quel qu’il soit. Malgré ce désagrément, la téléportation de Lyria demeurait tout de même fonctionnelle à l’intérieur du bâtiment. Il ne lui restait plus qu’à l’invoquer discrètement, semer Sid parmi la foule, puis gagner les portes qui la mèneraient vers la liberté.

Pendant les derniers jours passés avec Kyeran, elle n’avait pas fait que s’entraîner sur sa dragomorphose, mais en avait profité également pour peaufiner sa technique au point de créer un double d’elle-même. Elle avait d’ailleurs renommé cette altération du sort de base Téléportation résiduelle, une magie très efficace, surtout pour tromper l’ennemi.

Après avoir hasardé un bref coup d’œil par-dessus son épaule pour s’assurer que Sid la suivait toujours, elle visualisa l’endroit où se déplacer et se concentra. Son corps s’échauffa et des milliers de picotements affluèrent sous sa peau tandis que le décor devant elle se dématérialisait en un rideau lumineux. Deux secondes plus tard, elle se retrouva à l’extrémité de la grande salle, à dix mètres seulement de sa délivrance.

Lyria s’élança, bousculant au passage quelques clients enivrés, puis atteignit la porte. Une fois les battants franchis, elle s’adossa contre le mur et lâcha un profond soupir de soulagement alors que son cœur cognait dans sa poitrine. Mais ce n’était pas le moment de prendre une pause. Son clone résiduel ne durerait que quelques secondes et Sid découvrirait très vite la supercherie. Elle usa immédiatement d’une nouvelle téléportation et en quelques secondes, la forêt entourant la maison close disparut pour laisser place à la forge de Dabéorn.

Épuisée par ce déplacement, la jeune femme-dragon tomba à genoux, le souffle court, et des étoiles miroitèrent devant son champ de vision. L’utilisation de son sort deux fois de suite et sur une aussi longue distance l’avait vidée de son énergie. Néanmoins, elle relégua sa fatigue passagère au second plan quand l’urgence de la situation se rappela à sa mémoire. Se remettant aussitôt sur pieds, Lyria bondit en direction de Zapornia, mais au moment de partir, elle se figea avec un cri lorsqu’elle faillit percuter une silhouette familière.

Face à elle, Hayden la fixait avec un regard stupéfait, la bouche grande ouverte. Elle ne s’attendait pas non plus à le croiser et avant même qu’il ne prenne la parole, elle le devança.

— J’peux te parler ? C’est très important.

L’homme-félin plissa d’abord les yeux d’incompréhension, mais acquiesça quand il avisa son ton alarmiste.

 

— Alors ? De quoi voulais-tu me parler ?

Assise sur le rebord du lit, les poings serrés sur ses genoux, Lyria ne sut par quoi commencer. Hayden la dévisageait d’un air inquiet, puis elle se souvint qu’elle n’avait pas pris le temps de revenir le voir. Elle inspira profondément.

— Dans un premier temps, j’aimerais m’excuser de t’avoir mis à la porte, l’autre jour. Je n’aurais pas dû faire ça.

Le jeune homme cligna des paupières avant d’agiter ses mains devant lui.

— Ah ! Non ! Tu n’as pas à t’excuser ! C’est entièrement de ma faute. J’aurais dû te parler de tout ça bien plus tôt. Tu traversais une période difficile à cause de la santé de ton père et j’ai rajouté de l’huile sur le feu sans le vouloir. Je suis désolé...

Ces paroles la touchèrent et elle se sentit quelque peu apaisée. Même si sa relation amoureuse avec Hayden était aujourd’hui de l’histoire ancienne, leur amitié restait toujours intacte.

Si le Mérien se réjouissait à l’idée de la revoir, son visage se rembrunit, cependant.

— J’ai rendu visite à ton père, hier, et son état ne s’est pas amélioré. Tu sais, il s’inquiète beaucoup pour toi, il m’a dit que tu n’étais pas venue le voir ces temps-ci.

Lyria baissa la tête avec une expression coupable. Évoquer Allister lui noua le ventre et sa poitrine se resserra sous la douleur. Si Séréna ne l’avait pas retenue captive ces précédents jours, elle aurait pu se rendre auprès de lui.

— En effet, j’ai eu quelques soucis et c’est justement d’ça que j’veux te parler.

Elle lui narra alors les derniers événements survenus au sein de la guilde des Red Skulls ainsi que la mission qu’on lui avait ordonné d’exécuter. Hayden se laissa choir sur le lit, les doigts appuyés sur son front, complètement dépassé par la situation.

— Mais alors... si ce que tu dis est vrai, qu’est-ce qu’on peut faire ?

— Les empêcher de s’emparer du pendentif, mais le problème, c’est que je n’suis pas certaine d’arriver à prévenir Kyeran à temps. Si ça s’trouve, ils sont peut-être déjà à ma poursuite.

Hayden déglutit bruyamment et se releva d’un bond avant de prendre ses mains dans les siennes.

— Il faut que tu quittes cette ville !

— Ce n’est pas aussi simple...

— Pourquoi ?

À ces mots, elle se dégagea de son étreinte et déboutonna le haut de sa chemise. L’homme-chat recula d’un pas, sous le choc, pendant que ses prunelles restaient rivées sur ce qu’elle venait de lui dévoiler.

— Mais... c’est quoi ce truc ?

Lyria baissa les yeux à son tour, honteuse.

— C’est un sortilège d’asservissement. Les Red Skulls me retiennent prisonnière grâce à ça. Tu comprends maintenant pourquoi je n’peux pas fuir ?

Hayden se pinça l’arête du nez en secouant la tête, puis laissa retomber ses bras le long de son corps. Une lueur orageuse traversa ses prunelles de félin et la colère commença à le faire frémir.

— Je n’peux pas laisser tomber Kyeran, pas après ce que lui et son ami ont fait pour moi, reprit-elle. Si j’disparais, qui le préviendra du danger qui le guette ? Et qui empêchera ce démon de détruire la ville s’il est réveillé ?

Son ami leva une paume.

— Tu ne peux pas endosser ces responsabilités toute seule. C’est de la folie.

Lyria se tut et l’observa en jouant nerveusement avec ses doigts. Pendant qu’il arpentait sa chambre de long en large d’un pas lourd, elle commença à regretter de l’avoir mêlé à cette histoire. Prise d’une soudaine culpabilité, elle se releva pour quitter la pièce.

— Écoute, il vaut mieux que je m’en aille. Je n’veux pas qu’il t’arrive quelque chose à cause de moi, alors je...

D’un bond, Hayden plaqua violemment sa main sur la porte qu’elle venait d’ouvrir et la Dragyanne tressaillit. Ses prunelles vertes la fixaient avec intensité.

— Je ne t’ai jamais laissé tomber et ce n’est pas aujourd’hui que ça va commencer. Ton Kyeran, on va aller le retrouver ensemble et l’autre salope, elle a intérêt à te rendre ta liberté, sinon elle va très vite le regretter.


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