La Traque
Chapitre 9
Des cadavres et des rapports d'autopsie jonchaient son lit, ne lui laissant qu'une infime place pour se coucher. D'un geste encore assez vif, malgré l'heure tardive, sa main s'empara de l'une des photos et ses yeux fatigués observèrent pour la énième fois le corps sans vie d'un homme. Un soupir franchit le seuil de ses lèvres et l'impuissance et la lassitude pesèrent plus lourdement sur ses épaules. Même s'il travaillait à la BAU depuis des années, il ne pouvait toujours pas se défaire complètement de ce qu'il ressentait lorsqu'il voyait ses vies fauchées.
Hotch prit son carnet de notes posé à côté de lui et y griffonna quelques mots, pour compléter le profil qu'ils avaient élaboré.
Il était assez sûr des éléments qu'ils allaient donner aux inspecteurs, cependant, son instinct lui intimait de ne pas présenter Harper Hillman comme leur tueur. Il n'arrivait pas à mettre le doigt sur ce qui clochait avec cet homme, mais il savait pour une obscure raison qu'Hillman n'était pas leur unsub. Il avait un mauvais pressentiment concernant la « fuite » -disparition ?- de cet homme et espérait rapidement pouvoir démontrer avec certitude qu'il n'était pas leur tueur, afin de perdre le moins de temps possible. La photo sous ses yeux se brouilla un instant et il lança alors un regard à sa montre : il était presqu'une heure du matin.
Après un bref calcul, il conclut qu'il devait être environ quatre heures du matin en Virginie. Il imagina un instant son fils profondément endormi, avec son ours en peluche collé contre son nez, entre ses petites mains. Un vague sourire traversa le visage fermé d'Aaron. Puis une envie irrépressible de serrer le corps de Jack dans ses bras, de sentir son odeur sucrée et d'entendre son souffle si léger qu'à chaque expiration Hotch craignait qu'il ne se brise ou ne s'arrête, le prit.
Il resta là, immobile, avec l'envie folle d'appeler la tante de Jack qui veillait sur lui depuis la mort d'Haley, et de lui demander de réveiller son petit homme, afin d'entendre sa voix fluette et encore endormie. Sa main se leva un instant pour attraper son portable, puis retomba lourdement sur un pan de lit qui n'était pas recouvert de photos morbides. Un sourire douloureux déforma ses traits crispés : il connaissait trop bien cette douleur, ce manque et savait pertinemment qu'éveiller son fils au milieu de la nuit n'était pas une chose à faire. Surtout pour une raison aussi idiote et égoïste.
Il se promit donc de l'appeler lorsqu'il serait cinq heures du matin ici, soit huit heures en Virginie… Il lui parlerait juste avant qu'il ne parte pour l'école.
Légèrement apaisé par cette solution, il rassembla les documents et photos en un tas et les posa au sol, à côté du lit, pour pouvoir dormir : il avait lui aussi besoin d'un peu de repos. La journée de demain s'annonçait chargée : il devait livrer le profil à la police, parler à Reid de son comportement étrange et se rendre à l'université pour interroger les anciens professeurs des victimes et d'Hillman.
Ils trouveraient peut-être là une autre piste…
D'un geste machinal, il enleva sa cravate et déboutonna sa chemise. Son esprit ne put s'empêcher de lui rappeler que c'était Spencer qui leur avait offert ce suspect sur un plateau d'argent.
Il secoua vivement la tête : il était gagné par la paranoïa de l'inspecteur Roger. Il connaissait son agent, il connaissait Reid, jamais il ne les aurait envoyés consciemment sur une mauvaise piste.
Sauf s'il était impliqué et qu'il devait se protéger, songea-t-il.
Un frisson parcourut le dos du chef de l'équipe et il chassa aussitôt cette dernière pensée. Les images des cadavres réapparurent dans son esprit. Reid était incapable de faire ce genre de choses. De plus, il n'aurait clairement pas été assez imposant pour tenir en respect tous ces hommes…
Soudain, son portable se mit à sonner, le faisant sursauter. Il l'attrapa, lut le nom de Garcia et décrocha aussitôt :
-Bonsoir Garcia. Tu as trouvé quelque chose ?
La voix légèrement essoufflée de l'informaticienne lui répondit aussitôt avec empressement :
-Théoriquement, c'est plutôt « bonjour » puisque nous sommes le matin. Mais comme il fait encore nuit, je pense que votre bonsoir pourrait être accept…
Hotch la coupa, légèrement agacé par ses commentaires inutiles à une heure aussi tardive :
-Garcia, s'il te plaît, viens-en au but.
Il se représenta le visage légèrement honteux de la jeune femme, pendant qu'elle répondait d'une voix mal assurée :
-Désolée… Je… le café… Il est tard, je suis un peu… Bref, passons. Bon, je vais commencer par vous avouer mon échec concernant notre suspect : je n'ai aucune nouvelle d'Harper Hillman. Il s'est évaporé et, avant de le faire, il n'a même pas pris la peine de retirer de l'argent de ses comptes ou de vendre quoi que ce soit. Ce qui est, en soit, assez étrange pour quelqu'un qui a décidé de prendre la fuite en tuant des personnes à travers tout le pays… Après tout, je présume qu'il lui faut tout de même un peu d'argent et un véhicule… Enfin, je continue, malgré cet échec, à chercher la moindre trace de son passage dans les villes où ont été assassinées nos victimes.
Elle fit une pause et continua d'une voix tendue, presque tremblante, sur un rythme extrêmement rapide :
-Mais, en ce qui concerne le cliché, j'ai obtenu de bien meilleurs résultats ! En fait, j'ai réussi à identifier les trois hommes inconnus de la photo… Max Tilltew qui est malheureusement décédé dans un accident de voiture il y a quatre ans, Stefan Starte qui vit en Angleterre depuis cinq ans et enfin, le plus intéressant, Brandon Coolper qui vit dans la banlieue chic de… Richmond en Californie. Il est marié à une chirurgienne renommée et va bientôt être père.
Le cœur d'Hotch s'emballa aussitôt et se mit à cogner à toute allure dans sa poitrine :
-Envoie-moi les coordonnées de Brandon Coolper.
Garcia, sur un ton enjoué, lui répondit avec fierté :
-Déjà fait, monsieur.
Hotch entendit vaguement une voix masculine et éloignée commenter cette réplique d'un « Tu es la meilleure, ma Geek adorée » et fronça les sourcils. Il ne fit aucun commentaire sur l'indéniable présence de Kevin dans le bureau de l'informaticienne et la remercia avant de raccrocher :
-Merci Garcia. Très bon travail.
Il fourra son portable dans la poche de son pantalon, se leva d'un bond et se dirigea vers la porte qu'il ouvrit à la volée. Sans hésiter, il alla frapper à toutes les portes pour réveiller ses collègues. Rapidement, des têtes décoiffées aux yeux bouffis apparurent dans l'embrasure des portes. Hotch s'adressa à eux d'un ton ferme, parfaitement éveillé, contrairement à ses agents :
-Garcia a trouvé la prochaine victime de notre tueur. Nous nous rendons immédiatement sur place : c'est à dix minutes d'ici. Si notre unsub a remarqué notre arrivée en ville, il va vouloir tuer cet homme : nous devons nous dépêcher avant qu'il ne soit trop tard… Allez vous habiller en vitesse. JJ, préviens l'inspecteur Roger.
La détermination anima les yeux de Morgan qui disparut aussitôt dans sa chambre, Prentiss approuva sans dire un mot avant de se détourner pour enfiler autre chose que sa nuisette soyeuse, Rossi referma sa porte et JJ alla chercher son portable pour appeler des renforts.
Une lampe crasseuse jetait une lumière sale et énigmatique sur le couloir déserté. Seuls les battements de son cœur emplissaient cet espace vide et sinistre. Hotch rattacha rapidement les boutons de sa chemise, puis s'arrêta brusquement et lança un regard perplexe à l'une des portes fermées. Malgré l'agitation et les coups qu'il lui avait portée, la porte de Reid était restée close. Il se posta alors devant la chambre du benjamin de l'équipe avec un mauvais pressentiment et frappa quelques coups secs.
-Reid ? On a du nouveau, il faut que tu t'habilles et que tu nous rejoignes !
Il tendit l'oreille pour percevoir le moindre mouvement dans la chambre. Un profond silence, légèrement troublé par la voix de JJ qui contactait l'inspecteur Roger dans la pièce à côté, fit écho à cette phrase. Décontenancé, il toqua à nouveau, plus fort :
-Reid ? Tu es là ?
Aucune réponse. Aaron fronça les sourcils et sortit son téléphone portable de sa poche. Avec empressement, il composa le numéro de Spencer et entendit les bips réguliers résonner dans son oreille. Aucun bruit ne dérangea le silence dans lequel la chambre de Reid était plongée.
Visiblement, son agent n'était pas là et avait emporté son téléphone avec lui. Hotch hésita un instant à demander aux autres s'ils savaient où se trouvait le jeune homme et opta pour la discrétion. Spencer ne se sentait clairement pas bien et était peut-être simplement parti faire un tour pour soulager une insomnie tenace.
Pourtant un horrible pressentiment le tenaillait et le torturait…
Secouant la tête, il s'éloigna de la chambre de Reid et courut jusqu'à la sienne pour prendre ses armes et son gilet pare-balle. Une fois les premières respectivement attachées à sa ceinture et à son mollet et ce dernier enfilé, il sortit de la chambre. Morgan finissait d'attacher son gilet pare-balle dans le couloir et fut rejoint par Emily et Rossi.
JJ s'empressa de les retrouver, tout en plaçant son arme dans son étui. Rapidement, Hotch vérifia d'un œil avisé qu'ils portaient tous correctement leur gilet et qu'ils étaient tous armés. Il leur indiqua d'un signe de tête qu'ils pouvaient y aller et se dirigea d'un pas rapide vers l'ascenseur, même si, étant légèrement claustrophobe, il détestait cela. Tous les membres de son équipe gardaient le silence, à la fois tendus et fatigués.
La voix de Rossi coupa court à cette pénible tension :
-Attendez ! Où est Reid ?
Les dents serrées, Aaron appuya sur le bouton d'appel de l'ascenseur et les portes s'ouvrirent aussitôt. Il soupira profondément puis avoua assez platement :
-Je ne sais pas. Mais il n'est pas ici. On lui enverra un message en route pour qu'il nous rejoigne.
Toute l'équipe prit place dans l'ascenseur, dans un silence gêné et inquiet. Hotch capta le regard rassurant de Morgan et comprit aussitôt que Derek savait où se trouvait Spencer. Légèrement apaisé, Aaron regarda un peu plus sereinement les étages défiler…
Cependant, cet étrange mauvais pressentiment ne le quittait pas et le besoin de contacter Reid restait urgent…
Mais pour l'heure, il devait se concentrer sur Brandon Coolper.
Les éclats de miroir jonchaient le sol. Une sorte de flou artistique voilait l'image de ces débris et un sifflement aigu et entêtant lui transperçait les tympans. Son crâne était martelé par les souvenirs et une douleur innommable.
Un silence lugubre pesait douloureusement dans la pièce, à peine dérangé par leurs souffles. Le temps semblait s'être arrêté. Au loin, dans son crâne, il entendait encore ses propres cris… En tremblant, il posa la caméra qu'il tenait toujours en main, sur le bord de l'évier et gémit doucement.
La main de Spencer serra un peu plus le couteau poisseux logé dans sa paume. Le plaisir s'accompagnait toujours de cette infâme torture. Le soulagement naissait de cette vengeance aux relents âcres. Le manque n'était assouvi que par le sang.
Son regard trouble se posa sur le corps nu et recouvert d'excrément de sa victime. Une haine contre lui-même et contre cet individu qui avait fait naître en lui cette douleur et cette infamie, le submergea. S'il était un monstre, s'il avait mal, s'il avait besoin de tuer, c'était entre autre, à cause de cet être.
Tout était de sa faute.
Un grondement fit trembler ses lèvres et retentit comme une menace dans la salle de bain. Brusquement, il asséna à ce salaud un violent coup de pied au niveau de la rotule droite. Un craquement répugnant retentit dans la salle de bain et la jambe céda brutalement sous le poids de Brandon. En hurlant, l'homme s'effondra comme une masse dans les débris. Les éclats pénétrèrent sa peau et restèrent planter dans sa chair. Le sang et la merde maculèrent un peu plus le sol, formant une flaque ocre parsemée de fragments argentés.
Reid entendit vaguement son portable sonner mais n'y prêta aucune attention, captivé par les soubresauts qui soulevaient le corps de Brandon. Cette boule de chair et de sang sanglotait doucement. Sans ressentir la moindre compassion, Spencer sourit cruellement et respira plus rapidement… Son sang battait dans le bas de son ventre, à hauteur d'une bosse qui déformait délicieusement son pantalon.
Le plaisir était intense, presqu'irréel.
Spencer resta un instant ainsi, à savourer la douleur de l'homme à ses pieds, incapable d'esquisser le moindre geste. Il avait l'impression de ne plus habiter son propre corps, c'était comme s'il regardait un film, en étant totalement impuissant quant au sort de cet homme qui allait bientôt mourir… Ses pensées ne guidaient plus son corps, seuls l'instinct et l'hôte prévalaient sur tout.
Lentement, il sentit ses genoux plier et son corps s'abaisser pour atteindre la hauteur de Brandon. Une voix étrangement lointaine parla pour lui :
-Mets-toi sur le dos.
En tremblant, le visage couvert d'excréments, de vomi, de sang et de larmes, l'homme brisé s'exécuta, en poussant des geignements aigus et enroués. De nouveaux éclats s'enfoncèrent allègrement dans sa chair. Une forte odeur d'urine couvrit momentanément celle de l'hémoglobine et de la merde. Reid posa les yeux sur le sexe de sa victime et remarqua que Brandon était en train de se pisser dessus.
Pitoyable.
Il posa à nouveau les yeux sur le visage de cet homme et se reput de sa terreur et de sa souffrance. Croisant son regard, Brandon se mit aussitôt à le supplier:
-Pitié… J'ai mal… Spencer… laisse-moi… pitié… Je suis désolé… Je ne dirai à personne ce… que tu m'as fait… mais pitié… laisse-moi… Ne deviens pas un monstre… comme moi.
Les paroles de cette ignoble chose ne l'atteignirent pas… Il n'était plus un être humain à ses yeux, il n'était qu'un obstacle à la paix intérieure, au plaisir et à l'accomplissement de sa tâche, de sa mission. Il n'était qu'un monstre qui avait poussé le mal à germer en lui, à le ronger.
Il se releva sans dire un mot, reprit la caméra et exprima ses désirs d'une voix rauque :
-Je veux que tu t'arraches les ongles avec tes dents… Je veux que tu ressentes les pires douleurs…
L'homme au sol, se mit à geindre encore plus fort et à le supplier à nouveau :
-Je n'en… peux plus… pitié…
Reid joua avec son couteau au-dessus de Brandon et pencha un peu la tête :
-Ou alors, on attend ta charmante épouse et votre futur enfant… ? Fille ou garçon, en fait ?
Un lamentable hoquet secoua le corps de sa victime et les larmes roulèrent de plus belles sur ses joues.
-Non… Non… ! Je le fais… Je le fais…
Il approcha ses mains tremblantes de sa bouche… Les lèvres de Reid s'entrouvrirent et le plaisir vint par à-coups délicieux dans le creux de ses reins, sur le rythme de ses pulsations cardiaques. Les dents de Brandon s'enfoncèrent sous l'une de ses ongles et la soulevèrent. Un hurlement troubla la pièce et la respiration de Spencer devint encore plus rapide.
Soudain, la sonnerie de son portable retentit à nouveau, brisant le charme de cet horrible tableau… Le jeune homme poussa un cri de rage et sortit son téléphone de sa poche pour l'éteindre et avoir la paix.
Il remarqua alors qu'il avait raté un coup de fil d'Hotch, un quart d'heure plus tôt et que celui-ci venait juste de lui laisser un message… Habité par un mauvais pressentiment, il ouvrit ce dernier et le lut avec horreur :
« Garcia a identifié la prochaine victime de notre tueur : Brandon Coolper. Nous nous rendons à son domicile. Rejoins-nous dés que tu reçois ce message. Voici l'adresse :… »
Il ne prit même pas la peine de finir de lire ce message, sachant pertinemment où habitait Brandon puisqu'il était en ce moment-même chez lui, en train de le torturer.
Le flou artistique s'estompa aussitôt et la réalité crue le frappa violemment. L'homme à terre, couvert de sang, le fixait avec inquiétude et étonnement, la bouche couverte de sang…
Paniqué, Spencer entendit au loin des sirènes hurler dans la nuit… Ses collègues arrivaient. La police arrivait… Et il n'avait pas fini. Il était toujours ici avec sa victime.
Son esprit ankylosé par la terreur qui le gagnait, n'arrivait pas à se décider sur la marche à suivre : fallait-il achever Brandon au risque de se faire prendre ou fuir en espérant ne pas être rattrapé ?
Il entendit des crissements de pneus dans la rue et des portières claquer…
Tuer ou fuir ?
Pris d'une soudaine impulsion, il poussa un cri de colère, avant de se jeter sur Brandon et de planter son couteau dans son ventre. Il sentit le sang gicler sur son visage et entendit les éclaboussures résonner dans la pièce en touchant le sol. Un hurlement fit écho à ce geste brutal. Il lâcha sa caméra, attrapa les parties génitales de sa victime et l'émascula d'un geste précis. Brandon hurla et tenta de se relever, en vain. Le bras de Reid se leva à nouveau et s'abattit sur le torse de sa victime, s'enfonçant aisément dans sa cage thoracique.
Il sentit vaguement la main de Brandon tenter de le repousser et entendit au loin ses cris… Pour le faire taire, il enfonça sa lame d'un geste rapide dans sa gorge et, aveuglé par la panique, vit à peine le sang jaillir violemment de la plaie. Les hurlements de sa victime se noyèrent dans un gargouillis répugnant. Un soudain plaisir éclata dans le creux de ses reins et finit de brouiller son esprit. L'orgasme secoua son corps et le fit pousser un cri de plaisir… Le couteau pénétra encore et encore le torse de Brandon, dans un incessant et sinistre bruit de succion.
Sa lame s'abattit à nouveau plusieurs fois dans ce tas de chair en bouillie avant de rester suspendue au-dessus de cet amas de plaies.
Désorienté, il se releva et vit son reflet dans le miroir. Il était couvert de sang, de la tête aux pieds. Horrifié, il fixa ce zombie aux yeux exorbités, le cœur battant à tout rompre et gémit doucement, le corps secoué de spasmes douloureux.
Soudain, il entendit quelqu'un tambouriner à la porte de la maison, le tirant brutalement de sa lugubre contemplation… La voix grave de Morgan résonna dans la demeure : « Monsieur Coolper ? FBI ! Veuillez ouvrir votre porte s'il vous plaît ! ».
Paniqué, Reid ramassa la caméra maculée de sang et la rangea dans son sac avec son couteau. Il sortit alors de la salle de bain, traversa en vitesse la chambre et déboucha sur le couloir, en courant… Il entendit la porte sauter dans un claquement tonitruant au rez-de-chaussée. L'alarme se déclencha et se mit à brailler à l'intérieur comme à l'extérieur de la bâtisse.
Spencer courut jusqu'à la fenêtre ouverte et s'engouffra dans cette ouverture. Il arriva à retomber sur une branche et sauta aussitôt de l'arbre. Il tomba lourdement sur le sol mais réussit à se relever, malgré la douleur, et à partir en courant vers le fond assez boisé du jardin.
Les branches frappèrent violemment son visage maculé de sang, comme si elles essayaient de l'attraper au passage. Sa respiration et les battements de son cœur rythmaient sa course effrénée. Son sac ballotait contre sa cuisse droite, freinant légèrement sa fuite. Les phares des voitures éclairaient l'arrière du jardin, semblant suivre sa course, comme s'ils le visaient… Il entendait des voix derrière lui mais n'osait pas se retourner, de peur de se prendre les pieds dans une racine d'arbre ou dans une plante. Il ne savait pas si quelqu'un l'avait vu ou s'il était poursuivi.
Une chose était sûre : contre Morgan, à la course, il n'aurait aucune chance.
Une fois dans le fond du jardin, il sauta une petite haie et tomba dans le jardin d'une autre propriété. Désorienté, il se précipita droit devant lui et contourna une grande bâtisse. Le bruit de ses pas étouffé par la pelouse retentissait à ses oreilles et couvrait à peine le vacarme que produisait son cœur. Il déboucha sur une rue inconnue et continua à courir comme un dératé. Il sentit des larmes couler sur ses joues mais ne s'arrêta pas.
Au loin, il entendait les sirènes et le système d'alarme de la maison de Brandon hurler dans la nuit… Il courut sans s'arrêter, malgré la douleur qu'il ressentait dans ses jambes, totalement paniqué…
Il n'était visiblement pas suivi… Mais la traque allait sans doute bientôt démarrer. Il devait rentrer à l'hôtel, se trouver un abri et leur échapper.
Il poursuivit sa course sans savoir où il allait, essayant juste de s'éloigner le plus possible de ses poursuivants, du bruit des sirènes. Au bout d'une demi-heure, il s'arrêta au milieu d'une rue un peu miteuse pour s'orienter –en vain- et aperçut une benne à ordure. Sans hésiter, il enleva ses converses imbibées de sang et les jeta. Frigorifié et dérouté, il continua sa route en marchant rapidement, pieds nus, sans penser, sans réfléchir, sans même prendre garde à se cacher dés qu'une voiture passait…
Il tomba finalement sur une rue qu'il connaissait et soupira de soulagement… Il dirigea alors vers l'hôtel, déambulant dans la rue comme un automate vidé de sa substance. Tout ceci n'était qu'un étrange cauchemar, un mauvais rêve…
Il allait bien finir par se réveiller.
Il arriva enfin à l'hôtel. Le hall d'entrée était désert. Il prit les escaliers, comme un pantin désarticulé, enleva ses gants en latex couvert de sang et finit par atteindre le bon étage. Il avança lentement jusqu'à la porte de sa chambre, l'ouvrit en tremblant et pénétra dans la pièce sans prendre la peine d'allumer la lampe.
Un sanglot secoua son corps et rompit le silence.
Il jeta son sac sur le lit et se dirigea droit vers la salle de bain. Il était parcourut de tremblement et assaillit par des nausées. Il alluma la lumière, évita de regarder son reflet dans le miroir, pénétra dans la douche et enclencha l'arrivée d'eau. Un jet glacial frappa son visage et se mit à couler sur son corps. Pris d'une rage frénétique, il se déshabilla en vitesse et se mit à frotter sa peau en pleurant et en gémissant.
L'adrénaline le quittait et lui laissait un horrible goût d'inachevé.
L'eau à ses pieds était devenue rougeâtre et une forte odeur de sang s'en dégageait… Une nouvelle nausée lui retourna l'estomac.
Il se rappela de cette nuit où, après le viol, il était rentré chez lui et s'était longuement douché pour effacer les souillures… En vain.
A ce souvenir, il se laissa tomber au fond de la cabine de douche en gémissant pitoyablement. Cette soirée avait été un fiasco. Un terrible fiasco…
Un cercueil sombre dansa sous ses yeux…
Un torrent de larmes se mêla à l'eau qui se réchauffait lentement…
Des dizaines de visages mus par le plaisir apparurent devant lui…
L'eau brûlait sa peau.
Le cadavre de Brandon se mit à le narguer…
Il ne l'avait pas laissé se tuer. Il l'avait massacré… A coups de couteau. Un gémissement se perdit dans le bruit de l'eau qui brûlait son corps.
Il avait failli se faire attraper et avait sans doute laissé plein de preuves derrière lui…
La morsure de ce liquide bouillant sur sa peau était douloureuse mais ne semblait pas capable d'enlever tout le sang qui maculait son corps… Toute cette crasse, tous ces souvenirs.
Il poussa un cri de douleur, tout en posant sa tête sur ses genoux replié contre son torse.
Il était un meurtrier. Un meurtrier souillé.
A suivre…