Eldgala

Chapitre 3 : S'apprivoiser

Catégorie: G

Dernière mise à jour 09/11/2016 16:56

 

S'apprivoiser

 

         Nous fîmes une pause au bout de plusieurs heures de marche, vers midi, rythmées uniquement par le bruit des sabots des chevaux et les chants des oiseaux. Aucun de nous n'osa briser le silence gêné. Murtagh, en tête, avait toujours l'air aussi buté, il ne participait pas à détendre l'atmosphère. De plus, Eragon dut avoir le temps de réfléchir aux conséquences de sa décision si subite : moi comme fardeau, et la regretter tout à loisir, car il paraissait chagriné. J'étais donc au milieu de cette ambiance merveilleuse, en me demandant si je devais m'éclipser discrètement ou tenter de lancer la conversation, n'importe quoi. Je ne m'y risquai pas, j'étais trop lâche. Et puis j'avais peur que Murtagh se mît à cracher du feu, tellement il semblait irrité. Alors j'étais mal à l'aise, sur Nox, attentive à ce qui pourrait me sortir de cette situation délicate. Je ne pouvais que penser à mes quelques jours de solitude, où je ruminais mon chagrin, qui me paraissaient plutôt agréables finalement.

Murtagh mit pieds à terre le premier, aussitôt imité par le jeune Dragonnier. Je fis de même et allai attacher mon cheval avec les leur. Ils se mirent à déballer le nécessaire pour manger, toujours sans échanger un mot. Un énorme coup de vent, qui nous vrilla les tympans, indiqua que la dragonne nous rejoignait. Nox s'affola et je m'exhortai à le calmer. Au bout de maintes caresses et de chuchotements apaisants, il se détendit un peu, mais restait sur ses gardes. Je soupirai et me dis que j'aurais dû l'être aussi, et ne pas me laisser surprendre, comme une débutante, par un dragon. Ce n'est pas le genre de chose qu'on puisse louper. Le temps que je tempère l'émotion de ma monture, les deux garçons étaient installés et se partageaient leur repas. Je me sentais tout simplement de trop. Je fouillai pour trouver quelque chose de comestible dans mes affaires, quand mon regard se posa sur Saphira. Je crois que je ne me lasserais jamais de l'admirer. Sa tête triangulaire, ses griffes et ses crocs d'un blanc neigeux, ses ailes membraneuses, ses pics acérés, ses yeux et la couleur de ses écailles... Surtout ces deux dernières choses en fait. Son regard était si expressif, voulait dire tant de choses. Il vous clouait littéralement sur place, j'aurais pu m'y perdre. Et puis la nuance de sa couleur : tous les bleus que l'on pouvait imaginer. Le soleil la faisait flamboyer entièrement, elle était la chose la plus belle que j'aie jamais vue. Tout bonnement magnifique. Elle savait que je l'observais, mais elle faisait comme si elle ne me voyait pas. Elle s'occupait de nettoyer ses griffes avec application.

On se racla la gorge derrière moi, et je revins à ce que je faisais : trouver de quoi manger. Je vis ma dague, soigneusement cachée, hésitai une seconde, pour finir par la glisser dans ma botte. Je dénichai un restant de viande séchée, ma gourde et me plaçai en face d'eux. Je grignotai du bout des lèvres, en évitant de les regarder. Je ne savais pas pourquoi j'étais aussi si embarrassée. Je contemplais la cime des arbres alentour, les chevaux... Puis mes pensées vagabondèrent à nouveau. Toutes ces questions tourbillonnaient dans mon esprit, j'étais perdue. D'où venaient-ils? Voyageait-ils depuis longtemps? Et vers quel lieu? Pourquoi Gil'ead?... et des milliers d'autres. Je m'interrogeais aussi sur mon mal foudroyant et inopiné. Pourquoi maintenant? Mon instinct m'avait toujours servi, je devais ma survie à lui, le plus souvent. Mais, juste avant que je ne tombe sur Eragon, Murtagh et Saphira, une soudaine 'crise' m'avait frappée. Depuis j'avais l'impression d'être radicalement anesthésiée. Je ne percevais plus rien du tout. Pas le moindre sentiment d'appréhension, de danger. Rien. J'étais dans une bulle. Et pour arranger mon affaire, cela m'avait prit n'importe quand : dans la clairière quand je décampais, pendant mon inconscience – ce qui m'avait réveillée par la même occasion – et pendant la route, juste un peu avant la pause. L'intensité et la durée variaient, par exemple, pour la dernière ça n'avait été qu'une dizaine de secondes. Je ne m'expliquais pas ce phénomène, qui pourrait être un sérieux handicap pour l'avenir. Je pourrais m'évanouir pendant qu'une bande d'Urgals affamés déboulaient ou pendant un moment où il faudrait être rapide et discret. Cela m'inquiétait, est ce que ça allait continué encore longtemps? Ma boule au creux de l'estomac ne pouvait qu'en attesté. Quand j'eus fini mon fabuleux repas, je m'aperçus que Murtagh me fixait. Ses yeux étaient emplis de colère. Il me coupa dans mes réflexions. Je baissai les yeux pour me saisir de ma gourde, mais en les relevant je vis qu'il n'avait pas bougé d'un cil. Il me rendait vraiment nerveuse.

« Merci Murtagh, en plus des nombreuses questions qui me trottent dans la tête et qui m'angoissent, toi tu me fais stresser... », pensai-je tout en buvant.

Mais je me dis aussi que je n'allais pas me laisser faire. Je le dévisageais en retour. Ses cheveux foncés encadraient son visage de deux grandes mèches. Il était courageux sans aucun doute, et semblait en avoir vu des vertes et des pas mûres. Il n'était pas vilain, plutôt agréable à regarder même. Tout dans son attitude donnait l'impression de fermeté et de volonté. Mais pas de méchanceté ou de cruauté. Alors pourquoi ce regard venimeux? Encore et toujours des questions sans réponse. Je soupirai. Eragon se leva et je le suivis des yeux. Il se planta à côté de sa dragonne et elle se mit à ronronner. Nouvelle surprise concernant les dragons. Je n'en étais pas au bout, j'en étais certaine. Il la caressa et inspecta son harnachement. Murtagh les contempla également. Je profitai de ce petit moment de répit pour échapper à son regard inquisiteur. Je me faufilai sans bruit jusqu'à Nox, qui semblait toujours aussi tendu.

Je rangeai ma gourde et vérifiai ses sabots. Ils étaient impeccables. En me relevant, je constatai que Murtagh gesticulait et que les deux garçons se disputaient à voix basse. Je ne distinguais par leurs paroles, mais je n'avais pas besoin de les entendre. C'était sûrement à cause de moi. Je restai donc, à demi cachée par les chevaux, éloignée d'eux. Saphira grogna et se leva brutalement en déployant ses ailes. Nox sursauta et manqua de m'écraser contre l'arbre. Il caracolait et poussait des hennissements paniqués, ce qui agitaient les autres. Quel peureux ! Mais je comprenais et ne lui en voulais pas, il avait toujours été ainsi. Je le calmai comme à mon habitude, mentalement, privilège de n'importe qui sachant utiliser les capacités de son esprit. Je le caressais entre les deux yeux lui parlais d'une voix douce. Je fis de même avec les deux autres. Au bout de quelques secondes, les bois étaient redevenus silencieux. Très silencieux. Je compris que, même les garçons avaient interrompus leur querelle. Ils étaient restés dans leur position, Murtagh un doigt pointé dans ma direction. Les ailes de la dragonne de saphir laissaient passer la lumière à travers leur membrane, on entrevoyait les veines qui couraient sous sa peau. Son regard énigmatique était à nouveau sur moi. Et là, Murtagh explosa. Il me pointait toujours, mais ne contenait plus sa voix, il hurlait.

- Tu vois Eragon, c'est ça le problème ! C'est elle mon problème. On ne sait pas d'où elle sort, ce qu'elle veut, ni même si on peut lui faire confiance. Et toi tu gobes son baratin?! Tu as vu ce qu'elle vient de faire, son tour de passe passe avec les chevaux et puis hier, quand elle a évité nos flèches, ce n'était pas naturel ! Je te dis que c'est une erreur !!

Il continua à faire la liste des risques et de tout ce que je pourrais être ou pas ne pas être. Pour finir, il jura, se passa une main dans les cheveux et inspira profondément. Quant au Dragonnier et sa dragonne, ils restaient impassibles. Il attendit quelques secondes avant de répondre.

- Nous n'avons pas été assez méfiants avec toi non plus, du coup.

Sa répartie stupéfia Murtagh.

- Pardon?, réussit-il à articuler.

Entre temps je m'étais approchée. Je voulais participer à la cette conversation, cela m'agaçait qu'ils parlent de moi comme si je n'existais pas. Et puis j'avais été assez lâche comme ça.

- Murtagh, quand nous nous sommes... rencontrés, Saphira et moi n'avons été aussi réticents et aussi méfiants envers toi, comme tu l'es maintenant.

- Tu n'étais pas en état de t'inquiéter de grand chose, à ce moment là, répliqua l'intéressé.

- Nous n'avons pas eu une confiance aveugle en toi dès le premier instant, mais tu as fait tes preuves.

- Je peux savoir de quoi vous parlez?, m'enquis-je, curieuse.

Ce fut Eragon qui me répondit :

- J'essaie de faire comprendre à Murtagh qu'il ne faut pas être paranoïaque. Certes, nous devons être sur nos gardes, mais pas étriper quiconque croise notre route.

- Et moi j'essaie de lui faire comprendre qu'il est complètement stupide de ramasser tous les chiens égarés sur le bord de la route, termina Murtagh.

Sa réflexion m'offusqua.

- Tu me considères comme un chien égaré? Eh bien, mon cher Murtagh, le chien égaré comme tu dis, a cru deviner que tu ne connaissais pas Eragon depuis bien longtemps non plus. Alors le noble ramasseur de pauvres bêtes abandonnées devrait réfléchir avant d'ouvrir son clapet, même si ses capacités mentales ont l'air d'être assez limitées.

Je ne pus réprimer un sourire en voyant son expression. On aurait dit que je l'avais giflé. Une sorte de raclement sortit de la gorge de Saphira, comme des cailloux qu'on aurait broyés, je compris qu'elle riait. C'était très étrange.

- Nous nous connaissons depuis une semaine environ, annonça Eragon, dans des circonstances différentes, difficiles.

Il grimaça en se frottant les cotes.

- Il nous a sauvé la vie et a empêché notre capture.

Effectivement, ça aidait. Ce fut à mon tour d'être interloquée. Murtagh, un sauveur? Il se permettait de materner la dragonne et son Dragonnier, alors qu'il n'était avec eux depuis seulement quelques jours. Le moment de leur rencontre devait vraiment être particulier pour qu'ils se soient soudés ainsi. Traverser des épreuves ensemble rapproche en général. C'était peut-être leur cas. Quoi de plus normal que de vouloir les protéger?

- Écoute Murtagh, si j'étais un agent de votre ennemi, de l'Empire donc, je devrais vraiment être puissante pour m'attaquer à vous, toute seule. Je devrais vous mater en quelques secondes. Si j'avais été cette personne, j'en aurais eu largement le temps ce matin ou cette nuit. J'ai l'air de pouvoir vous neutraliser avec mes tours de passe-passe comme tu dis? D'ailleurs, ce ne sont pas des « tours de passe-passe », je fis les guillemets avec les mains, mais simplement de l'écoute et de la compréhension. Et puis, je suis dans le même sac que vous désormais, puisque je suis forcée de vous accompagner.

- Forcée? Personne ne t'oblige à faire quoi que ce soit. Tu peux partir, on ne te retient pas. Mais tu riras beaucoup moins quand les Ra'zacs t'auront mis la main dessus et qu'ils te tireront les vers du nez. Ah ! Mais j'oubliais, si tu es une de leurs petites copines, ils seront peut-être plus indulgents ! Alors, cours leur raconter ce que tu as vu.

Je ne relevai pas l'insulte.

- Les ra-quoi?

- Les Ra'zacs, répéta Eragon.

- Jamais entendu parlé. Mais leur nom fait froid dans le dos.

- Ils sont des serviteurs de Galbatorix, ils nous chassent. Ils sont immondes, très rapides et leur moment de prédilection est la nuit. Ils portent des capes noires, on ne connaît pas leurs visages, mais je suis sûr qu'ils sont monstrueux. Par chance, il ne semble n'y en avoir que deux, un grand et un petit.

- C'est eux qui vous sont tombés dessus, en déduisis-je.

Pour toute réponse, Eragon se massa les cotes et un voile de tristesse recouvrit son visage. Il y avait autre chose, mais je n'osai aller plus loin. C'était trop tôt, on ne se connaissait pas suffisamment.

- Mais, Murtagh le brave est arrivé à ce moment là, et a fait déguerpir les sales bestioles.

Je tentais un peu d'humour pour changer de sujet. La victime de ma plaisanterie ne cacha pas son agacement.

- Oui, heureusement qu'il était là, conclut Eragon.

Il était perdu dans ses pensées, le regard ailleurs. Saphira s'approcha et toucha son épaule du bout du nez. Je me détournais pour retourner vers Nox. Ce moment d'intimité leur appartenait, je ne voulais pas m'imposer. Mon cheval était toujours contracté. Peut-être allait-il s'habituer, mais j'en doutais. Je le détachai et me remis en selle, il était temps d'y aller. La petite troupe se remit en marche, encore et toujours vers le nord.

 

L'ambiance fut moins électrique durant la deuxième partie de la journée. Je me mis à espérer que nous pourrions finalement nous entendre, tous les trois. Enfin, tous les quatre. Car la dragonne était quelqu'un, elle était une personne à part entière, je le devinais, dans leur façon d'agir, de la consulter du regard. Elle et son Dragonnier devait communiquer, je ne savais pas encore comment, en tout cas pas à voix haute. J'étais quasiment sûre que c'était par la pensée, comme quand je communiquais avec les animaux. Mais je n'osais pas essayer avec elle. Ce serait irrespectueux et déplacé. Peut-être qu'un jour j'en aurais le privilège.

Mais mes sombres pensées vinrent gâcher mes petites rêvasseries. Je pensais encore à avant. Avant que tout ne dérapât. Quand tout allait bien à la ferme avec ma mère et mon père. Lorsque Père éduquait les jeunes chevaux. J'aurais pu passer mes journées à l'admirer. Mais Mère tenait absolument à ce que je vienne avec elle pour apprendre les ficelles du métier de guérisseuse. Elle était vraiment douée. On venait la chercher de très loin pour qu'elle aide une femme à accoucher ou pour soigner quelqu'un. Puis tout a basculé, du jour au lendemain. Père ne pouvait plus se lever. Il dépérit et mourut au bout d'un mois, sans aucune raison, malgré tous les soins de ma mère. Elle s'en voulait tant. Sa mort la brisa. Elle l'aimait trop, elle ne put vivre sans lui. Je la vis mourir un peu plus chaque jour, impuissante. Elle ne m'écoutait pas, elle sombrait. L'âme en peine, elle finit par ne plus se nourrir, ne plus dormir, ne plus pratiquer ce métier qu'elle aimait tellement. Elle passait ses journée assise dans la cuisine, l'oeil hagard. Je m'efforçais en vain de lui venir en aide, celui qui aurait pu la sauver n'était plus de ce monde. En l'espace d'une semaine, son état empira, je dus l'aliter. Elle délirait à cause d'une fièvre intense. Tout ce qu'elle m'avait enseigné ne servit strictement à rien. Rien ne fonctionnait, absolument rien. Je dus la regarder périr, je ne la quittais pas une seconde. Ce fut affreux.

Puis cette fameuse nuit, où elle ne parvenait plus à respirer, où je la pris dans mes bras, secouée par de violents sanglots, elle me souffla deux mots avant de rejoindre l'amour de sa vie. Cette scène me hanterait pour toujours, même si je luttai pour me souvenir d'eux quand tout était parfait. Mon père, grand, fort, avec ses cheveux raides et acajou – malgré les cheveux blancs - ses yeux doux, toujours avec ses chevaux. Il les adorait, et eux le lui rendaient bien. Ma mère avait de grands yeux en amande, leur couleur oscillait entre le bleu et le vert, ils pétillaient constamment. Elle avait de longs cheveux noirs et ondulés, une peau toujours blanche dont nombreuses étaient jalouses. Sa taille fine et ses petits bras cachaient une force physique impressionnante. J'avais hérité de ses magnifiques yeux et on disait souvent que j'étais son portrait craché, j'en étais fière. Par contre, j'avais la couleur des cheveux de mon père, ainsi que sa passion des chevaux, je lui ressemblais dans son caractère. La vision d'eux, respirant le bonheur me réconforta.

 

Murtagh sortit de son mutisme – miracle ! - pour discuter de chasse avec Eragon. Un sujet visiblement passionnant pour eux. Au début j'écoutais, mais je m'en lassai vite. Je n'aimais pas ça, c'était horrible de tuer des animaux, après avoir écouté leur pensées pendant des heures et partagé leur vie. Je décidai donc d'écouter les oiseaux, cela m'apaisa et chassa pour de bon mes tristes idées pour le reste de la journée. Vers la fin de l'après-midi, j'écoutais leur conversation qui avait déviée vers le maniement des armes. Ça m'intéressait assez, car je n'étais pas trop mauvaise au tir à l'arc et à l'épée. Étrangement, j'étais forte au combat à mains nues. Enfin pas au corps à corps, mais je connaissais des points sensibles et des prises pour neutraliser un adversaire rapidement, si j'étais désarmée. C'était mon père qui me les avaient apprises, et elles fonctionnaient bien, Murtagh en avait déjà fait les frais. Le soir venu, nous nous arrêtâmes au pied d'un immense chêne. Je me proposai pour ramasser du bois mort. Tandis que je m'éloignais, je vis que la dragonne me suivait de loin. Simple mesure de précaution. Je n'en fus pas étonnée, ils restaient sur leurs gardes, et ils avaient bien raison.

 

Après un maigre dîner, car je n'avais pas faim grâce à ma boule nichée au creux de l'estomac, les garçons se levèrent et dégainèrent leurs épées. Je fus si surprise que je faillis sortir ma dague et vendre chèrement ma peau. Eragon se contenta se prendre celle de son compagnon. Il murmura quelque chose et passa sa main sur la lame, avant de la lui restituer. Il fit de même avec la sienne. Elle était rouge, rouge sang et un énorme rubis faisait office de pommeau. Une épée de Dragonnier. Je n'eus pas le temps de l'admirer plus, il recommença son geste et ce fut là que j'aperçus un éclair bleuté entre ses doigts. De la magie. J'étais fascinée. Cependant, la bête tapie au fond de moi, choisit de s'éveiller à cet instant. Elle me griffa, s'étira jusqu'à être partout. Je me retins à grand peine de gémir, mes bras entourant mes genoux. Elle s'intensifiait de seconde en seconde, la sueur se mit à perler sur mon front. Des étoiles dansaient devant mes yeux. Puis, sans prévenir, elle reflua, comme à regret par pallier décroissant. En une minute, elle avait disparu, laissant place à une intense fatigue. Je respirais fortement. En relevant les yeux, je vis que les garçons me fixaient, ils avaient l'air inquiet.

- Est ce que ça va?, s'enquit Eragon.

Je fis oui d'un signe de tête et me fis violence pour me lever, je tremblais comme une feuille. J'aillai chercher ma couverture pour m'emmitoufler devant le feu de camp. Une fois assise, Eragon et Murtagh se mirent en position de combat. Mais, ils n'attaquèrent pas. C'était étrange, ils faisaient des mouvements au ralenti, comme s'ils répétaient une danse. C'était plutôt beau à regarder. Ils devaient faire ça pour ne pas oublier leur technique, sans pour autant se fatiguer. Et je doutais que le Dragonnier puisse combattre. Il grimaçait souvent en se déplaçant, alors en se battant...

- Je prends le premier tour de garde, signala Murtagh. Eragon, tu prends le second, Saphira le suivant, comme d'habitude, et Leha le dernier.

C'était le pire, car on se sentait fatigué tout le reste de la journée. Il me testait. Eh bien, il verrait, je ne broncherais pas, je ne lui ferais pas ce plaisir. J'encaissais, il pouvait se défouler, je resterais de marbre. Faire ses preuves. Montrer qu'on peut se rendre utile. Gagner la confiance, le respect. Cela prendrait du temps, mais nous en avions. Pour nous rendre à Gil'ead, il nous faudrait un mois. Je n'étais pas la tueuse sanguinaire ou la magicienne hors pair, comme se l'imaginait Murtagh. Enfin, je pourrais le devenir, s'il continuait à me traiter de la sorte...

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