Et les étoiles brillaient...
Le soir tombait sur l’Encanto, tout le monde rentrait chez soi ; retrouvait la quiétude de son foyer et la chaleur de sa famille. Pour Luisa, la soirée avait un goût amer. Les souvenirs de l’après-midi se ravivaient en son esprit, comme autant de lames brûlantes plongées dans son cœur. De l’instant fatidique où elle avait surpris Luciana et sa petite amie, en passant par l’instant funeste où elle avait explosé ; l’instant maudit où, à cause d’elle, sa plus vieille amie lui avait tourné le dos. À qui en vouloir ? Des raisons et des torts en avaient toutes les deux, même si cela lui coûtait de l’admettre.
Ce soir-là, alors que le repas familial semblait joyeux, la fille cadette de Julieta était aux abonnés absents. Elle, qui d’ordinaire avait si bon appétit, picorait de ci, de là. De toute façon, il n’y avait personne qui s’offusquerait de cela ; personne ne se préoccupait de ses états d’âme en général. Elle, le roc de la famille Madrigal, si elle paraissait aller mal, cela ne pouvait être que de la fatigue. Rien, ne pouvait l’ébranlée, après tout. Seulement, sa souffrance actuelle lui apparaissait semblable aux montagnes entourant l’Encanto : infranchissable ; insurmontable.
Cependant, ce serait seule, qu’elle devrait faire face, car elle ne pouvait décemment pas en parler à qui que ce soit. En parler, ce serait bien trop douloureux, mais il serait également impossible de passer à côté de ce qu’elle avait ressenti ; ce qu’elle ressentait encore. Ces sentiments, elle ne pouvait les confier à personne. Après tout, qui pourrait comprendre ; qui ne la jugerait pas ? Personne.
Tandis que chacun vaquait à ses occupations, Luisa se terra auprès du piano, une fois ses propres tâches terminées. Depuis toujours, c’était ici qu’elle trouvait la quiétude au sein de la Casita. Que ce soit assis au clavier, sans jamais en jouer ; elle ne savait pas en jouer de toutes manières. Ou alors, assise sur le petit muret carrelé, à écouter son père faire chanter les noires et les blanches. Ce soir encore, par mimétisme de ce dernier, elle caressait les touches, sans jamais faire sortir un son de l’instrument. Ses yeux noisette parcourraient le clavier, tout en imaginait les mains de son père, à la place des siennes.
— Tu sais que, tu pourrais apprendre, amor. Lança la voix joyeuse et chaleureuse d’Agustín.
Il lui souriait, tout en étant nonchalamment appuyé sur le piano. Elle lui offrit un maigre écho à son affection, en forçant ses lèvres à se fendre d’un tout petit sourire.
— Qu’est-ce qui ne va pas, corazón ? Tu n’as presque rien manger, ce soir et tu sembles si triste.
Luisa baissa alors ses grands yeux et retira ses mains du piano, pour enserrer ses avant-bras de ses mains.
— Rien. Je suis juste, très fatiguée.
Un bruit étouffé par le capitonnage du tabouret trahit l’arrivée à ses côtés de son père. Ce dernier passa alors une de ses mains sur son bras, dans un geste bienveillant de réconfort.
— ¡Ay, Luisita… Soupira-t-il faussement exaspéré. Tu es très forte et très douée pour beaucoup de choses. Il remit alors une mèche de cheveux bouclés derrière l’oreille de sa cadette. Mais tu ne sais absolument pas mentir.
Un incendie honteux naquit aux oreilles de l’adolescente, ainsi prise la main dans le sac. Et ta paupière tremble, quand tu essaies de le faire. Ironisa l’homme, qui rit lorsque la demoiselle passa ses doigts sur la traitresse. Amor, tu peux tout me dire.
Luisa releva ses yeux noisette vers son père, les joues rougies, les larmes au bord des cils et les lèvres tordues dans une douloureuse grimace. Ce serait tellement simple, de tout dire. À quel prix ? Ici, des oreilles entendraient tout et pourraient malencontreusement répéter ; par mégarde ou à dessein. Brusquement, elle détourna à nouveau le regard, pour le fixer sur le piano. La main d’Agustín se resserra sur son avant-bras.
— Je me suis disputée avec Luciana. Finit-elle par concéder. J’ai été injuste envers elle et… Elle ne poursuivit pas, trop consciente qu’elle en dirait trop.
Elle s’était interrogée longuement, sur les raisons qui l’avaient poussé à exploser ; elle savait désormais. Ce n’était pas tant que Luciana paraissait parfaite, ou même qu’elle trouvait cela insupportable. En réalité, c’était le seul moyen qu’elle avait trouvé pour manifester sa détresse ; de laisser s’échapper la jalousie qui lui flétrissait l’âme. Être ainsi avec elle, comme si elle n’avait rien vu ; comme si de rien n’était. Taire son inconfort ; taire ses envies les plus secrètes. À l’instant où elle avait explosé, elle aurait voulu être l’autre jeune fille ! Elle aurait souhaité que Luciana la regarde, qu’elle la serre et qu’elle l’embrasse, exactement comme ça. Blasphème ! Hérésie ! Alors, Luisa n’avait pas trouvé d’autre moyen de se défendre face à la tentation, que de blesser l’instigatrice de celle-ci.
— Oh… Son père vient prendre son menton entre ses doigts, pour forcer le contact visuel. Tu ne dois pas t’en faire pour ça. Son sourire franc et bienveillant lui fit du bien. Elle reviendra ; elle revient toujours. Ce n’est pas la première fois que les chemins de la vie vous séparent et sûrement pas la dernière. Mais vous vous retrouvez toujours. J’ignore pourquoi, mais cela m’amuse.
Une larme roula sur la pommette de l’adolescente, solitaire et acide. Son amie revenait toujours, c’est vrai. Malgré les multiples abandons de sa part ; malgré les prises de tête ; contre vents et marées. Mais pas cette fois. Et puis, voulait-elle réellement qu’elle revienne ? Elle ne saurait le dire. Oui et non.
Non. Car elle craignait d’exploser de nouveau, d’être faible et de succomber à ses émotions, si elle faisait à nouveau face, à celle qui rendait fou son pauvre cœur en émoi. Parce qu’elle redoutait à nouveau de sentir cette douleur atroce, qui déchirait tout son être, lorsqu’elle comprenait, qu’elle ne pourrait jamais être avec elle.
Oui. Car elle ne pouvait concevoir sa vie sans la présence de Luciana. Le monde n’aurait plus la même saveur, les étoiles ne brilleraient plus de la même façon, sans la présence rassurante de la jeune femme auprès d’elle. Revenir le soir du travail et ne pas la trouver là, à jouer avec Antonio, ou converser avec Mirabel. Oh, qu’elle espérait ne pas avoir provoqué cela.
Tout en fixant les yeux de son père, tandis qu’elle pleurait en silence, elle vit son expression aimable fondre, pour devenir de l’inquiétude.
— Elle ne reviendra pas, cette fois. Je le sais. Murmura-t-elle en étouffant de son mieux un sanglot, qui voulait lui déchirer la gorge.
Luciana ne reviendrait, que si elle changeait. Elle l’avait compris, mais il lui était impossible de l’intégrer. La sœur de Mariano ne supportait plus de revenir de son propre chef ; de la tenir à bout de bras, tandis qu’elle s’enfonçait sur un chemin qu’elle ne cautionnait pas. De cela, Luisa ne lui en voulait pas. Après tout, nombreuses avaient été les mises en garde. C’était cette fois, celle de trop.
— Je dois m’excuser, mais je ne suis pas sûre, qu’elle m’écoutera. Pas tout de suite. Conclu la jeune fille en essuyant ses larmes, afin que personne d’autre que son père, n’ai eu le temps de la voir ainsi ; afin de reprendre le contrôle d’elle-même.
Son cœur meurtrit ne pouvait pas demander pardon. Pas alors qu’il pleurait une blessure aussi profonde ; pas quand, malgré la raison, il espérait encore qu’elle reviendrait comme d’ordinaire.
Agustín prit alors sa fille cadette dans ses bras, avec douceur et affection, la serrant en frictionnant ses épaules.
— Il faudra peut-être, un peu de temps, corazón, mais ça va s’arranger. Je le sais.
Derrière les murs de Casita, Bruno s’emmêlait nerveusement les doigts et une larme brillait aux coins de ses yeux verts. Si seulement, son beau-frère avait raison. Il avait beau être maladroit, il aurait tout fait pour ses filles ; les autres femmes de sa vie. Tandis qu’il les observait, le fils Madrigal revoyait sa prophétie se jouer dans son esprit et, ses larmes devinrent plus pressantes.
— Va. Dit-il à l’un de ses compagnons rongeurs, avant de le regarder disparaître à la hâte.
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La nuit était paisible et la lune pleine. Ses rayons laiteux faisaient briller la surface de l’eau, qui ondulait au gré de l’humeur de la chute d’eau. L’endroit paraissait sorti d’un conte de fée. L’eau limpide était limpide et laissait entrevoir les algues dans leur chorégraphie aquatique ; entrevoir les poissons somnolents paresseusement sous la surface. Les lucioles allaient et venaient dans un ballet aérien. Puis disparaissaient, parfois, des œuvres de quelques grenouilles cachées dans les herbes hautes.
Au bord de ce bassin naturel, Luciana était assise sur un rocher plat, observant la scène, tout en jouant avec un galet aux couleurs particulières ; des galets que l’on ne trouvait qu’ici. Ici, c’était l’endroit où Bruno l’avait trouvée des années plus tôt ; où sa mère avait trouvé la mort. Cet endroit aurait toujours une place à part dans son cœur. À la fois source de joie et de peine, il était devenu le lieu de ses rendez-vous secret avec son père de cœur, depuis sept ans déjà. Cette nuit encore, elle l’attendait, en compagnie de l’un de ses amis rats.
— Àngelita ? La voix timide et hésitante de Bruno la sortit de ses pensées et de sa contemplation silencieuse.
À la lumière de leurs chandelles respectives, elle lui sourit, en une secrète invitation à la rejoindre. Ils se serrèrent dans les bras l’un de l’autre, avant de s’asseoir à nouveau de concert, afin d’observer les lieux comme une seule et même personne, bras dessus, bras dessous. Souvent, ils aimaient simplement se retrouver là, assis quelques heures, souvent en silence ; juste tous les deux. Mais ce soir, Brunon avait des choses à dire.
— Tu n’as rien à me raconter, Lucia’ ? Comment cela se passe-t-il avec Alejandra ? Demanda-t-il pour briser la glace ; préférant attendre avant de parler de choses plus préoccupantes.
Il savait, effectivement, que la jeune femme n’avait pas des goûts communs dans ses relations amoureux et, il ne la jugeait pas. Il se préférait dans le rôle du père aimant, du soutien indéfectible et dans l’oreille attentive, que dans celui de l’accusateur moralisateur. Ce rôle-là, il le laissait volontiers à sa mère. Finalement, tout ce qui lui importait, c’était le bonheur de Luciana ; le bonheur de sa famille. Et ce, en dépit de tout et de lui-même.
— Tout va bien, je te remercie, Papa Bruno. Répondit-elle dans un souffle. Je sais, que tu ne l’apprécies pas. Et je sais également, que tu ne veux pas vraiment me parler de ça. Son expression était légèrement espiègle, mais elle redevient très vite sérieuse. Il s’agit de Luisa, pas vrai ? Son intuition se confirma, lorsqu’elle le vit tortiller une mèche de ses cheveux ébène. Elle soupira alors. Écoute, je sais que j’ai été dure avec elle, mais je ne pouvais pas faire autrement. J’en ai assez, tu comprends ? Assez de la voir s’esquinter ; de se tuer à la tâche sans rien dire. Assez de ramasser les dégâts, quand enfin, elle risque d’exploser ! Je rêve, qu’elle explose une bonne fois, mais sur les bonnes personnes !
— Elle n’en fera rien et, tu le sais très bien. Mais oui, je comprends. Je ne te dirais pas de faire, comme si rien ne s’était passé, mais cette famille… Commença Bruno, avant d’être interrompu.
— Est dysfonctionnel et toxique pour chacun de ses membres ? Oui, j’ai fini par le remarquer. Trancha Luciana en secouant sa longue chevelure de jais. Mais comment leur faire comprendre, lorsqu’ils s’obstinent à porter des œillères ; leur faire comprendre, quand même toi, tu as fui cela à demi ?
Le fils d’Alma Madrigal se recroquevilla sur lui-même, entremêlant à nouveau ses doigts nerveusement. Il ne savait que répondre à cela ; face à tant de vérité, même amère. Luciana lui prit alors la main, pour le faire cesser, bien que consciente du poids pesant sur les épaules de l’homme à ses côtés. Le silence s’installa de nouveau entre eux, comme souvent lorsqu’il fallait digérer une information capitale. Ses visions se réalisaient toujours, il le savait parfaitement. Chaque fois, cela s’était vérifié et vouloir avoir une quelconque emprise dessus s’avérait utopique. Toutefois, il ne pouvait s’empêcher d’essayer, malgré tout. Cela justifiait son départ de la famille ; justifiait qu’il était là ce soir. Parce qu’il s’avait l’ouverture terminée et que, l’acte un du drame démarrait maintenant.
— Vous avez toujours cru, que je n’avais pas eu de vision, concernant Luisa. Les yeux émeraude de Luciana, à ses côtés, s’obscurcirent alors. En vérité, abuela, l’a détruite le soir même, pour ne jamais lui montrer.
Brusquement, Bruno se leva pour s’approcher de l’eau. Dans son dos, en silence, la jeune Guzmàn attendait la suite, tout en sentant venir la tragédie.
— Dans cette vision, je voyais une tragédie se jouer et, Luisa tenté de tenir coûte que coûte. À mesure que le temps passait, elle pliait. Puis, comme un colosse aux pieds d’argile, elle finissait par s’effondrée, le cœur brisé. Toute cette pression qu’on lui impose, qu’elle s’impose, aura raison de la fillette que nous aimons tant, toi et moi. Je sais, que cela arrivera, quoi qu’on fasse, mais je veux tout tenter, pour le contrer. Si, c’est possible, je dois essayer. Ses mains derrière son ruana, il fit silence après cette confession.
Derrière lui, la jeune femme laissa s’échapper une larme solitaire, sans émettre de bruit. Elle revoyait dans ses souvenirs, le bébé dans les bras de Julieta ; cette petite chose qui paraissait si solide, malgré sa fragilité. Des scènes d’enfance joyeuses repassaient dans son esprit ; des moments de complicités ; des moments de tendresse. Mais aussi, ces instants de tristesses, d’abandon et de fragilité, que Luisa combattait sans aucune pitié pour elle-même ; par peur de la faiblesse. Le drame se jouait depuis si longtemps maintenant, qu’elle se demanda, qu’elle prise, ils pourraient bien encore avoir dessus. Et pourtant, ce ne fût pas cette question, qu’elle posa à Bruno.
— Est-ce moi, qui lui brise le cœur ? Cela était sorti comme un appel à l’aide ; comme une supplique pour une réponse négative.
Bruno se retourna alors, l’air sombre et la mine très sérieuse.
— Oui. Mais tu ne seras pas la seule.
La réplique avait semblé claquer dans l’air, comme un coup de tonnerre dans le ciel ; comme la lame de l’épée sur une nuque offerte au supplice. Luciana trembla un instant, tout en soutenant le regard de celui qui était comme un père pour elle. Ensuite, elle détourna ses yeux émeraude en reniflant bruyamment ; en luttant contre ses émotions. Le plus âgé hésita, entre rester immobile, spectateur ou enlacer la jeune femme ; entre parler ou se taire.
Finalement, son instinct paternel prit le dessus et, il vient la prendre dans ses bras, pour la serrer aussi fort qu’il le put. Dès lors, Luciana pleura tout son soûl, en le serrant également, de toutes ses forces.
— Pourquoi n’as-tu jamais rien dit ? Lança-t-elle entre deux sanglots. Pourquoi m’as-tu laissé être si proche d’elle, lorsque tu savais que je lui ferais tant de mal ?
La colère était inévitable, car le poids du chagrin était trop lourd et le poids des responsabilités aussi. Elle encaissait le fardeau des reproches, pour un acte qu’elle n’avait pas encore commis. Désormais, elle était une coupable sans crimes et, ne pouvait vivre que dans l’attente de son méfait à venir, contre lequel elle ne pourrait rien. Personne n’a de prise sur l’avenir.
— Je n’ai rien dit, parce que je ne pouvais rien changer. Ángelita, tu étais déjà aussi proche d’elle, que l’on peut l’être, alors qu’elle venait à peine de naître ! Le mal était déjà fait, sans que nous ne le sachions. Il prit son visage humide en coupe entre ses mains, afin de la regarder dans les yeux. Je n’ai pas dit, que tu ne pouvais pas réussir à réparer. Je n’en sais rien. Personne n’en sait rien. Mais on peut essayer de le retarder.
— Comment ? Demanda-t-elle alors, à demi désespérée et à demi rageuse, tout en le fixant dans les yeux. Comment est-ce qu’on retarde l’inévitable ? Est-ce même une bonne idée, seulement ?
Un instant, le fils Madrigal voulu rendre les armes, devant des questions aussi sensées et logiques. Oui, n’était-ce pas dépenser de l’énergie pour rien ? Peut-être que Luciana avait raison, qu’ils feraient tout ça pour rien.
— Que te dit ton cœur ? Est-ce que nous ne nous en voudrions pas, de ne pas essayer ? Ne trouverons-nous pas, un maigre réconfort d’avoir tout tenter ?
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— Luisa, les ânes ce sont de nouveaux échapper. Lança timidement le señor Ramirez, tout en vérifiant que la protectrice attitrée de la jeune Madrigal n’était pas dans le coin ; craignant une nouvelle réprimande.
— J’y vais ! Clama Luisa, tout en reposant la palette de pierre, qu’elle soulevait précédemment, devant la nouvelle maison en construction.
D’un pas déterminé, elle s’en alla vers les sentiers libres, où l’herbe semblait plus appétissante pour les ânes, que celle de leur pâture. Ce matin, elle était partie la première, sans attendre personne. Elle avait une longue liste de choses à faire, notamment des tâches non effectuées la veille. Mais pas seulement. Si, elle avait fait cela, c’était aussi pour éviter l’arrivée de Luciana. Elle n’avait pas dormi de la nuit, en pensant à ce qui se passerait au matin. Elle ne voulait pas voir la colère, ni le mépris sur le visage de celle qu’elle aimait tant. Alors, elle avait lâchement fui et, elle le confesserait, elle en avait honte.
Sur la route, elle prit en charge les ânes retardataires du troupeau tout en maugréant contre Ramirez et son incapacité à les garder enfermés. Soudain, elle se stoppa net, comme frappée par la foudre ; manquant de peu de lâcher un des animaux qu’elle transportait.
— Bonjour, Luisa.
Sa némésis se trouvait là, au milieu des ânes, comme si elle semblait l’attendre. Nulle trace de colère ou de reproche dans sa voix ; son attitude était calme et posée. L’adolescente reposa son chargement précautionneusement, avant de faire face à la jeune femme. Elle était perdue, ne sachant que dire ; ne sachant que faire. Elle ne parvenait même pas à lui répondre, même pas une simple salutation. En revanche, tout son être trahissait son inconfort. Ses oreilles rougissaient ; ses bras se croisaient en signe de protection ; sa paupière tremblait et ses yeux se remplissaient de larmes.
Sans un mot, Luciana ouvrit largement ses bras face à elle, avec un sourire aimable. Il n’en fallu guère plus, Luisa couru la rejoindre et fondre dans ses bras en pleurant ; marmonnant quelques demandes de pardon et vagues explications sur son comportement de la veille ; soulagée d’avoir retrouvé l’autre fille, comme toujours.
Ce n’était pourtant plus comme avant. Rien, ne le serait plus jamais. La demoiselle Guzmán fixait le paysage, tout en caressant le dos de la plus jeune, retenant des larmes d’une tout autre amertume ; s’interdisant de demander pardon à la jeune fille. Tandis que dans son dos, Antonio serrait ses petites mains sur les bras de sa cousine, pour la réconforter lui aussi.