[Nathaniel][Castiel] La passion des Amants Maudits

Chapitre 12 : Epilogue

Chapitre final

1578 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 24/03/2019 19:59

10 ans plus tard…

 

Le silence imposant qui accompagnait la voix du professeur se brisa quand la sonnerie retentit. Les élèves, pris d’une effervescence soudaine, commencèrent à discuter tout en rangeant leurs affaires de part et d’autre de l’amphithéâtre. La maîtresse de conférences soupira en voyant ces bancs qui se vidaient progressivement. Elle avait encore tant à dire ! Et si peu de temps !

Un sourire illumina son visage en voyant quelques étudiants se diriger vers elle. Elle devina à la vue de leurs petits yeux curieux qu’ils avaient des questions en rapport avec ce qu’elle venait d’exposer. Cela lui faisait toujours plaisir, ces questions annexes… Une fille se fit porte-parole du petit groupe.

-Professeur, ce que vous avez dépeint sur Gargantua… on a trouvé cela brillant. Et on se demandait si les extraits de Rabelais pouvaient être lié au domaine des mathématiques. Nous savons que cela peut être de l’ordre de la surinterprétation, pourtant il semblerait qu’il y ait correspondance…

Le professeur, au visage encore si jeune, semblait avoir vécu un millénaire. Ce n’était ni à cause de la surabondance de ses connaissances, ni le recul qu’elle avait sur la littérature, ni même son caractère posé qui justifiait cela.

Non.

C’étaient ses yeux, brillant toujours tristement. Ils semblaient avoir vu trop de choses, perdu leur jeunesse initiale. Ternis peut être par la douleur. Quand elle leur répondit, ce fut avec un léger sourire aux lèvres.

-Je vous invite à lire Michel Butor. Une excellente thèse sur les chiffre six et sept dans l’œuvre de Rabelais est exposée. Vous avez trouvé un filon de recherche intéressant, mais malheureusement déjà exploré.

Les membres du petit groupe n’eurent pas l’air déçus. Ils se sentirent visionnaires, voyants, comme des « voleurs de feu » rimbaldiens. Ils se complaisaient dans cette découverte, se félicitaient de légers mouvements du bras, d’échanges de regards.

-Professeur…pensez-vous un jour faire vous aussi une thèse sur les rapports entre lettres et sciences ? En particulier littérature et mathématique ?

Le léger sourire qu’elle avait s’envola d’un battement d’ailes. Son regard se voila légèrement.

Un souvenir lointain vint lui effleurer l’esprit. Elle se revoyait loin, très loin. Comme si tout n’avait été qu’un mirage, qu’une ruse de son esprit contre elle-même.

« -Je ne suis pas très intéressante comme fille, je risque de te décevoir.

-Impossible ! Je n’ai jamais vu une fille aussi intelligente que toi, une fille avec autant de charme, et aussi mystérieuse…

Parlait-il de moi ?

-Merci… mais je me permets de te retourner le compliment. Après tout, tu m’as volé la première place en maths, et puis, je ne sais pas grand-chose sur toi non plus….»



-Madame ?... dit une petite voix

La jeune enseignante reprit son esprit.

-Mon domaine c’est la littérature.

A ces mots secs, elle conclut la conversation en disant qu’elle avait un rendez-vous important. Le professeur de littérature quitta ses élèves d’un pas pressé. Ils se regardèrent, interdits, en ayant l’impression dérangeante d’avoir vexé leur idole.

Elle connaissait quelqu’un qui aurait mérité allier sciences et lettres. Elle connaissait quelqu’un de brillant qui aurait dû avoir cet honneur.

D’un pas pressé, ses escarpins noirs claquant sur le parquet de la Sorbonne, elle sortit de l’endroit où elle avait toujours rêvé étudié, où elle n’aurait jamais un jour imaginé pouvoir enseigner. C’était une victoire sur la vie de faite. Qui avait un goût peut être un peu trop fade. Ou peut être trop amer.

Elle prit le métro, se dirigea dans ce sous-terrain avec un automatisme affolant. Une fois chez elle, dans ce qui n’était plus un studio, mais un bel appartement, elle prit une douche brûlante, s’habilla, et mit sa petite robe noire pour aller à son rendez-vous. En regardant l’heure, elle se rendit compte qu’elle était en retard. Elle était toujours en retard. Pour tous les événements de la vie. La jeune femme qui devait avoir bientôt la trentaine, en paraissait vingt avec cette tenue. De beaux cheveux noirs, avec de légères boucles, ne touchaient même pas ses épaules. Ils contrastaient avec la pâleur de son visage, la profondeur de ses lèvres sanguines. Elle était prête.

Sans hésiter, elle marcha jusqu’au restaurant Laurent qu’elle connaissait bien. A chaque fois qu’elle y posait le pied, une vague de nostalgie la caressait tranquillement, profitant du contact du corps pour écarter de quelques millimètres les plaies de son cœur.

Un garçon, en costume en queue de pie, vint lui demander son nom.

-Rima, c’est Rima.

-Si vous voulez bien me suivre…votre table vous attend.

La table qu’on lui présenta était réellement bien placée…

« Pas trop loin du reste des clients pour ne pas se sentir isolés, mais pas trop près non plus pour garder de l’intimité. Une musique feutrée flottait dans l’air. Les pas étouffés des serveurs guidaient la danse. Et les bougies aux chandelles rendaient le regard du jeune homme qui me faisait face encore plus douceâtre. Il n’avait rien du jeune homme timide qui m’avait invité à dîner sans même pouvoir accrocher mon regard. »

Rima s’assit, dans cette table à deux, contemplant le siège vide face à elle. En un murmure, elle s’excusa du retard. Elle s’imagina qu’il lui répondait.

Comme chaque vendredi soir depuis son retour sur terre, elle venait dîner ici. Dix ans qu’elle reprenait du jus de citron-menthe comme rafraichissement. Dix ans qu’elle choisissait un magret de canard fumé aux éclats de noix, sans souhaiter pour le moins du monde tester les autres étrangetés françaises du menu. Dix ans qu’elle ritualisait ses vendredis.

Le garçon lui ramena son plat. C’était à ce moment là qu’elle sortait la lettre écrite dans un vieux parchemin, à l’encre noir qui pourtant commençait à s’effacer. Elle la lisait, interdite. Dix ans qu’elle ne comprenait pas pourquoi il lui avait fait ça. Elle aurait préféré ne jamais savoir ce qui était inscrit pour l’éternité dans ce maudit papier.

Elle voulait lui dire tellement de choses. Ce qui la démangeait le plus, ce qui la rendait malade, ce qui la tuait tous les jours à petits feux, ce qui la vieillissait avant l’âge… c’était de lui dire qu’il avait tort. Il avait tort oui ! Tort sur tous les points ! Tort, tort, tort, il ne devait pas mourir. Ses visions étaient fausses. Ses visions de l’avenir étaient totalement manipulées. Car elle n’aurait jamais d’avenir commun avec Castiel. Castiel n’était rien. Elle l’avait perdu de vue depuis des années. Elle aurait préféré qu’il meure. Que jamais Nathaniel n’ait à se sacrifier pour cet homme que désormais elle détestait peut être injustement.

Ce qui était sûr, c’est que cette lettre l’empêche de vivre. Rima ne peut pas se résoudre à la déchirer. Car sa Vérité est indestructible.

Il est mort.

Enterré.

Même aux yeux des autres il n’a jamais existé.

Eel, ce royaume corrompu, ce royaume qui sacrifie les innocents et valorise les démons ! Ce royaume égoïste qui ne pense qu’à sa gloire et stabilité propre. Elle le maudissait. Tous les souvenirs qu’avaient les autres de Nathaniel ont été remplacés par Castiel. Toujours Castiel. Il endossait à lui seul la beauté des phrases qu’à pu prononcer Nathaniel, il avait la gloire de son esprit brillant, il avait le respect de ses amis. Mais il n’aurait pas son amour. Jamais

Cette situation la tuait.

C’était comme s’il n’avait jamais existé…

Elle seule portait le poids la mémoire, refusant délibérément l’oubli.

Quand Iris lui parlait de Castiel, elle s’indignait en criant que Castiel n’avait jamais dit ça ou fait ça ! Leur relation s’est dégradée. Rima a commencée à s’isoler. Bientôt on la prit pour une folle. Personne ne comprenait plus ce qu’elle disait. C’était sûrement dû au coup qu’elle avait reçu à la tête en tombant, le jour où elle est allée dans les bois avec Castiel, se disaient-ils. Mais bien sûr.

Qu’ils la prennent pour une folle ! Ça lui importait peu. Car elle avait à jamais perdu sa seule et unique moitié.

Loup blanc et loup noir ne pourront plus se voir.

Ils sont maudits, comme les rois,

Qui régnèrent sans lois,

Pour ne plus faire face au miroir

Reflétant leurs vices et leurs histoires

 

Elle le voyait là, comme un fantôme, souriant de ses lèvres fines, écartant négligemment une mèche d’or couvrant ses yeux de blé. Tous les jours étaient des vendredis. Et elle pleurait chaque vendredi depuis une éternité.

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