Olwë : Les chimères Oniriques
Katelyn finit son petit déjeuner. Un gros bouvier bernois se leva lourdement du canapé et se dirigea lentement vers elle. Kat lui donna la moitié de son pain grillé. Elle se leva et se servit une tranche de tarte au chocolat et aux noix dont son père avait la recette. Elle alla la manger devant la baie vitrée de la cuisine qui donnait vers les ruines de la maison en face de chez elle. Le toit avait disparu, les murs étaient couverts de lierre et de vigne vierge. Une voûte en pierre trônait majestueusement à l'entrée. Le chien s'assit près d'elle, ainsi que son chat guettant les oiseaux venus chercher quelques brindilles. Kat posa la main sur le haut du crâne du chien._Eos, ça te dit d'aller faire une balade ? Lui demanda-t-elle en le caressant.Elle n'eut pour toute réponse qu'un aboiement enthousiaste. Katelyn monta à l'étage, prit son sac en toile dans lequel se trouvait l'herbier qu'elle avait hérité de sa mère, son appareil photo, ses crayons, son livre de contes et légendes, ainsi qu'une petite fiole en verre. Kat aimait par-dessus tout lire en pleine forêt, entendre parler les arbres, comme elle le disait souvent à son père, sentir l'odeur du feuillage, se sentir libre, comme si rien ne pouvait plus la retenir à la réalité. Elle aimait rêver. Elle se souvint qu'elle avait déjà eu l'impression que quelqu'un ou quelque chose l'avait observée pendant qu'elle se baladait. Mais elle devait se faire des idées, comme toujours avec son imagination débordante, Kat était toujours à part. Elle n'avait jamais pu s'intégrer. Elle avait eu une éducation chez elle, étant petite, sa santé avait été toujours très fragile après le décès de sa mère.En allant au collège, puis au lycée, Katelyn avait toujours été le souffre-douleur, le bouc émissaire des autres élèves, moquée par les filles et persécutée par les garçons. Un souvenir douloureux lui vint à l'esprit. Elle se revoyait adolescente, à genoux, isolée dans un coin de la cour à l'abri des regards. Un groupe de trois ou quatre élèves au-dessus d'elle tentait de lui faire manger un crapaud vivant. Ils criaient tous « Tu es une sorcière, les sorcières ça aime les crapauds ! » « Sorcière ! ». Un des quatre garçons la maintenait à terre, tandis qu'un autre la forçait à ouvrir la bouche et à manger la petite créature. La douleur lui était insupportable, encore à cet âge elle était faible. Fermant les yeux aussi fort qu'elle le put, un éclair de douleur la força à revenir à elle. Les larmes aux yeux, elle posa son regard sur la paume de sa main en sang. La fiole qu'elle tenait avait éclaté. Prise de panique, elle se réfugia dans la salle de bains, nettoya à grande eau sa blessure et extirpa tous les minuscules morceaux de verres qui y étaient plantés. Plus de peur que de mal, les minuscules petites traces s'étaient arrêtées de saigner. Elle banda sa main avec quelques morceaux de scotch et de compresses. Elle descendit avec son sac, prit la laisse du chien, enfila son blouson de cuir, puis sortit de chez elle et ferma la porte._Eos, viens là mon beau ! Appela-t-elle.Le chien arriva et s'assit, elle attacha sa laisse. Elle commença à avancer quand elle faillit tomber, elle regarda vers l'objet de sa chute._Onyx ! S'écria-t-elle. Tu es vraiment chiante ! Tu nous suis mais ne te perds pas comme la dernière fois ! Gronda-t-elle le chat noir, qui la regardait malicieusement.Katelyn contourna la maison en ruines, puis enjamba un petit ruisseau et s'enfonça dans la forêt. Celle-ci était dense, remplie de grands arbres de diverses variétés. Les palettes de verts s'entremêlaient, prenant l'aspect d'une toile romantique. Le chemin avait été pavé de galets de rivière. Les pas de Kat retentissaient dans la forêt parmi le bruit des feuillages, le chant matinal des oiseaux, le craquement des arbres. Une brise légère s'éleva. Une biche passa devant eux, elle s'arrêta et les scruta de ses immenses yeux. Eos se mit à l'arrêt, Kat le caressa pour le calmer. La biche partit au galop. Les feuilles tombèrent en pluie sur le chemin. L'odeur du houx et des champignons était forte, Katelyn prit avidement une bouffée d'air. Ils continuèrent à marcher, encore, et encore, jusqu'à ce que le chemin pavé disparaisse pour être remplacé par un épais tapis de feuilles mortes et de mousse vert foncé. Arrivée près d'un gros chêne, elle s'agenouilla près d'Eos et lui retira sa laisse._Je sais que tu m'écoutes mon gros ! Tu peux aller te promener, mais tu reviens ! Et toi, Ony... Elle regarda le chat qui lui ramenait fièrement son trophée, une petite musaraigne qui gémissait. Lâche là ! la gronda Kat.Mais le chat ne lui obéit pas, elle lui jeta un regard de défi._Non ! S'écria-t-elle. Tu ne fais pas ça ! Onyx ! Kat se mit à genoux près de la petite boule de poils noirs. Le chat la regarda avec insistance, Kat ne baissa pas les yeux. Le félin fit mine de soupirer, puis lâcha sa proie qui détala à grande vitesse. Elle la récompensa avec une caresse sur le haut du crâne. Eos était déjà parti se balader. Katelyn se remit en route vers un lieu qu'elle aimait par-dessus tout, une clairière dans laquelle se trouvait une vieille chaumière abandonnée, recouverte de lierre et de ronces. Les légendes locales disaient que c'était la maison d'une sorcière il y a fort, fort longtemps. Elle arriva dans sa clairière. Depuis l'ombre des bois, le soleil formait un cercle parfait de lumière, au centre duquel trônait la vieille maison abandonnée. Kat alla s'installer sur le tronc coupé près de la maison. Elle sortit son livre de contes et se mit à lire quelques histoires que sa mère avait écrites. Elle sentit la fatigue et le froid du printemps l'engourdir. Elle rangea son livre et se remit en route. Arrivée dans l'ombre, elle se mit à chercher quelques fleurs de saison. Elle les répertoria, les dessina, leur donnant un aspect plus vrai que nature. Soudain, elle se sentit observée. Katelyn releva la tête et crut voir une silhouette regarder dans sa direction. Elle se releva avec hâte. Un galop se fit entendre derrière elle. Elle se retourna et vit Eos, les crocs découverts, écumant de rage foncer en direction de là où se trouvait la silhouette._Eos ! S'écria Kat. Reviens !Elle se mit à courir après son chien, enjambant avec une grande agilité les troncs d'arbres. Elle ne put se protéger le visage des branchages qui le fouettaient, y laissant des filets rouge vif. Les ronces lacérèrent son pantalon, lui égratignant les bras et les jambes. Plus elle s'enfonçait dans la forêt, plus l'atmosphère devenait sombre, une nuit artificielle causée par les arbres aux feuillages épais. Eos s'éloignait de plus en plus. Les poumons en feu, elle commençait à manquer d'air. Tout à coup, elle sentit son corps propulsé en avant, ses pieds avait quitté le sol. Tout son corps heurta violemment le sol mou de la forêt dans un bruit sourd et mat. Son souffle fut coupé. Des feuilles et des brindilles s'étaient emmêlées dans sa chevelure. Elle mit quelques instants à retrouver son souffle. Elle regarda ce qui avait provoqué sa chute, un ignoble et gigantesque cèpe pourrissant. La marque de sa botte avait écrasé le champignon, qui vomissait une substance blanchâtre grouillant de vie. Elle remarqua que de gros asticots commençaient à grimpai le long de sa jambe. Elle se releva d'un bond et sauta sur place pour faire partir ces petites bêtes. Un haut-le-cœur la prit, elle s'éloigna du champignon. Elle appela désespérément son chien, mais la densité de la forêt happait ses cris. Elle avança devant elle. Katelyn marcha dans un petit ruisseau. De petites lucioles, ou de petits papillons luminescents s'élevèrent dans l'atmosphère sombre de la forêt. Kat resta en admiration devant ce spectacle. Les petits insectes brillants se mirent à voler en direction d'un chemin de terre parmi les arbres. Elle sentit qu'elle devait les suivre. Les suivant aveuglément, Kat fut comme hypnotisée par les lucioles qui dansaient devant elle._Des fées, chuchota Katelyn.Les lucioles disparurent, la laissant seule devant un bien étrange spectacle. Elle se retrouvait face à vieux chêne dont l'écorce donnait l'illusion d'un visage de vieillard endormi. Ses racines étaient profondément ancrées dans le sol. Devant elle se dressaient de gros champignons blancs de la taille d'un poing, poussant en cercle. Elle se baissa pour voir d'un peu plus près cette race de champignon qu'elle ne connaissait pas. Elle toucha le chapeau d'un des champignons. Au même instant, son collier se mit à briller comme dans ses souvenirs. Prise de panique, elle se redressa et heurta quelque chose. Fébrile, elle se retourna et se retrouva face à face avec la silhouette noire qu'elle avait vue. Katelyn ne pus crier. La chose la poussa dans le cercle. Elle voulut se raccrocher à quelque chose, mais tomba lourdement sur ses fesses. Une lueur bleue émana du cercle. Elle cria, mais en vain, la lumière s'intensifia et devint aveuglante, elle n'eut d'autre choix que de fermer les yeux.