Histoire d'une Ombre
« C'est une blague ? »
Jamon me reprit en précisant que ce n'était pas une blague et que ça suffisait largement pour dormir lorsque j'aurais travaillé jusqu'à épuisement toute la journée. Un matelas ou tout autre chose serait superflue.
Mouii.... bien sûr, et le matin on se réveille avec des courbatures partout et un mal de dos du tonnerre ! Un matelas c'est IMPORTANT !!
L'immense créature qui servait de garde à Miiko referma la porte derrière lui dans un dernier grognement, me laissant seule, désabusée et à la fois perplexe.
Les murs et le sol ont besoin d'être lavé à grandes eaux. Depuis quand n'a -t-on pas utilisé cette chambre ? Ils avaient pas plus délabré ? Finalement il était pas si pourri que ça mon petit studio!
En effet ça sentait le moisi et une grosse toile d'araignée ornait le coin droit près de la fenêtre. Quand au lit.... il y avait quelques planches qui semblaient sur le point de rompre si une quelconque personne s'appuyait dessus.
Je posais ma petite besace au pied du lit, contenant les seuls biens qui me resteraient de la Terre et de mes proches. Miiko me l'avait rendue après en avoir inspecté le contenu pendant mon petit séjour en cellule. Mon portable que je m'était résignée à éteindre(il ne servirait à rien ici et avait bien faillit être réduit en miette sous les gros doigts de Jamon), ma paire de lunettes de repos, mon portefeuille, le papier d'une barre de céréales sur laquelle je m'étais jetée pour essayer de calmer la faim qui me tenaillait et une sucette à la framboise(que je préférais garder pour plus tard), ma ventoline, mes bolas, ainsi qu'une lettre froissée de mon ex petit ami que je n'avais pas encore osé lire...
Je ressortie de ma « nouvelle chambre » en prenant le temps de bien la situer dans le long couloir.
Il fallait que je trouve quelqu'un qui saurait me dire où récupérer de quoi laver la pièce, à moins qu'une mission ne me soit confiée entre temps.
Enfin.... vu leur difficulté à me trouver quelque chose à faire quelques heures avant, je pense que je n'aurai pas à me faire de soucis pour le reste de l'après midi....
Peut être que trouver Ykhar ou Alajéa serait plus prudent que d'aller voir un des chefs des gardes....
Ou Keroshane.... il en a déjà beaucoup fait, je ne voudrait pas l'embêter....
Finalement je tombait sur la jeune brownie. Elle me vit arriver du coin de l’œil, et essaya de sourire.
Je dis bien essaya....
« Hum, Y... Ykhar excuses-moi, mais je souhaiterais savoir où trouver de quoi nettoyer la chambre que l'on m'a attitré. Vous auriez un seau et une éponge, ou un chiffon.... quelque chose que je pourrais utiliser pour frotter le sol et les murs?
-Euh.... oui oui bien sûr. Voyons voir, il nous faut aller à côté des bains chercher le matériel.
-Ça ne te dérange pas au moins de m'accompagner, sinon je...
-Ça ira » me coupa-t-elle. «Suis-moi. »
Nous partîmes en direction des bains, il fallait traverser les quartiers où toute la garde dormait, avant d'arriver dans un long corridor couleur vert, plusieurs plantes grimpantes s'étiraient sur les murs, ornant les alcôves, enroulées autour des piliers d'entrée des bains.
C'était... apaisant. Ykhar s' arrêta devant une petite porte en bois blanc, entra rapidement et ressortie avec un petit seau et deux grands chiffons en toile rêche.
« Attends-moi là je vais prendre de l'eau à côté. »
Par curiosité je ne pus m'empêcher de passer la tête entre les grands piliers pour m’apercevoir que la première pièce n'était autre qu'un espèce de vestiaire commun où les gardes se déshabillaient sans une once de pudeur pour ensuite rejoindre les bains en simple serviette.
Nouvelle désillusion.
Je reculait, le visage rouge complètement angoissée et choquée.
Grand Dieu ! Me dîtes pas que les bains sont mixtes en plus d'être commun à tous ! Jamais j'oserais me laver devant les autres !!
Ykhar choisie ce moment pour reparaître devant moi le seau plein d'eau fumante, s’arrêtant net à la vue de mon air déconfit.
« …...
- ….....
- Que t'arrive-t-il? Tu te sens mal ?
- Je.... viens de me rendre compte que les bains ne sont pas individuels...
- Ah.... »
La jeune Brownie ne savait pas trop quoi dire, et décida de repartir lentement en direction des chambres.
Je lui désignais celle qui serait désormais la mienne, et lui prit le seau des mains ainsi que la petite file orange qu'elle me tendit en la remerciant d'une petite voix.
Elle me regarda un moment, et reprit la parole à l'instant où j'ouvrais la porte rouge.
« Je te comprends car je suis moi même très pudique, et …si tu veux te laver en toute discrétion, je te conseille de te rendre dans les bains à l'heure du repas, c'est le moment où tu seras le moins susceptible d'y rencontrer du monde. Après... tu peux toujours essayer d'aller tout au fond, il y a quelques salles de bain privées, mais tu devras sûrement attendre un peu devant que ça se libère. Elles sont plutôt prisées. »
Puis elle repartie à sa tâche.
Je me tournait donc vers la triste pièce.
Posais ma veste sur le lit de fortune, enlevais mes bottes, et me plongeais dans ma tâche avec toute la vigueur que je pouvais trouver, usant de ma colère d'être coincée ici pour gratter frénétiquement les parties vertes des murs.
Note à moi même, si je réussis quand même à repartir chez moi, la prochaine fois que je vois un cercle de champignons il vaudrait mieux encore que je me tape violemment la tête contre un arbre !
***********
Cela devait au moins faire deux heures que je m'échinait à laver la pièce. Le premier chiffon était désormais inutilisable et pendouillait tristement depuis la fenêtre ouverte.
Je me tenais à genoux, plus très loin de l'entrée de la chambre, le bas de ma robe légèrement remontée sur mes cuisses pour essayer de ne pas la tremper, ce qui avait été bien évidemment peine perdue vue qu'elle était passé du rose à un espèce de violet crasseux et détrempé.
Je soupirais, fière de moi, en voyant que j'approchais du but. J'essuyais avec le dos de ma main la sueur qui coulait sur mon front quand une voix près de mon oreille se fit entendre.
« Voici donc où se cachait ma dernière petite recrue. Si tu aimes ce genre de travail il y a la salle d'entraînement qui aurait besoin d'être récurée.»
Je tournais vivement la tête vers le chef de la garde de l'Ombre.
Nevra était accroupi derrière moi, un sourire aux lèvres dévoilant ses incisives pointues, il me détaillait, s’arrêtant plus longuement sur mes cuisses mouillées et légèrement salies.
« Après tous ces efforts si tu veux je connais de nombreuses façons de se détendre et délasser des muscles endolories.... » En disant cela il s'était rapproché dangereusement de mon visage et avait posé sa main sur mon épaule gauche.
Je reculais instinctivement, les joues légèrement rosies.
« Euh... non merci ça ira comme ça pour l'instant. Par contre, s'il était possible de me passer une tenue de ville et une autre de la garde que j'ai intégrée je t'en serais très reconnaissante ! Et puis cela me permettrait peut être de m'intégrer plus facilement, si je porte le même genre de vêtements que les habitants d'ici...
- Tout n'est pas gratuit tu sais.
- Eh bien retenez le sur mon futur salaire alors.
- ….... »
Nevra me regardait à présent silencieusement. Avant de baisser la tête et de s'esclaffer.
« Tu es marrante en fin de compte ! Très bien nous ferons comme ça, même si je préférerai mieux être dédommagé en nature....
- N'y comptes pas !
- Haha ! Très bien. Par contre il va falloir que je dise deux mots à Miiko, un lit sans matelas ce n'est pas très intéressant pour moi.»
On parle de mon lit ou du sien là ? Il croit pouvoir venir dans ma chambre quand il le souhaite ? Pitié pourquoi ils mettent pas de clefs sur les portes ?!
Il se releva, et me tendit la main pour m'aider à me relever. Je réfléchie un instant avant d'accepter son aide. Je ne pus m'empêcher de lorgner discrètement sur ses abdos saillants sous son haut noir en me redressant. Au moment où je voulus retirer ma main il m'en empêcha et la releva tout en prenant aussi l'autre avec un air sérieux.
Il regardait mes phalanges abîmées et écorchées d'avoir frotter la pierre dure pendant si longtemps. Je me mis à fixer le sol, assez mal à l'aise.
« Nous passerons par l'infirmerie nettoyer cela. C'est superficiel mais j'y tiens. Tu devrais faire plus attention à toi, maintenant que tu as rejoins ma garde, tes mains sont aussi des outils par lesquels transiteront un nombre incalculable de lames de poings une fois quand tu sera suffisamment entraînée pour cela. »
Je continuais à fixer le sol et acquiesçais.
Je repris mes chaussures et nous nous rendîmes près du laboratoire d'Ezarel pour nettoyer mes mains sur lesquelles il posa de petites bandelettes de tissus. Super ! on dirait que j'ai les doigts momifiés !
Il me tendit ensuite une bassine, une petite éponge et un bout de tissu en désignant mes jambes sales pour que je me fasse un brin de toilette.
« Nous pourrions tout aussi bien aller dans les bains, ce serait mieux.
- Pas tant que tu reste à côté de moi, non merci »Je répondait du tac au tac. Il sourit et me fit un clin d’œil en répondant.
« Je m'en doutais... Sache que j'aime bien quand les filles me résistent un peu. Un peu ? On reparlera de ça le mois prochain quand tu te heurteras toujours à un mur....
Bien, allons à la lingerie. Les tenues pour tout le monde y sont stockés et c'est aussi là bas que tu devras y emmener ton linge sale. C'est juste à côté d'une pièce qui va devenir très importante pour toi dans les jours qui suivent. La salle d'entraînement.»
Je le suivis à travers les couloirs, essayant de me créer des repères par les symboles sur des portes, une plante inconnue de couleur rouge et marron, le dallage au sol passant d'un bleu ciel à de la pierre brute, blanche. Nous y étions.
Je regardais les deux portes face à nous. L'une petite, rouge, toute simple, rappelant celles des chambres, l'autre immense en bois foncé, usée, avec deux immenses poignées en laiton doré derrière laquelle provenait des bruits sourds, des cris, et autre bruit de lutte en tout genre.
Inutile de douter pour savoir laquelle menait à la lingerie, et laquelle menait à une plus grande salle où s'entraînait la garde. Je fus sortie de ma réflexion par une légère poussée dans mon dos qui me fit passer le seuil de la plus petite porte.
Nevra passa devant moi et se mit à farfouiller dans des vêtements sombres entreposés sur le côté droit de la pièce. Au centre, se trouvait de grand sacs remplis de vêtements malodorants que je compris être du sale. Je le contournais et me rapprochait de mon chef qui me tendit, un haut mauve à manches longues, un veston noir à rayures violettes et bouffant sur les épaules ainsi qu'un short lui aussi rayé. Puis il me désigna la petite étagère à côté de moi et me demanda de choisir une tenue dans laquelle je me sentirait à l'aise pour faire du sport, je remarquais de suite un pantalon ample de type sarouel dans des tons marrons et prit un haut bicolore sans manche à petite encolure dans les mêmes teintes, il y avait de petits balluchons blancs sur un crochet, j'y mettais tous mes nouveaux vêtements pour les transporter plus facilement.
Une fois cela fait nous repartîmes cette fois vers l'extérieur du bâtiment. Arrivés sur le marché il me dirigea vers une grande échoppe aux couleurs criardes.
Dedans il n'y en avait pour tous les goûts et toutes les tailles. Le chef de la garde pris le balluchon et alla parler avec une Purreko femelle, blanche, parée de nombreux bijoux clinquants et d'un immense boa à plumes bleues.
Je laissais traîner ma main le long des étals, touchant les différentes textures : soie, coton, plumes, cuir, écailles de.... qu'est ce que c'était ça ? Ils dépècent pas des dragons j'espère ?!
Nevra me héla et je me retournais pour le voir tout souriant tenant dans une main un espèce de soutien gorge sans bretelle qui ressemblait fort à un maillot de bain ainsi que dans l'autre main, un mini short avec de la dentelle sur les coutures. Quel pervers...Je fronçais les sourcils.
« Tu veux que je me ballade en sous vêtements pendant que t'y est ?
- Ah si tu me le propose alors je dis pas non ! La lingerie fine est tout au fond du magasin si tu veux les essayer
- C'est ça ! T'as pris tes rêves pour une réalité ma parole ! Je mettrais jamais quelque chose d'aussi court !
- Tu ne croyais tout de même pas que j'allais débourser quoi que ce soit de ma poche sans avoir un minimum de regard sur ce que tu vas porter...
- Je... Je t'ai juste demandé de m' AVANCER les frais ! Tout te sera remboursé !!
- Tu brises mes illusions de te voir habiller sexy par ta froideur, petite humaine.»
Nous argumentâmes chacun encore un peu et je concédait à ce qu'il choisisse un des vêtements tant qu'ils n'étaient pas aussi courts que ce qu'il m'avait présenté cinq minutes avant. Néanmoins il me fallut reconnaître que j'aurai besoin de sous vêtements de rechange...Je lui demandait donc, non sans peine, de sortir du magasin un instant. Ce qu'il fit en faisant la moue, déçu. Ça me permet d'avoir la paix quelques instants. J’eus à peine le temps de prendre deux ensembles tout simple et de les laisser à la vendeuse qu'il revenait sans me demander mon avis et me rétorquait qu'il ne voyait pas pourquoi je faisait autant de manières puisqu'il finirait bien par les voir sur moi un jour ou l'autre. Je grommelait les joues rosies, en me retournant à nouveaux vers les vêtements qui m'entouraient. Je sentais le regard de mon accompagnateur juger tout ce que je touchais, tantôt lâchant un soupir quand cela lui semblait couvrir trop de peau, tantôt silencieux mais tout autant incisif. Finalement je portais mon attention vers un ensemble bleu conventionnel, et un gilet en fourrure pâle sans manche qui me fit penser à la fourrure du haut de Valkyon, tandis qu'il avait trouvé une sorte de robe verte dos nu et short intégré avec des larges pans de tissus au bout desquelles de petites boules lumineuses étaient rattachées. Ma foi j'admis que c'était plutôt mignon.
Satisfait, il alla payer la propriétaire du magasin tandis que je sortais l'attendre dehors et nous reprîmes le chemin vers le palais.
Arrivés à l'entrée il me rendit mon petit sac, m'expliqua que je n'avais tout au plus qu'un quart d'heure pour me changer avant de devoir me rendre devant le garde mangé, de l'autre côté j'y trouverai le réfectoire. J’acquiesçais et m’apprêtais à tourner en direction du couloir dortoir quand il me saisis vivement le bras, sa deuxième main tourna mon visage vers le sien et avant de comprendre ce qu'il se passait, il m'embrassa furtivement.
« Je prends ça comme avance » déclara-t-il en souriant et partant dans la direction opposée, me laissant là, au milieu du hall, complètement rouge de honte.
J'arrivais dans ma chambre, encore gênée, vidait mon sac sur le lit pour en tirer la tenue bleue.
« Que.... »
Là, au milieu de mes nouvelles tenues, le mini short mauve qu'il m'avait montré tout à l'heure, empaqueté comme un cadeau dans ce que je pris d'abord pour quelque chose semblable à des rubans bleus, mais en fait il s'agissait de bas en soie, agrémentés de rubans.
Je vais le tuer.....