Le Sacre

Chapitre 4 : LE FILS PRODIGE

5029 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 09/11/2016 23:49

LE FILS PRODIGE

 

La capitale de l'Est s'éveillait lentement aux premières lueurs du jour. De sa position, il pouvait presque voir les rues se remplir unes à unes à mesure que les rayons du soleil les atteignaient. Depuis quelques années, la population augmentait et il le sentait d'ici. Plus le temps passait et plus ils étaient nombreux à se lever le matin pour aller travailler, pour aller vivre, pour tenter de maintenir un activité normale malgré l'épée de Damoclès qui leur frôlait les cheveux.

Le raisonnement des nouveaux arrivants était simple : depuis l'arrivée de Piccolo, seule la capitale de l'Ouest avait été détruite et c'était la première année de son règne. Celle du centre avait aussi été détruite cette année-là mais c'était dû au fait d'un combat que menait le nouveau seigneur de la Terre. Certains en étaient donc arrivé à la conclusion que les capitales étaient systématiquement épargnées – ou au moins gardées pour la fin – par les démons. Seulement, lui, il était bien placé pour savoir que c'était faux. Mais pourquoi leur dire ?

Il admirait cette force qu'avait les citadins de continuer à vivre ainsi sans se préoccuper de la suite. Ils allaient tous mourir, ainsi l'avait promis Piccolo Daïmao, mais en attendant ils n'avaient rien d'autre à faire que de poursuivre leurs existences comme ils le pouvaient. Sitôt les premières semaines de panique passées, la vie avait repris son cours. Plutôt confortablement même, dans les capitales où la police continuait de faire son travail. Ici, à l'Est, il restait deux hôpitaux en état de fonctionner et les pillages avaient été minimes. Les disparitions, en revanches avaient été plutôt nombreuses.Personne n'était dupe, c'était pour moitié des morts, victimes des gangs qui sillonnaient à présent les campagnes.

C'était cependant l'autre moitié qui le dérangeait . Ceux qui avaient choisi de ne pas continuer à vivre comme ça, ceux qui avaient choisi de se battre. Il avait fallu moins d'un an pour que la résistance se mette en place, mais à quoi s'attendait son père en leur promettant qu'il détruirait toute les régions une à une ?

« Monseigneur ? »

S'arrachant à sa contemplation de la ville en éveil, Clavecin se retourna vers son subordonné. Le petit démon n'avait guère été gâté par leur père. Bossu, la tête tordue en avant par un immonde bec crochu, il semblait toujours sur le point de basculer vers l'avant. Le gouverneur de l'Est soupçonnait que ce soit pour dissimuler ses jambes difforme qu'il portait en permanence une robe informe, où le symbole du démon se lisait en rouge sur blanc. Mais Orgue s'acquittait de ses tâches avec méthode et opiniâtreté depuis plus de treize ans maintenant et son grand frère n'avait rien à lui reprocher.

En comparaison, Clavecin était plus grand et de belle carrure, les épaules carrées et les écailles brillantes. Ses pieds finissaient sur des griffes soigneusement taillées et même sa tête ronde était surmontée de deux petites cornes bien droites. De grandes ailes membraneuses se déployaient dans son dos et les deux articulations comportaient une serre pointant vers le haut. Seuls ses doigts se trouvaient dépourvus de griffes mais ils n'en étaient pas moins mortels. Et lorsqu'il tourna son regard sur Orgue, ses yeux en fentes brillaient d'une lueur jaune.

« Oui, frère ? »

Tout faible que pouvait être Orgue en comparaison d'un démon majeur comme Clavecin, ils étaient tous les deux issus du même père. Même si le second s'entêtait à l'appeler « seigneur », Clavecin appelait « frère » tous les autre démons qu'il côtoyait.

« L'un des humains que vous avez capturé la semaine dernière est mort ce matin, il était épuisé, je crains. »

Le grand démon opina du chef. Il était un peu déçu mais il fallait s'y attendre. Deux humains avaient survécus à l'interception de la patrouille, les deux seuls qui n'avaient pas assez résisté pour l'obliger à les tuer. Il les avait ramenés dans l'espoir d'en tirer quelque chose mais ce n'était pas une mince affaire.

« Vous avez fait tout ce que vous pouviez, j'en suis sûr. Il n'a rien dit avant de mourir ?

- Non, seigneur. En revanche, l'autre est toujours vivant et il a dit qu'il voulait bien parler, mais seulement à vous. »

Ses lèvres se fendirent en un sourire et le bec d'Orgue tenta d'afficher une expression semblable – ou n'était-ce qu'une impression ? Clavecin avait toujours du mal à interpréter le visage de son second, malgré les années passées avec lui.

« Probablement pour m'insulter avant de mourir, je présume. A moins qu'il ne veuille tenter de me tuer ?

- J'en doute monsieur, il n'est plus en état pour cela. »

Clavecin sourit à nouveau. Il ne mettait pas en doute sa parole, Orgue accomplissait toujours tout ce qu'on lui confiait avec soin et précision. Il maîtrisait d'ailleurs de plus en plus son sujet, cela devait être la première fois qu'un humain survivait aussi longtemps à ses traitements.

« Très bien alors, ne le faisons pas attendre.- Vous n'êtes pas obligé, monsieur. Je peux aussi l'achever tout de suite, il ne nous apprendra rien.

- On ne sait jamais, frère. Qui sait, celui-ci est peut-être moins bête que les autres.

- Puis-je vous rappelez qu'aujourd'hui vous devez vous rendre à la capitale, seigneur ? C'est le jour de...

- Je sais quel jour nous sommes, interrompit calmement Clavecin. Je m'en irai dès que j'en aurai terminé avec l'humain. Pars devant. »

Dès qu'Orgue fut dehors, le démon se débarrassa d'un geste de la tenue noire qu'il avait porté cette nuit. Elle ne servait qu'à patrouiller dans le ciel nocturne sans éveiller le moindre soupçon. Même si les humains avaient d'autres moyens de détecter sa présence, il préférait ne pas prendre de risque.

Pour l'anniversaire de la conquête de la Terre par son père, il allait devoir prendre une tenue plus propre que cela. Il opta pour un large pantalon de tissu bleu foncé, soutenu par une grande ceinture rouge, elle aussi en tissu. Pour le haut, il hésita à simplement laisser ses écailles à l'air libre mais finit par se dire qu'il serait de bon ton de porter haut et fort les couleurs de son père. Il choisit donc un haut blanc sur lequel le symbole rouge était bien en évidence, sur le torse. Le dos lui était interdit car il était percé de deux fentes symétriques qui laissaient ainsi passer les deux ailes du démon.

Une fois correctement affublé, il sortit de la salle qui lui servait de bureau et descendit quatre à quatre les escaliers en colimaçon. C'était la seule chose qu'il n'aimait pas dans ce bâtiment : cet étroit escalier de pierre. L'architecture humaine pouvait être magnifique vue de l'extérieure, mais à l'intérieur, tout était petit sombre. C'était sans doute du fait de l'âge de l'édifice, il était peut-être même plus vieux que son père. C'est ce qui avait plu à Clavecin, l'endroit était aussi âgé que la ville elle-même et tous les citadins étaient habitués à le voir, contrairement à l'immense palais que s'était fait construire son père.

La pièce centrale était immense à l'origine, car elle servait à de grands rassemblements religieux. Clavecin avait fait installer de grands murs de brique pour la rendre plus fonctionnelle, mais ce n'était pas les seuls changements. Quand il atteignit le sol, il n'eut que quelques pas à faire pour rejoindre le second escalier, droit celui-ci, qui menait aux niveaux souterrains. Creuser sous la structure n'avait pas été facile mais cela permettait d'augmenter considérablement l'espace utilisable et cachait admirablement bien ce que l'on y faisait.

Orgue attendait dans un petit couloir sombre, accompagné d'un démon plus large qui gardait l'entrée de la cellule. Clavecin salua l'un et l'autre d'un « frère » avant de rentrer à la suite de son second.

L'humain était couché sur un lit de pierre noire. Une de ses jambes pendait mollement sur le côté, brisée. Comme le reste de sa personne. L'une de ses mains était manquante mais l'autre témoignait des sévices qu'on leur avait infligés jusqu'à rendre chaque doigt inutilisable. Loin d'être en reste, le visage était tuméfié et le front si brûlé que les derniers vestiges de blonds se cachaient sur la nuque du soldat. Orgue avait véritablement tout essayé.

« Alors humain, on voulait me voir ? »

Le démon s'agenouilla pour mettre son visage à la hauteur de celui de l'humain.

« J'espère que vous avez quelque chose de plus original que vos camarades précédents à me proposer. Je peux vous faire confiance ?- Non, finit par articuler l'humain. C'est vraiment pour des renseignements... C'est... »

Il avait du mal à articuler mais faisait manifestement un effort pour tendre les lèvres vers Clavecin. Habituellement, il leur laissait une chance de cracher mais il était hors de question de salir sa tenue aujourd'hui, il esquiverait sans attendre. Il n'était donc pas utile que l'humain tente sa chance cette fois-ci.

« Oui, j'écoute.

- Tes renseignements, tu peux te les foutre au cul. »

Le sourire satisfait fit saigner les lèvres meurtries et dévoila une rangée où manquaient plus de la moitié des dents. Hideux, songea Clavecin. Il poussa un soupir en venant poser la main un peu au-dessus de la nuque du pauvre homme.

« Je vous avais dit d'être original, n'est-ce pas, Orgue ? »

Sans attendre de réponse, il posa son autre main sur la bouche de l'humain. La torsion fut si rapide qu'il craignit de lui détacher la tête du corps, mais il n'y eu qu'un craquement propre, avant que la tête ne retombe sur la pierre noire, les yeux désormais vide.

« C'était le quatrième à vous dire ça, monsieur, signala Orgue. »

Clavecin ignorait pourquoi mais son second tenait un registre des dernières paroles de ses prisonniers. Peut-être espérait-il y découvrir une logique. Le démon majeur avait depuis longtemps compris que ce n'était là que les derniers soubresauts d'une fierté blessée. Il avait même cessé de trouver cela courageux, l'humour de répétition ne lui plaisait guère.

Le gouverneur laissa un instant traîner son regard sur le cadavre brisé. Il ne s'attendait pas à apprendre quoi que ce soit de lui mais ne pouvait s'empêcher de ressentir un brin de déception d'être descendu jusqu'ici pour une énième boutade stupide. Il était assez rare qu'ils réussissent à faire parler les humains, un beau résultat de la politique de son père encore une fois, mais peut-être que celui-là cherchait à cacher quelque chose d'important. Clavecin tritura cette pensée en quittant la salle pour remonter vers la surface.

« Orgue, commença-t-il sur le chemin, augmente le rythme des patrouilles et leur nombre, à partir de mon départ jusqu'à... nouvel ordre. Je pars tout de suite.

- Bien monsieur. »

Son second ne posait jamais trop de questions et il lui en était reconnaissant. Peut-être avait-il suivit le même raisonnement que lui, ou peut-être craignait-il simplement sa colère s'il devait le contredire ? Clavecin ne pouvait pas le savoir mais il respectait assez l'esprit d'Orgue pour supposer qu'il s'agissait de la première option. Quoi qu'il en soit le démon ferait ce qu'il fallait pour assurer la sécurité de la capitale en attendant le retour du vrai gouverneur. Il l'accompagna tout de même à l'extérieur une fois qu'ils furent sortis des souterrains.

Le soleil était encore faiblard, là-bas au-dessus de l'horizon et il peinait à traverser la couche nuageuse. Cela donnait à la lumière un aspect grisé et les murs de la ville en semblaient encore plus ternes. Quelques rares humains passaient dans la rue perpendiculaire à l'immense quartier général, mais la plupart choisissait plutôt de l'esquiver en passant par les ruelles. Clavecin ne leur jeta pas un regard tandis qu'il déployait ses longues ailes membraneuses.

« Surveillez particulièrement cette rue, confia-t-il à Orgue, pris d'une intuition. Il se pourrait qu'ils tentent d'infiltrer la ville.

- Ce sera fait monsieur. Bonne journée. »

Ils échangèrent un sourire. Sans connaître exactement ses pensées, le second pouvait deviner que Clavecin n'appréciait pas particulièrement le spectacle auquel il était contraint de participer. Il le salua de la tête.

« Bonne journée, frère. »

Un seul battement d'ailes lui fut nécessaire pour décoller. Il s'aida de son énergie pour gravir les mètres suivants et dépasser bientôt le plus haut bâtiment de la ville. Il s'ébroua en traversant un nuage bas et ressurgit au-dessus de tout cela, la chaleur du soleil atteignant enfin pleinement ses écailles. Clavecin resta une minute en suspension dans les airs, membres déployés pour recevoir la lumière et la force de l'astre lointain. Puis il poussa un soupir et, dans un battement puissant, prit la direction de l'ouest.

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Il posa le pied face à l'immense palais de son père une heure plus tard à peine. Quelque chose en lui voulait percuter de plein fouet ces immenses tours de pierre pour voir combien de temps tiendrait le bâtiment s'il commençait à s'effondrer de partout, mais Père n'en serait pas content. Pourtant il haïssait cette immondice géante que Piccolo Daïmao avait fait construire sur le sang des innocents. Quelle meilleure manière de donner envie aux hommes de vous affronter qu'en les tuant inutilement ?

Sans laisser sa mauvaise humeur influer sur son intonation, Clavecin salua les gardes à l'entrée et pénétra en vitesse dans les grands couloirs du château. Il avait arrêté depuis longtemps de détailler les bas-reliefs ou les colonnes – pourtant si étranges – et se dépêcha de rejoindre la grande salle de la tour centrale dans laquelle ses frères l'attendaient déjà.

La table était ronde et taillée dans une pierre aussi noire que la nuit. Toutes les chaises étaient identiques, à l'exception d'un trône majestueux qui restait vide face à lui. Autour du siège imposant, quatre démons avaient déjà pris place.

« Mes frères, quelle joie de vous revoir enfin. »

Juste à droite du trône était assis le misérable Piano, deuxième de son nom, dont le bec frottait contre la pierre, était juché sur un siège trop grand pour lui. Il n'était officiellement que second de Daïmao mais c'était vraiment lui qui administrait la région centre. A sa droite, Luth dépassait de son siège. Le représentant du Nord avait encore grossit depuis l'année dernière aurait juré Clavecin et il semblait assoupi. De l'autre côté de la table, Touba faisait rouler ses muscles et claquer ses doigts sur la pierre. Il ne semblait jamais à l'aise quand il quittait la région Ouest. Enfin, le regard de Clavecin tomba sur le représentant du Sud, une petite créature malingre dont les bras semblaient toujours destinés à tomber.

« Où est notre chère sœur ? le questionna Clavecin en prenant place. »

Cymbale, deuxième du nom, et second de Harpie la gouverneur du Sud, répondit d'une voix tremblante.

« Dame Harpie participait à une opération contre les Cuivres aujourd'hui. Elle m'a chargé de l'excuser et de prendre sa place. »

Clavecin retint un ricanement amusé. Harpie était bien la seule à pouvoir se permettre ce genre d'extravagances, il ne pouvait lui reprocher d'en profiter pendant qu'elle le pouvait encore. Leur Père semblait avoir un faible pour elle comme il en avait eu un pour son fils prodige il y a des années de cela, il tolérerait son absence. Le gouverneur de l'Est , en revanche, ne pouvait s'empêcher d'être déçu de son absence. Elle était bien la seule des trois autres gouverneurs à le comprendre et à l'amuser. Harpie était leur petite sœur à tous mais aussi la plus active et la plus volontaire du groupe. Daïmao n'avait guère hésité à suivre son conseil quand Epinette avait été tué il y a trois ans. Pour juguler une zone aussi perturbée que le Sud, il fallait un gouverneur qui n'hésite pas à agir et leur sœur était parfaite dans ce rôle. Aujourd'hui, Clavecin regrettait presque d'avoir proposé son nom à leur père.

« Tu as failli nous faire attendre, Clavecin. »

La voix grondante semblait jaillir d'un couloir vide et noir. Tous se tournèrent dans cette direction sauf lui, et il crut une seconde que les tremblements allaient tuer le pauvre Cymbale. L'immense silhouette de Daïmao se détacha de l'ombre pour s'approcher lentement de son trône. Il tenait dans la main un objet étrange aux proportions déformées.

« Vous savez bien que j'arrive toujours à l'heure, Père.

- Je sais. Je vois aussi que votre sœur n'a pas jugé utile de nous faire grâce de sa présence. »

Comme prévu, il était bien plus amusé que contrarié en remarquant l'absence de Harpie.

L'empereur Piccolo prit place et jeta sa prise au centre de la table. La tête rebondit une fois ou deux avant de stabiliser au centre, violacée et brisée. Il eut été impossible d'en reconnaître le propriétaire si l'on avait pas été informé des derniers événements.

« Belle prise que ce Yamcha, Père. Encore un maître d'arts martiaux en moins. Je suis surpris que vous n'ayez pas fait annoncer sa mort par la télévision. »

La manœuvre aurait été stupide et prétentieuse, exactement le genre de chose auxquelles Piccolo Daïmao était habitué depuis quinze ans.

« Nous avons jugé que ce n'était pas nécessaire, répondit Piano. Il est encore plus efficace que personne ne soit au courant de la réalité de cette résistance, et surtout qu'ils n'imaginent pas qu'un des leurs aient pénétrer le palais pour subtiliser quelque chose. »

« Nous » signifiait probablement que le pauvre Piano avait passé une matinée entière à raisonner Daïmao, peut-être n'était-il pas si bête après tout. Ses illusions étaient amusantes tout de même, comme s'il existait encore des humains dans ce monde inconscient des actions de la résistance.

« Peu importe, trancha brutalement Daïmao. Le voleur a réussi à faire disparaître le bâton, je veux qu'il soit retrouvé avant une semaine. »

Si vous m'aviez écouté, Père, vous n'auriez pas à vous soucier de ce bout de bois.

Clavecin n'avait eu de cesse de lui dire que ce château était trop grand et trop complexe pour être gardé efficacement. Il avait gâché des centaines de vies et de jours dans un bâtiment trop immense pour être utile. Pire encore, il s'en était servi pour stocker cette relique de Goku comme s'il ne pouvait pas se résoudre à le détruire.

Tout ce qui va vous arriver est de votre faute, Père. J'espère que vous en aurez conscience.

Le gouverneur de l'Est n'avait pas la moindre envie d'aider dans cette rechercher, c'était à son père de s'occuper de ce qui arrivait dans le Centre.

« Je vais faire envoyer des équipes aux frontières pour vous aider, s'il a été récupérer, il n'ira pas bien loin. »

Une fois que les quatre région aient jurés d'aider le roi démon, ils purent passer aux choses sérieuses, comme les appelait Daïmao.

« Vous êtes de bons enfants. Commençons sans plus attendre. »

Un spectacle pitoyable et risible du point de vue de Clavecin. La machine fut amené ainsi qu'une caméra devant laquelle on la positionna. Le mécanisme contenait encore vingt-huit boules, chacune marquée du numéro d'une section. Comme à chaque anniversaire du début de son règne, Piccolo allait en détruire une et il avait besoin de la présence de l'élite de ses enfants pour se faire. C'était pathétique.

Ils s'étaient tous levés pour voir, mais lui demeura un peu en retrait. La machine tournait et tournait de plus en plus vite, de sorte qu'on ne distinguait plus les numéros. Enfin, une boule fut expulsée et atterrit droit dans la main de leur Père.

« Vingt-trois, lut-il à voix haute. Ce n'est pas bien loin en plus. »

Pour preuve, il pointa la boule en question vers la caméra, avertissant ainsi des milliers de gens de leur mort prochaine. Si la section avait été plus loin, les plus rapides auraient eu le temps de se sauver mais la section 23 n'était qu'à quelques centaines de kilomètres des ruines de la capitale du Centre.

« Mon fils, m'accompagneras-tu cette fois encore ? »

Clavecin mit un moment avant de comprendre qu'on s'adressait à lui, Piccolo Daïmao n'utilisait presque jamais le mot « fils ». Il se retint de cracher à la figure du grand démon qui l'avait engendré et se contenta de laisser un sourire fendre son visage.

« Ce serait un honneur, Père. »

Un honneur de vous accompagner pour massacrer notre force de travail.

Pourquoi son Père ne pouvait-il comprendre que le pure massacre n'avait pas de sens et qu'ils se dirigeaient vers l'abîme en continuant ainsi ? Une fois tous les humains morts, que leur resterait-il à faire ? Alors que vivants, ils étaient encore très utiles. Pourtant le roi démon aurait du le savoir mieux que quiconque : c'est de cela qu'il s'était servi pour faire bâtir la monstruosité qu'il appelait palais.

Touba se porta aussi volontaire et Piccolo l’accueillit avec joie. Il demanda si l'un des gouverneurs avait quelque chose à ajouter mais personne ne dit rien, pas même le petit remplaçant de Harpie qui semblait hésiter. Ils quittèrent la salle.

Tous trois décollèrent en vitesse pour rejoindre les frontières de la section 23. Touba souhaitait que son père lui donne des missions plus intéressantes que de surveiller sa région, et il argumenta en sa faveur durant tout le voyage. Clavecin n'écoutait pas d'une oreille très attentive mais il saisit tout de même que son frère souhaitait se montrer plus actif dans la lutte contre les humains. L'Ouest n'était en effet pas la région qui posait le plus de problème mais l'imbécile aurait du s'en réjouir plutôt que de vouloir à tout pris se battre ainsi. Voulait-il finir comme Epinette ?

« Nous y sommes. »

La voix de son père le sortit de ses pensées et le fit s'arrêter en une seconde. Touba fit de même et les deux se tournèrent vers Piccolo.

« Touba, à la frontière Ouest. Clavecin, à la frontière Est. Je m'occupe du centre, puis on refait un tour pour s'assurer que la section est bien détruite. »

Comme le démon ne connaissait pas la carte par cœur, il prenait souvent un peu de marge supplémentaire et les sections alentours étaient partiellement abîmées. Encore du beau gaspillage mais à ce point, Clavecin ne les comptait plus. Il obéit sans discuter et se dirigea vers la frontière Ouest heureusement matérialisée par une route bien droite et propre. Quelques véhicules l'empruntaient même, espérant sûrement rejoindre la section plus au nord.

Le gouverneur de l'Est les laissa rouler, bien loin au-dessus d'eux. Il attendit d'entendre la première explosion pour réagir. L'énergie se concentra alors dans ses mains et il visa le sol. Quelques voitures étaient encore sur la route.

Il attendit une seconde et tira.

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