Recueil de Thédas

Chapitre 2 : La traque

2483 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 27/07/2021 02:38

La traque


Cette fanfiction participe aux Défis d’écriture du forum Fanfictions.fr :

« Philtres, élixirs et petites potions » (juin – juillet 2021)


Au cœur d’une ancestrale forêt plus ancienne encore que les premiers Elvhenan. Dans ces lieux mystérieux et d’une beauté terrifiante trônent d’antiques vestiges elfes d’une ère perdue, effacée depuis des millénaires que les elfes eux même ont oublié. Dans ces bois se passa une terrible tragédie, une guerre qu’aucun mortel n’avait gardé en mémoire, seul son souvenir flou, abstrait et reflété dans le monde des rêves par des esprits trop curieux. La mort avait fragilisé le voile qui sépare le monde physique de celui de l’immatériel, il était devenu si fin que les démons qui jalousaient les êtres vivants qu’ils percevaient au-delà s’agglutinèrent dessus comme des insectes attirés par la lumière et d’une infime brèche s’immiscèrent dans le monde des vivants. Ils étaient toutefois incapables de distinguer un être encore en vie d’un défunt. Ces viles créatures prirent possession des cadavres, des animaux et même de la végétation. Une personne avec un minimum de jugeote ne s’aventurait pas dans la forêt vivante de Bréciliane. Les clans Dalatiens de passage en Férelden évitaient de s’aventurer trop profondément en son sein de peur de ne jamais en revenir laissant à contrecœur l’héritage et le savoir perdu de leurs ancêtres dormir entres ses branches.

Pourtant dans son silence implacable où nul oiseau ne chantait, sous les épaisses frondaisons où le moindre arbre pouvait soudainement se déraciner du sol dévoilant sa nature odieuse de sylvan, un groupe d’hommes armés jusqu’aux dents, arborant fièrement sur leurs plastrons l’épée pointant vers le bas encadrée par huit flammes de l’ordre des templiers. L’un d’entre eux ne portait guère de casque, laissant sa crinière auburn grisonnante à l’air libre et son visage marqué par le temps était tiré par la fatigue. Dans sa main gantelée une petite fiole de verre contenant un liquide rouge luisant à l’approche d’une vieille ruine. Le vieux templier contempla le récipient. Son contenu bouillonnait d’une vive lueur sanglante et, l’air chagrin, il la serra dans son poing avec désespoir.


  • Chevalier-sous-capitaine Endrin, interpella un des hommes. C’est bien ici ?
  • Oui, affirma le vieux templier. Le phylactère ne se trompe jamais.
  • Je n’aime guère cet endroit, c’est beaucoup trop calme, j’ai l’impression d’être épié. Si les légendes disaient vrai ? Que la forêt était vivante ? surenchérit le même homme.
  • Reprenez-vous recrue ! Les légendes n’ont pas leur place dans notre mission sacrée!
  • Oui chevalier-sous-capitaine !


Le cœur meurtri il jeta un dernier regard au phylactère dont l’éclat ne cessait de s’intensifier à l’approche de la fugitive. Ne pouvant supporter davantage sa vue, il la rangea dans sa besace. Il avait un devoir à accomplir au nom de la Chantrie, du Créateur, mais son devoir le tiraillait. Sous ses ordres le groupe de templier s’infiltra dans l’étroit passage qui conduisait plus profondément dans les ruines.

L’architecture était étrange un mélange d’art elfe et humain, Tevintide peut-être? Après tout il y a des siècles l’empire hérétique des seigneurs-mages recouvrait quasiment la totalité de Thédas… Ou était-elle plus ancienne encore ? Peut-importe après tout, il n’était pas érudit mais le bras armé du Créateur. C’est dans un silence de mort qu’il s’enfonça plus profondément encore à l’affût et soucieux des moindres bruits qui les entouraient. Dans une intersection, le chevalier-sous-capitaine sortit le phylactère, le pointa dans une direction, à l’intérieur le sang se mit à écumer, s’agitant dans sa fiole. La maléficienne était toute proche.

Pendant leur exploration des ruines, ils croisèrent moult statues de divinités, fresques représentant de vieux rituels elfiques oubliés et des chambres funéraires. Le calme lugubre des lieux fut interrompu par des bruits métalliques provenant du couloir, on avait l’impression qu’on frottait volontairement une lame d’acier sur le sol ou bien sur les murs de pierre. Endrin sortit subitement de ses pensées lorsqu’une main desséchée saisit sa cheville dans un sifflement morbide. Puis une vague de cadavres déferla sur les templiers sans crier gare. L’un d’entre eux se jeta sur le chevalier-sous-capitaine, s’agrippant à son bras. La fiole, comprit très vite le vieil homme, il voulait détruire le phylactère, sans le phylactère la mage pouvait disparaître dans la nature sans qu’aucun templier ne puisse plus jamais la pourchasser. Il ferma son poing, d’un geste violent du pied il écrasa la caboche de celui qui lui tenait les mollets. Puis il repoussa l’autre d’un coup de bouclier le propulsant contre la paroi voisine. Il rangea rapidement le récipient dans sa besace avant de dégainer son épée. Les runes magiques gravées sur la lame s’illuminaient d’une lueur rougeâtre avant d’embraser son arme d’une puissante flamme. Il la leva ensuite vers l’avant !


  • Templiers aux armes, pour le Créateur ! Hurla-t-il.


Ses hommes galvanisés par leur chef, crièrent de plus belle et se jetèrent dans la mêlé croisant le fer avec les cadavéreux. Ils les tranchèrent, les découpèrent jusqu’à qu’il ne reste que des lambeaux de leur chair mais non sans perte, certains de ses hommes moururent sous les assauts répétés de ces cadavres animés par quelques démons invoqués par la magie du sang. Il posa alors un genou à terre en s’appuyant sur le pommeau de son arme leur accordant la bénédiction d’une prière à ses camarades.


  • Bien que les ténèbres s’étendent devant vous, la lumière du Créateur guidera vos pas. Vous n’errez pas seuls sur les routes périlleuses de l’au-delà car sa divine épouse Andrasté veillera à vos côtés. Les ténèbres n’existent guère dans la lumière du Créateur, et jamais parcelle de son œuvre ne sera perdue.


Le chevalier-sous-capitaine se leva et de la pointe de sa lame enflammée brûla les corps de ses frères d’armes comme le voulaient les traditions Chantristes. Avec les hommes qui lui restait, Endrin continua sa route suivant les indications que lui procurait le sang de la mage dans la fiole. Ils rentrèrent dans une immense pièce funéraire décorée de statues et de vitraux aux symboles inconnus. Le sol était recouvert de cadavres d’animaux, d’humains et d’elfes, probablement des voyageurs égarés, qui gisaient dans une mare de sang. L’odeur y était pestilentielle. Ce massacre immonde dénotait avec la douce lumière du jour qui caressait la longue chevelure de neige de la femme qui se tenait sur une estrade devant un autel lui aussi couvert de sang et de bougies.


  • Doux Créateur ! Seyna, qu’avez-vous fait ! s’écria Endrin d’horreur.


Les templiers dégainèrent leurs armes et levèrent leurs boucliers prêts à contrer ses sorts magiques si nécessaire lorsque la jeune fille se tourna et posa ses yeux froids et sombres sur eux.


  • Je ne voulais pas fuir le cercle, c’était ma maison, rétorqua-t-elle d’une voix glaçante. Prison dorée mais agréable, libre de vivre avec mes semblables à l’abri de la peur et de l’ignorance des gens du commun. Alors pourquoi m’avez-vous trahie ?
  • De quoi parlez-vous mon enfant ? C’est vous qui avez trahi le cercle en usant des arcanes interdits ! s’exclama le vieux templier. La magie doit servir l’homme et non l’asservir !
  • Foutaises ! s’emporta la jeune fille. Vous ne vous servez des saintes paroles d’Andrasté que quand ça vous arrange. Vous ne m’avez pas laissé le choix, chevalier-sous-capitaine. Vous, le premier enchanteur et le chevalier-capitaine vous aviez décidé de me faire subir le rite de l’apaisement. Je refuse de devenir une coquille vide, privée d’émotions, privée de mon don.
  • Je…
  • Taisez-vous ! Vous étiez comme un père pour moi, vous m’aviez sauvée d’une bande de villageois enragés et effrayés par mes pouvoirs. Vous m’avez donné un toit, un endroit où vivre, j’étais heureuse. Vous alliez tout me prendre, parce que d’après vous j’étais trop faible pour maîtriser ma magie. Vous vous dites nos protecteurs, mais vous nous voyez comme du bétail, au moindre faux pas vous nous mutilez ou nous coupez la tête. Soi-disant pour le bien commun. En réalité vous avez peur de nous et de notre puissance et vous faites bien car je vais vous montrer ce qu’est le vrai pouvoir d’une enchanteresse !


À ces mots Seyna se transperça le ventre brutalement avec son bâton de mage, elle riait d’un rire dément dont l’écho n’était plus humain. Son sang n’éclaboussa point le sol, il la recouvra d’une aura sanglante. Ses yeux étaient du même éclat. Les corps des défunts se relevèrent comme des marionnettes désarticulées et se jetèrent sur les templiers. Ils tentèrent tant bien que mal de dévier ses sorts et échapper aux attaques violentes des cadavéreux tout en priant le Créateur à gorge déployée de leur venir en aide. Mais plus ils se débattaient plus la mage répliquait avec ardeur. Endrin vit ses frères d’arme tomber, carbonisés par le feu, déchiquetés par les morts puis relevés par la magie du sang tandis qu’elle se fendait d’un sourire cruel. La pauvre enfant n’est plus elle-même, c’était un démon qui avait vêtu sa chair, une abomination… Endrin en avait le cœur brisé car c’était de sa faute si elle avait pactisé et s’était abandonnée au démon, elle voulait juste survivre… Alors qu’il était le dernier survivant de son escouade, il tomba à genoux, blessé, épuisé et à bout de souffle. Ses doigts cherchèrent le phylactère dans sa besace ses yeux emplis de larmes le fixèrent de désespoir. De vieux souvenir remontèrent à la surface.

Une bande de villageois enragés avait mis le feu à une grange pour brûler vive une enfant de 5 ans plus terrifiée que la foule elle-même. Endrin était arrivé sur place avec d’autre Templiers et lorsqu’il comprit ce qu’il était en train de se passer il brava le feu, la chaleur intense le faisait littéralement cuire dans son armure de plaques. Il l’avait sauvée et avait même embroché un paysan de sa lame quand ce dernier c’était trop approché de la fillette, menaçant. Une enfant qui ne comprenait pas la haine de la populace. Elle n’avait rien fait de mal à part naître mage. Ils arrivèrent à la nuit tombée au cercle de Férelden, l’enfant blottie contre lui pendant toute la traversée du lac Calenhad. Endrin avait convaincu le chevalier capitaine Greagor de reporter le rituel à demain matin, le voyage avait été long et la petite avait du mal à garder les yeux ouverts. Le premier enchanteur Irving lui trouva un lit propre avec les autres jeunes apprentis et quand il revint avec son souper, elle était déjà assoupie.

Le lendemain matin, Irving prépara la fiole. D'abord, un simple charme pour protéger le verre, puis un sort pour empêcher le sang de coaguler. La dernière étape exigeant la présence de l'apprentie. La fillette fut escortée jusqu'à la chambre par Endrin en personne. Il voyait bien qu'elle venait de se réveiller. Elle avait encore une trace de terre sur le visage. Endrin lui nettoya la joue tout en lui expliquant le rituel.


  • On va devoir te prendre un peu de sang, parce que tu es précieuse et qu'on ne veut pas que tu te perdes. Si ça arrive, le sang nous permettra de te retrouver et de te ramener à la maison.


Le premier enchanteur Irving mania la lancette pendant que le templier serrait Seyna contre lui, et Irving pratiqua une petite incision bien nette sur sa paume. Il sentit la petite se débattre en gémissant, puis elle se mit à pleurer. Elle essaya de retirer sa main, mais Irving la tenait fermement et fit couler le sang dans la fiole. Il lança ensuite le sort, le sang bouillonnait et brillait en présence du mage auquel il appartenait. C'était terminé. Un autre phylactère, un autre lien forgé. Elle était sous la coupe du cercle de Férelden.

Seyna ne pouvait pas détourner son regard du sang. Elle était captivée et semblait avoir totalement oublié sa douleur et ses larmes.



  • Tu vois ? C'est de la magie, affirma le vieux mage. Quand tu seras plus vielle, je t'apprendrai.


Endrin laissa la petite tenir son phylactère quelques minutes avant d'aller le mettre sous clé.“

Seyna se dressa de toute sa hauteur devant le templier, le vieil homme la fixa, peiné, sachant qu’elle n’était plus la petite apprentie souriante et joyeuse d’autrefois mais une abomination. Doucement et discrètement il attrapa sa dague à sa ceinture et lorsqu’elle se pencha vers lui pour l’achever il la lui planta à contrecœur dans la jugulaire. La créature surprise recula, ses yeux s’écarquillèrent de terreur alors que le sang coulait de sa bouche et de sa plaie. Elle tomba sur le sol en gesticulant, se noyant dans propre sang. Endrin, les larmes aux yeux, contemplait ce cruel spectacle. Il savait qu’il avait fait ce qui était juste, un mage du sang était trop dangereux, encore plus s’il était sous la coupe d’un démon. Sans son hôte le démon retournait à l’immatériel… Endrin rassembla ses derrières forces pour sortir le phylactère, le charme s’était rompu et le sang qui brillait d’un éclat rougeâtre avait coagulé devenant aussi noir que les ténèbres, le brave templier ne pouvait que pleurer l’enfant qu’il avait jadis aimé…



/Remerciement à Fahliilyol pour avoir gentiment corrigé mon texte. :) /

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