Recueil de Thédas

Chapitre 1 : Compassion

1300 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 27/07/2021 02:38

Compassion


L’obscurité, l’humidité des parois goûtant sur mon front, la froideur de mes chaînes et la douleur tiraillant mes poignets. La triste symphonie du cliquetis des armures des templiers qui m’apportent mon maigre repas. À quoi bon manger ? Je serai exécutée pour magie du sang, un crime que je n’ai guère commis.

La Chantrie et ses Templiers s'en fichent bien de tuer des innocents. Ils ont peur de nous, de notre magie, notre existence, même. “La magie doit servir l’homme et non l’asservir“ ce sont les saintes paroles de la prophétesse Andrasté et cette phrase a été salement détournée par la Chantrie et ses fidèles, nous tournant en monstre. Le moindre prétexte est bon pour nous exterminer.

Pourquoi suis-je une mage ? C’est injuste, je n’ai pas choisi de naître avec le don de magie, c’est l’œuvre du Créateur et pourtant je dois vivre, contre ma volonté, prisonnière dès mon plus jeune âge dans ses maudits cercles en sachant que je ne révérais plus la lumière du jour. Je n’ai jamais plus senti le vent sur ma peau, l’humidité de la pluie et la chaleur du soleil. J’aimerai tant voir la blancheur de la neige, me baigner dans l’océan et me balader sous les frondaisons protectrices des arbres.

Hélas, au lieu de cela, je n’ai vu que les hauts murs gris de ma prison dorée, entassée avec mes congénères mages et les templiers en armure or et rouge m’épiant au quotidien, pour notre soi-disant sécurité. Maintenant je n’ai droit qu'à la mort, mais elle sera sûrement plus douce que le rite de l’apaisement. Au moins je resterai moi-même jusqu’à mon dernier souffle, je ne serai jamais une de ces coquilles vides privées de toute émotion. Les larmes s’échappent alors de mes yeux épuisés tandis que je fixe la flamme vacillante d’une torche sur le mur.

J’ignore combien de temps je suis restée enfermée dans ses geôles puantes à subir les vices de geôliers cruels. Être cadenassée pour un crime que je n’ai pas commis, n’est-ce pas suffisant ? Pourquoi dois-je subir leurs insultes et leurs humiliations. Le Créateur, comme son épouse divine, restent muets à mes prières. Le chagrin comme la haine enserre mon cœur, pourquoi devrai-je mourir après tout ? Je ne veux pas attendre ma mort, je veux vivre ! Ils voient en moi un horrible monstre, très bien, je serai le monstre qu’ils veulent que je sois ! Je me mords la main jusqu’au sang, le liquide au goût métallique se déverse dans ma bouche. Je sens son pouvoir me traverser comme un puissant éclair, le pouvoir du sang, la magie interdite que même le plus expérimentés des templiers ne peuvent vaincre ! Je repeindrai les murs de leurs entrailles ! Je n’ai pas le choix, je veux juste survivre…

•        Ne fait pas ça ! Intervient une voix à peine audible.

Je sens la chaleur d’une main réconfortante sur ma joue, je lève légèrement la tête et vois un jeune homme svelte aux longs cheveux blonds en broussailles recouvrant partiellement ses iris bleues. Sa peau est laiteuse et ses traits sont tirés, creux, je ne saurais l’expliquer mais il n’a pas l’air complètement matériel, il semble être là et absent à la fois…

•        Je veux aider ! Mais pas comme ça, pas comme ça ! Répète nerveusement l’homme.

•        Qui es-tu ? Comment es-tu arrivé ici ? Questionné-je, méfiante.

•        Cole, juste Cole. Rétorque-t-il.

Je regarde derrière son épaule, la porte de ma cellule est toujours verrouillée. Comment est-il entré ? Est-ce un démon ? Mais comment ? Un démon ne peut pas se retrouver dans le monde physique à moins de l’invoquer avec la magie du sang. L’ai-je fait où bien me suis-je assoupie pour me retrouver dans l’immatériel ?

•        Ce n’est pas de votre faute ! Le champ de tournesol, le feu, les cris. Vous étiez une enfant, vous ne pouviez pas vous contrôler. Dit-il avec un ton doux et rassurant.

•        Quoi !? Comment pouvez-vous savoir ça ? Exclamé-je, horrifiée. Sort de ma tête démon !

•        J’ai peur, il fait froid, j’ai mal, pourquoi suis-je traité aussi injustement, moi aussi je suis une personne. Pourquoi les templiers sont si cruels. Bafouille-t-il en gigotant.

•        Ce sont mes pensées !? Qu’est-ce que tu es, bon sang !?

•        Certains aiment blesser les mages. Cela les rend heureux, ou moins effrayés, ou ... Rêve à nouveau, réveillé en tremblant. Traquer le terrain à la recherche de celui qui lui ressemble. Toujours une règle enfreinte. Mais tous les templiers n'écoutent pas quand les chuchotements rampent à l'intérieur d'eux. Ils essaient de protéger les gens. Les bons se souviennent que les mages sont des personnes.

Dans l’incompréhension, je le fixe, muette, son doigt pointe vers mon cœur avant d’y poser le plat de sa paume. Au premier abord surprise, je suis sur le point de le repousser mais je n’en fais rien. Il dégage beaucoup de douceur et d’affection et la colère, la douleur comme le chagrin quitte mon corps.

•        Vous ne pleurez plus seule dans votre tour, oubliez vos vieilles douleurs et votre haine. Vous verrez les arbres, écouterez les chansons oubliées de l’océan. Faites-moi confiance. Murmure Cole avec beaucoup de compassion.

Il se lève et me tends la main pour m’aider à me relever, les menottes tombent de mes poignets dans un bruit métallique et la porte de la cellule s’ouvre. J’avance douloureusement, ma main tenant fermement la sienne. Un sentiment bizarre m’envahie mais je ne peux y mettre de mot dessus, tout ce que je sais c’est que je suis en sécurité près de lui. Nous traversons le couloir, passons à travers les templiers mais ils ne nous voient pas, ne nous sentent pas, je crois que nous sommes invisibles à leurs yeux.

•        Comment faites-vous ça ? Vous semblez humain mais vous ne l’êtes pas. Êtes-vous vraiment un démon ?

•        Oui, non, je veux aider, c’est tout. Je peux vous aider. Répond-il simplement.

•        Un démon n’aiderai pas sans une garantie en retour. Vous êtes un esprit peut-être ? Demandé-je.

•        Cole. Insiste mon étrange sauveur en agitant la tête.

La lumière du soleil ne tarde pas à nous éblouir de toute sa splendeur, la brise caresse mon visage et, avec elle, des multitudes de senteurs oubliées chatouillent mes narines. Mes larmes aussi brûlantes que des braises coulent silencieusement sur mes joues. 

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