Chronique d'une Idylle

Chapitre 1 : Autour du feu de camp

2220 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 20/05/2018 02:45

Fanfiction DAI- Chroniques d’une idylle

Chapitre I : « Autour du feu de Camp »

 

(L’action se situe peu après la quête « le Garde Solitaire », lorsque la Messagère d’Andrasté et ses émissaires viennent à la rencontre de Blackwall. Le camp vient d’être monté, et notre héroïne en profite pour mieux faire sa connaissance.)


Allant de Golefalois vers le Sud, au creux des montagnes et enfoui sous la végétation, nous avions trouvé les débris d’un édifice féreldien qui avait miraculeusement échappé aux voyageurs.

Une ancienne tour de guet surplombant les Abords et dont les pierres en désordre ne présentaient guère plus d’intérêt que celui d’y monter le camp.

Draperies, cordages et tréteaux : les agents de l’Inquisition avaient rapidement pris possession des lieux, plantant ici quelques piquets, rallumant là une nouvelle chandelle.

Les recrues s’étaient agglutinées autour du feu de camp, prêtes à en découdre avec l’énorme bélier qui cuisait sur sa broche et dont l’odeur alléchante emplissait déjà l’atmosphère.

En dépit de la fatigue, tout le monde semblait d’excellente humeur et des bribes de conversations me parvenaient ça et là, entre deux bocks de vin.

 

« De Dénérim dites-vous ? Je suis de Lothering pour ma part, mais ma garnison était à la capitale. Peut-être nous sommes-nous déjà croisés ? », lança une éclaireuse à l’homme qui était assit à ses côtés.

 

Posant mon bâton sur le râtelier d’armes, j’étirais longuement mes membres courbatus et étouffais un bâillement.

Entre les tentatives de retour à l’ordre et celles d’apporter de l’aide aux réfugiés, nous avions crapahuté toute la journée et la tâche s’était avérée bien plus rude que je ne l’aurai cru.

En effet, en dehors de quelques flâneries aux abords du domaine familial, je n’étais guère rompue à l’exercice. Marcher de longues heures n’avait jamais été dans mes habitudes, et mon organisme me faisait désormais payer ce brusque changement de régime.

Une douleur lancinante s’était étendue jusqu’au plus petit de mes orteils et mes muscles se tendaient à tout rompre, menaçant de céder à chaque pas, comme une branche sur laquelle reposerait un poids trop lourd.

Je jetais donc un bref coup d’œil autour de moi, cherchant une place vacante entre les immenses troncs couchés autour du feu de camp.

 

« Permettez, ma Dame. », articula tout à coup le Garde Blackwall, se levant et m’invitant à prendre place d’un gracieux geste de la main.

 

Je levais les yeux dans sa direction et le considérais quelques instants. Une veste matelassée, cousue de fils grossiers sur une camisole brune. Des gardes-mains de plaques, de hautes bottes, un plastron et une large ceinture : tout l’attirail du véritable guerrier.

Mais ce qui me frappait le plus, c’était cette barbe noire et épaisse qui dévorait toute la partie inférieure de sa figure. Et ces yeux d’un bleu perçant, implacable, et qui rendaient toute tentative de dissimulation à néant.

 

« Merci, Ser Garde. », répondis-je, surprise qu’un homme tel que lui -un vagabond que nous avions trouvé dans les bois- soit capable de tant de courtoisie.

 

Après avoir interrogé quelques villageois au Croisement, nous étions parvenus à remonter sa trace et l’avions trouvé à la tête d’une troupe de garçons de ferme, aux environs du lac Luthias.

Et de prime-abord, l’animal semblait particulièrement rustre. Plus disposé à ébrécher des crânes qu’à faire des courbettes, notre premier contact quelques jours plus tôt, m’ayant plus fait l’effet d’une séance d’apprivoisement que d’une véritable conversation.

Les rapports de Sœur Léliana le disait originaire de Val Chevin, et bien que ces manières soient en effet celles de la noblesse Orlésienne, son nom et son accent typiquement Marchéens semblaient conter une toute autre histoire.

Mais la perspective du repas imminent, et mon ventre qui criait famine me dissuadèrent de me lancer dans une étude plus approfondie de sa personne.

 

Je pris donc place à ses côtés, et ne tardais pas à entamer ma ration de nourriture.

Les rixes entre mages et templiers renégats ne permettaient pas franchement au commerce de prospérer, et nous devions alors nous contenter du strict nécessaire : une miche de pain, un peu de de viande de gibiers chassés ça et là, quelques légumes…que nous nous empressions d’engloutir, laissant des auges plus propres que si elles avaient été rincées.

 

« Pourriez-vous me resservir je vous prie ? », Demandais-je à mon voisin, lui tendant ma chope à moitié vide.

 

Acquiesçant de la tête, il se saisit du récipient qu’il remplit généreusement d’eau glacé avant de me le tendre à nouveau.

Un instant j’observais les courbes de cette dextre tendue. De longs doigts aux ongles courts, une paume large et solide dont les lignes s’entremêlaient comme autant d’écheveaux de fils.

 

« Tenez Messagère… messagère…messagère c’est bien ça ?», bégaya-t-il me détaillant longuement, comme cherchant dans mes traits d’hypothétiques indices.

 

« Que se passe-t-il ? », demandais-je, un peu déconcertée.

 

« Je viens juste de réaliser que je ne connaissais pas encore votre prénom. », Avoua-t-il dans un sourire.

 

J’avalais une grande rasade d’eau fraîche, posais mon verre sur le sol et réfléchis quelques courtes secondes.

Qu’il fut ou non figuratif, nous portions tous un masque. Et j’avais pour ma part, choisi celui de l’humour pour mieux dissimuler ma timidité. Il ne m’embellissait pas, ne m’enlaidissait pas non plus, mais se contentait de m’apporter le flegme nécessaire à mon évolution parmi les autres.

Sans compter qu’il permettait aussi de briser la glace et de mettre mon interlocuteur à l’aise.

Ce qui, étant donné les circonstances et le garde bourru qui se trouvait à mes côtés, ne serait pas de trop.

 

« Ha, c’est donc cela ! J’ai cru que vous faisiez une attaque ! », me moquais-je, lui donnant un léger coup de coude dans le flanc.

 

Il haussa les sourcils et me considéra d’un air si abasourdi que je regrettais presque aussitôt de l’avoir chahuté de la sorte. Mais alors que je crus devoir affronter une leçon de morale ponctuée de quelques noms d’oiseaux, il éclata d’un rire tonitruant, jetant ses longs cheveux vers l’arrière.

 

« Non mais vous croyez que j’ai quel âge au juste ? », protesta-t-il entre deux gloussements.

 

« Oh, un âge tout à fait vénérable, mais où il est fréquent de rencontrer ce genre de…petits désagréments, si vous voulez mon avis ! », insistais-je, rassurée par cette hilarité qui me semblait sincère.

 

« Hahaha ! Comment un visage aussi poupin peut-il masquer autant de cruauté ? », s’exclama-t-il, ricanant de plus bel.

 

« Bien, j’arrête de vous taquiner. », finis-je enfin par déclarer, « Je m’appelle Lohata. Lohata Trevelyan. Mais pour une raison qui m’échappe, tout le monde s’obstine à m’appeler Lota depuis ma plus tendre enfance. Sans doute le « ha » n’est-il pas assez sonore ou bien est-ce pour plus de commodités…je ne l’ai jamais su. »

 

« Lo-ha-ta. », dit-il, prenant soin de détacher chaque syllabe, « Ce n’est pourtant pas si difficile à prononcer. Cependant je ne l’avais jamais entendu nulle part, c’est de quelle origine ? »

 

« Je l’ignore. Du vieux Marchéen peut-être ? Il s’agissait du prénom que portait l’héroïne dans un roman à l’eau de rose que ma mère affectionnait particulièrement. Avec un titre ridicule comme « Les amants de l’Immatériel » ou quelque chose du genre…Bref, rien de très glorieux en somme. »

 

« C’est en tout cas ravissant…de même que son diminutif. », affirma-t-il.

 

Je lui tendis un demi-sourire embarrassé et fis mine de détourner les yeux.

 

« Vous êtes mignon mais vous n’y êtes pas obligé vous savez ? », répondis-je, un peu gênée.

 

« Oh mais ce n’était pas une flatterie Noble Dame. Je le pense sincèrement. », insista-t-il.

 

« Alors j’accepte avec plaisir votre compliment. Mais à présent que vous savez tout le ridicule qui entoure les origines de mon prénom, consentirez-vous à décliner le votre ? », demandais-je, espérant détourner son attention des idioties typiques de la Noblesse Marchéenne.

 

Mais alors que je cru le voir poursuivre la discussion sur le même ton familier, son sourire s’effaça subitement et son visage se referma comme une huitre sur sa perle. Il m’observa d’un air grave et sembla réfléchir quelques instants.

 

« C’est…hum…Gordon. », grommela-t-il, baissant les yeux.

 

Je demeurais figée quelques instants, muette et interdite, comme assommée par ce brusque changement d’attitude. Si je peinais encore à décoder les règles de l’art de la conversation -la faute à une stricte éducation et à toute une vie de réclusion- Il ne me semblait pourtant pas avoir outrepassé les limites de la décence.

Le prénom était après tout de ces lieux communs qu’il était d’usage d’échanger lors d’une première rencontre. De ces quelques paroles à priori banales et qui permettaient de passer du statut « d’étrangers » à celui de « connaissances ».

Aussi, j’étais abasourdie de le voir réagir de la sorte, ne sachant pas tout à fait comment j’allais me sortir de cette impasse.

 

 « Ha…heu…d’accord ? », ânonnais-je bêtement pour tenter de me rattraper.

 

Je cherchais encore par quel bout j’allais démêler cette pelote, passant mentalement en revue la totalité du dictionnaire lorsqu’il ajouta :

 

« Je…néanmoins je préfère que l’on s’en tienne à « Blackwall », si vous le voulez bien. Lorsqu’il rejoint la Garde, un homme renonce à son identité voyez-vous, et il est même courant qu’il choisisse de se présenter sous pseudonyme. J’imagine que cela permet de se distancer d’un passé…tumultueux. Du moins, pour un certain nombre de recrues. Aussi, me suis-je fait à l’idée d’être appelé par mon seul nom. »

 

Il m’avait expliqué cela d’une manière si définitive que je n’osais le questionner davantage.

L’Ordre se résumait pour moi à quelques récits entendus sur les Enclins, chroniques où la réalité se mêlait à la Légende, et cet excès de discrétion dont ils semblaient coutumiers me paraissait alors incompréhensible.

Mais je devais bien admettre que j’étais touchée par ce regard inquiet qu’il continuait d’afficher. Cette mine qui lui donnait l’air d’un petit garçon perdu et qui m’empêchait de l’assommer avec quelques interrogations supplémentaires.

 

« Comme il vous plaira. Il n’empêche que j’aurais aimé…non, c’est inutile. Je finirais de toute façon par vous trouver un surnom. », déclarais-je, tentant de détendre le climat austère qui s’était installé.

 

« Ha oui ? Et de quel genre je vous prie ? », demanda-t-il d’un ton narquois et haussant un sourcil.

 

« Oh, ça c’est encore trop tôt pour le dire. J’ai déjà une vague idée mais…un peu de patience Ser Garde. », affirmais-je, flattant son avant-bras d’une légère tape amicale. 

 

« Allez, donnez-moi juste un indice ! », persista-t-il.

 

« Hum… », commençais-je, faisant mine de réfléchir, « Montagne de poils ? Bougon ? Renfrogné ? »

 

« Petite peste ! », s’écria-t-il en ricanant.

 

« Hé ! C’était à moi de vous trouver un surnom ! », me défendis-je d’un ton faussement menaçant, « Aussi, ne vous avisez pas de m’appeler ainsi ! A moins que vous n’ayez envie de trouver une mine de feu à l’entrée de votre tente, demain matin. »

 

« Ne jamais se mettre à dos une mage : je tâcherais de m’en souvenir. », affirma-t-il, dodelinant d’un air entendu.

 

« Et ne jamais demander son prénom à un Garde des Ombres : je tâcherais de m’en souvenir. », me dis-je intérieurement.

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