La petite voleuse de cookies

2e PARTIE : HARKER ET MONEYPENNY

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CHAPITRE VII

CLARA OSWALD ET… JACKLYN HARKER

Il se tordit une nouvelle fois le pied et laissa échapper une bordée de jurons. Certains dans des langues inconnues de Clara. Elle resserra instinctivement la pression autour de son bras qu'elle avait passé sous le sien, et il lui adressa un sourire de remerciement.

― Croyez-le ou non, souffla-t-il entre ses dents pour contrôler les sonorités plus graves de sa voix, je sais très bien marcher avec des talons ! J'ai appris à ma propre fille à défiler avec escarpins de dix centimètres… Mais pas sur un pavé inégal et glissant !

Elle laissa fleurir un sourire sous ses joues mais ne répondit pas, un peu surprise qu'il se laisse aller à dire qu'il avait eu une famille. Elle ne l'imaginait pas un seul instant éduquer des enfants...Tandis qu'ils arpentaient les ruelles des quartiers pauvres, son attention fut détournée par un homme qu'elle voyait un peu plus loin dont le comportement lui paraissait à étudier. Suivant son regard, Jack secoua la tête.

― Ce n'est pas celui qu'on recherche. Il est là depuis tout à l'heure. Un grand timide manifestement, et beaucoup trop pour son bien. Quatre fois qu'il passe et repasse devant cette beauté et qu'il n'arrive pas à lui adresser un regard, ni à lui décocher une parole…

Elle lui jeta un coup d'œil rapide. En dépit de sa stature et de sa carrure, plutôt suspectes si l'on y regardait de près, son visage maquillé sous de longs cheveux épais restait étonnamment attrayant, sans doute en raison de la régularité de ses traits et du modelé sensuel de sa bouche peinte de carmin.

Ce résultat était dû aux efforts conjoints d'une collaboration fructueuse. Avec un peu de réticence initiale, Jenny avait accepté de les aider à faire de Jack une Jacklyn. Un moment épique qu'elle n'était pas prête d'oublier ! Passée la première confusion, la jeune domestique s'était montrée d'une grande efficacité, en allant d'abord quérir des souliers chez la cuisinière de la maison d'en face qui chaussait grand, et puis une robe de grossesse dans une autre maison voisine, qui puisse aller à un gabarit comme le sien.

Avec une intelligence dont elle ne l'aurait pas soupçonné, Jack avait su faire de sa « transformation » un simple jeu, relativement bon enfant. Il n'aurait pas nié qu'en d'autres circonstances, il aurait certes aimé profiter un peu plus longuement d'une situation agréablement équivoque qui l'amenait à se trouver à demi-nu face deux jolies jeunes femmes, mais d'abord il n'était pas en ville pour longtemps, et ensuite il n'avait pas d'ordre de mission pour cette traque... De ce fait, chaque soir comptait comme une chance de régler son compte à celui qui salirait durablement son prénom pour longtemps auprès de toutes les prostituées de la ville. Intolérable, étant donné sa situation affective désespérément pitoyable, au cœur de cette époque puritaine…

Aussi, comme si le fait ne l'émoustillait pas vraiment, s'était-il laissé déshabiller partiellement par la jeune camériste qui l'avait aidé à passer de grands jupons sous le regard un peu sévère d'une Clara en mode chaperon intraitable. Quand il avait été torse nu, il avait bien essayé de la provoquer un peu afin qu'elle s'approche, en arguant qu'il n'était pas juste qu'elle laissât faire tout le travail à Jenny.Sans surprise pour lui, cette dernière avait répondu que ça ne la dérangeait pas… avançant que le seul autre homme de la maison était un nabot contrefait, et que sa maitresse n'aimant pas beaucoup la gent masculine, ses occasions étaient minces. Jack avait ri mais il s'était abstenu à temps de dire ce qui lui venait en tête.

Jenny lui avait passé ensuite une sorte de grande chemise blanche large à col froncé, en se désolant qu'aucun des corsets à armatures renforcées pour le combat de sa maîtresse ne puisse lui convenir (« Monsieur a trop d'épaules et de muscles un peu partout »), et Monsieur avait remercié Jenny de le souligner si spontanément, en se déclarant néanmoins très intrigué par cette pièce de lingerie.

Puis Clara s'était proposée pour le maquiller afin de laisser un peu de répit à la jeune domestique, mais la touche finale ça avait été quand Jenny avait ramené des perruques… « Ma maîtresse aime beaucoup les faux cheveux » avait-elle dit avec un sourire timide.En découvrant la collection, Jack avait rétorqué, ravi, que le fétichisme de la dame de ces lieux le comblait d'aise, avant de choisir sans hésiter dans le lot une épaisse et ondoyante chevelure rousse...

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Et à présent, ils marchaient tous les deux depuis une bonne demi-heure, bras dessus bras dessous, en scrutant les passants. Elle aurait presque pu croire qu'il n'était pas concentré tant il bavardait inlassablement. Et dire qu'elle pensait que le Docteur aimait s'écouter parler !

― Vous ne m'avez pas dit si je vous plaisais en femme, se plaignait-il.

― Et bien, je ne suis pas une spécialiste de la question de la prostitution au 19e siècle, mais j'imagine que même pour une femme de petite vertu, vous êtes encore un peu trop délurée… Veillez à la crédibilité de votre personnage. De plus, ce n'est pas à moi que vous devez plaire, surtout si celui que vous cherchez est dans les parages ce soir… Regardez plutôt celui-là, on dirait que… Oh non !

― Non, quoi ?

― C'est Strax ! Venez par là. Il faut qu'on fasse un petit détour pour ne pas tomber sur lui car il pourrait me reconnaître. On ne sait jamais. J'étais censée rester dans la maison où vous m'avez trouvée, figurez-vous, et pas vagabonder dans des ruelles dangereuses avec une copine infréquentable.

― Et Dieu merci, vous n'êtes pas une petite oie obéissante… Mais sachez que votre jumelle me trouve tout à fait fréquentable, elle. Qui est Strax ?

― Le majordome de lady Vastra. C'est sa perruque que vous portez.

― Le majordome porte des perruques ?

― Non, lady Vastra. Même si Strax ferait bien car il est chauve comme un œuf.

― J'aime bien quand il y a des cheveux où s'agripper… soupira-t-il.

― Est-ce que vos collègues arrivent à supporter de travailler avec vous ? questionna-t-elle avec curiosité.

― Quels collègues ? Je suis tout seul à Cardiff pour l'instant.

― Je voulais parler de ceux du futur.

― Est-ce qu'on n'avait pas dit qu'on ne parlait pas du futur ? demanda-t-il en battant deux fois de ses faux-cils surdimensionnés avec une moue délicieuse.

― Voilà, ne changez rien ! Là vous avez le ton juste… Non pas que cette promenade costumée m'ennuie mais… me trouveriez-vous très rabat-joie si je vous demandais comment vous pensez l'arrêter et si vous aviez ne serait-ce que le début d'un plan ? Vous avez… une arme planquée quelque part ?

Il sourit de toutes ses dents en la regardant en coulisse, comme s'il pensait à quelque chose de très drôle mais qu'il n'aurait pas daigné partager.

― Super rabat-joie, oui. Mais j'aime la façon dont vous faites semblant de n'avoir jamais assez de ma conversation... Et que vous puissiez badiner tout en restant sur le qui-vive.

― J'ai de l'entrainement.

― C'est évident. Si vous passiez par le début du 21e siècle à Cardiff, vous viendriez me voir pour que je vous trouve un meilleur job qu'ici ?

― Vous ne pouvez pas imaginer le nombre de types suffisants qui sont persuadés que je n'ai pas d'autre envie au monde que de travailler pour eux, plus ou moins contrainte… Et pour ce qui est de vous rendre visite à Cardiff, pour l'heure et tout comme vous, je suis coincée dans ce trou, moi aussi…

Elle pensait qu'elle devait lui taire que le Docteur était là. Jamais le Onzième n'avait revu Jack. Ou en tous cas, il n'en avait pas fait état devant elle quand il en aurait eu l'occasion. Cela la rendait triste de le savoir si inutilement seul dans cette époque. Sans réfléchir, elle brossa furtivement du pouce son poignet gauche. Là où il portait encore tout à l'heure, l'inutile bracelet de cuir du manipulateur de vortex qu'elle lui avait fait enlever car il n'allait pas avec le reste de sa tenue « d'honnête femme ». Il tressaillit légèrement.

― Votre manipulateur n'est pas réparable, n'est-ce pas ? Oui, suis-je bête. Sinon vous seriez déjà reparti.

― Je me sens désagréablement nu sans lui. Et puisque j'y pense, vous feriez mieux d'éviter de me caresser comme ça sans prévenir, ou je pourrais griller ma couverture…

― On se calme, cowboy ! C'est juste un geste affectueux qui ne signifie rien du tout. Les filles font cela entre elles, occasionnellement. Vous vous mettez en mode pause, quelquefois ?

― Mhh, je suis seulement très sensible aux marques d'affection, répondit-il avec un sourire de loup.

― Mhh, à mon époque, on appelle ça juste : démarrer au quart de tour…

Il laissa échapper un éclat de rire vers le ciel.

― Oh, vous ne pouvez pas savoir comme c'est bon de pouvoir parler normalement avec quelqu'un ! La langue de cette époque est pour moi une vraie courbature.

Elle lui adressa un petit sourire piquant.

― Mais écoutez-vous ! Vous vous en tirez bien, je trouve… Vous êtes là depuis quoi ? Vingt ans ?

― Ça me trouble que vous puissiez savoir autant de choses sur moi…

― CQFD. Si je vous avais rencontré au 21e siècle, vous auriez dit que vous en aviez 'plein le cul de parler comme un putain de bouquin' et vous n'auriez certainement pas mis l'étiquette « trouble » sur votre enthousiasme manifeste à échanger des riens avec une… euh… j'allais dire « contemporaine », mais bon vu ce que je crois savoir de votre âge réel…

― Vous savez, je serais trop heureux de remettre ça demain, si on ne le trouvait pas ce soir. Enfin bien sûr, si vous ne me trouvez pas trop vieux pour sortir avec vous…

Elle se demanda s'il avait posé la même question à son Echo mais n'osa pas s'aventurer sur ce terrain. Le badinage incessant de Jack ne la poussait pas forcément sur sa meilleure pente. Un truc qui ne serait sûrement jamais arrivé si elle avait pu avoir un vrai petit ami en quatre ans...

― Vous savez qu'un jour, vous devrez trouver une autre idée que la chasse au psychopathe pour pimenter vos rendez-vous galants ? Quant à vous trouver trop vieux, vous devriez plutôt vous inquiéter de ce que je ne vous trouve pas trop jeune…

Il n'eut pas le temps de lui demander ce que ça signifiait. Elle s'était figée et avait tiré sur sa manche.

Sous la lueur d'un réverbère, elle distinguait une haute silhouette noire, portant un long manteau cape enveloppant. L'homme était totalement immobile, au point qu'on aurait dit une statue. Il avait à sa main gauche une petite sacoche de cuir. Son long visage était caché par l'ombre projetée par son chapeau. Elle donna un très léger coup de coude dans les côtes de Jack.

― Sous le réverbère, celui-là est bizarre, qu'en dites-vous ?

Il acquiesça lentement.

― Oui, très, ça a l'air d'être un bon client pour nous. Enfin pour moi. Je vais voir. Faites mine de me laisser à l'angle maintenant, Miss Moneypenny, conseilla Jack. Je vais aller l'aborder.

― Vous allez vous en sortir ?

― Ma chère, j'aborde des hommes depuis un sacré paquet de temps maintenant… alors oui ! répondit-il après un bref coup d'œil… Oh, mais non, vous êtes inquiète pour moi… Comme c'est mignon. Restez bien à couvert… et merci de votre aide.

Elle pressa sa main dans la sienne alors qu'il s'apprêtait à la laisser.

― Jack, souffla-t-elle, c'est quoi le plan B s'il vous agresse et que c'est plus grave que prévu ?

― Vous allez me trouver puant d'arrogance mais… ce n'est jamais plus grave que prévu. Filez avant que je ne réclame, par prudence, le dernier baiser du condamné…

Dans la nuit, Jack marcha en ligne droite vers l'homme sous le réverbère.Un catwalk parfait. Il s'était entraîné.

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LE DOCTEUR

― Pourquoi je ne dois pas me retourner, Monsieur ? redemanda Strax le cou encore plus raidi que d'habitude alors qu'il essayait ostensiblement de ne pas tourner la tête vers le Docteur.

Ce dernier soupira lentement et répondit d'un ton patient :

― Il y a un truc qui ne va pas avec ces deux femmes là-bas. Je les trouve suspectes. Donc vous allez continuer tout droit, et je vais me rendre invisible pour les suivre et essayer d'écouter ce qu'elles disent.

― Permission de parler librement, monsieur ?

― Accordée.

― Nous ne cherchions pas un homme ?

Le Docteur étouffa un petit rire, en secouant un peu la tête face à ce qu'il voulait bien reconnaître comme un certain bon sens, même de la part de Monsieur Patate.

― Vous avez tout à fait raison. Faites-cela. Vous cherchez un homme, moi je vais voir ces deux suspectes et je vous rejoins dans l'autre rue. Il y a beaucoup d'indices qui nous poussent à croire que l'assassin est un homme. Et à dire vrai, ce serait le secret le mieux gardé de tous les temps si « Jack l'Éventreur » était le nom de code d'un gang de filles… Avez-vous réfléchi au fait que votre maîtresse Vastra pourrait tout à fait répondre à cette description ?

― Parce que Vastra est une fille ? Je croyais que vous m'aviez dit que c'était un lézard ? Un lézard, c'est masculin, non ? D'après la grammaire locale, Monsieur.

Le Docteur tapota l'épaule de Strax, d'un air philosophe et résigné.

― Vos progrès dans la langue m'impressionnent, Strax.

― Merci, Monsieur.

― Retrouvons-nous dans la rue parallèle. Si vous voyez Vastra, dites-lui de rester avec vous jusqu'à mon retour. Je ne serai pas long.

Le majordome sontarien continua tout droit comme si de rien n'était pendant que le Docteur faisait de son mieux pour s'approcher le plus discrètement possible. Il était totalement invisible et cette capacité le ravissait positivement.

Après quelques tâtonnements antérieurs, il avait fini par comprendre qu'il n'avait pas besoin de se déshabiller entièrement pour disparaître totalement à la vue de tous et comment étendre l'invisibilité aux vêtements qu'il portait. En repensant à « l'ami imaginaire » d'Helen Magnus, il espéra que ce dernier avait trouvé comment faire lui aussi. En l'imaginant se balader tout nu au beau milieu du musée où il les avait espionnés la première fois, il étouffa un petit rire.

Il n'entendait pas bien la conversation des deux femmes devant lui, ne percevant que quelques bribes de mots, ici ou là, dans leur conversation intime. Elles avançaient, elles s'arrêtaient, reprenaient leur marche. L'une des deux était plus exubérante que l'autre et riait souvent d'une voix étonnamment grave. Toutefois, il n'était pas sûr qu'il s'agisse de deux prostituées. Car de fait, elles semblaient bien trop absorbées l'une par l'autre, plutôt que par d'éventuels clients, ce qui risquait de nuire à leur commerce le cas échéant.Leur langage corporel était tout aussi perturbant. Bien qu'elles aient l'air de faire des commentaires sur certains hommes, le Docteur aurait dit qu'il y avait de l'attirance entre elles deux. En plus, avec le super odorat que lui faisait le Sang, les phéromones qu'elles dégageaient ne permettaient pas d'avoir trop de doutes à ce sujet.

Néanmoins, il fallait qu'il réduise la distance pour avoir une meilleure appréhension de ce qu'elles mijotaient. Il fit le tour pour arriver d'en face et les croiser afin de voir leur visage. Quand il fut assez près, il oublia totalement de les écouter en reconnaissant quelqu'un qu'il ne s'attendait pas à voir là : sa petite voleuse de cookies.

Le regard qu'elle posait sur la grande rousse (superbe) qui lui faisait face, était empreint de sentiments contradictoires qu'il avait du mal à lire. Il n'aurait pas imaginé cela d'elle et il devait reconnaitre que ça le déstabilisait légèrement, car tout à l'heure, il avait eu l'impression qu'il lui plaisait un peu.

Voyant qu'elle partait seule, il la suivit alors qu'elle tournait à l'angle de la rue et s'adossait au mur, avec un air d'inquiétude indéniable plaqué sur ses traits. Elle pencha la tête un tout petit peu au coin pour surveiller ce qui se passait plus loin, avec son amie.

Comme elle ne lui paraissait pas en danger, le Docteur décida de s'occuper plutôt de la rousse et de son client.

― Tu as envie de passer un peu de bon temps avec moi, chéri ? demandait-elle.

― Pas cette fois, répondit l'autre d'une voix légèrement éraillée. Mais avec ta jeune amie sans aucun doute.

La rouquine se cala sur une hanche, la jambe opposée tendue pour montrer le galbe de son mollet et elle se cambra pour faire ressortir sa poitrine.

― Je suis beaucoup plus expérimentée qu'elle, tu prendras bien plus de plaisir avec moi. Tu verras que je suis pleine de surprises…

― Laisse-moi ou va plutôt chercher la petite brune.

― Elle est déjà loin maintenant.

― Mais non… Combien pour vous avoir toutes les deux ? Et surtout combien pour que tu me laisses seul avec elle ?

― Est-ce que j'ai l'air aussi désespérée ?

― Est-ce que j'ai l'air d'être aussi patient ? soupira l'homme en cape. Son cœur doit être doux comme de la soie.

― Le mien peut l'être aussi, répondit la beauté rousse d'un ton suggestif en s'approchant à le toucher.

L'homme grogna légèrement en l'attrapant aux poignets pour la pousser contre un mur de briques proche.

― Tu as gagné ! On va voir ça.

Dans un bruit de ferraille, sa serviette de cuir tomba au sol tandis qu'il fondait sur la prostituée qui avait renversé la tête en arrière et s'arquait pendant qu'elle l'attirait contre elle avec un gémissement de gorge proprement indécent.

L'homme à la cape tira avec impatience sur la robe pour dégager une épaule (qu'il ne regarda pas) et la belle rousse se mit à rire tout bas.

― Et bien, tu vois quand tu veux…

― Tais-toi ! lui ordonna l'autre. Voyons ce cœur dont tu t'es tant vantée.

― Tu ne veux pas monter chez moi ? Ce n'est pas très loin, proposa-t-elle.

― Pas besoin, répondit le client à présent collé contre elle.

Au moment où il fourrageait pour soulever ses jupons, l'homme à la cape s'écarta brusquement d'elle, en la maintenant soudain à distance au bout de son bras.

― Mais… qu'est-ce que… ?

― Ne t'avais-je pas dit que j'étais pleine de surprises ?

Il arbora une grimace de dégoût et de fureur et son poing plongea littéralement jusqu'au poignet dans la poitrine de sa victime qui écarquilla les yeux sous le choc. De là où il était, le Docteur ne voyait pas nettement ce qu'ils faisaient mais le regard de la femme clouée au mur disait assez que ce n'était pas du tout ce à quoi elle s'attendait.

Le Gallifréen pris au dépourvu par la rapidité foudroyante de l'agression chercha quelque chose pour assommer l'agresseur : il ne trouva que la lourde sacoche, qu'il souleva pour l'abattre de toutes ses forces sur son crâne. Malheureusement, celle-ci s'ouvrit en libérant une demi-douzaine de longs couteaux. En voyant cela, il décrocha un sifflet de son cou et souffla dedans. Vastra et Strax avaient une ouïe adaptée pour ces fréquences et allaient rappliquer pour l'aider à le ceinturer.

L'homme était tombé à genoux et la grande rousse s'était effondrée au sol, le regard malheureusement déjà vide. Le Docteur était légèrement choqué de voir qu'elle était morte si vite, elle semblait pourtant n'avoir aucune blessure apparente alors que la main du meurtrier était en sang. Il n'entendait plus son cœur battre, sans même avoir besoin de vérifier son pouls.

― Nigel ? crut-il entendre. Est-ce que tu m'as suivi ?

― Ne bougez pas ! ordonna le Docteur en déguisant sa voix.

― Compte là-dessus ! répondit l'assassin en essayant de se relever.

Il chercha à se dégager de la poigne de fer invisible qui le retenait et frappa un peu au hasard.

Le Docteur prit un coup dans le nez en grimaçant de douleur. Des pas précipités se firent entendre sur sa droite et il vit arriver Vastra, Strax et la petite voleuse qui se séparèrent, la voleuse filant directement vers le corps de la rouquine.

Vastra avait fait un bond élastique phénoménal pour atterrir sur le dos de l'assaillant du Docteur et était en train de le mordre sauvagement à la main, pendant qu'il se débattait en criant de douleur. Il réussit à la désarçonner et à la faire tomber à terre et à fuir sur quelques mètres.

Strax avait vu les couteaux tombés à terre et s'en était aussitôt saisi.

― Vise les jambes pour le ralentir Strax ! ordonna Vastra.

Le majordome entama une poursuite sur ses courtes petites pattes et lança les couteaux en se réjouissant dès qu'il vit qu'il avait touché sa cible en mouvement.

― Je l'ai eu ! Par ici !

Avec une vigueur renouvelée, le Docteur, la Silurienne et le Sontarien s'élancèrent à la poursuite de l'homme à la cape. Pendant qu'il courait, Strax déploya un genre de filet de pêche lesté de poids et le tendit à Vastra. D'un commun accord, ils le jetèrent sur leur proie pour tenter de l'immobiliser au sol.

L'homme empêtré dans le filet poussa un juron paniqué. Il se retourna vers eux et le Docteur eut le temps de voir sous des cheveux sombres noués sur la nuque en catogan, une longue figure maigre dotée d'épais favoris, un regard clair aux fins sourcils tombants avec… un grand menton – il n'allait pas critiquer ça. Mais sous leurs yeux médusés et avant qu'ils eussent pu faire un seul geste, l'homme disparut en « s'effilochant » dans les airs et le filet vide retomba inerte sur le pavé mouillé.

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