From Vegas with love

Chapitre 21 : C21 : J-2, l'avant dernier matin

5852 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 20/08/2015 20:16

CHAPITRE XXI

RIVER SONG

River se leva finalement du canapé d'où elle n'avait pas beaucoup bougé de la soirée et entreprit de ramasser leurs verres. Ces prémisses de rangement indiquèrent à Quentin que l'heure de prendre congé était proche. Elle ne donnait pas l'air d'avoir non plus l'intention de le questionner plus avant sur la somme astronomique qu'il avait déboursée, lui, pour déplacer toute son équipe de recherche, suite à sa tentative de prise de contrôle sur Otto.

Messieurs, voudrez-vous un café avant de reprendre le volant ? demanda-t-elle en bonne hôtesse.

Matty refusa, arguant qu'il n'était pas sensible au charme âcre de cet antique breuvage. Quentin accepta parce qu'il n'avait pas très envie de partir déjà. Il l'observa curieusement lui préparer une tasse et s'étonna quand elle demanda combien de sucre il mettait. En lui apportant sa tasse, elle ajouta d'une voix basse de conspiratrice lorsqu'elle fut assez proche de lui :

Je crois que vous devriez demander à Matty d'aller chercher votre voiture pendant que vous finissez…

Il leva un sourcil.

Une excuse pour rester seule avec moi et me cuisiner sans témoins ?

Pas du tout.

Alors un complot manifeste pour placer votre jeune amie auprès d'un golden boy très en vue ?

Vous pouvez le voir comme ça si ça vous rassure… dit-elle énigmatiquement.

.°.

AMY-LEIGH WATTS

Matty descendit de la voiture qu'il venait de garer devant leur pavillon et en fit le tour pour aller galamment ouvrir la portière à sa cavalière.

Alors comment les as-tu trouvés ensemble ? demanda-t-elle en acceptant sa main pour l'aider à descendre.

Je ne sais pas… Je dirais assez prudents, en fait.

Il claqua la portière pour la refermer.

Ils se tenaient tout près l'un de l'autre et ils ont ri plusieurs fois, souligna-t-elle en s'adossant à la voiture.

C'est vrai, c'est vrai. Mais, ils n'ont eu absolument aucun contact. Pas même un frôlement.

Et c'est important ?

Et bien… hésita-t-il en la regardant avec surprise. Ça dépend des gens bien sûr mais… j'aurais plutôt interprété ça comme un signe négatif.

Je suppose que ton frère est aussi bien élevé que toi ?

Pourquoi demandes-tu ça ?

River peut être très impressionnante quand elle s'y met. Il n'osera peut-être pas tenter le moindre… frôlement, s'il n'y a pas été invité…

Matty aimait bien le tour que prenait cette conversation et il sourit largement.

C'est très probable. Nous n'avons peut-être pas beaucoup connu nos parents, mais nous avons reçu une bonne éducation…

Alors, il ne se passera rien du tout, fit Amy en secouant la tête. Car River se méfie.

De mon frère ?!

Non d'elle-même... Je crois qu'en général, les hommes la trouvent attirante. Mais une fois qu'ils l'ont touchée, ils deviennent vraiment bizarres

Allons donc… Qu'est-ce que tu veux dire par bizarres ? demanda-t-il avec un air amusé alors qu'il pensait plutôt à : « Que veux-tu dire par touchée » ?

Oh, attention ! Ils ont ouvert la porte et nous surveillent maintenant… fit Amy.

Qu'ils nous surveillent, nous ne faisons rien de mal… Bizarres comment ?

Oh, je ne sais pas… Même moi, quand elle me tient la main, j'ai envie de l'embrasser !

Amy ! s'exclama Matthew.

Non, mais c'est pour te donner un exemple… Je ne veux pas du tout le faire…

Ah bon ?

Non.

Jamais ?

Mais non je te dis… Ils nous regardent encore. Ils ont l'air d'attendre quelque chose. Peut-être que nous nous disions au revoir et que je rentre ?

Probablement.

Matty ?

Oui.

Est-ce que tu crois que, peut-être, si tu faisais semblant de m'embrasser, ça les inspirerait ?

.°.

La plus âgée remettait en ordre le salon tandis qu'Amy restait à rêvasser sur un fauteuil, les yeux perdus obstinément fixés sur son souvenir du premier baiser de Matthew.

Tu ne veux pas aller dormir ? proposa-t-elle à la jeune femme quand elle eut terminé. Il est tard maintenant.

Non, je n'arriverai jamais à fermer l'œil ! Je vais attendre Jack avec toi.

Il ne vaut mieux pas, il ne va pas rentrer ce soir. Enfin… je ne m'attends pas à ce qu'il le fasse.

Mais il ne dort jamais en fait ?

Si, ça doit lui arriver… Et à moi aussi, ça m'arrive de temps en temps. En tous cas, je me sens épuisée, et moi je vais au lit. Si tu n'as pas envie que nous reprenions notre discussion de tout à l'heure.

Elle secoua la tête vigoureusement.

Oh, non pas maintenant. Cette soirée était tellement merveilleuse. River, toutes ces chansons que je chantais, je ne comprenais rien en fait…

River eut un sourire attendri en quittant la pièce. Oui, il y avait de l'espoir pour elle.

Une fois dans sa chambre, elle ôta ses escarpins, et tenta un mouvement pour essayer de voir si elle pouvait retirer sa veste… Elle n'y parvint pas. Elle s'allongea alors sur son lit tout habillée et soupira en essayant de trouver une position qui ne la faisait pas trop souffrir.

.°.

JACK HARKNESS

Le lendemain matin, en arrivant dans les bureaux d'H&S Investigation, Jack eut la surprise de trouver une enveloppe glissée sous la porte. Les lieux étaient déserts et River n'était pas là, ce qui était assez surprenant. Il mit la cafetière en route et ouvrit l'enveloppe pour découvrir avec intérêt qu'il s'agissait d'un message de leur client Kelnig, ce dont il fut assez heureux. Il lui fixait un autre rendez-vous dans un lieu public.

Il avala son café et commença à éplucher les autres messages en attente. Pas un seul de River. Il n'arrivait pas à se dire qu'elle lui en voulait d'avoir passé la soirée dehors, et qu'elle lui battait froid pour ça. Ce n'était pas du tout son genre. Il lui écrivit une note pour lui dire qu'il ressortait pour un rendez-vous à la gare avec Kelnig.

Alors qu'il expédiait ce message, il s'avisa qu'il venait d'en recevoir un autre. Sa boîte aux lettres et celle de River étaient synchronisées, de sorte qu'il recevait une copie de ses messages, et elle une copie des siens, afin qu'ils soient tout le temps avertis des derniers développements. Les clients ne pensaient pas toujours à les mettre l'un l'autre systématiquement en copie. Cette organisation exigeait un peu de confiance. Il fallait repérer les messages qui pourraient éventuellement être plus personnels, mais pour ceux-ci ils avaient également une adresse privée. Là, c'était un message de Quentin Cormack qui venait de tomber sur la messagerie pro. Il se souvenait qu'elle comptait le rappeler au sujet du téléporteur.

Il décida de l'ouvrir.

« Chère River,Un million de fois merci pour cette délicieuse soirée. Vous trouverez-ci après le nom du contact chez Transmat System qui vous sera peut-être utile pour vos recherches. Je reste, votre dévouéQuentin Cormack ».

Suivaient des coordonnées que Jack nota dument en se frottant le menton avec un sourire. Deux lignes seulement, mais elles laissaient entendre beaucoup plus. Qu'avait-elle pu faire qui méritait un million de remerciements de la part du « dévoué » Cormack ?…

Il quitta son bureau car l'heure de son rendez-vous avec Kelnig approchait, et choisit de s'y rendre à pied car ce n'était pas très loin. Pendant le trajet, il se demanda si elle n'avait pas joint l'utile à l'agréable avec l'industriel. Cormack était un peu plus séduisant que Fielding, mais les deux hommes étaient puissants dans le coin. Elle avait peut-être plus le sens du réseau que lui.

.°.

Alors qu'il était toujours en chemin vers la gare, son téléphone se mit à sonner et en prenant l'appel, il reconnut la voix de John.

Où es-tu passé ? demandait ce dernier d'une voix à peine réveillée.

Au travail, fit Jack. Tu sais le fameux Kelnig que vous cherchiez hier, j'ai rendez-vous avec dans dix minutes et je suis en route.

Ah, je me souvenais pas que tu étais un bourreau du travail avant, pesta-t-il… Je peux te retrouver quelque part quand tu as fini ?

Encore ?

Hem... Je pensais plutôt à ce que tu me payes un petit-déjeuner…

Ok, je te rappelle dans une demi-heure.

Jack raccrocha avec perplexité. Il aurait eu plus vite fait de considérer que John n'était plus John, mais juste quelqu'un qui lui ressemblait beaucoup.

Bien sûr la nuit dernière, ils avaient fait comme avant la tournée des bars, celle de plusieurs clubs de strip-tease masculins et féminins, parié dans quelques combats clandestins, plumés deux ou trois gogos aux cartes en se partageant les gains…

Mais ce qui avait suivi quand ils étaient rentrés à l'hôtel… ça ce n'était plus John du tout. Infiniment plus affectueux et plus généreux que dans ses souvenirs. Tellement différent que c'en était troublant. L'amour avait toujours été un combat avec lui. Un rapport de force, avec un gagnant et un perdant. Un jeu passionné où il aimait le vaincre et être vaincu. Comment toutes ses références avaient-elles pu changer autant ? Il aurait bien aimé le savoir…

Mais il devait bien reconnaître que John avait très bien su se faire pardonner cette autre nuit terrible, celle où il avait failli mourir entièrement consumé et ce qu'il lui avait avoué, alors qu'il pensait qu'il n'allait pas s'en tirer et mourir entre ses bras.

.°.

Il relégua ces souvenirs à l'arrière-plan car il arrivait en vue de la gare principale. Mieux valait rester pleinement concentré. A cette heure encore un peu matinale, le bâtiment était pourtant déjà plein de monde, des voyageurs qui prenaient les transports pour aller à leur travail. Jack avait rendez-vous près des consignes. Il y attendit cinq minutes. Au bout d'un moment, un homme le bouscula légèrement, puis s'excusa et fit mine de se pencher.

Tenez, vous avez laissé tomber votre clé, dit-il en la lui tendant.

Jack reconnut à grand peine le mari de Lena Kelnig, affublé d'une fausse barbe et d'une casquette. L'homme lui fit aussitôt signe de se taire.

Je sais ce que vous allez dire : non, je quitte le pays. Ouvrez la consigne quand je serai parti, prenez les documents. Je crois que Lena a été tuée. Elle m'a fait expédier ceci par transporteur privé en mode économique, ce qui explique le délai. Tout ce qui pourrait vous être utile est là-dedans, moi je ne sais rien de plus, c'était elle la comptable. Des types sont venus chez moi. Il paraît qu'ils ont descendu mon voisin. Toute cette affaire est devenue trop dangereuse. Faites bien attention à vous et à vos proches. Adieu.

M. Kelnig ! souffla Jack. Et si nous avons besoin de vous contacter ?

Non vous ne pourrez pas. Vous devriez arrêter vos recherches. Je vous remercie d'avoir essayé d'aider ma femme. Mais là, c'est trop pour moi… Bonne chance et faites bien attention à vous.

Kelnig recula prestement et se mêla à la foule. Il remit une nouvelle casquette différente et abandonna sa jaquette pour rester en veste. Jack jeta un coup d'œil circulaire et prit le temps d'observer le hall de la gare pendant dix minutes avant d'ouvrir la consigne et de récupérer une grosse enveloppe qu'il plia pour la mettre dans son manteau.

.°.

Il rappela John pour lui dire qu'il le rejoignait au café tout proche de son hôtel et puis prit un second appel. C'était Oscar Fielding qui cherchait à joindre River.

Je tombe toujours sur sa messagerie, c'est étrange, non ? Vous l'avez vue après notre entretien ? demanda-t-il.

Non, admit Jack. J'avais d'autres impératifs. Mais vu l'heure, elle doit être en chemin pour nos bureaux. Elle vient avec les transports en commun aujourd'hui, donc elle a dû couper son téléphone. Je passerai votre message.

Jack raccrocha et pressa le pas vers le café où il devait retrouver John. Celui-ci l'attendait près de l'entrée, les mains dans les poches, l'air délicieusement mal réveillé.

Salut bel étranger, murmura-t-il dans un sourire.

John le gratifia d'un coup d'oeil à moitié amusé et à moitié renfrogné.

Tu travailles super tôt, remarqua-t-il en le faisant sonner comme un reproche.

Ouais. Le travail, c'est une sale habitude. Quand tu la prends, c'est comme une drogue… tu ne peux plus t'en défaire. Heureusement, toi tu t'es toujours préservé de ça…

Tu veux que je me tire tout de suite, c'est ça ?

Non, reconnut Jack piteusement. Mais j'ai été un peu surpris que tu me rappelles tout à l'heure.

Tu veux dire que je sois moins mal élevé que d'habitude ?

Jack n'osa pas commenter et se contenta d'une petite grimace équivoque.

Tu avais faim, je crois ? Entrons.

Par tous les diables, oui !

Quand ils se furent assis à une table, Jack commanda un petit déjeuner local pour John et juste un café pour lui avant de lui demander pourquoi il voulait le revoir si vite. John se mit à le regarder d'une façon qui était, pour le coup, beaucoup plus familière, beaucoup plus proche de celui qu'il avait toujours connu. Provocatrice et distante à la fois. Avide, embarrassée, luxurieuse. Comme si tous les sentiments étaient jetés pêle-mêle dans le creuset de son cœur détraqué.

J'ai l'impression que tu es parti pour t'installer quelques temps ici… et que si je te demandais de repartir avec moi, tu dirais non, n'est-ce pas ?

Partir avec toi pour quelle destination ? s'enquit-il en le regardant avec intérêt.

Je n'avais pas un plan de vol très précis en tête. Comme tu m'as dit que tu avais besoin de souvent bouger pour échapper à ceux qui te cherchent, je croyais que tu opterais pour un mode de vie plus… nomade. Un truc du genre, toi, moi, ta navette, et le vaste univers à nos pieds…

Ah mon dieu, si seulement tu m'avais dit ça il y a cent cinquante ans… !

Quoi ?

J'aurais accepté ! fit Jack en riant.

Non, c'est quoi ces cent cinquante ans ? Tu as quel âge ?

A peu près cent quatre-vingt-deux, ou trois.

Tu me charries là…

Jack secoua la tête négativement et John resta pensif à cette idée pendant un instant, puis reprit :

Tu vas rester ici combien de temps ?

Quelques années, probablement. Si je fais suffisamment attention, je peux peut-être tenir quatre ou cinq ans. Deux minimum en tous cas. Et toi ? Quand comptes-tu repartir ?

Je n'ai plus de vaisseau, ça va limiter un peu mes déplacements.

Tu vas réquisitionner le mien ? s'enquit le Capitaine avec un air entendu.

Étant donné que tu voulais me piquer mon manipulateur, reconnais que ça serait de bonne guerre… Mais peut-être aussi que je pourrais… rester un peu.

Sur Velquesh ?

Oui, dans le coin…

Jack le considéra d'un œil dubitatif, presque scandalisé.

En ville ? A quoi tu penses ?

Et bien, je me disais que puisque tu ne sembles pas vouloir bouger, au moins pour un petit moment, et qu'en effet tu auras moins besoin de ton vaisseau, tu pourrais envisager de me le prêter. J'aime bien piloter. Je pourrais te le rentabiliser avec un peu de transport de fret ou de passagers, et on partagerait les bénéfices. Jusqu'à ce que tu aies besoin, ou envie, de te tirer d'ici. Qu'est-ce que tu penses de cette idée ?

Je vais y réfléchir.

Longtemps ?

Pas forcément.

Le Capitaine le regarda encore par-dessus sa tasse de café, qu'il sirotait lentement à dessein.

Tu veux rester dans le coin pour avoir une petite chance d'essayer de convaincre River, pas vrai ?…

John lui jeta un regard un peu amusé.

Elle a raison de croire que tu es parano. Est-ce que je t'ai donné hier la moindre raison de douter de ma sincérité envers toi ?

Et bien je dirais… moins que jamais, et je pèse mes mots, mais je te connais assez pour savoir que l'un n'empêche pas l'autre…

John essaya de reprendre une gorgée de café et grimaça.

Je ne suis définitivement pas fan de ce truc, commenta-t-il. Écoute, je ne vais pas te mentir : maintenant, elle pourrait vraiment m'avoir quand elle veut. N'importe quand. Le hic, c'est que je ne l'intéresse pas… Qu'est-ce que tu veux que je fasse ?

Tâcher de te rendre intéressant ? suggéra Jack avec un petit sourire complice.

Ou pas… Il me reste un vague fond d'amour-propre !

D'habitude, tu es plus ambitieux que ça…

D'habitude, je ne me fais pas jeter après avoir connu la meilleure nuit de ma vie ! s'exclama-t-il d'une voix basse et vibrante.

Ah, fit Jack avec beaucoup de tendresse. Tu veux dire que River est aussi cruelle que toi et que maintenant tu commences à comprendre ce que ça fait d'être traité de la sorte ?

.°.

Leur petit-déjeuner terminé, le Capitaine suggéra à son ami de le suivre à l'agence pour ramener la voiture de River qui allait probablement la réclamer pour ses déplacements. Ils s'y rendirent donc en voiture et Jack le laissa conduire pendant qu'il prenait dans sa poche l'enveloppe que lui avait remise Kelnig pour en examiner le contenu. Comme il ne laissait jamais le volant, John se dit que c'était à n'en pas douter une marque de faveur insigne dans le code harknesséen. Peut-être qu'il avait marqué plus de points qu'il ne croyait la nuit dernière.

En ouvrant l'enveloppe, l'autre poussa un juron réjoui. Elle contenait différents listings imprimés, deux petits disques de données, une photo manifestement prise d'une caméra de sécurité où l'on voyait Perterson serrer la main de quelqu'un – qui était malheureusement de dos – et un petit carnet, passablement écorné par l'usage.

Le trajet étant très court, ils rangèrent la voiture de River à sa place et Jack empocha les clés.

Je vais rentrer à pied, dit John. Et te laisser travailler.

Qu'est-ce que tu vas faire de ta journée ?

Sais pas. Cette ville n'est pas spécialement hospitalière pour les types comme moi, au moins dans la journée. Je me demande si je ne pourrais pas faire un peu de tourisme ?

Jack secoua la tête en riant.

— Oh mais tu crois que je ne te vois pas venir ? Faire le tour des musées pour voir des pièces « intéressantes » ? Aller en repérage autour des bijouteries pour évaluer leur système de sécurité ? Tu sais, si tu vas en prison, je ne pourrai pas t'en sortir…

Qui t'a dit que je me ferai prendre et que j'irai en prison ? répondit John avec un air faussement innocent.

Tu ne veux pas plutôt rester avec moi aujourd'hui ? J'aimais bien quand tu faisais semblant d'être mon garde du corps sur la station orbitale…

Sur la station orbitale, il y avait un peu plus d'action qu'ici… rétorqua-t-il.

Quoi ? Une seule bagarre hier après-midi, c'était un peu trop pauvre pour toi ?

Oui, River a flécheté l'autre moins de deux...

Oh, elle est décidément impitoyable, fit Jack taquin. C'est plutôt pour éviter de la voir que tu ne veux pas monter, non ?

John opina plusieurs fois.

Mais je ne travaille pas toute la journée avec elle, confiné dans ce bureau. Ni elle ni moi n'y sommes en permanence…

Tu insistes parce que tu fais un truc ce soir et que tu ne me rejoindras pas ?

Ah non, moi je suis basique ! se défendit le Capitaine. Si tu veux bien te montrer sous un jour aussi surprenant que la fin de la nuit dernière, je rapplique sans discuter…

J'étais bien trop saoul pour me souvenir de la nuit dernière, affirma-t-il avec la plus entière mauvaise foi, mais aussi un coup d'œil équivoque.

Mhh, je crois qu'on est face à une épidémie : les trous de mémoire de River sont contagieux, on dirait.

John sourit, haussa les épaules et tourna les talons.

.°.

Une fois rentré au bureau, le Capitaine Harkness constata que son associée préférée n'était toujours pas là. Peut-être était-elle partie à un autre rendez-vous directement mais c'était assez étonnant qu'elle ne l'ait pas prévenu. Il laissa un message sur son téléphone expliquant qu'il avait vu Kelnig et que celui-ci lui avait transmis son bon souvenir. Sur Terre, il aurait pu s'assurer que les communications étaient sécurisées. Mais sur Velquesh, mieux valait rester prudent. Il se plongea donc dans l'étude des différents documents qu'il avait ramenés. Mais pas aussi longtemps qu'il l'aurait souhaité car un coup de fil d'Amy l'interrompit moins d'une demi-heure plus tard, alors qu'il n'avait pas encore tout examiné en détail.

Jack, River ne s'est pas réveillée ce matin. Je suis sortie faire une course tout à l'heure et en rentrant, je vois qu'elle est toujours là et qu'elle continue à dormir, ça m'inquiète un peu… Elle ne dort pas beaucoup d'habitude.

Peut-être qu'elle compense justement le retard. Vous vous êtes couchées tard hier soir ?

Oui et non, mais elle a dit qu'elle était fatiguée.

Ok, passe-la moi.

Elle ne se réveille pas quand je lui parle. Ou bien pour me demander d'aller au diable…

Je vois, répondit-il avec un sourire amusé. Bon, j'arrive.

Je dois ressortir, prends tes clés.

Jack raccrocha, un peu intrigué. Il prit les dossiers qu'il était en train de lire pour les ranger dans le coffre qu'ils avaient à l'agence, car il pourrait arriver que certains documents n'aient pas à trainer trop ostensiblement.

.°.

Il la trouva dans sa propre chambre, ce qui était assez exceptionnel tant il était courant qu'elle finisse sur le sofa, ou dans un fauteuil près d'Amy. Comme d'habitude, elle dormait tout habillée recouverte d'une légère couverture.

River ?

Elle soupira et se retourna, manifestement pas décidée à faire l'effort d'une conversation. Il s'approcha d'elle.

Est-ce que tu vas bien ? Tu dors depuis environ douze heures…

Pas de réponse. Jack vint près d'elle et fit le tour du lit pour s'asseoir au bord. Il toucha son front mais elle n'avait pas de fièvre. Son pouls était régulier également. Du revers de l'index, il caressa sa joue.

Debout, jolie marmotte…

Fatiguée… murmura-t-elle.

Qu'as-tu donc fait hier soir pour être aussi épuisée ce matin ?

Pique-nique avec les frères Cormack, marmonna-t-elle en se recroquevillant plus sous sa couverture.

Et bien, ils cachaient bien leur jeu ! répondit-il, pince sans rire.

Elle ne réagit pas pendant quelques secondes, et puis lui frappa la cuisse à sa portée d'un coup de poing sans force.

Oh, tais-toi… Mais non !… Pas du tout ce que tu insinues…

Ok, tu as mangé ou bu quelque chose ?

Elle entrouvrit un œil grincheux.

C'est un peu le principe du pique-nique…

Il rit doucement.

Allez, ouvre les yeux.

Non, je veux une journée de congé.

Lève-toi ou je te promets que je viens te chercher…

Elle grimaça.

Aïe. J'ai encore mal au bras, dit-elle. Oh mon dieu, je viens de comprendre !… dit-elle en se réveillant tout à fait.

Comprendre quoi ? Qu'est-ce qu'il a ton bras ?

Il a trinqué pendant l'échauffourée d'hier chez Kelnig.

John m'a dit que tu as utilisé une fléchette tranquillisante pourtant.

Oh mais c'est que vous avez des conversations passionnantes pour animer vos soirées… se moqua-t-elle en essayant de se relever en position assise.

Ne change pas de sujet, répondit-il en l'aidant. Laisse-moi voir.

Aïe, non ça me fait mal. Je savais en mettant cette veste que j'aurais du mal à l'enlever.

Alors pourquoi l'avoir mise ? Laisse-moi voir. Peut-être que tu t'es cassé un os ?

Elle secoua la tête.

Non, ç'a été vérifié à l'hôpital hier. Je crois juste que ce clone est une mauviette. J'étais beaucoup plus solide que ça avant…

Il l'aida à retirer la veste et vit qu'entre l'épaule et le coude s'étalait un gros hématome bien moche, où l'on reconnaissait nettement la prise d'une main.

Qu'est-ce qui s'est passé ? s'étonna-t-il.

Ce n'était pas comme ça hier. Et j'aurais dû les abattre tous les deux !

Je suppose que tu ne parles pas des frères Cormack, dit-il en examinant son bras.

Aïe, fais gaffe, j'ai l'épaule aussi… Non, les deux types chez Kelnig !

C'est pour ça que tu ne voulais pas ressortir voir Fielding ?

C'est exactement pour les raisons que je t'ai données.

Je vais chercher un truc à mettre là-dessus.

Il se leva pour aller fouiller dans l'armoire à pharmacie, et revint avec un tube. Elle voulut se lever.

Non non, l'empêcha-t-il. Si tu tournes de l'œil, j'aime autant que tu sois sur ton lit pour éviter que tu ne te fracasses autre chose…

Tu me retiendrais, répondit-elle avec un léger sourire charmeur.

Oh non, je sais que tu es une femme très indépendante et que tu pourrais très mal le prendre… Raconte-moi plutôt pourquoi c'est non pour Fielding et oui pour les Cormack…

Nous avions parlé de tâcher de savoir si Peterson pouvait avoir un téléporteur et que j'interrogerais Quentin à ce sujet. Je l'ai appelé pour essayer d'avoir un rendez-vous la semaine prochaine, et il m'a très poliment envoyée promener.

Quel suspense… commenta-t-il en étalant un peu de crème sur son bras. Quelque chose a dû tourner autrement parce qu'il t'a répondu ce matin en des termes très ambigus pour te donner le nom d'un contact.

Oh, il l'a fait ? Formidable. Qu'est-ce que tu veux dire par « très ambigus» ?

Je te laisserai le découvrir…

Pff… Bref, il a proposé qu'on se voie le soir même et j'ai décliné étant donné l'état dans lequel je me trouvais. Il a insisté un peu en promettant d'amener son frère ce qui naturellement a beaucoup plu à Amy. Comme nous n'avions aucune véritable piste à ce moment, je me suis dit que je pouvais faire un petit effort… La soirée était charmante au demeurant, et je crois bien qu'elle va en garder un souvenir impérissable, mais j'ai juste oublié que j'avais eu des antalgiques à l'hôpital. Comme ils ne me faisaient pas grand-chose, j'ai légèrement désensibilisé mon bras pour éviter de souffrir tout du long quand nos invités sont arrivés...

Et tu as bu de l'alcool après… fit-il en secouant la tête en affichant une fausse réprobation.

Oui, mais pas beaucoup. Comme je n'avais presque plus mal, j'ai oublié… Jack, je crois que ça doit faire quatre fois que tu m'en remets…

Bon, on va dire que ça sera suffisant alors…

Il se leva pour aller ranger le tube et elle le suivit jusque dans la salle de bains.

T'en vas pas, j'ai pas fini… Quentin m'a expliqué que personne ne possédait vraiment de téléporteur privé mais qu'une société louait à prix d'or ce service à ceux qui en avaient les moyens. Le truc, c'est de parvenir à savoir si Peterson pouvait se permettre de débourser un million et demi pour ça…

Il sourit avec gourmandise pour lui répondre :

Ce matin j'ai vu Kelnig. Bon, j'avoue qu'il m'a filé entre les pattes parce qu'il avait vraiment peur pour sa vie, mais il m'a remis des documents que sa femme avait mis de côté. J'étais en train de les étudier quand Amy a appelé. Et, tu sais quoi ? Je crois que Peterson a largement les moyens !…

.°.

 

Note de l'auteur : après ce chapitre de transition qui nous montre le Capitaine au travail, plus qu'un dernier et l'épilogue. Merci à ceux qui sont restés jusque là. Tenez bon. Et ne zappez pas la fin.

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