From Vegas with love

Chapitre 19 : C19: Beautiful stranger

5614 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 15/08/2015 13:36

CHAPITRE XIX – Beautiful Stranger

JOHN HART

John aurait pu payer cher pour savoir ce qu'elle avait dans la tête à cette minute. Elle était en fait en train de constater, avec un rien d'humiliation, qu'elle le trouvait toujours aussi attirant. Elle aurait trouvé tellement plus simple de le revoir à froid et de se demander, avec toute la consternation requise, ce qu'elle avait bien pu lui trouver ! Mais au lieu de cela, elle avait eu instantanément envie d'être près de lui. Vraiment plus près. Pourtant, malheureusement pour John, elle n'en laissa rien paraître.

Bonjour John.

Bonjour River, répondit-il arborant une expression mal déchiffrable. Tu t'apprêtais à sortir ?

Oui, dans une minute. Tu as fait bon voyage ?

Tu le sais bien, répondit-il en inclinant la tête. Tu n'arrêtes pas de m'espionner depuis des semaines…

Oh, malheur, je suis démasquée ! reconnut-elle avec une moue comique.

Oui, enfin ! Est-ce là la vraie River Song ?

Elle esquissa un sourire juste un peu moqueur.

Considérant que « River Song » est un pseudo et que cette enveloppe est un clone, je te laisse tirer les conclusions qui conviennent sur la « véracité » de cette River !

Il commença par le commencement. Physiquement, elle n'avait parfaitement rien à voir avec Miss Watts. A part la couleur des yeux, peut-être. Pas le même blond, qui était ici beaucoup plus chaud. Pas la même taille. Pas du tout la même silhouette.Mais ces yeux graves sous deux arcs parfaits que le maquillage rendait presque hypnotiques, le regardaient pourtant d'une façon qui lui paraissait bizarrement familière, et cette voix un peu basse qui s'échappait de cette jolie petite bouche pulpeuse était définitivement celle qu'il avait entendue dans sa tête la première fois.

Je n'aurai même pas droit à une petite bise de bienvenue ? protesta-t-il.

Je suppose que tu pourrais, oui.

Mais ?...

Mais rien du tout.

Elle vint à lui d'un pas décidé et planta un bref baiser sur sa joue.

Je dois sortir pour une course.

Il acquiesça en la retenant.

Dans une minute… Avant, je voudrais t'embrasser.

Je te préviens que tu n'arriveras à rien de cette façon…

Tu veux dire en le demandant gentiment ? Je peux aussi ne pas demander et être moins gentil, si tu préfères…

Il prit son manteau de ses mains et l'envoya sur une chaise à proximité, puis comme ses yeux le défiaient d'oser, il l'approcha quand même doucement de lui pour la prendre dans ses bras. Dès le premier contact, il reconnut sa vibration orageuse et enivrante, cette pulsation qui le gagnait par vagues. La même. Exactement la même. Mais dans un corps tellement différent ! Plus doux, et plus… plus…

Tes mains s'égarent un peu, mon cher John. Tu as juste parlé de m'embrasser…

Merci de me le rappeler, murmura-t-il dans la douceur de son cou pour venir à sa bouche.

Elle mit un petit moment avant de lui céder mais il n'était pas pressé, car pouvoir la toucher était déjà particulièrement euphorisant. Il fit durer leur baiser jusqu'à ce qu'elle frissonne enfin entre ses bras, se sentant enfin un peu soulagé parce que lorsqu'elle était ainsi contre lui, elle ne mentait pas.

Elle rompit pourtant le contact et dit en soupirant :

Le mot que tu cherchais était probablement… « voluptueux ».

Il acquiesça comme leurs regards clairs se croisèrent, puis s'écarta d'elle un peu, juste pour pouvoir contempler combien c'était vrai.

Il faut que nous parlions, déclara-t-il.

De quoi ?

De ce que nous ressentons et de ce que nous allons faire à ce sujet !

Je vais te le dire : nous n'allons rien faire du tout.

A-A. Pas d'accord.

Et quand bien même ? dit-elle en tentant de se dégager. As-tu réfléchi deux minutes à la situation et au contexte ? Jack est devenu mon ami et j'aime travailler avec lui. Je n'ai absolument aucune envie de me montrer déloyale alors qu'il m'a tendu la main. Par-dessus le marché, comme si ce n'était pas suffisant, je ne me vois absolument pas imposer ta présence à Amy-Leigh qui conserve des séquelles de tout cela – et là je ne parle pas de sa grossesse… Je suis désolée John, je viens à peine de reconstruire une nouvelle vie, j'essaie de faire ce que je dois.

Il la regardait intensément mais n'avait presque rien écouté, uniquement concentré sur l'envie qu'il avait de défaire sa coiffure stricte et plonger ses doigts dans la masse ondoyante de ses cheveux.

Pourquoi penses-tu que tu ne mérites pas tout le bien que je peux te faire ? Pourquoi ne te l'autorises-tu pas ?

Mais quel petit prétentieux ! dit-elle alors d'un ton trop affectueux pour qu'il soit cinglant. Penses-tu donc être le seul qui puisse me combler sur ce plan ?

J'admets que… je n'ai pas réfléchi à la question. Et j'admets aussi que je n'espère qu'une seule chose : une autre nuit comme celle que tu m'as déjà accordée.

Oh, mais bien sûr ! Et quand tu auras eu une autre nuit, tu en voudras une troisième !

Très probablement ! opina-t-il avec un large sourire.

Mais qu'est-ce que tu espères ? s'exaspéra-t-elle en essayant néanmoins de contenir assez bas le ton de sa voix. Nous utiliser Jack et moi comme amants occasionnels au gré de ta fantaisie ?

Pourquoi « occasionnels ? » demanda-t-il surpris. Et surtout, pourquoi « utiliser » ?!

Oh pardon, coucher avec nous deux, en alternant équitablement les jours de la semaine ? Coucher avec nous deux en même temps, pour t'éviter une organisation un peu compliquée ? Ne fais pas cette tête ravie ! Ce n'est pas une proposition ! Ça n'arrivera pas ! siffla-t-elle entre ses dents.

Pourquoi ? demanda-t-il posément, en réussissant au mieux un regard innocent.

Elle le considéra avec surprise, ses belles joues pleines rosies sous l'effet de l'émotion, l'œil électrique et des cheveux rebelles qui commençaient à s'échapper de son chignon.

Diable ! On croirait presque à une vraie question de ta part…

Mais c'en est une. Je vous aime tous les deux. Pourquoi compliquer, quand tout peut être simple ?

Elle eut un petit rire sec qu'elle contrôla aussitôt en se rappelant que Jack recevait un client dans la pièce à côté.

Et bien ! Tu n'as définitivement pas passé assez de temps avec nous autres si tu n'es pas capable de reconnaître là la devise du genre féminin… se moqua-t-elle. Pourquoi ça n'arrivera pas ? Mais je vais te le dire : Jack et toi vous êtes peut-être issus d'une époque ultérieure culturellement façonnée à l'aune de cette éclatante « simplicité », mais ce n'est pas mon cas… Je ne suis pas du genre à partager. Je supporte déjà assez mal que le Docteur préfère aujourd'hui voyager avec une autre femme…

Et pourquoi me parles-tu de ce type maintenant ?

Je suis sa femme. Enfin – corrigea-t-elle aussitôt – je l'étais.

John sourit en se mordant la lèvre, en la considérant d'une pupille soudain beaucoup plus caressante, l'air suffisant.

Oh mon Dieu ! Mais j'ai donc fait bien mieux que de lui piquer sa fichue boîte… Je pensais qu'il me méprisait certainement pour avoir voulu tromper ses amis, qu'il me détestait franchement d'avoir presque tué sa « compagne », mais degré de détestation pourrais-je mériter pour avoir séduit sa femme ?

N'aie pas l'air si content de toi. Ce n'est pas l'exploit que tu crois…

Oh mais si !… N'as-tu pas dit, plus ou moins, que pour toi les relations sont forcément exclusives ? Dans ces conditions, que tu viennes à moi ne pourrait pas passer pour quelque chose de purement anodin, n'est-ce pas ?

Elle prit une expression contrariée pour lui répondre.

En théorie.

Il n'y a que toi pour reconnaître en deux mots si efficaces, que j'ai tort et raison à la fois…

Elle battit des paupières et secoua la tête, fâchée de constater qu'il arrivait bien trop vite à la mettre en colère, rien qu'en argumentant.

Ecoute, si nous devons nous disputer, autant le faire hors de ce bureau. Mais j'ai quelqu'un à voir impérativement…

Oui, oui, je sais, répondit-il avec humour. Si je me tiens tranquille et que je ne fais pas de bruit, tu consentiras à ce que je reste un peu avec toi, autant de temps que tu l'auras décidé…

Elle lui décocha une œillade assassine, repassa derrière son bureau et pianota un message à l'attention de Jack pour le prévenir qu'elle allait voir le mari de la comptable – leur informatrice – dont il était sans nouvelles. Et qu'elle emmenait son invité. Elle ajouta qu'elle ferait un effort pour essayer de ne pas le tuer trop vite, mais uniquement par égard pour lui.

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Durant tout le trajet en voiture vers le lieu de son rendez-vous, il se tint à peu près sage, se contentant de la contempler – enfin plutôt de la déshabiller des yeux – sans rien dire. Cette femme-ci était une inconnue pour lui et parce qu'elle avait l'air inconnue, elle lui semblait fermée. Pourtant il savait sans aucun doute possible qu'elle était venue lui rendre plusieurs fois de silencieuses visites durant son entrainement. Elle n'avait pas cherché à le nier du reste. Mais ce qu'il avait partagé avec elle (il n'osait pas dire « le peu » qu'il avait partagé) lui permettait aussi de deviner qu'elle ne reconnaissait pas pour autant qu'il lui avait manqué, ou qu'elle était curieuse de savoir ce qu'il fabriquait… Loin de là.

Elle se rangea sur une place de parking et l'invita à l'accompagner en lui signalant qu'il était préférable qu'il reste en sa compagnie et celle de Jack, le temps que son titre de séjour soit en règle. Un simple contrôle de sécurité aléatoire, s'il se promenait sans et il pouvait avoir des ennuis. En ce qui concernait John, les ennuis ne lui faisaient pas particulièrement peur. Mais l'idée de se trouver souvent avec elle était loin d'être insupportable…

Pendant qu'ils gagnaient le hall de la résidence où elle devait voir son contact, il continua de l'observer. Elle jouait parfaitement l'indifférente. La femme active et professionnelle, concentrée sur son travail, qui vérifiait encore au téléphone parce que le type ne répondait pas à l'interphone. Prévenant qu'elle allait monter jeter un coup d'oeil. Oui, elle faisait ça merveilleusement, comme s'il n'y avait rien au monde de plus fondamental que d'être plongée dans cette nouvelle péripétie, et comme si tout ceci était vraiment sérieux.

Il lui avait demandé alors si ça pouvait être dangereux et elle avait rétorqué que le cas échéant sa présence serait tout à fait utile car elle se sentait sous armée avec ce qu'on voulait bien leur autoriser sur cette planète. Elle avait sorti de son sac une petite arme de poing. Minuscule ? Ridicule ? Il avait tendu la main pour qu'elle lui donne et avait observé l'objet avec curiosité non feinte. Son chargeur ne contenait pas de balles mais quatre fléchettes tranquillisantes. Il la lui avait rendue avec un sourire légèrement narquois.

Dans l'ascenseur, il s'était adossé dans un coin, toujours fasciné. Il aurait bien aimé pouvoir se montrer aussi indifférent. Ou mieux : profiter sans vergogne de l'exiguïté de cet espace confiné pour la serrer une nouvelle fois contre lui. Il n'avait pas de doutes quand il la tenait. Aucun.Malgré tout, il trouvait cet ascenseur bougrement lent ! Y rester avec elle allait devenir compliqué s'ils n'atteignaient pas leur destination bientôt.

Ce n'est que lorsque la porte s'ouvrit enfin sur le bon étage qu'il réalisa qu'il avait été trop distrait pour réaliser que la petite sensation familière qu'il connaissait, lui chuchotait à l'arrière de sa nuque « Tu vas devoir te battre, prépare-toi ! ». Il l'aurait entendue plus tôt s'il n'avait pas été pas mentalement en train d'imaginer cette femme, contre lui, aussi nue, aussi douce et aussi enivrante que la dernière fois…Elle lui avait décoché un coup d'œil moqueur en entrant dans l'appartement dont elle n'avait pas eu besoin de crocheter la serrure. Il n'avait pas réalisé tout de suite qu'ils n'avaient presque pas parlé.

.°.

Une fois là, ils ne mirent pas longtemps à constater que le sixième sens de John avait parfaitement raison : l'appartement avait subi une fouille en règle. Tout semblait avoir été jeté pêle-mêle au sol : tiroirs retournés et vidés, coussins éventrés, murs fracassés çà et là, sans doute dans l'espoir de trouver un coffre.

Monsieur Kelnig ? appela-t-elle, mais pas trop fort.

Un fracas se fit entendre dans la pièce voisine, quelque chose qui était tombé, en leur confirmant bien qu'ils n'étaient pas seuls. Ils approchèrent avec précaution et surprirent deux hommes cagoulés en train de retourner et briser méthodiquement des cadres photos où ils semblaient chercher quelque chose.

Dès qu'ils les virent, les deux malfaiteurs se précipitèrent sur eux. John avait pris le premier qui était le plus proche de lui et échangeait des coups avec, tandis que River avait dégainé et tiré contre son propre agresseur. Le bruit qu'il fit en s'effondrant détourna l'attention de celui de John, qui en profita pour l'envoyer au tapis. L'homme un peu sonné à terre eut le temps de bigler sur deux jolies jambes entrées dans son champ de vision troublé et voir River se pencher et récupérer sa fléchette sur son comparse.

Tu l'as assommé ? demanda-t-elle. J'ai l'impression qu'il est encore conscient…

John tenta de faire refonctionner les jointures de ses doigts et les frictionna.Elle sourit de constater qu'il essayait de l'impressionner et s'approcha de l'homme à terre. Comme elle faisait mine de chercher quelque chose qui prouvait son identité dans sa veste, ce dernier attrapa son bras et le lui tordit, montrant par là qu'il lui restait en effet un reste de conscience.

Elle poussa un petit cri et John tomba aussitôt à genoux à côté de lui pour le frapper à la mâchoire une seconde fois.

Il t'a fait mal ?

Oui. Mais ça va aller. Monsieur Kelnig ? appela-telle encore. Vous pouvez sortir maintenant, il n'y a plus de danger…

Elle replia son bras très doucement contre elle et se releva.

Je crois que mon contact est toujours là et qu'il se cache, supposa-t-elle. Tiens, attrape-moi mon téléphone, je vais prévenir la police du cambriolage. Fais le tour des pièces, s'il te plait, je te rejoins.

Il enregistra avec un sourire un peu distant la façon dont elle lui assignait des tâches et lui donnait des ordres. Cela avait l'air très naturel pour elle d'être obéie. Fais ceci. Fais cela. Va là… Il se sentait parfaitement idiot d'avoir tant envie de lui obéir. Avait-elle la moindre idée de combien c'était peu habituel pour lui, d'être là sous son regard bleu-gris, et d'attendre qu'elle daigne être directive dans un sens qui lui convenait mieux ? Viens contre moi, embrasse-moi, sois à moi toute la nuit…

Elle avait déjà entré un appel au standard de la police en donnant tous les détails qu'elle avait et son numéro d'immatriculation au registre professionnel, avant de rattraper John.

Alors, tu l'as trouvé ?

Non…

Il s'est peut-être caché dehors sur le balcon…

Elle sortit pour constater que l'endroit était désert, à l'exception d'un voisin assis à lire sur le balcon d'à côté. Elle le héla en lui demandant s'il avait vu ses voisins aujourd'hui. Il ne répondit pas. Elle l'appela encore et il ne pipa toujours pas. Ou bien il était sourd, ou bien… En s'approchant de la séparation entre les deux balcons, elle avisa la mare de sang sous sa chaise : il n'était pas sourd, il était mort.

Okay, fit-elle entre ses dents.

Elle regagna l'intérieur.

John ? appela-t-elle.

Ici, répondit-il.

Leur voisin a été abattu d'une balle. Je vais attendre la police. Ils m'apprendront peut-être quelque chose d'intéressant.

Est-ce que tu ne pourrais pas tirer quelque chose directement des gars qu'on a sous la main ? questionna-t-il.

Pas vraiment pendant qu'ils dorment, répondit-elle.

Et si on les ligote et qu'on les réveille ?

Elle avorta un petit sourire, assorti d'un battement de cils qui lui laissait entendre qu'elle ne détestait pas l'idée, mais secoua la tête raisonnablement.

Je vais plutôt voir s'ils ont un portefeuille… La police va arriver plus vite que tu ne crois... Jack et moi sommes tenus de coopérer avec elle, expliqua-t-elle. Si nous commençons à faire des choses qui excitent un peu trop leur curiosité, c'en sera fini de notre semi-liberté. Jack n'aime pas ça. Je n'aime pas ça. Mais nous sommes assez vieux l'un comme l'autre pour savoir où sont nos priorités…

Quelle est la suite des opérations maintenant ? demanda-t-il.

Pour moi : déposition auprès de la police, je vais faire en sorte qu'ils se contentent de mon témoignage et ne réclament pas le tien, vu ta situation administrative. Ensuite, je vais me faire conduire à l'hôpital pour qu'on regarde mon bras et puis je rentrerai. Mais pour toi, j'imagine que le programme sera un peu plus festif… Jack a sûrement des projets pour ce soir.

Quels projets ?

Je vis et travaille avec lui mais nous préservons chacun un peu de notre vie privée nous n'avons pas réellement de comptes à nous rendre, dit-elle en souriant. Je ne suis pas dans la confidence, mais c'est facile à deviner...

Le téléphone de River se mit à sonner et elle se débrouilla pour prendre l'appel de l'autre main.

Un petit instant… Tiens, quand on parle du loup… Jack ? Tu as fini avec Novak ?

Oui, mais il pose une liste de conditions sidérantes. Je crois qu'il me confond avec le procureur… Est-ce que par hasard John est toujours en vie ?

Ah je ne te l'aurais pas abimé à peine débarqué… Oui il est là. Je voulais te prévenir qu'il y a un contretemps avec Kelnig. Des types fouillaient son appartement quand nous sommes arrivés. Si nous avons de la chance, il a pris la fuite et nous recontactera. Si nous n'avons pas de chance, et bien je ne veux pas y penser de suite... Avec sa femme disparue et lui en fuite, les preuves contre Peterson fondent comme neige au soleil… Kelnig a toutefois eu raison de se méfier car j'ai trouvé son voisin passablement refroidi sur le balcon d'à-côté. J'attends la police qui va arriver bientôt…

OK, mais tu n'avais pas un autre rendez-vous de prévu juste après ?

Si, et j'ai un service à te demander. Est-ce que ça t'embête de rappeler Oscar Fielding pour moi ? Je devais le voir, mais je ne vais pas pouvoir : entre la déposition à la police et le fait que je devais retrouver Amy à l'hôpital pour ses examens, je pense que ça sera trop juste.

Oh, il sera tellement déçu de me voir arriver à ta place…

— Allons, allons, il n'est pas privé ! Depuis que nous sommes sur cette affaire, il a miraculeusement toujours une quantité de choses passionnantes à me dire qui lui reviennent systématiquement en début de soirée…

J'avais remarqué…

— Tss tss, pas de ça. Fielding est le rédacteur en chef du deuxième journal du pays. Il a souvent des tas d'informations intéressantes pour nous qui ne sommes pas du coin… Pendant que j'y pense, si tu vois arriver John dans ma voiture, c'est que je lui ai prêtée pour aller te retrouver.

Mhh… Et qu'est-ce qu'il a fait pour mériter ça ?

Etendu un des types qui ont mis le bazar chez Kelnig.

Admettons. Mais comment vas-tu aller retrouver Amy sans voiture ?

Avec l'ambulance de la morgue si ma déposition est prise rapidement, ou dans l'une des voitures de police… ça n'est pas un problème.

Pourquoi est-ce que j'ai l'impression que tu me caches quelque chose ?

Parce que tu es parano. On se verra demain. Il faut que je te laisse car la police est là… Passe une bonne soirée.

Jack répondit qu'il y comptait bien. Elle raccrocha avec un sourire satisfait sous l'œil légèrement réprobateur de John.

Tu aurais pu lui dire pour ton bras ou au moins le mentionner. Je pense que c'est le genre de truc qu'il aurait aimé savoir, dit-il en la retenant encore un peu avant qu'elle ne rejoigne les policiers.

Elle haussa une épaule pour le contredire.

Pour qu'il s'inquiète et remette votre soirée ? Certainement pas ! J'ai besoin d'avoir le champ libre pour essayer de parler avec Amy et une soirée entre filles sera parfaite pour ça. Parce que maintenant que tu es là je pense que je ne vais plus pouvoir y couper…

.°.

RIVER SONG

Comme prévu, elle avait retrouvé Amy à l'hôpital, après qu'on se soit occupé d'elle. En la voyant avec le bras en écharpe, la jeune femme avait froncé les sourcils, soudainement inquiète. River avait réalisé très vite que son premier réflexe aurait été d'inventer un pieux mensonge pour épargner Amy, mais comme le mensonge était déjà le nœud du problème, elle se dit que ça aurait été bien mal commencer la soirée au niveau des bonnes résolutions. Elle lui avait alors dit que ce n'était pas grave, que ça lui faisait un peu mal mais qu'elle ferait plus attention la prochaine fois. Avec un triste sourire, elle se demanda si ceci pouvait s'appliquer très précisément à tout ce qu'elle vivait actuellement. Rien n'était grave, tout était un peu douloureux, et elle ne s'y laisserait plus reprendre…

Comme elle ne faisait pas du tout partie de la famille de la jeune mère, elle ne pouvait pas l'accompagner. Elle devait se contenter de l'attendre dans une salle attenante, alors qu'elle aurait sans nul doute bien aimé voir le bébé à l'échographie.

Au lieu de rester inoccupée, elle balança entre rappeler Oscar Fielding ou joindre Quentin Cormack pour essayer d'avoir de l'info sur son téléporteur et en toute honnêteté, cette dernière option lui paraissait nettement plus séduisante. De façon générale, elle entendait respecter leur accord qui prévoyait qu'elle soutienne sa recherche sur l'ingénierie robotique en le contactant de temps à autre, mais pas assez souvent pour que ça devienne une habitude ou un genre de relation suivie. Elle était assez pour lui laisser la bride sur le cou maintenant que le Docteur lui avait trouvé une solution de rechange, même temporaire. Si elle était soigneuse, ce clone pouvait lui durer trois ans.

Lorsqu'elle appela son numéro, il décrocha aussitôt et elle en fut étonnée.

Bonsoir Quentin, c'est River… Je m'attendais à avoir votre secrétariat…

Bonsoir River, si vous vouliez lui parler, il faudra rappeler demain, ma secrétaire est partie un peu plus tôt aujourd'hui, mentit-il.

La vérité, c'était qu'il n'y avait pas de barrage téléphonique pour River Song dont tous les appels étaient à transférer directement.

A dire vrai, ce ne sera peut-être pas nécessaire, puisque c'est à vous que je souhaitais parler… Je ne vous dérange pas ?

J'ai toujours du temps pour mes investisseurs.

En fait, je voulais juste savoir quand vous pourriez m'accorder une entrevue. Peut-être la semaine prochaine ou…

Pourquoi pas ce soir, devant un dîner ?

Parce que j'ai le bras en écharpe et que je ne pourrai pas mettre une belle robe, répondit-elle du tac au tac. En fait, c'est une requête tout à fait professionnelle. Je suis sur une affaire où il me semble que votre expertise des hautes technologies pourrait peut-être m'éclairer, je me demandais si vous pensiez que je pouvais vous consulter à ce titre.

Elle l'entendit sourire.

Je suis navré de vous dire que le président de Cormack Industries et Systèmes ne saurait accorder d'interview qui pourrait compromettre la confidentialité des recherches en cours de développement dans son entreprise. Notre secteur est très concurrentiel et la moindre petite information sur ce que nous faisons, se négocie à prix d'or…

Je comprends bien sûr, dit-elle un peu déçue.

— … mais si vous dîniez avec moi en tant qu'amie, le contexte serait tout différent. Quel ami refuserait un conseil à un autre ami, à titre privé ?

Elle eut un petit rire.

Vous êtes retors, Quentin. N'avez-vous pas honte ?

Non ! Comment pourrais-je avoir honte alors que mon frère est constamment invité chez vous, et s'en vante devant moi par-dessus le marché ?… Si vous ne rétablissez pas mon quota d'invitations, je crois que je vais perdre son respect sous peu. Et quand ça arrivera, vous verrez qu'il s'enhardira à réclamer la direction de l'entreprise familiale… Et tout ça sera entièrement de votre faute, récita-t-il d'un ton amusé.

Je comprends bien… mais j'avais d'autres projets pour ce soir.

Des projets plus importants que la possibilité de faire avancer votre enquête ? Je suis ravi d'apprendre que finalement il n'y a pas que le travail dans votre vie… dit-il d'un ton bien trop gentil pour que ça sonne comme une critique.

Ne me poussez pas sur ma mauvaise pente, s'il vous plait... Je dois passer justement la soirée avec Amy que je n'ai presque plus le temps de voir. Elle sera déçue si je reporte encore une fois pour ce qui ne saurait lui apparaître que comme une énième mauvaise excuse…

Il rit à son tour en l'entendant utiliser la même technique que lui.

Écoutez, proposa-t-il, peu décidé à laisser passer sa chance, j'ai une solution qui contentera tout le monde. Laissez-moi venir avec un pique-nique et une bonne bouteille. Je crois que je devrais pouvoir parvenir sans trop de peine à traîner Matty avec moi pour me servir de chaperon, et que ça atténuera sans doute la contrariété de Miss Watts de me voir m'immiscer dans vos projets… Si tout se passe comme prévu, ils feront semblant de nous parler pendant une demi-heure, par politesse, et ensuite le monde n'existera plus autour d'eux quand ils commenceront à décortiquer les mérites comparés des compositeurs de Caellys ou d'ailleurs. Et à ce moment-là, je pense que vous serez ravie d'avoir un dernier convive attentif, tout prêt à répondre à chacune de vos questions, rien que pour échapper à ça…

Elle fut heureuse qu'il ne puisse pas la voir sourire de tout l'amusement qu'elle ressentait.

Vous comprenez que je dois lui demander si cela ne la dérange pas ?

Parfaitement. On dit vingt heures trente ?

.°.

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