Règles et Principes du Grand Jeu de Duane

Chapitre 1 : Prologue : Le Train Fantôme

2778 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 31/10/2016 10:12

RÈGLES ET PRINCIPES DE BASE DU GRAND JEU DE DUANE

Par Luke Harmond

Fanfic Doctor Who – Saison 8 alternative ep. 8.05

.°.

CHAPITRE I

— Bon, tu le prends ce ticket mon chou ? Oui ou non ? T'es dans la lune ! Y a du monde qui attend, décide-toi !

Le Docteur cligna des paupières, un sourire vague et surpris flottait sur ses lèvres ingénues. Qu'est-ce qu'il faisait là ? La guichetière blonde et replète face à lui était maquillée comme une voiture volée mais sa voix et son air général lui semblaient étrangement familiers. Il pivota sur ses talons pour jeter un regard derrière lui. Une file de badauds, composée essentiellement de familles ou de jeunes, battait la semelle en le regardant de travers, laissant échapper quelques murmures indistincts quoique clairement protestataires. Il leva le nez en l'air. Wooh ! Un parc d'attraction ! « Train fantôme » disait la pancarte au-dessus de la billetterie. Un sourire dément le gagna.

— Un peu que je le prends ! répondit-il sans réfléchir.

Il porta la main à sa poche et son sourire s'effaça. Avait-il quelques exemplaires sonnants et trébuchants de cette chose étrange et inutile qui encombrait souvent les poches des gens et qu'on appelait « la petite monnaie » ? Il tira un billet un peu au hasard et ne put retenir un soupir de soulagement : cinq dollars ! Ya-ho-zaa. Il le tendit triomphalement à la guichetière qui l'accepta avec un large sourire en le fourrant dans son décolleté.

— Pour ce prix-là, tu as droit à une boisson et un moyen pop-corn, tu les veux ?

Les bras chargé de son pop-corn et de sa canette, il fit un pas de côté et regarda autour de lui. Il faisait nuit mais pas froid. L'endroit ressemblait à un parc d'attraction tout à fait classique, probablement sur Terre. Un peu plus loin, il voyait des manèges et un grand huit. Des stands de tirs et une pêche aux canards… Et il n'avait pas la moindre idée de ce qu'il faisait là.N'y avait-il pas quelqu'un avec lui… d'habitude ? C'était perturbant. Un peu comme quand on a quelque chose sur le bout de la langue… Il résista tout de même à l'envie de la tirer pour voir si ça lui revenait. La technique mnémo-sensorielle de Maskerasson III pouvait lui valoir quelques quolibets par ici…

— Il va se bouger le grand ahuri ? fit une voix d'homme acariâtre derrière lui.

Quelqu'un vint à sa rescousse.

— Monsieur ? Monsieur ? L'entrée est par là. Allez-y, le train va bientôt démarrer…

Il tourna lentement sur lui-même, ses cœurs s'étant instantanément mis à battre de façon complètement désordonnée. Il connaissait cette voix. Oh, qu'il la connaissait !

Une femme blonde flanquée d'un jeune garçon brun lui indiquait du geste l'entrée du train fantôme. La bouche ouverte, il resta atterré, réellement incapable de faire un seul mouvement et se fit rudoyer par les gens qui – ayant payé leur billet – tentaient d'entrer dans l'attraction.Hypnotisé, il la suivit des yeux tandis que son tour venait d'acheter des places, et qu'elle se présentait au guichet.

— Hey Rosie, te voilà enfin ! Je suis désolée, les meilleures places ont déjà été vendues, grimaça la vieille avec sollicitude. Tu n'avais pas dit que tu passerais après déjeuner ?

Elle haussa une épaule avec un léger mouvement de tête.

— C'est rien Maman. Sam a vomi après le bateau pirate… j'ai dû l'emmener se débarbouiller. Du coup comme il est à vide, je me suis dit qu'on pouvait venir ici sans risque !

« Maman ? » Le regard du Docteur fit plusieurs aller-retours de blonde la plus jeune à la plus vieille et puis enfin l'information alluma quelques neurones dans son esprit. La guichetière était Jackie Tyler.

Très indécis sur la conduite à tenir, il se retourna prestement pour s'engouffrer par les portes à l'intérieur. Pourquoi aucune des deux n'avaient-elles l'air de le reconnaître ? Idiot. Idiot. Idiot. Nouveau visage depuis la dernière fois. Il prit place dans un wagonnet à côté d'un couple d'adolescents et d'une mère de famille avec trois petits enfants, installant de son mieux ses grandes jambes dans l'espace exigu. Mais cela fait, sa tête pivota automatiquement vers l'entrée.

C'était Rose. Comment pouvait-elle être ici ? Ici ? Il penchait pour la Terre à la fin des années 70. Ding-dong. Sauf que c'était la mauvaise date. Ça il le savait en dépit du fait qu'il avait vraiment le sentiment d'avoir un très grand vide entre les deux oreilles. Sans doute que ça pouvait être une expérience amusante à tester, au moins pendant cinq minutes…

Elle était occupée à défaire le blouson de l'enfant qui était avec elle et se plaignait d'avoir chaud. Elle prit son bonnet aussi et il la vit passer une main tendre dans ses cheveux à moitié pour les ébouriffer, à moitié pour les recoiffer. Hem. Pour être vraiment très honnête, il n'avait qu'une envie : courir vers elle pour qu'elle lui fasse la même chose... Mais sans un regard pour lui, elle installait le garçon près d'elle dans un autre wagonnet, avec d'autres gens.

.°.

Une petite main tira la jambe de son pantalon.

— Meussieu, veux du kopcorn.

Le Docteur baissa les yeux vers la fillette assise à côté de lui qui tendait une menotte avide vers son grand gobelet de carton. Il lui jeta un œil bienveillant et distant à la fois, hésitant quelques secondes, puis attrapa quelques grains de maïs soufflé et les déposa dans sa petite paume. Elle les engouffra dans sa bouche comme si elle n'avait rien mangé depuis trois jours.

Un sifflet retentit et une voix funèbre à souhait annonça le départ imminent du train fantôme. Deux employés s'assuraient que tout le monde était bien installé, que les enfants étaient correctement attachés... La petite fille noyée sous un gros bonnet framboise tout mou, tira à nouveau sur son pantalon pour attirer son attention.

— Meussieu, pipi…

Elle avait un sourire malicieux comme si elle avait parfaitement conscience que ce n'était vraiment pas le moment alors que le train démarrait tout juste. Le Docteur chercha du secours auprès de la mère qui était occupée à faire tenir ses deux garçons tranquilles.

— Attends dix minutes, retiens-toi un peu, souffla-t-il.

Il se dévissa à moitié la tête pour repérer où était Rose dans le convoi. Son sang ne fit qu'un tour quand il vit qu'elle regardait dans sa direction. Elle avait vieilli, ses cheveux étaient plus longs et plus sombres, mais c'était bien elle. Un pli soucieux lui barrait le front mais il remarqua pourtant qu'elle sourirait largement à l'enfant qui était avec elle. Ce sourire. Oh, c'était un crève-cœurs que de le revoir… Peut-être était-elle à trois mètres ? Deux mètres soixante-quinze… ?

A intervalles réguliers, elle se tournait aussi vers une autre femme d'à peu près son âge, assise derrière elle, comme si elles se parlaient à mi-voix d'une façon relativement complice. Elle tourna encore la tête vers lui et il évita son regard scrutateur.

Une voix résonna à son oreille et le fit sursauter. Cela lui faisait exactement le même effet que s'il portait un kit oreillette. Il avait vu le nom une fois. C'était absolument charmant et idiot et il l'adorait pour cette raison. Kit oreillette. Kit oreillette. Kit oreillette. Délicieux.

— Souvenez-vous bien Docteur, vous ne devez pas vous faire reconnaître, c'est impératif !

— Qui me parle ?

— On en a déjà discuté, vous avez encore oublié ? C'est Clara.

— Clara qui ?

La toute petite fille à côté de lui tapota encore sa jambe.

— A qui tu parles ? questionna-t-elle avec curiosité.

Il lui adressa un sourire embarrassé et se sentant aussi stupide qu'il devait en avoir l'air, il répondit :

— Et bien je ne sais pas trop…

L'enfant se mit à rire.

— T'es complètement maboul, toi !

Il eut un soupir en haussant les épaules. Il regarda encore dans la direction de Rose mais battit assez vite en retraite. Complètement maboul. Ça se défendait. D'autant qu'il était à deux doigts d'attraper son « kopcorn » et de sauter de wagon en wagon pour la rejoindre immédiatement. La simple idée qu'elle fût là était douloureuse et tellement… magnifique à la fois.

Son cerveau lui renvoya enfin une info pertinente. Pourquoi était-elle là ? Quelque chose lui disait que c'était impossible. Pourquoi ça, il ne savait plus. Mais l'autre idée intéressante, c'était qu'il ne savait pas non plus pourquoi il était lui-même là. Comment était-il venu ici ? Que faisait-il juste avant ? Quel était son dernier souvenir ? Le néant. C'était vraiment très excitant.

.°.

Shareen gloussait toute seule depuis qu'elles étaient entrées et tapa encore sur l'épaule de Rose.

— Alerte code rouge. Admirateur timide trois wagons devant ! chuchota-t-elle à l'oreille de son amie.

Cette dernière était en train de plier le manteau de son fils, le plus petit possible, pour qu'il rentre dans son sac à dos minuscule mais ça ne se passait pas très bien. La doudoune était récalcitrante.

— Qu'est-ce que tu racontes? demanda la blonde en s'acharnant pour finir par le fourrer en boule informe à coups de poings mais sans plus pouvoir fermer le sac.

— Il n'arrête pas de regarder vers toi et il rougit à chaque fois. C'est trop mignon !

— Mouais, c'est ça. Il sort tout droit de ton imagination… Je te l'ai dit, depuis que j'ai Sam, je suis invisible pour les hommes. Fais voir… C'est lequel ?…

Elle tendit le cou pour essayer de regarder dans la direction indiquée.

— Le grand là, avec sa veste qui a l'air de dater d'avant la guerre et son nœud-pap' top ringard…

— Ah ! fit Rose. Je l'ai vu tout à l'heure en achetant les billets. Le rêveur à côté de ses pompes.

— Comment tu le trouves ?

Rose haussa les épaules en rétorquant sèchement :

— Beaucoup trop jeune, une tronche de premier de la classe avec sa raie bien peignée sur le côté et un menton à peine meilleur que celui de l'alien promis dans cette attraction... Chut maintenant, ça démarre ! Ça va mon chéri ? Tu es bien installé ? ajouta-t-elle à l'attention du seul homme de sa vie.

— Oui, m'man. On va voir les monstres maintenant ?

— Oui je te l'ai promis…

— Ton fils est obsédé par les monstres, intervient encore Shareen préoccupée. Tu devrais consulter, c'est malsain... Oh regarde, insista-t-elle, Monsieur Nimbus a une petite fille ! Si, ce petit truc audacieux qui est en train d'escalader intrépidement sa face Nord. Ça vous ferait pile un sujet de conversation...

Rose releva une commissure sous la formule piquante de son amie. En jetant un regard au jeune homme, elle constata en effet qu'il était aux prises avec une petite qui devait avoir envie de se hisser sur ses épaules pour bénéficier d'une meilleure vue.

Mélanie ! Descends tout de suite de là ! Pourquoi as-tu défait ta ceinture ? glapit la mère si fort que même Rose l'entendit de là où elle était.

— C'est pas mon nom ! fronda l'enfant sur le même ton.

Un rire caverneux préenregistré se mit couvrir le bruit de la dispute alors que le petit train roulant au pas passait devant le premier tableau : un faux cimetière où des automates grimés en zombies faisaient mine de sortir des tombes, répétitivement, à la plus grande joie de tous.

— Woaa ! T'as vu celui-là maman ? Il est vachement bien fait ! s'écria Sam avec enthousiasme.

Rose regarda le mort-vivant que lui indiquait son fils et voulut bien reconnaître qu'il avait l'air plutôt réaliste. Sa mère travaillant ici, elle savait qu'il y avait des acteurs grimés qui étaient mêlés aux automates et payés pour introduire une petite touche de frayeur supplémentaire aléatoire, en surgissant n'importe quand ou en frôlant les passagers dans le noir… Mais il fallait admettre que celui-là avait l'air de prendre son rôle à cœur, avec un mauvais regard à vous glacer le sang…

— Cool ! s'extasia encore Sam à côté d'elle en passant devant une reconstitution de « Alien, le huitième passager » de Ridley Scott. Trop cool ! Un monstre extraterrestre de l'espace !

Le Docteur avait entendu et un peu intrigué, il avait tourné à demi la tête, écoutant cette conversation malgré lui. Mais la petite fille qu'il avait attrapée et posée sur une de ses jambes à califourchon, se trémoussait et gloussait de plaisir à chaque nouveau tableau scénique devant lequel passait le petit train. Elle avait l'air d'aimer ce qu'elle voyait et plus encore d'enfouir son nez coulant contre la chemise du Docteur.

— Oh maman ! Quand je serai grand, je veux être astronaute de l'espace ! Je pourrais dis ? Dis oui ! Et aussi chasseur de monstres, ajouta Sam.

Rose sourit énigmatiquement en évitant le regard courroucé de son amie qui, sans avoir besoin de dire un mot, semblait pourtant lui marteler « Faut qu'il voie un psy ! ». Rose pensait qu'on ne pouvait rien contre les gènes. Mais elle répondit tout bas ce que toute bonne mère aurait dit dans ces cas-là :

— Pour ça, faudra que t'aies plus de bonnes notes à l'école !

Elle releva les yeux en souriant pour voir si le train atteignait bientôt la sortie et son sourire s'effaça.Il y avait une sorte de gros serpent. Non deux gros serpents à grandes mâchoires – pleines de dents très vilaines et mal plantées – dressés debout sur les voies comme des najas et difficiles à distinguer étant donné l'absence d'éclairage volontaire. Pour avoir fait cette attraction un certain nombre de fois, elle savait très bien que ça ne faisait pas partie du programme. Elle pressa la main de son fils.

— Sam, donne-moi la main et surtout ne me lâche pas !

Elle se retournait pour prévenir aussi Shareen mais la clameur des premiers passagers des wagonnets retentit, alors que ceux-ci étaient soulevés et renversés parce qu'ils venaient de rouler sur le corps des serpents.

En moins d'une seconde ce fut la pagaille.

Des cris suraigus d'enfants terrifiés se firent entendre, soutenus par le concert des adultes accompagnateurs qui venait de les rejoindre. Le wagonnet de Rose dérailla tout autant que les précédents. Elle fut projetée violemment au sol comme les autres, la main crispée autour de celle de son fils.

Elle se sentait engourdie avec la tête qui lui tournait. Sam était penché sur elle et criait « Maman, Maman ! ça va ? ». En plissant les yeux pour accommoder, elle vit s'élever l'un des grands serpents derrière lui, la gueule cariée grande ouverte et elle murmura :

— Sam, va vite te cacher quelque part ! Je te retrouve !

— Mais Maman… ! protesta-t-il.

— Il est derrière toi ! Vite ! Reste pas là ! Je le dirai à ton père si tu ne m'obéis pas !

Le garçon détala non sans envoyer un regard haineux au gros serpent qui le suivit du regard.

— Hep toi là, je suis là ! appela-t-elle en essayant de se relever pour faire en sorte que l'animal arrête de regarder où s'enfuyait son fils.

Une forme bougea sur sa droite. Elle vit le jeune homme maladroit se précipiter entre elle et le serpent. Son attitude était toute différente, il n'avait plus du tout l'air dans la lune, le visage tendu par une concentration maximale. Il paraissait chercher à tâtons dans son veston quelque chose qu'il ne trouvait pas. Le serpent dodelinait de la tête en cercles et l'ex-timide attrapa un morceau de rail qui traînait par terre pour s'en servir pour se défendre.

Avec un sifflement, au milieu des pleurs, des cris et des toussotements, sous l'éclairage faiblard et crépitant des étincelles tombant des câbles électriques, le serpent attaqua le jeune homme et Rose poussa un cri. Il était bien trop jeune pour mourir.Son cri détourna l'attention de la bête au bon moment et le coup, porté latéralement par le Docteur, lui entailla profondément un côté qui se mit à saigner d'une substance gluante et sombre. Il poussa un son rauque de souffrance rageuse.

Rose ne fit ni une ni deux, elle attrapa la main du jeune homme et dit d'un ton sans réplique :

— Bravo, très courageux de votre part, maintenant courrez si vous voulez vivre !


.°.

Laisser un commentaire ?