Le Mystère des Lapins-tonnerre

Chapitre 4 : C4 : Des cagals et des hommes

4803 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 09/11/2016 07:17

CHAPITRE IV

LE DOCTEUR

Il fourrageait depuis cinq minutes dans un placard dissimulé dans la paroi de la salle de commandes pour retrouver son traceur de biosignes quand un toussotement discret se fit entendre derrière lui.

― Docteur, c'est bien vous ?

Le Docteur se retourna brusquement et évita de justesse de se prendre la porte dans la tête. Un véritable colosse se tenait devant lui. Mais son sourire et ses yeux lui étaient toujours familiers.

― Rickey !

L'homme sourit en coin et lui tendit le bras pour une demi-accolade virile.

― Elle vous a toujours bien fait marrer celle-là, hein patron ? dit-il en lui donnant une légère bourrade dans les côtes.

― Oui, aouch ! Vous avez changé un peu vous aussi, non ? Je me souvenais d'un gabarit plus… modeste, dit-il en se frottant le côté.

Mickey eut un sourire d'excuse mais semblait positivement ravi de son impressionnante musculature.

― Il y quelques années, j'ai passé deux ans et demi sur une planète dont la gravité était plus forte que sur la Terre… expliqua-t-il. Au début, j'ai cru que j'allais finir tout simplement écrabouillé, et j'étais ramollo du matin au soir, mais au bout d'un temps, mon organisme s'est adapté. Et vous ?

― Oh moi, la routine… C'est le résultat de ma dernière régénération, répondit le Docteur pince-sans-rire.

― Mais vous pouvez vous régénérer en plus vieux ? demanda-t-il sincèrement étonné.

Le Docteur opina en remarquant que le père et le fils avaient des remarques singulièrement similaires.

― Oui, aussi. Théoriquement, je pourrais même me régénérer en femme…

― Ah, si ça avait été le cas, j'aurais certainement arrêté moins vite les voyages dans le Tardis…

Le Docteur eut l'air amusé et ferma son placard encombré de bric à brac. D'un signe de tête, il indiqua qu'il ressortait en se dirigeant vers la porte du Tardis.

― Alors, depuis combien d'années êtes-vous mariés avec Martha maintenant ? Elle m'a dit que vous aviez d'autres enfants ?

― Oh… depuis la dernière fois que nous nous sommes vus, celle où que vous nous avez sauvés du Sontaran – sans nous laisser ne serait-ce le temps de vous remercier – ça fait bien vingt ans… Mais je suppose que pour vous, ça fait plus, n'est-ce pas ?

― Oui, quelques années de plus, mentit le Docteur pour qui les choses se comptaient plutôt en siècles. J'ai promis à Martha de l'aider à débusquer le « cagal » qui grignote vos câbles avec ce truc, dit-il en agitant un petit boitier. C'est quoi un cagal, ça vient de quelle planète ?

― Vous l'ignorez ? s'amusa Mickey.

― Dans la mesure où vous semblez l'avoir ramassé dans une caisse de matériel qui pourrait provenir de n'importe où – vu que les vôtres sont totalement anonymes – et dans la mesure où ce nom existe sur des dizaines de mondes répertoriés, sans que j'en ai eu une description correcte… je préfère me renseigner !

Son détecteur à la main, il quitta le Tardis en compagnie de Mickey.

― Fermez bien la porte, ce machin n'est pas bien malin mais il est tenace, il peut entrer partout.

― Oui, Martha m'a prévenu, mais j'ai quand même confiance : ces portes ont résisté à Attila…

Les deux hommes marchèrent silencieusement quelques instants de conserve pour quitter le hangar où s'était matérialisé le vaisseau du Seigneur du Temps. Il savait que ce n'était qu'une question de secondes avant que Mickey ne lui pose la question fatidique qu'il appréhendait. Pour se donner une contenance, il tripota les boutons du détecteur qu'il fit grésiller joliment. Il le tapota et le porta à son oreille avec un sourire gêné.

― J'espère qu'il marche encore, dit-t-il en le secouant. Alors, ça ressemble à quoi votre cagal ?

― Ce n'est pas mon cagal, répondit Mickey. C'est celui de Ricky. C'est lui qui l'a baptisé comme ça.

― Très ingénieux, commenta le Docteur en balayant le couloir devant eux de haut en bas, à bout de bras.

― A la base, je dirais que c'est un genre de gros lapin mais avec des oreilles plus petites et des yeux flippants.

― Un gros lapin, soupira le Docteur avec une moue. Les affaires reprennent doucement pour moi décidément.

― Vous n'avez plus de Dalek à vous mettre sous la dent ? ironisa Mickey.

― C'est bien ce que je voulais dire, acquiesça le Docteur. Même si en aucune façon je ne saurais regretter les Daleks... Je crois que j'ai quelque chose au scan. Par contre, ça n'a pas l'air d'un lapin…

Mickey tiqua et posa une main sur son bras pour contraindre le Docteur à s'arrêter et à le regarder.

― Alors vous n'allez pas du tout me donner de ses nouvelles ?

Et voilà. On y était.En lui jetant un bref coup d'œil, le Docteur vit les traits tendus de Mickey, son air sérieux lui fit comprendre qu'il ne plaisantait pas vraiment.

― Vous voulez parler de Rose, je suppose ? soupira le Docteur en revenant irrésistiblement sur l'écran de son détecteur.

― Vous vous souvenez d'elle ? demanda Mickey d'un ton un peu plus agressif qu'il ne l'aurait souhaité parce qu'il se sentait penaud.

― Oui, je m'en souviens, répondit posément le Docteur en gardant un air concentré que son ami trouva exaspérant.

― Alors, lâchez ce truc une minute, et dites-moi comment elle va !

Le Docteur eut l'air contrarié mais il répondit néanmoins :

― Si tout est bien allé pour elle, elle a dû devenir une charmante vieille dame dans le monde parallèle où nous l'avons laissée et puis s'éteindre il y a des dizaines d'années de cela.

Le front de son ancien compagnon se plissa sous la déception et la surprise.

― Quoi ? Vous n'y êtes jamais retourné ?

― Ce n'était pas possible. Le Tardis n'est pas fait pour voyager entre les univers parallèles. Je crois que je vous l'ai déjà expliqué.

― Ils l'ont bien fait à Torchwood. Et plusieurs fois…

― Je ne suis pas Torchwood, objecta le Docteur en reportant son attention vers le détecteur qui grésillait à présent très fort.

Mickey serra les poings. Il n'avait pas du tout envie de se battre avec le Docteur, qui par le hasard de ses renouvellements d'apparence, avait plutôt l'air d'être maintenant un grand-père de la même génération que lui, mais c'était un choc de découvrir qu'il ne s'était pas du tout passé ce qu'il avait toujours cru qu'il se passerait.

Il avait imaginé qu'en dépit de ses dénégations, le Docteur trouverait forcément un moyen d'aller chercher Rose. Un moyen que lui seul pourrait trouver s'il s'en donnait un peu la peine, car il pouvait tout résoudre et particulièrement quand il était motivé. Et il avait aussi imaginé qu'un beau jour, il les verrait tous les deux débarquer à nouveau dans sa vie – Rose sans doute à peine vieillie aurait pu être encore cette blonde craquante qu'il avait tant aimée – et il aurait été fier de leur montrer l'homme qu'il était devenu…

Mais au lieu de ça, un nouveau Docteur était là, qui lui disait qu'il avait renoncé à Rose et apparemment depuis longtemps… Dieu savait qu'il aimait Martha et que son amour était la meilleure chose qui ait pu lui arriver. Mais s'il s'était effacé assez chevaleresquement, c'était parce que Rose s'était entichée du Seigneur du Temps au point d'en devenir inconsciemment cruelle, et qu'il ne concevait pas par ailleurs que le Docteur puisse résister bien longtemps à ses rires, ses œillades en biais ou à ses sourires ravageurs… Et pour tout ça, il s'était abstenu d'intervenir parce qu'il n'était pas désireux de marcher sur ses plates-bandes...

― Alors c'est quoi la vraie raison ? demanda-t-il en se plantant devant lui pour le forcer à s'arrêter et à lui parler en face.

Le Docteur secoua la tête.

― Est-ce que vous pensez sincèrement que j'aurais pu me montrer aussi égoïste ?

― Probablement pas, car ce n'est pas tellement votre genre. Mais vous ne faites pas les choix qui peuvent sembler les plus évidents, et vous ne prenez pas la peine de vous justifier non plus. Ou bien vous le faites tellement maladroitement au vu de ce que nous savons de votre intelligence, que ça revient à ce que vous preniez pour des idiots… Alors je repose ma question…

― Je referai la même chose, si c'était à refaire.

― Ah, s'impatienta Mickey, mais Rose vous aimait plus que tout ! Plus que sa vie même. Elle aurait fait n'importe quoi pour vous ! Etes-vous tellement alien et si peu acclimaté à notre culture pour traiter à la légère des sentiments aussi forts ? Et dans ce cas, pourquoi passer votre temps avec des humains si à aucun moment vous ne parvenez à intégrer ou prendre en compte leurs émotions ?

― Ne vous énervez pas. Vous avez changé… Je n'ai jamais dit que cette décision ne m'a pas coûté, ou qu'elle ne m'a pas manqué…

― Ah, je confirme, vous ne l'avez jamais dit ! Mais je suis un homme simple, sans doute. Si une femme comme Rose m'avait aimé de la façon dont elle vous aimait – alors même que j'aurais été une espèce de clown tout maigrichon, bavard, arrogant et trop âgé de plusieurs siècles – mais j'aurais tout tenté pour nous réunir ! On dirait que ce qu'elle a pu ressentir en vous perdant deux fois sur cette maudite plage ne vous fait rien… dit-il en vibrant de colère contenue.

Les yeux clairs du Docteur cillèrent, voilés par une onde de tristesse.

― Vous me reprochez de ne pas être assez démonstratif ?

Mickey aurait eu envie de réagir comme dans sa jeunesse : en lui rentrant dedans. Mais à la place, il se croisa les bras et demanda d'un air lourd de sous-entendus :

― Parce que je suis le seul à m'en plaindre ?

Le Docteur pensa que sa conversation avec Martha sur les raisons qui l'amenaient n'était peut-être pas restée totalement confidentielle et se mit alors à rire d'une façon déroutante.

― Mickey, Mickey, Mickey, j'aime beaucoup ce que l'âge et l'expérience ont fait de vous !

― Ne pensez pas qu'en me flattant je vais oublier que vous ne m'avez pas répondu…

Le Docteur s'avança vers lui et se dressa de toute sa taille, tapotant un index accusateur la poitrine de son ami. Mickey le trouva impressionnant à ce moment mais ne recula pas.

― La vraie raison, puisque vous voulez la connaître, c'est qu'elle n'avait littéralement pas d'avenir avec moi. Si elle était restée, elle serait morte dans les deux ans ! Je suis un Seigneur du Temps, je vois ce genre de chose. Et vous pouvez sûrement comprendre que je préférais la savoir vivante et en bonne santé longtemps loin de moi, plutôt que le contr…

Sa voix mourut d'un coup et il écarquilla les yeux. Cela ne laissa pas le temps à son ami de contre argumenter.

― Mickey, reprit-il tout de suite d'un ton différent, écoutez-moi très attentivement. Ne vous retournez pas. Quand je vous le dirai, courrez droit devant vous sans vous arrêter et cachez-vous derrière la première porte blindée que vous trouverez…

― Qu'y a-t-il ? demanda-t-il en gardant son calme.

― Votre cagal a un peu grandi….

― Ce n'est pas « mon » cagal…

― Courez. Maintenant !

Mickey obéit et partit comme une flèche le long des couloirs, talonné de près par le Docteur. Derrière eux, ils entendaient le bruit sourd d'une galopade assez similaire à ce qu'aurait pu produire un éléphant, et comme des griffes qui raclaient le sol en crissant. Comme il connaissait bien son cargo, il laissa passer plusieurs portes avant d'en ouvrir une. Dès qu'ils furent derrière, le Docteur la scella avec le tournevis sonique, tandis que Mickey cassé en deux et hors d'haleine, tentait de reprendre son souffle.

― Le pire, c'est que je crois que ça m'a manqué, reconnut-il à moitié riant. Alors dites-moi, on a une crise sanitaire sur les bras, c'est ça ?

Le Docteur haussa les sourcils tout en tapant sur son boitier et en le secouant.

― Si vous préférez ce nom à l'autre, je n'y vois pas d'inconvénient… Est-ce qu'on pourrait prévenir le reste de l'équipage ? Il y a un intercom dans cette pièce ?

― Vous plaisantez ? Regardez autour de vous. On est dans le frigo…

Le Docteur lui jeta un regard interloqué et Mickey répondit d'un air satisfait :

― Mais la porte est prévue pour résister à un cataclysme nucléaire !

.°.

CLARA OSWALD

Clara buvait son thé silencieusement à petites gorgées. Elle ressentait beaucoup de sympathie pour celle qui lui faisait face. C'était somme toute une expérience très agréable de pouvoir parler du Docteur avec quelqu'un qui l'avait connu, et qui avait survécu aussi – ce qui était plus rare.

― Alors vous êtes anglaise vous aussi, mais de quelle époque ? demanda-t-elle pour rompre la glace et le silence.

― Pendant toute une première partie de ma jeunesse, j'ai vécu au début du 21e siècle. Puis j'ai rencontré le Docteur, et certains de ses amis, et cela m'a conduite à découvrir que je n'étais pas complètement faite pour la carrière de médecin à laquelle je me destinais. Voyager dans le temps et dans l'espace, sauver le monde à la dernière seconde… J'ai pris goût à ce style de vie qui m'a révélée à moi-même. Le Docteur a cet effet sur beaucoup de personnes, même des personnes qu'il ne croise qu'une fois, mais c'est sans doute plus prononcé pour ses compagnons de voyage.

― Qu'est-ce qu'il vous a révélé sur vous ?

― Que j'étais apte à décider et à commander, et que je pouvais me battre avec sang-froid. Que j'étais intelligente, et qu'on pouvait compter sur moi. Je ne m'en rendais pas compte avant de le rencontrer. Ni même juste après l'avoir rencontré parce qu'il était… disons, relativement intimidant. Je pensais que je voulais une existence utile bien sûr et la médecine est certes un bon moyen de sauver des vies. Mais ma vision de la vie, du monde et même de l'univers, ajouta-t-elle en riant, s'est profondément modifiée. Je ne pouvais plus faire comme si tout ce que j'avais vu et expérimenté n'existait pas, et ranger ça dans un coin de ma tête pour l'oublier.

Clara but encore un peu de thé, en réchauffant ses mains autour de la tasse.

― Je n'ai pas spécifiquement envie de commander, dit-elle rêveusement.

Martha opina avec un sourire enthousiaste.

― Ce n'est pas une obligation... A force de voyager avec le Docteur, on change. Cela se produit de façon assez subtile au début, puis ça devient de plus en plus évident. Pour mon mari Mickey, ça été la même chose.

― Votre mari a été un compagnon du Docteur ? Il m'avait semblé qu'il ne voyageait qu'avec des filles...

― Apparemment pas toujours. Mickey était le petit-ami d'une précédente compagne du Docteur. Ce n'était pas un compagnon régulier, mais au bout du compte, exactement comme tous les autres, il a fini par prendre son destin en main et devenir un homme très courageux, grand et fort ! dit-elle en souriant avec une once de fierté.

Clara repoussa la tasse devant elle.

― Vous en parlez comme d'une expérience merveilleuse et pourtant… Puis-je savoir… pourquoi n'êtes-vous plus avec lui ? Je veux dire, avec le Docteur.

― En ce qui nous concerne Mickey et moi, je pense que le Docteur a été une source d'inspiration. Il nous a montré la vie d'une façon que nous n'étions pas prêts à envisager au début. Nous avons tous les deux avons connu des… déceptions personnelles dans ces voyages. Mais cela nous a poussé à définir plus nettement qui nous étions et ce que nous voulions. Nous avons été chanceux de nous rencontrer et de nous aimer.

― Le Docteur m'a parlé d'une certaine Sarah-Jane, en fait c'est elle que nous étions censés venir voir. Vous n'êtes pas Sarah-Jane…

Martha acquiesça.

― Pas sûr qu'il ait changé d'avis en route… Parfois le Tardis semble comprendre un peu ce qui l'arrange… Mais j'ai rencontré brièvement Sarah-Jane. C'est aussi une ancienne compagne du Docteur. Pour elle, ça été plus douloureux car elle n'a jamais été prête à ce que le Docteur la laisse pour ne plus jamais revenir la chercher ensuite… Moi, j'ai décidé de partir et de faire en sorte que ma vie commence vraiment, personnellement et affectivement, et je savais que je prenais la bonne décision. Vous, pourquoi voulez-vous partir ?

Clara baissa les yeux en jouant nerveusement avec l'anse de la tasse vide.

― Quand j'ai rencontré le Docteur, il n'avait pas du tout cette allure là… Il avait l'air très jeune et complètement fou, mais charmant. Je ne pourrais pas dire qu'il était « beau » au sens académique du terme mais sa folie, son esprit, son humour, son courage, et aussi ses discours – il faisait d'incroyables discours et toujours aux pires moments – tout ça, me l'a rendu… et bien… très attachant.

― Je pense que je l'ai connu avant cela encore, dit Martha, car je ne le reconnais pas complètement dans votre description, mais je comprends assez facilement ce que vous avez pu éprouver. Je suppose que c'est inévitable quand on le fréquente un peu, un dommage collatéral en quelque sorte : vous êtes tombée amoureuse de lui au bout de combien de temps ?

Clara secoua la tête, un peu gênée.

― Je ne sais pas si j'étais amoureuse… recula-t-elle en s'empourprant légèrement. Il ne m'a jamais donné l'impression d'être totalement humain sur ce plan, ce qui quand on y réfléchit n'a rien d'anormal... Je ne savais jamais ce qu'il pensait vraiment et la dissimulation était une seconde nature chez lui. Une minute il plaisantait et il flirtait un peu, et la suivante, il s'enthousiasmait pour un légume carnivore ou un coffre à dix combinaisons, vous voyez ? J'ai compris assez vite qu'indépendamment de son intelligence indéniable, il n'entendait rien aux codes tacites d'une relation personnelle homme femme et dans ces moments, il était criant qu'il n'avait pas été élevé sur cette planète… Je crois qu'il m'aimait bien parce que je ne suis pas complètement stupide, et que ça nous a parfois sorti de situations un peu délicates, mais je me demande parfois s'il me considérait comme une amie ou comme un simple petit animal familier…

Martha rit de bon cœur en se tenant les côtes.

― Vous en parlerez à mon mari quand il daignera faire une apparition, il pourra vous en raconter d'autres à ce sujet. Mais je vois très bien ce que vous voulez dire… Pour ma part, je suis partie parce que j'ai compris que jamais il ne me rendrait l'affection que j'avais pour lui de la façon dont je l'espérais… Je crois qu'il n'est pas très à l'aise avec ses sentiments, pouffa-t-elle. Et je remercie chaque jour le Ciel que Mickey ne soit pas comme ça ! Mais le Docteur a eu des sentiments.

― Ouh, ça doit faire une éternité ! grinça Clara. Aujourd'hui, il se montre très froid avec moi, comme si je ne l'intéressais plus. J'ai la sensation horrible qu'il doit faire un effort pour être simplement poli. Il essaie bien sûr, mais on dirait que ça l'embête… C'est lui qui a changé, mais on dirait qu'il ne me connait plus et qu'il ne sait pas comment je suis, ni comment me parler… Alors que…

― Alors que c'est vous qui pensez que vous ne le connaissez plus, et que vous ignorez comment lui parler ?

Clara acquiesça vigoureusement et elle ajouta encore :

― Vous savez, j'ai rencontré d'autres incarnations du Docteur dans une occasion spéciale où ils se sont trouvés réunis, donc je suis en mesure de comparer sur une autre échelle…

― Ça a dû être une sacrée expérience ! commenta Martha les yeux brillants. Comment étaient-ils tous ensemble ?

― Comme des larrons en foire ! commenta la jeune femme. Mais ceux que j'ai vus m'ont comme spontanément adoptée en se montrant aimables, gentils, un peu curieux, bienveillants… Oh c'est un peu déplacé de dire ça, mais au moins… ils ont eu l'air… approbateur ! Les anciens ne remettaient pas en cause le fait que j'accompagne leur moi futur.

Martha posa gentiment sa main sur la sienne en la serrant légèrement pour la réconforter.

― Je ne peux vous dire qu'une seule chose, le Docteur est parfaitement conscient de vos difficultés, et c'est la raison pour laquelle il voulait que je vous parle. Je suis la compagne qui l'a quitté volontairement. Sarah-Jane est la compagne qui s'est construit une vie formidable passée avec l'espoir de le revoir un jour alors même qu'elle avait toutes les raisons de se croire abandonnée… Il voulait que je vous donne mes raisons d'agir comme je l'ai fait.

― Mais n'est-ce pas une façon de chercher à se débarrasser de moi ? Il espère que je vais suivre votre exemple ?

― Je ne crois pas, répondit Martha en secouant la tête. Il veut sans doute que vous y voyiez plus clair dans vos propres motivations à le suivre. Et si ça implique que vous partiez, il l'acceptera. Il sait qu'il ne peut pas garder ses compagnons éternellement.

Martha se releva pour mettre leurs deux tasses dans l'évier de la kitchenette. Ce faisant, elle activa sa radio d'épaule :

― Ricky ? Est-ce que tu as fini par trouver ton père ? Le vaisseau n'est pas si grand… Le Docteur et lui auraient dû montrer le bout de leur nez…

Négatif, répondit la voix du jeune garçon. Je suis en train de regarder dans la salle des moteurs au cas où il pensait que tu y serais toujours, et il n'y a personne.

― Ok, notre invitée et moi, nous allons quadriller une autre partie du vaisseau, et ça tombe bien puisque je devais lui faire visiter. Tu restes en contact tous les quarts d'heure. Et si tu vois le cagal, tu ne tentes rien d'inconsidéré.

J'ai le filet magnétique sur moi, rappela le garçon, je pourrais au moins l'immobiliser en attendant la fléchette tranquillisante.

― J'ai dit que tu restais à couvert…

Reçu. Capitaine, répondit-il d'un ton boudeur appuyé.

― Venez ma chère, nous allons chercher les hommes qui ont dû se perdre, ou bien se mettre à l'écart pour se raconter des petits secrets qu'ils ne veulent pas que j'entende, dit-elle en lui prenant le bras.

Dans l'autre main, elle avait un fusil à tranquillisants, et elle prit dans un tiroir une boite de flèches hypodermiques qu'elle mit dans sa poche. Cela lui donnait la mine d'une mamie débonnaire et en même temps d'une guérillera étrangement inquiétante.

― Quel genre de secrets ? s'enquit Clara avec curiosité.

― Je vous parie à dix contre un qu'ils doivent parler de Rose.

― Rose ? Non vous voulez dire River, la femme du Docteur ? questionna la jeune femme qui sembla surprise.

Martha lui coula un regard de biais.

― J'adore discuter avec vous… Vous restez longtemps ?

 

Laisser un commentaire ?