Une Nouvelle Terre

Chapitre 13 : Par Ordre du Docteur

3666 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 06/11/2023 12:03

Non, mais franchement !

Frau Clovis sortit en trombe de la Section 26. Elle était en train de passer une très mauvaise journée.

À peine le Duc de Manhattan s’était-il prodigieusement remis de sa régression pétrifiante qu’une annonce des plus sinistres avait déclaré l’hôpital en quarantaine. Toutes les sorties condamnées, tous les ascenseurs hors-service… mais Clovis ne comprenait absolument pas pourquoi elle n’était pas parvenue à localiser un seul membre du personnel médical depuis près d’une demi-heure, maintenant !

Qu’est-ce qui pourrait bien être aussi urgent ? Depuis qu’il avait été admis à la Section 26, elle avait tenu à rappeler à tout le monde que Sa Grâce Le Duc de Manhattan était l’un des patients les plus importants à avoir jamais honoré les murs de cet hôpital – si ce n’était le plus important ! Il était donc sûrement dans l’intérêt des Sœurs de la Plénitude de veiller à ce qu’on s’occupait bien de son cas à tout moment ?

Et pourtant, alors qu’elle arpentait les salles sur ses talons-aiguille en quête de renseignements, Frau Clovis fut outrée – outrée ! – de constater qu’hormis quelques visiteurs qui paraissaient tout aussi perplexes, elle n’avait croisé personne.

Bon, il y avait bien eu une Sœur ; une novice qu’elle avait vue aux soins de Face de Boe un peu plus tôt. Mais cette dernière était revenue dans la Section 26 dans tous ses états et avait promptement repris ses fonctions sans un mot, refusant de répondre à la moindre question.

Clovis, bien entendu, avait saisi l’occasion de lui faire part de sa frustration :

Vous êtes censée être une infirmière ! avait-elle beuglé à la novice effarouchée. Faites donc quelque chose, voyons !

Vraiment, il n’y avait aucune excuse ! Ils étaient dans l’Hôpital des Jours Sempiternels ; un établissement soi-disant prestigieux qui était censé proposer les meilleurs traitements dans les neufs galaxies ! Les guérisseuses ici devraient au moins être correctement formées à gérer de telles urgences sans avoir à abandonner leurs patients – surtout un patient aussi illustre que Sa Seigneurie le Duc de Manhattan.

Et puis il y avait eu cet homme, ce Docteur de tout à l’heure…

Oh, sa tête ne lui plaisait pas du tout. Il avait posé beaucoup trop de questions, fouinant autour de la Section 26 où il n’avait rien à faire là. Il avait même eu le culot de remettre en cause certaines méthodes des Sœurs ; les mêmes méthodes qu’elles avaient employées pour soigner son patron ! Sans parler de la façon dont il s’était s’incrusté à leur petite fête avec sa copine blonde à ses côtés… comment s’appelait-elle, déjà ? Rose ? Roseanne ? Rosita ?

Clovis n’avait pas aimé sa tête non plus. Le décolleté de la demoiselle n’était pas tant plongeant que dégringolant, et elle en avait mis une sacrée couche – aussi épaisse que son rouge à lèvres – faisant les yeux doux au Duc comme pour insinuer toutes sortes d’excitations amoureuses à venir… tout en se servant librement de son champagne ! Exactement comme Frau Clovis avait prédit qu’elle ferait.

Inutile de dire que Son Excellence s’était entichée d’elle. Comme toujours. Peu importait que Clovis avait souffert pendant de longues années au service du Duc en essayant exactement les mêmes combines ; qu’elle lui montrait son plus beau sourire tous les matins ; qu’elle planifiait ceci et allait chercher cela et faisait toutes les petites choses qui passaient par la tête de son employeur, juste pour qu’il arrête de se plaindre un instant et prenne la peine de la remercier ; qu’elle relevait ses cheveux en chignon pour lui, puis les détachaient, puis les relevaient à nouveau dans l’espérance que cette fois, aujourd’hui, il la remarquerait !

Non, que faisait Son Éminence quand Clovis savait qu’il avait le plus besoin d’elle ? Il s’accrochait aux jeunes blondinettes !

Oh, ma chère ! Il faut absolument que vous me donniez un baiser avant de vous en aller ! avait-il crié lorsqu’elle et le Docteur s’étaient enfin décidés à quitter son chevet. J’ai besoin de votre bonne fortune pour m’en sortir !

Et – quel toupet ! – la blonde s’était exécutée. Alors que le Docteur s’éloignait vers le fond de la salle, elle avait hésité, s’assurant qu’il était bien parti, puis avait porté deux doigts à ses lèvres et soufflé un baiser sexy en direction du Duc, amenant Sa Grâce à pouffer de rire.

Clovis, cependant, avait été nettement moins amusée :

Toute intimité exprimée par le Duc de Manhattan ne constitue pas nécessairement une promesse d’interaction physique !

L’histoire de ta vie, ma cocotte ! avait rétorqué la jeune femme. Et dans un tortillement de hanches, elle était partie rejoindre le Docteur.

Quelle grossièreté ! Rien qu’une source d’ennuis, tous les deux. Pour couronner le tout, sa trousse personnelle de maquillage avait disparue. Donc non seulement le personnel de cet hôpital était coupable d’incompétence, mais il y avait également des voleuses à l’œuvre dans les parages ! Eh bien, le Sénat de New New York allait certainement entendre parler de tout ça... Frau Clovis fit une note mentale dans sa tête de leur rédiger un mémo dès qu’elle en aurait l’occasion. Elle envisageait sérieusement de prendre la plus punitive des poursuites judiciaires…

Passant une paire de portes coulissantes quelque part à l’extérieur de la Section 26, l’impérieuse assistante du Duc de Manhattan fit brusquement halte.

Voilà qui était curieux… Elle aurait juré que ce couloir menait nulle part – or, voilà qu’un grand trou béant s’était ouvert dans les murs blancs immaculés, au-delà duquel se profilait un passage beaucoup plus sombre et industriel. Pas vraiment ce qu’on pourrait appeler hygiénique ! Peu importe… peut-être était-ce par ici que tout le personnel félin était passé ?

Excusez-moi ! appela-t-elle. Est-ce qu’on peut avoir un peu d’assistance ?

Pas de réponse. Avec un soupir irrité, Clovis fit quelques pas de plus sur ses talons-aiguille dans le couloir plutôt sinistre. Une sorte de galerie de maintenance, sans doute. Mais toujours, il n’y avait personne… Elle décida de s’y attarder un moment, dans l’espérance qu’on l’avait entendue.

Ceci commençait à devenir absurde. Sa Toute-Puissance commencerait bientôt à avoir faim. Il avait eu sa dose de champagne pour la journée, et s’attendrait nul doute à déguster un festin cet après-midi une fois que Clovis serait revenue auprès de lui – de manière à célébrer sa guérison dans le plus grand style ! Un bon jambon, peut-être ? Ça avait toujours été son plat préféré.

Oui, il y avait bel et bien du mouvement au loin… Venant du fond du passage. Lèvres pincées, les narines dilatées, Frau Clovis fit un autre pas en avant – et poussa un hurlement.

« Pitié… Sauvez-nous… »

D’épouvantables créatures putrides, sales et dégoûtantes émergeaient du passage : toute une bande ! Décharnées et affreusement malades, elles avaient une démarche traînante et maladroite, les membres de leurs corps déformés à des angles bizarres. Leurs yeux, implorants et injectés de sang, la dévisageaient fixement alors qu’ils avancèrent en tendant les bras…

Tendant les bras vers elle !

Frau Clovis n’était pas médecin, mais elle comprit d’emblée que de telles monstruosités ne pouvaient pas être permises de l’approcher. Trébuchant en arrière sur ses talons-aiguille, elle chercha un moyen de bloquer le couloir, de leur barrer la route…

Mais il n’y avait rien. Pas d’infirmières dans les parages. Personne pour lui venir en aide.

Clovis fit la seule chose qui lui vint à l’esprit. Elle tendit la main et actionna le bouton d’alarme le plus proche, puis elle hurla de nouveau, ôta ses talons-aiguille et se précipita pieds-nus pour regagner la Section 26.

 

PAR ICI !

Le Docteur ne s’était toujours pas habitué à l’accent ridiculement bourgeois de Cassandra qui émanait de la bouche de Rose, son cri aigu le guidant jusqu’à la petite porte qui ne pouvait que mener chez elle.

Chez elle.

Le Docteur n’avait jamais imaginé que quelqu’un comme Cassandra aurait un « chez-elle ». Mais alors qu’elle propulsa le corps de Rose à travers les sales rabats en plastique devant l’entrée dans un élan d’adrénaline, il se dit que ces mêmes quatre murs qu’elle avaient contemplés pendant si longtemps sous la forme d’un bout de peau lui seraient d’une familiarité bienvenue.

Ils n’eurent pas un moment pour souffler. Le Docteur referma la porte derrière eux – CLAC ! – et la verrouilla avec le tournevis sonique. Cassandra, quant à elle, se précipita à travers son ancienne demeure jusqu’à une petite porte à l’autre bout. Elle connaissait tous les accès à cet endroit. Avec un peu de chance, celui-ci pourrait également leur servir d’échappatoire…

Le Docteur ne mit pas longtemps à comprendre où ils se trouvaient. À en juger des murs blancs sales et des perfusions vides, ce ne pouvait qu’être les bas-fonds de l’hôpital : un dépotoir pour toutes sortes d’équipements médicaux, perdus ou abandonnés par les nonnes à l’étage. Et là, de l’autre côté de la pièce, étaient les restes rouillés du cadre en métal où Cassandra avait jadis si fièrement accrochée sa peau. Le cerveau qu’elle avait laissé derrière elle en prenant le corps de Rose reposait toujours dans son petit bocal en-dessous, et s’était ratatiné en une sorte de bouillie tordue.

C’est donc ici que tu te cachais... dit le Docteur. Juste en-dessous du secret, et tu t’en es même pas aperçue !

Je n’avais pas exactement une vue panoramique à l’époque ! rétorqua Cassandra. Saisissant la poignée de l’autre porte, elle tira dessus et l’ouvrit en grand.

« Sauvez-nous… »

Toute une horde de porteurs malades surgit de l’autre côté, leurs visages infâmes recouverts de furoncles… se ruant vers elle !

Avec un hurlement, Cassandra leur claqua violemment la porte au nez.

Aucune issue. Cernés de tous les côtés.

Le Docteur fit un scan rapide de la pièce avec son tournevis, plissant les yeux en voyant la machine primitive installée autour de l’entrée. Il fit vite le rapprochement lorsqu’il aperçut une veste féminine – la veste de Rose – délaissée par terre, et l’audace cruelle et perverse de ce qui avait été infligé à la jeune femme dans ce sous-sol le fit détester Cassandra encore plus.

On est piégés ! (Cassandra semblait être au bord des larmes alors qu’elle s’affaissa contre la porte pour lui faire face.) Qu’est-ce qu’on va faire ?!

Eh bien pour commencer, tu vas quitter ce corps ! (Le Docteur désigna avec colère les instruments dont elle s’était servie pour lui voler sa compagne.) Cette psycho-greffe est bannie depuis longtemps sur toutes les planètes civilisées ! Tu compresses Rose vers une mort certaine !

— Oh, voyons… dit Cassandra en s’autorisant un coup d’œil malicieux au décolleté généreux qu’elle avait réussi à imposer à son hôte. On ne va pas vraiment parler de compresser, quand même ?

— Sors de ce corps, Cassandra. Tout de suite.

Mais malgré la gravité de leur situation, Cassandra venait de retrouver son sourire :

— Non merci. 

— Je te ne le répèterai pas, dit le Docteur férocement. Cette plaisanterie a assez duré ! Alors voici comment ça va se passer : tu vas mourir, et Rose va vivre, point !

— Fascinant, vraiment… mais faux. Tant que je serais dans ce corps… (Elle s’amusa à pétrir les appas de la jeune femme avec une familiarité qu’il trouva aberrante :) … tu feras tout pour me protéger.

La gorge du Docteur s’étriqua lorsqu’il vit avec alarme que Cassandra tendait maintenant les mains vers le chemisier de Rose, se souvenant du flacon de parfum qu’elle avait dissimulé là plus tôt :

— Et je commence à me sentir plutôt… à l’aise.

— Non, corrigea-t-il en s’avançant pour lui attraper les bras avant qu’elle puisse se déboutonner davantage. Ce n’est pas comme ça que ça marche ! Tu retiens Rose prisonnière dans sa propre tête ! Tu la tueras si tu restes. Et si tu fais ça, alors crois-moi… plus rien ni personne dans cet univers ne pourra te garder en vie, Cassandra.

Cassandra se dégagea de son emprise et lui tourna le dos avec hargne, plutôt mécontente d’avoir été interrompue dans sa tentative impromptue de striptease – bien qu’elle nota avec une certaine consternation la manière dont le Docteur crispa ses mains en poings lorsqu’elle s’arracha à lui… 

— Mais je n’ai nulle part où aller ! maugréa-t-elle, traçant les doigts de Rose sur le métal vide de son ancien cadre pour appuyer son propos avant de lui refaire face avec un regard noir. Ma peau originelle est détruite ! 

— Pas mon problème, répliqua sèchement le Docteur, et son visage était froid. Tu n’as qu’à flotter dans l’air sous forme d’atomes. Maintenant, sors de là.

Cassandra poussa un soupir dramatique, faisant appel aux poumons de Rose pour accentuer sa performance, mais ne montra aucun signe de vouloir obéir :

— Tu en as pas marre de me tuer ?

— Tu t’es infligée tout ça toi-même, dit le Docteur, en haussant sa voix pour qu’elle redevienne dure et dangereuse. Crois-tu vraiment que je ne peux pas t’y forcer, Cassandra ? Tu m’as déjà rencontré une fois. Tu sais que rien ne m’arrêtera. Tu es train de violenter cet esprit, et je ne le permettrai pas…

— Non mais écoutes-toi un peu ! (Le visage de Rose se tordit dans un rictus sinistre qui paraissait si étrange sur ses traits doux alors que Cassandra s’arma de nouveaux souvenirs :) Le grand et puissant Seigneur du Temps, vivant la belle vie avec sa petite cassos ! Tu sais, je n’ai jamais été dans la tête d’un Seigneur du Temps jusqu’ici…

Elle arpentait lentement la pièce à présent, décrivant un cercle autour de lui, et il s’apprêta à se défendre au cas où elle le surprendrait avec un nouveau baiser :

— Mais vous êtes tous les mêmes, n’est-ce pas ? Vous, les hommes… Des rabats-joies ! Toujours en train de dire à une femme ce qu’elle doit faire. En quoi es-tu différent de moi, Docteur, hm ? Soyons honnêtes ; tu cherches à posséder l’éternel tout autant que moi. J’ai simplement été contrainte de tracer ma propre voie…

Le Docteur la fixa avec un air de mépris qu’il détestait adresser à Rose, mais refusa de répondre à son accusation :

— Laisse la tranquille, Cassandra, ou je…

— Ou quoi ? railla-t-elle. Pauvre idiot… tu ne feras rien ! Il n’y a rien que tu puisses me faire. Pas ici, en tout cas. Pas tant que je suis en elle. Tu es dans une position très délicate, mon chéri. On pourrait même dire que c’est la position la plus délicate qui soit: entre le marteau et l’enclume, si je connais mes proverbes. Ou devrais-je dire… dans la gueule du loup ?

La mâchoire du Docteur se crispa. Ses phalanges craquèrent, il les serraient si fort.

Ouh, voilà qui te fait réagir ! roucoula Cassandra, sentant le visage de Rose s’empourprer et son cœur s’emballer de nouveau. Elle aime ça, tu sais ; de te voir tout sombre, demandeur et protecteur…

Elle s’était mise à s’avancer vers lui avec une lenteur extrême, les yeux mi-clos, ayant retrouvé son déhanché suggestif :

— Ce que tu peux être vilain, Docteur... Ta petite blondasse criminelle a cru qu’elle allait prendre feu ce matin, vu la manière dont tu la matais ! Dis-moi, ça ne la dérange pas trop que tu te permets autant de te rincer l’œil ?

Le Docteur écarquilla les yeux devant ses insinuations. Mais bien entendu, celles-ci étaient vraies…

Il fallait sortir d’ici. L’assistant bossu de Cassandra – la seule personne qui avait jamais tenu à elle – n’était plus de la partie ; très certainement mort aux mains des cobayes infectés en train d’errer librement dans l’hôpital au-dessus. Le Docteur pouvait les entendre dehors en ce moment-même, frappant et cognant contre les deux portes du donjon. Le crissement des charnières rouillées lui disait qu’elles ne tiendraient plus très longtemps…

— Tous ces petits mots malins que tu as, mais aucun qui ne puisse cacher ce que vous ressentez, tous les deux… persifla Cassandra, chaque mot une raillerie alors qu’elle se glissa suffisamment près du Docteur pour lui taquiner la poitrine avec le bout d’un ongle. Pas à moi, en tout cas… Alors, vas-y ; elle n’est pas là pour te juger. On peut se rouler une autre galoche, si tu veux. Ça ne me dérange absolument pas…

Le visage de Rose n’était plus qu’à quelques centimètres du sien, brillant de sueur et d’excitation, la tête renversée en arrière pour lui offrir ses lèvres entrouvertes… Mais ce n’était pas la vraie Rose, se rappela le Docteur – c’était une Rose aux allures de Cassandra.

Et elle ne serait pas capable de supporter cette dualité encore longtemps. Il pouvait le voir dans son regard : la conscience de Rose était en train de se faire lentement écraser dans un recoin de son esprit, engoncée dans un espace bien trop petit pour son être – et Cassandra prenait rapidement le dessus. Bientôt elle remporterait la bataille, et Rose serait réduite au néant…

Ça ne pouvait pas se terminer comme ça. Pas après tout ce qu’ils avaient traversés ensemble.

— Il faut que tu mettes fin à tout ça, et maintenant ! Ton heure est venue il y a longtemps, Cassandra…

— Oh, mais je commençais tout juste à m’amuser, Docteur. Non, je crois que je vais rester. Ici, dans ce corps… (Elle redressa la silhouette de Rose de toute sa hauteur, bomba sa poitrine orgueilleusment vers lui et jeta ses cheveux blonds en arrière:) Jeune. Jolie. En pleine forme ! Et si, si puissante…

— Puissante ? (Le Docteur sentit son sang se glacer et tout à coup tous ses instincts jusqu’au dernier le poussaient à s’enfuir.) Comment ça, « puissante » … ?

— Oh, ta précieuse petite Rose est en train d’hurler pour sortir, Docteur. Elle ne demande qu’à être déchaînée… Pourquoi ? Tu ne lui as pas encore dit ? (Cassandra se délecta de l’haleine du Docteur sur sa peau alors qu’elle se pencha tout près pour lui murmurer à l’oreille :) Tu ne lui as parlé du grand… méchant… loup ?

Le Docteur recula d’un grand pas.

Il ne pouvait plus rien dire. Ou plutôt, il ne voulait plus.

Jusque-là il avait été distrait, essayant de garder Rose en vie et hors de danger. Mais il ne restait plus qu’eux deux à présent. Lui et Cassandra, sur les lieux de son crime. Ses chances contre les siennes.

Et il n’avait plus aucune patience. Plus aucune pitié.

Peut-être qu’il était différent ; peut-être avait-il de nouvelles dents et un nouveau visage. Mais en-dessous de tout ça – sous la couleur brune de ses cheveux, ses yeux et son costume à rayures – le Docteur était toujours absolument le même homme. Certaines choses ne changeaient jamais, quel que soit le nombre de visages qu’il adoptait. Les paroles de son prédécesseur sur la Plateforme Un résonnaient encore lourdement dans ses oreilles, prononcées dans une colère noire au nom de tous ceux que Cassandra avait assassinés :

« Tout a son temps, et tout doit mourir un jour… »

C’est à cette colère que le Docteur fit maintenant appel alors qu’il se dressa fermement devant Rose, le feu dans les yeux, et leva son tournevis sonique pour le braquer sur sa tête :

Rends-la moi. Dépêche-toi.

Le sourire de Cassandra disparut. L’espace d’un instant, elle avait même l’air effrayée. Puis elle esquissa une petite grimace :

D’accord. Tu l’auras voulu, Casanova...

Avec une profonde inspiration, l’expression de la jeune femme se crispa avec la plus grande concentration comme si elle était sur le point d’éternuer–—

Puis, soudain, elle expira.

Une vapeur pâle et fluorescente sembla jaillir de la bouche de Rose, virevoltant à travers la pièce comme de l’air s’échappant d’un ballon…

…et fonça tout droit sur le Docteur !

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