Une Nouvelle Terre
Le visage du Docteur était sombre comme un ciel avant l'orage. Car c’était bel et bien la jeune féline de la Section 26 – n’affichant aucune surprise ni méfiance de le découvrir ici-bas avec Rose.
— Dites-moi... murmura-t-il d’une voix si dangereusement calme qu’elle ressemblait davantage à un chuchotement. En prenant le voile, vous étiez au courant ?
Hame remua les oreilles sous sa cornette :
— La Sororité a fait le serment de venir en aide aux gens…
— Quoi, en les TUANT ?! Tout le monde sursauta alors que la colère que le Docteur s’était efforcé à maîtriser durant tout ce temps derrière une façade de calme se déchaîna enfin et remonta en flambée à la surface.
Voilà la réaction qu’il attendait, exactement comme ses autres collègues ! Cette prestation de sainte bienveillance : prête à tout expliquer dans les termes les plus calmes possibles, comme s’il s’agissait d’une simple coutume ordinaire.
— Parfois, même la plus noble des vocations demande un sacrifice personnel, dit Hame d’une voix douce.
— UN SACRIFICE ? tonna le Docteur. Quel sacrifice avez-vous fait, vous qui êtes bien au chaud là-haut dans votre hôpital? Vous n’êtes pas en train de souffrir ici comme ces pauvres gens !
— Mais ce ne sont pas de vrais gens, corrigea Hame, sa voix douce lui retournant l’estomac. Ce sont des spécimens d’élevage. Ils n’ont pas d’existence propre…
Les sourcils du Docteur s’arquèrent d’indignation et il s’avança lentement vers la novice, hors de lui, une lueur furibonde dans le regard. Rose le suivit de près, mais il n’était fixé que sur Hame, haussant progressivement sa voix jusqu’à ce que celle-ci devienne un hurlement :
— Quel est le roulement, alors, hm ? Un millier un jour ? Mille le jour suivant ? Mille encore le jour d’après ? Combien de milliers, pendant combien d’ANNÉES ? rugit le Docteur. COMBIEN D’ANNÉES !?
— L’humanité avait besoin de nous, Docteur, dit Novice Hame sur un ton implorant. Ils sont venus sur cette planète avec tellement de maladies, nous ne pouvions y faire face ! (Sa cornette trembla alors qu’elle baissa la tête, les larmes aux yeux désormais, priant de se faire comprendre.) Nous avons pourtant essayé… Nous avons tout essayé ! Nous avons expérimenté avec la viande clonée et le bio-bétail, mais les résultats étaient trop lents.
Le Docteur dévisageait Hame avec une rage vicieuse. Cette nonne, cette guérisseuse – la même infirmière qui soignait Face de Boe à l’étage, avec qui il avait ri et échangé des histoires ! La savoir impliquée dans une telle brutalité utilitariste était comme une blessure dans ses entrailles ; une forme de trahison personnelle. Cinq milliards d’années, et il n’y avait toujours pas de fin aux actes que les gens pouvaient justifier avec ces sept petits mots innocents :
Pour le plus grand bien de tous.
— Il y a quelques années, je pensais comme vous, lui dit Hame. Je me suis demandé ce qu'auraient dit mes parents. Mais le travail des Sœurs a sauvé tant de vies, et elles m’ont ouvert les yeux à la sagesse de notre mission. Vous pouvez sûrement le voir aussi… ?
— Non, tout ce que je vois, dit le Docteur. Ce sont des hommes et des femmes qui sont nés au monde et rendus malades, alignés comme des bêtes à l’abattoir ! Ce que je vois, c’est vous et vos collègues en train de planter la semence de la vie dans un cimetière que vous avez créé vous-mêmes ! Et à quoi bon, Hame ? Dites-moi pourquoi vous faites ça. Au nom du profit ? De la croyance ?
Novice Hame frémit et tressaillit sous cet assaut, son assurance plus faible qu’avant. Et toujours le Docteur était sans relâche :
— Vous cherchez à vous refaire une place dans la chaîne alimentaire, c’est ça ? Ou bien vous faites ça pour la science ? Autant que je sache, la science a toujours été basée sur le progrès. Une progression à travers les théories, les applications et les échecs... et après on recommence. Prendre des raccourcis n’a jamais marché très longtemps pour personne, alors encore une fois – dites-moi pourquoi vous faites ça ?!
— Vous n’étiez pas là ! protesta la novice. Quand les humains sont arrivés... Vous ne pouvez pas savoir. Ils étaient malades, et mourants, et à la recherche du salut. Notre planète venait tout juste de traverser une épidémie qui s’est déclenchée dans la Nouvelle Savane. Un super-virus auquel aucun d’entre nous n’avait jamais fait face… et 87% des enfants sur Nouvelle Terre en sont morts, en un jour seulement! Pouvez-vous imaginer ce que c’était, de voir tous ces petits cercueils…? (Le souffle de Hame trembla, et lorsqu’elle reprit la parole, sa voix était chargée d’émotion :) Ils sont morts, Docteur, et nous n’avons rien pu faire pour empêcher ça. Il nous fallait autre chose, quelque chose de meilleur... alors les Sœurs ont conçu leur propre chair. Et c’est tout qu’ils sont : de la chair !
Le Docteur désigna du doigt les innombrables portes vertes autour d’eux ; des rangées et des rangées de cadavres encore en train de respirer, croupissant dans le noir, inconscients de leur propre naissance...
— Ces gens sont des êtres vivants, Hame ! Regardez-les !
— Mais pensez à tous ces gens au-dehors… (La chatte montra ses dents pointues alors qu’elle ravala son désarroi et osa lui adresser un sourire:) Les humains. Revenus auprès de leurs familles, revenus à leurs vies ! Ils sont heureux, et en bonne santé, et tout ça grâce à nous !
— S’ils vivent à cause de ça, si tuer est le moyen de la vie… alors la vie ne vaut rien.
À ces mots, le sourire de Hame s’effaça ; ses traits félins se durcirent, et elle le regardait tout à coup avec un air proche du mépris :
— Mais qui êtes-vous pour en décider ainsi ?
— Je suis le Docteur ! (Il fit quelques pas enragés de plus face à sa provocation, jusqu’à dominer la novice de toute sa hauteur, montrant férocement ses propres dents et se permettant d’apprécier la peur dans son regard.) Et si ça ne vous plaît pas… si vous souhaitez vous référer à une autre autorité, il n’y en a pas. Je suis la plus haute instance !
Un lourd silence suivit ces paroles. La fureur émanait du Docteur comme une force éruptive ; irradiant les murs, étouffant l’atmosphère et terrorisant les ombres aux alentours. Même Rose semblait être en train de lutter contre l’envie de fuir, de crainte de se retrouver elle aussi engloutie par la puissance de sa colère.
D’où sortait toute cette rage, cet orgueil ? L’arrogance présomptueuse dans sa dernière déclaration ? Même pour quelqu’un comme lui, c’était du terrain nouveau. Du terrain dangereux...
Et pourtant, détermina également le Docteur, c’était vrai.
Novice Hame s’écartait d’eux, à présent. Tant mieux, il voulait qu’elle ait peur... Il voulait qu’elle arrête de lui justifier ça. Tous ces humains – ces gens dépourvus de soins et de dignité dans un hôpital conçu pour les rendre malades, dépérissant selon le vouloir de ces chats qui avaient l’audace de se faire appeler des bonnes sœurs… Ils n’avaient eu personne pour parler en leur nom tout au long de leurs vies.
Jusqu’à maintenant. Jusqu’à lui.
Les histoires qu’avait raconté Hame sur Face de Boe tout à l’heure l’appelaient « le Dieu Solitaire », n’est-ce pas ? Eh bien, soit. Qui d’autre pourrait mener les combats à venir ?
Il ne restait que lui. Celui Qui Amène La Tempête. Le dernier des Seigneurs du Temps.
Avant que le Docteur puisse dire autre chose, cependant, Rose choisit ce moment précis pour surgir derrière son épaule :
— Juste pour confirmer… demanda-t-elle avec cette voix traînante et horriblement snob qui ne ressemblait pas du tout à son accent londonien. Personne en ville n’est au courant de ce qui se passe ?
À entendre Rose si vaine, si égoïste, le Docteur se força à la regarder, juste pour voir l’expression sur son visage – cet ennui ; cette suprême indifférence… Comme si rien de tout ça ne la perturbait le moins du monde. Elle aussi aurait dû être révoltée, tout autant que lui, prête à crier sa rage sur Hame…
Mais non : à la place, la jeune femme se tenait sur le côté avec la plus grande nonchalance ; s’intéressant davantage à la manière dont son chemisier moulait ses formes, levant les doigts d’une main comme pour admirer une manucure récente...
En cet instant, le Docteur trouva qu’il détestait tout chez Rose. Ce n’était pas uniquement ce ton guindé et cette voix mielleuse – c’était sa moralité tordue ; ses talents soudains en informatique ; le baiser exubérant qu’elle lui avait donné ; la fierté et prestance avec laquelle elle se comportait comme si l’hôpital tout entier était à elle, exhibant son corps sans la moindre pudeur… Des tout-petits détails, s’ajoutant peu à peu pour former quelqu’un qui était si distinctement Anti-Rose qu’il en était prêt à hurler.
Avait-elle découvert quelque chose ici qu’elle n’aurait pas dû, et les nonnes lui avaient fait ça dans l’espoir de la faire taire ?
Ou pire… est-ce ces dernières étaient allées encore plus loin, et avaient changés les fondements de tout ce qu’elle était, afin de l’empoisonner contre lui ?
Hame reporta son attention sur la jeune femme, quelque peu surprise par sa question :
— Nous… nous avons cru bon de ne rien dire…
— Une seconde… (Le Docteur leva une main pour réclamer le silence. Fermant les yeux un instant, il prit une profonde inspiration avant de les rouvrir :) Les corps, je peux comprendre. Je peux comprendre vos vœux, aussi. Mais il y a une chose que je ne comprends pas : qu’est-ce que vous avez fait à Rose ?
Derrière lui, il sentit Rose se figer. Relevant les yeux de ses ongles, elle se mordilla la lèvre et commença nerveusement à s’écarter – mais à peine avait-elle fait un pas en arrière que le Docteur l’attrapa par le bras et la tira à nouveau vers lui.
Fini de jouer. Il aller avoir ses réponses maintenant.
Novice Hame le dévisageait ; les dévisageaient tous les deux. Si la Sœur-apprentie s’apprêtait à mentir, elle était certainement très douée en la matière. Son regard choqué était presque assez convaincant pour paraître sincère :
— Je… je ne vois pas de quoi vous parlez…
— Et croyez-moi, je suis encore très, très calme… (La voix du Docteur s’adoucit de nouveau, bien plus dangereuse et terrifiante que lorsqu’il criait :) Vous devriez vous méfier de ça. Très, très calme. Et l’unique raison pourquoi je suis encore très, très calme, c’est parce que le cerveau est une chose extrêmement délicate. Quoi que vous ayez fait à celui de Rose, je veux que vous l’inversiez !
Mais Hame secouait toujours la tête :
— Je vous jure que nous ne lui avons rien fait… !
— Docteur, interrompit Rose avec un sourire, sa voix toute sirupeuse alors qu’elle lui décocha un autre regard coquin sous la frange de ses cils. J’vais par-fête-ment bien…
Mais le Docteur ne lui accorda pas la moindre attention, son regard encore pleinement focalisé sur Hame :
— Ces gens sont mourants, et Rose devrait pleurer.
Un silence tendu s’ensuivit alors que ses paroles résonnèrent dans la salle obscure. Puis, Rose – qui n’était certainement, absolument pas du tout Rose – leva les yeux au ciel et laissa enfin tomber sa charade :
— Oh d’accord, t’as gagné, petit malin ! dit-elle sèchement, arrachant son bras de l’emprise du Docteur. Le mépris dans sa voix mielleuse le prit au dépourvu – c’était du pur venin ; la voix d’une vipère prise au piège :
— Et beau gosse, qui plus est…
Le Docteur se retourna pour lui faire face et se surprit à reculer lorsque Rose – ou quiconque était derrière ces grands yeux bruns – s’empara de la cravate de son costume et l’attira vers elle comme un chien en laisse, glissant doucement des doigts baladeurs autour de son cou. En un battement de cils, la jeune femme avait retrouvé son sourire, mais son visage avait changé ; la fausse moue d’innocence qu’elle arborait depuis le début se déformant soudain en quelque-chose de bien plus cruel et malveillant.
— Bourreau des cœurs…
— Arrête ! demanda le Docteur, agrippant son amie par les épaules comme s’il avait l’intention de la secouer pour lui arracher la vérité. Qu’est-ce qui t’arrive ?
— Je me doutais bien que quelque chose clochait dans cet hôpital, répondit Rose, et la froideur dans sa voix glaça le Docteur jusqu’aux os. Mais j’avais besoin de ce corps… (Elle sourit en direction du décolleté qu’elle offrait à sa vue.) …et de ton esprit… (Elle leva un ongle et lui tapota le front.) …pour savoir quoi.
Le Docteur la dévisagea, resserrant son emprise sur ses épaules. C’était comme s’il était face à quelqu’un d’autre. Son regard plongea dans des yeux familiers, et il sentit un esprit inconnu le fixer en retour.
— Qui êtes-vous ?
Le sourire de l’impostrice s’agrandit :
— Oh… tu m’as déjà oubliée ?
Elle tira le Docteur encore plus près par sa cravate, se hissant sur la pointe des pieds pour lui mordiller l’oreille. La jeune femme était si proche à présent qu’elle aurait pu l’embrasser une seconde fois, si elle le souhaitait. Il sentit son souffle tiède lui chatouiller la joue alors qu’elle mit enfin cartes sur table :
— Le dernier être humain… chuchota-t-elle doucement, rien que pour ses oreilles.
Le Docteur relâcha son étreinte, ses yeux sombres et furieux, s’écartant de Rose comme si elle venait de le brûler. Il avait déjà rencontré quelqu’un qui avait revendiqué ce titre, sur la Plateforme Une. Mais ça ne pouvait pas être…
— Cassandra ?!
— Tu as drôlement besoin d’être parfumé ! siffla Rose. Et en un clin d’œil, la jeune femme avait glissé une main dans son chemisier et sortit quelque chose caché entre ses seins. Ne prêtant aucune attention à la protestation étranglée du Docteur devant un tel geste, elle brandit le petit flacon dans sa main et – pschitt ! – lui vaporisa une fine brume sous les narines.
Le Docteur recula en panique alors qu’il respira le mélange, sentant son goût et son odeur sur sa langue : un cocktail perfide de fleurs et de produits chimiques. En quelques secondes, il sentit tous ses membres s’alourdir ; devant lui, le visage de Rose devenait flou. Quoi qu’il y avait dans cette fiole, c’était en train de lui embrumer rapidement l’esprit. Une sorte de narcotique…
Le Docteur s’effondra comme une masse. Il n’eut même pas le temps de lutter contre l’inconscience. Il était déjà étendu par terre.
Et le décolleté de Rose – pâle, en sueur et étrangement gracieux dans l’intense lumière verte – fut la dernière chose dont il se souvint avant que son monde ne vire au noir.
Avec une grande satisfaction, Lady Cassandra regarde le corps du Docteur s’écrouler lourdement au sol, cognant sa tête brune contre l’une des capsules au passage, et remet précipitamment son parfum soporifique à l’abri sous le chemisier de Rose.
Les courbes, songe-t-elle avec ironie en sentant le petit vaporisateur se glisser à nouveau entre les bonnets de son soutien-gorge, ont des usages si variés…
— Qu’est-ce que vous faites !? (Novice Hame s’agenouille en panique auprès du Docteur pour inspecter ses blessures, les enseignements médicaux des Sœurs prenant la priorité sur leur précédent désaccord.) Vous lui avez fait mal ! Je ne comprends pas ! Je vais devoir appeler Matrone…
C’est exactement ce que Cassandra attendait :
— Justement, faites-le, je veux la voir ! Maintenant que j’ai découvert votre petit régime d’assurance maladie, il est grand temps qu’on parle affaires… (Ses yeux empruntés foudroient l’infirmière du regard :) Alors, allez-y ! Courez ! SONNEZ L’ALARME !
Mais la chatte ne bouge pas ; elle est toujours à genoux par terre, tremblant de partout. Cassandra décide alors qu’il est grand temps de la motiver.
Tendant un bras à sa droite, elle saisit une poignée de câbles haute-tension qui sont reliés au mur et les arrache tous d’un coup sec. Les connecteurs dénudés fument et crépitent, déversant leurs crachats d’électricité dans la pénombre, et Cassandra s’écarte gracieusement de leur trajectoire alors qu’ils sillonnent le passage comme des serpents enragés.
Une sirène d’alarme stridente se met à hurler autour de la chambre secrète, des voyants rouges clignotant en détresse. Novice Hame n’a pas besoin qu’on lui répète deux fois. Elle se relève, ramasse ses jupes blanches et s’enfuit dans l’obscurité.
Un rire diabolique s’échappe des lèvres de Rose tandis que Cassandra la regarde partir, se délectant du chaos :
— Oh, baby ! caquète-t-elle alors que les étincelles pleuvent comme des feux d’artifice. Je suis chaud-patate !
De nouveau seule, elle appuie ses hanches contre la rambarde la plus proche et attend patiemment l’arrivée des secours. Certes, le Docteur a pu lui être utile – mais ce n’est plus le cas désormais, et Cassandra est suffisamment perspicace pour reconnaître qu’envahir le corps de Rose a entraîné la conséquence inattendue de se faire un ennemi très dangereux. Il serait donc prudent de le mettre sur la touche avant que l’effet du spray ne se dissipe. Elle pourra demander à Chip de faire ça pour elle. Son serviteur est resté caché des regards ; conformément à ses instructions, mais il ne devrait pas tarder : un tel travail nécessite quelqu’un de costaud. C’est un bon petit caniche, songe Cassandra avec affection. Elle ne manquera pas de le récompenser avec une liquidation rapide…
Elle sourit à la vue du corps affalé au sol et en profite pour tourner sans douceur son visage masculin vers elle avec le pied de Rose. Ah, les hommes ! Si pathétiquement prévisibles. À vrai dire, c’est dommage de gâcher un si beau bout de viande. Surtout quand ce dernier est doté d’un si beau physique…
Son goût lui picote encore la bouche, le corps volé de la blonde devenu tout un méli-mélo de sensations après leur indiscrétion momentanée dans la Section 26. Pour être parfaitement honnête, Cassandra ne sait pas trop ce qui lui a pris, tout à l’heure ; elle ne peut qu’attribuer la faute d’une telle aberration à la vile enfant humaine et ses hormones poisseuses. Elle l’a certainement ressentie, en tout cas : une vague appropriée de dopamine, norépinéphrine et sérotonine qui s’est libérée du cerveau de Rose Tyler lorsqu’elle se rua sur le Docteur…
Mais quel baiser merveilleux, tout de même ! Ses lèvres… oh, elles avaient paru si douces contre les siennes ! Toute sa vie, Cassandra a étiré, sculpté et égalisé sa propre chair pour satisfaire les appétits de son esprit, et maintenant… c’est l’inverse, tout simplement. La vérité, c’est qu’après des décennies sans mains, des siècles sans bras, elle était désespérément en manque d’une bonne galoche. Mourait d’envie de redécouvrir cette intimité... cette adrénaline... cette brusque montée des sangs... le pur frisson physique de lèvres, de peau et cheveux qui accompagne le goût des hommes… même si lui, de toutes les personnes disponibles, s’est avéré être le seul choix abordable, non-infecté et vaguement humain à ce moment-là. Embrasser Chip au sous-sol aurait été positivement incestueux ; le pauvre petit chouchou maladif... !
Non ; ce genre de circonstances est beaucoup plus approprié : caillera ou pas. Après toutes ces années, Cassandra ne s’était jamais sentie aussi vivante.
Si seulement ils auraient disposé d’un peu plus de temps ensemble… Elle se souvient avoir compté un grand nombre de lits dans cet hôpital. Si ce beau Docteur ne l’avait pas soupçonnée aussi rapidement, ils auraient pu s’amuser à faire un grand nombre de choses amusantes ensemble… des choses que Cassandra n’a pas faites depuis des lustres ! Oh Seigneur, ce qu’elle aurait aimé ça. Quand il s’agit du monde physique, il n’y a pas mal de plaisirs… ahem… « organiques » sur lesquels elle est pressée de se rattraper…
Mais le Docteur est le Docteur. Elle ne peut pas laisser des trivialités comme ses désirs charnels venir empiéter sur sa mission : le Docteur l’a démasquée de nouveau, et elle va devoir s’occuper de lui une bonne fois pour toutes.
Quelqu’un stoppe les alarmes, et Cassandra ressent alors la douce saveur du triomphe. Cette petite enquête touche à sa fin. Ses soupçons étaient fondés : les Sœurs de la Plénitude cachaient effectivement un secret, et ce dernier va la rendre très riche.
Elle a toujours rêvé de cet instant, depuis la Plateforme Une. À présent, elle va enfin pouvoir se venger…