New Birth

Chapitre 2 : Plans contrariés

1469 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 10/11/2016 08:25

La semaine est passée assez vite sans que quoique ce soit ne vienne perturber ma petite vie quotidienne au bureau. Plusieurs couples se sont succédé à mon comptoir, toujours dans les mêmes conditions, me tendant la fameuse convocation. Cette convocation, c'est un peu comme le graal pour tous les couples de notre ville, New York. Elle ,seule, permet de recevoir un enfant. Recevoir, me direz-vous ? Oui, à New York, seule ville « saine » du continent, cela reste la seule façon de pouvoir agrandir une famille.


Il est 18h00, la nuit n'est pas encore tombée en ce vendredi soir de fin d'été. L'heure pour moi de quitter mon travail et de commencer le week-end. Un peu ankylosée par les heures passées devant l'écran de mon ordinateur, je me lève de mon fauteuil et m'étire.


_ Tu fais quoi ce week-end ? m' interroge Suzan qui range les quelques papiers qui traînent encore sur notre bureau commun.

_ Rien de spécial, repos et … repos. J'ai mal dormi cette semaine, je compte me rattraper.

_ Tu ne crois pas que tu ferais mieux de sortir un peu ? Histoire de rencontrer quelqu'un ?

_ Tu me dis ça toutes les semaines, Suzan.

_ Parce que tu as besoin de l'entendre toutes les semaines, Clare. Tu as 26 ans et tu vis comme une hermite !! s 'exclame-t-elle.


Elle n'a pas tord. Je ne sors pas beaucoup. Depuis que j'ai emménagé dans mon appartement il y a 3 ans, à la mort de mes Adoptants, j'y passe tous mes week-ends, sans vraiment sortir. Je m'y sens bien mais pas seulement : je ne suis pas une grande fêtarde, et je ne tiens pas l'alcool. Ca ne veut pas dire que j'y vis comme une nonne non plus.


_ T'as rompu avec le dernier depuis quand déjà ? m' inquisitionne ma collègue

_ Un an, je réponds en ramassant mon sac à main

_ Un an ? Oh Clare, il serait peut-être temps d'y remédier non ? Le petit nouveau, qu'est-ce que t'en dis ?

_ Je n'en dis rien, bougonné-je, je ne l'intéresse pas.

_ N'importe quoi ! s'amuse Suzan. Personne ne pourrait te résister. Tu es super jolie, et tous les gars de la société, mariés ou non d'ailleurs te tournent autour. Ne dis pas le contraire.


Non, je ne dis pas le contraire. J'ai eu de nombreuses propositions depuis un an, souvent très directes. Mon dernier petit ami, Angus, venait d'ailleurs du contingent assez important d'informaticiens de Newbirth. On est restés 6 mois ensemble, mais je n'étais pas prête à m'engager avec lui. Une histoire sans problèmes, certes, mais sans relief. J'ai préféré arrêter les frais. Je pense qu'il ne m'en a pas tenu rigueur, enfin je l'espère. Il n'avait pas plus envie que moi de s'investir je crois.


_ On va sans doute sortir ce soir, avec Sean, ça te dit de venir boire un verre avec nous ? Me demande Suzan enfin prête.

_ Je ne sais pas, je suis fatiguée, réponds-je sans entrain.

_ Oh zut, Clare, bouge-toi un peu ! S'exclame mon amie

_ Ecoute, je te dirai ça tout à l'heure. Pour l'instant, j'ai juste envie de rentrer chez moi, de prendre une bonne douche chaude et de me poser dans mon canapé.

_ Ok ma grande, ton idée n'est pas mauvaise. Je crois que je t'imiter en rentrant. Je t'appelle en soirée alors ?

_ On fait comme ça, je lance à Suzan, alors que je suis déjà sur le point de franchir les portes coulissantes de l'entrée.


Un grand coup de vent frais m'accueille dehors par surprise. Déjà la fin de l'été ? Je remonte le col de mon blouson et m'engage dans la rue en m'insérant dans la valse des piétons. C'est vendredi soir, et la sortie des bureaux donne toujours lieu à des trottoirs pleins de gens qui marchent rapidement, avides de rentrer chez eux au plus vite.

Quand je dis « plein », tout est relatif. Il fut un temps où New York était peuplé de millions d'habitants. Un temps lointain, connu uniquement des livres d'histoire. Ou peut-être de mon vieux voisin, George. La population a brusquement chuté au moment où la natalité s'est effondrée. Et quand je dis « effondrée », je devrais dire « a été réduite à néant ». C'était il y a de cela presque un siècle, lorsqu'au beau milieu des guerres, un des clans a osé utiliser l'arme absolue, la stérilisation chimique des femmes. Ca a sonné la fin de la guerre, d'ailleurs, parce que l'autre clan ayant fait de même, c'est l'Humanité toute entière qui se voyait anéantie.


Qu'est-ce que je fais là, alors, me direz-vous ?

Il n'y avait alors que deux solutions : aller chercher des femmes dans les villes tests comme Chicago ou trouver une autre solution de reproduction . Contre toute attente, le gouvernement a fait le choix le plus compliqué : le 2ème. Il semblait alors impossible aux yeux de nos gouvernants d'aller chercher des Déficients pour assurer la survie de l'Humanité. Ils devaient rester dans les villes-tests, et ne pas en sortir. Tous les chercheurs, les savants et les généticiens se sont alors mis au travail pour trouver LA solution : ce fut le clonage. Bon, le procédé n'est pas totalement nouveau non plus, puisqu'il existe depuis la fin du XXème siècle. Sur les animaux. Sauter la barrière, et l'appliquer à l'Homme, ce fut là tout l'enjeu. Non pas que ce soit plus compliqué, c'est juste qu'il fallait sauter le pas de l'éthique. Mais bon, quand on n'a pas le choix, justement, l'éthique n'a plus sa place face à la survie.



Je marche vite, emportée par le rythme soutenu de la foule. Mon appartement n'est pas très loin, à quelques rues à peine de mon travail. J'y serais en quelques minutes en voiture, mais peu de personnes ici en possèdent. Trop cher pour mon salaire d'hôtesse, et puis j'aime marcher après avoir passé toute une journée derrière un bureau. Il me faut environ une demi-heure pour arriver devant mon immeuble. C'est un ancien building, pas très haut heureusement, qui date d'avant la grande guerre. Mais il a été réhabilité et me convient très bien : son manque de modernité permet de limiter le loyer.

Le hall est propre, recouvert d'un marbre blanc veiné de gris, qui contrasterait avec les revêtements modernes et brillants qu'on trouve aujourd'hui dans les bâtiments récents, comme le complexe dans lequel je travaille.


Mon appartement n'est pas très grand mais confortable : une seule chambre et un living spacieux. J'ai privilégié les tons clairs, histoire d'agrandir l'espace. La déco est une de mes seules passions, et je me suis investie à fond dans celle de mon petit chez-moi. Je laisse tomber mes clés sur la console de l'entrée, accroche mon manteau et fait valser mes escarpins de mes pieds douloureux. Je fais glisser ma robe noire de rigueur et passe au plus vite sous la douche. L'eau chaude coule sur moi avec bonheur, détendant mes muscles endoloris. Je passe un t-shirt et un short et m'installe sur le canapé. Les chaînes de télévision ne sont pas bien nombreuses et je zappe mollement jusqu'à trouver un programme convenable. Quelle importance, puisque je m'endors rapidement, bercée par le ton monotone d'une animatrice peu motivée par son discours.


C'est la sonnerie de mon téléphone qui me réveille en sursaut. Rassemblant mes esprits, je finis par trouver le combiné. Il ne me faut pas plus de quelques secondes pour reconnaître Suzan.


_ Clare ! Tu dormais ou quoi ? Ça fait trois fois que je t'appelle.

_ Exactement Suzan, je dormais.

_ Super, alors du coup t'es en forme pour sortir ! Allez hop, tu viens avec nous.

_ Ecoute Suzan, j'ai pas envie de sortir.

_ça tombe bien, Clare, tu n'auras pas à aller loin. On va au bar près de chez toi, tu sais, sur la 37ème. Tu ne peux pas te défiler, ma belle, sinon je passe la soirée à sonner à ton interphone.


Je soupire. Se relever, s'habiller, la barbe ! Mais si je n'y vais pas, Suzan est capable de mettre sa menace à exécution. J'acquiesce donc mollement à sa requête, raccroche le téléphone et m'assieds dans le canapé, sans énergie. J'enfile le premier jean venu, mon bomber , j'attache vite fait mes cheveux avec un élastique, et passant les premières chaussures plates que je trouve, je sors de l'appartement, espérant y revenir au plus vite.












Laisser un commentaire ?