Divergente 4 - Résurgence

Chapitre 2

1712 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 09/11/2016 18:43

—    Qu’en penses-tu, Tobias ?

Johanna patiente quelques secondes en regardant le jeune homme. Celui-ci, perdu dans ses pensées, n’a pas entendu la question.

—    Tobias, tu n’es pas avec moi, insiste un peu la dirigeante.

—    Pardon ? Oh, désolé Johanna. Oui c’est une bonne idée.

—    Laquelle ?

—    Toutes tes idées sont bonnes, répond-il avec un sourire.

—    Tu n’as pas la moindre idée de ce que je t’ai dit, je crois, réplique doucement Johanna.

—    Désolé, j’étais ailleurs. Si, j’ai entendu, je vais contacter les autres cités, je vais travailler à la mise en place des échanges dont tu parles. La mise en réseau des systèmes informatiques va prendre un peu de temps, mais elle nous fera gagner beaucoup d’énergie par la suite.

Johanna penche un peu la tête en silence et dévisage Tobias.

—    Laisse le projet pour l’instant Tobias. Ne veux-tu pas me dire ce qui te préoccupe ? Cela fait plusieurs semaines que tu es absent, absorbé, renfermé, depuis que tu es allé visiter l’orphelinat, il me semble.

L’assistant adresse à Johanna un de ses petits sourires désarmants qui lui évitent souvent d’avoir à expliquer quoi que ce soit. Mais Johanna ne semble pas sensible à ce charme.

—    Tu te ronges, Tobias. Il faut que tu parles à quelqu’un. A quoi penses-tu donc si fort ?

—    A Tris, ment-il à demi.

—    Personne ne l’a oubliée. Il faut que tu cultives l’espoir plutôt que les regrets, Tobias.

—    Je sais, je m’y efforce.

—    Caleb et toi devez vous serrer les coudes, et avancer ensemble, glisse Johanna. Tu l’as vu récemment ?

Tobias lève un regard direct et inquisiteur sur la femme qu’il assiste dans ses travaux à la gouvernance de Chicago, en croisant les bras et en s’appuyant sur la table.

—    Non. Il a essayé de me contacter. Mais je ne recherche pas sa compagnie particulièrement. Pourquoi me dis-tu ça ?

—    Comme ça. C’est logique de se regrouper quand on partage des points communs. Il faut pardonner, Tobias, et s’entraider.

—    Il n’a pas besoin de moi. Il est entouré.

—    Et toi ? L’es-tu suffisamment ? Par les gens que tu voudrais ?

—    Je te l’ai dit, je m’y efforce.

—    Comme tu voudras, murmure la femme à la peau brune.

Johanna marque une pause, soupire, et conclut :

—    Je te laisse réfléchir aux projets que je t’ai présentés et me dire ceux que tu penses réalisables, sur le plan informatique dans un premier temps.

Tobias se lève, dépose une bise affectueuse sur la joue de Johanna et se dirige vers la porte.

—    Oui, je te dirai, je vais prendre quelques contacts. A bientôt.

La porte se referme, Johanna soupire encore en secouant la tête.

 

***

 

Tobias rentre chez lui. En ouvrant la porte, il tombe sur sa mère, enroulée dans une large serviette, sortant juste de la douche.

—    Oh, désolée, je ne t’attendais pas si tôt. Je vais m’habiller, lui dit-elle.

—    C’est pas grave, prend ton temps, je vais aussi y aller, à la douche, ça me fera du bien, répond son fils.

—    Comment ça, « ça te fera du bien » ? Qu’y-a-t-il Tobias, tu as l’air si sombre depuis près de deux mois ! Qu’est-ce qu’il y a ?

—    Je vais bien, j’ai besoin de réfléchir, c’est tout. Johanna me confie de lourdes responsabilités, je ne sais pas si je peux toutes les assumer, ment-il encore.

—    Dis ça à quelqu’un d’autre que ta mère, mon fils.

Il sourit.

—    Ne t’inquiète pas, je suis un grand garçon. Mais j’aurai quelque chose à te proposer. Mère…

—    Avant que tu ne me dises ce que tu veux me proposer, coupe Evelyn, j’ai une grande nouvelle. Je suis impatiente de te l’apprendre.

—    Vas-y, dit Tobias sur un ton conciliant.

—    J’ai trouvé un travail. On m’a proposé la création d’un centre de formation pour adultes. Beaucoup de gens ont tout perdu pendant la guerre civile, y compris la mémoire de leur ancien travail. Ceux qui ont des savoir-faire vont proposer des ateliers à ceux qui veulent les apprendre. J’ai encore beaucoup de connaissances parmi les anciens Sans-faction. Nous étions les rois de la débrouille. Je peux peut-être coordonner tout ça.

—    C’est un beau projet, je suis content pour toi, mais c’est curieux, Johanna ne m’en a pas parlé.

—    Ce n’est pas encore remonté aussi haut, c’est un projet associatif récent. Mais je vais avoir besoin de temps, de matériel, et de place. Tobias, je vais chercher un logement indépendant. Et te rendre ta liberté.

Le jeune homme regarde sa mère d’un air mi-méfiant, mi-souriant.

—    Dis ça à quelqu’un d’autre que ton fils, rétorque malicieusement Tobias en copiant sa mère.

Evelyn sourit en prenant entre ses mains la tête de son grand garçon.

—    Tu as raison, dit-elle en riant. Je vais travailler à ce projet, c’est vrai, mais peut-être aussi que j’ai un bel homme en vue ?

Tobias sourit. Sa mère est belle, charismatique et encore jeune. A la quarantaine à peine, elle peut sans problème attirer beaucoup d’hommes.

—    Ne te donne pas cette peine. Reste ici, lui dit-il en jetant un regard circulaire, la plupart des affaires qui sont ici sont les tiennes. C’est moi qui vais changer de logement.

—    Tu es sûr ? C’est chez toi ici.

—    Pas vraiment, la contredit Tobias. Ce ne sont que des murs. Et j’ai une opportunité, je sais déjà où aller. Je vais aussi avoir besoin d’installer chez moi des ordinateurs pour travailler à un projet que me confie Johanna. Je n’ai pas assez de place ici.

—    Où vas-tu ?

—    Laisse-moi un jour où deux. Dès que je trouve une ou deux personnes pour m’aider à porter mes quelques affaires, je les transfère et je t’informe, répond le fils d’Evelyn en louvoyant.

—    Cela m’ennuie de te chasser comme ça. Prends ton temps, réfléchis.

—    Cela fait un moment que j’y réfléchis, il n’y a pas de problème, je t’assure. Je m’occupe de tout ça dès demain, la rassure Tobias. Je vais à la douche.

—    Comme tu voudras. Dis-moi maintenant, que voulais-tu me proposer ?

—    Rien d’important, une opportunité de travail peut-être, mais ce n’est plus d’actualité, répond le jeune homme.

Evelyn sourit avec une pointe de tristesse au beau jeune homme à l’air mélancolique qui la regarde. Ses cheveux bruns frisottent sur le dessus, ses yeux semblent fatigués, malgré leur intensité. Elle se met sur la pointe des pieds pour poser un baiser sur sa joue, puis le suit des yeux tandis qu’il s’éloigne vers sa chambre, à nouveau refermé sur lui-même.

Dès que son fils est hors de vue, elle reprend un visage soucieux. Cela fait maintenant des semaines qu’il dort mal, s’agite la nuit, et marmonne des mots incompréhensibles d’un ton angoissé en dormant. Inutile de le questionner. Si Tobias a décidé de ne pas lui en parler, il ne le fera pas. Elle n’est donc pas la personne à qui il a besoin de se confier. Retrouver la solitude lui permettra peut-être de faire des projets personnels et recevoir des visiteurs à qui il pourrait parler de ce qui le torture ainsi.

Dans la salle de bain, le grand jeune homme brun laisse quelques minutes l’eau couler sur ses cheveux, tête baissée, les yeux fermés. Le ruissellement l’apaise un peu, comme un massage doux et patient. L’annonce d’Evelyn le soulage, il voulait justement lui demander si cela la peinerait qu’il déménage. Avec un petit sourire, il se dit qu’elle avait sans doute deviné son besoin, et anticipé sa demande, avec tact, et en retournant la demande comme si elle venait d’elle.

En séchant sa peau, il décide que dès demain, il contactera la directrice de l’orphelinat pour savoir si son offre tient toujours. Peut-être que l’animation régnant dans le bâtiment lui permettrait d’avoir un dérivatif à ses pensées obsédantes. Malgré son désir buté d’occulter la réalité, il devra bien l’affronter un jour. Johanna a raison : comme elle l’avait dit un jour à Beatrice chez les Fraternels, se laisser ronger par la haine ou la peur ne résout pas les problèmes et n’en fait pas disparaître l’origine.

Il n’est plus capable de se concentrer, de travailler efficacement depuis qu’il avait reçu, un mois et demi plus tôt, un message de Caleb qui lui annonçait : « Elle est réveillée ».


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