Top Cuisinière
Deuxième jour, deuxième épreuve. Mais avant cela, il y a une surprise, ou plus précisément, des invités surprise. Un jeune homme aux cheveux roux, l’air timide, s’avance. Quelle n’est pas ma surprise en voyant qu’un… rat se cache sous sa toque. A cette vue, Ariel lâche un hurlement et défaille. Je me rue vers elle, lui soufflant des mots rassurants et l’éventant, tout en regardant le rat d’un air intrigué. Celui-ci nous dit s’appeler Rémi et cuisine en duo avec son humain Linguine. Tous deux manient le couteau de cuisine avec finesse et l’humour avec précision. Leur plat phare est la ratatouille, et leur restaurant, dans la Ville Lumière, est connu si loin à la ronde qu’il y a une liste d’attente de plus de six mois. « Ville Lumière », quel joli nom! Peut-être y existe-t-il aussi une fête des lumières?
Trêve de réflexion, Stefan nous annonce que Rémi et Linguini seront nos conseillers aujourd’hui et que pour la deuxième épreuve, nous serons réparties en binômes. Le meilleur duo remportera l’épreuve, dont le thème est le citron. Coup de chance, je tombe avec Cendrillon. Avec un charmant sourire, celle-ci me signifie doucement, mais fermement, qu’elle gérera toute seule la recette, étant donné que la mousse au citron que j’ai commencé à faire est devenue aussi solide qu’un roc. Rémi se montre cependant compatissant et m’encourage à ne pas baisser les bras:
- Tu sais, Linguini pense qu’il serait perdu sans moi, mais c’est l’idée la plus absurde que j’aie jamais entendue.
Je médite un instant à ces paroles. Hélas, j’ai justement toujours cru en moi jusqu’à maintenant, malgré ma sorcière de fausse mère. Sans cela, la fête des lumières ne serait restée qu’un doux mirage inatteignable. Que faire pour que cette confiance revienne ? C’est en réfléchissant à cette question que je remporte l’épreuve : le dessert concocté par Cendrillon est aussi féerique que crémeux, une véritable œuvre d’art qu’on voudrait admirer plutôt que déguster. Tiana et Ariel acceptent leur deuxième place avec grâce, tout comme Blanche-Neige et Belle, dont la pièce montée pomme-citron-rose n’a pas convaincu.
Quant à moi, j’ai le cœur gros et le sourire factice. Tout le mérite revient à Cendrillon, je n’ai été qu’un poids inutile. Et ce n’est pas l’épreuve du lendemain, où l’une d’entre nous imposera la recette sur tirage au sort, qui y changera quelque chose. Je n’ai même pas envie débriefer avec Giuliano ou de soutenir le regard bienveillant d’Eugène. Pire, j’ai encore l’impression que la Mère Gothel est là, quelque part, et que ses yeux sont braqués sur moi. Je secoue la tête.
C’est finalement un Giuliano surexcité qui change la donne. Apparemment, il a bien réfléchi aux différentes princesses et pense que si Blanche-Neige impose la recette, demain, elle optera pour la tarte aux pommes. Comme il semble que je n’aie plus aucun instinct culinaire, ce qui explique mes plats catastrophiques, il suffirait peut-être que je mémorise les gestes à réaliser ? Un minuscule espoir éclôt dans mon cœur, je m’y raccroche de toutes mes forces. Le reste de la journée, je le passe dans les cuisines, au milieu d’une odeur chaleureuse de pommes, de cannelle et de pâte. Maximus nous offre un interlude des plus drôles lorsqu’il surgit, tel un boulet de canon, l’air pas complètement heureux. Sa mâchoire se décroche à la vue du nombre de fruits qui vont devenir immangeables pour lui, étant donné son aversion pour la tarte aux pommes. Il ne cesse ses hennissements déchirants que lorsque nous lui mettons un plein sac de pommes de côté.
Au fil des heures, la chaleur des fourneaux devient étouffante, mais galvanisée, je ne m’aperçois de rien. Giuliano répète « encore », inlassablement, tandis que les heures passent. Il ponctue chaque nouvelle tarte d’un couteau lancé sur la porte. Au final, il n’y en a plus assez, alors il essaie avec les fourchettes.
De son côté, Eugène mange tranche de tarte sur tranche de tarte et finit par déclarer qu’il perçoit une légère amélioration. Je poursuis mes efforts et enfourne ma quarantième tarte. La soirée est engloutie par la nuit, la lune traverse tranquillement le ciel et au petit matin, exténuée mais ravie, j’entends Giuliano qualifier ma deux-centième tarte de « comestible », voire « passable ».