Become Human : L'aube bleue

Chapitre 5 : Se sentir vivant

4210 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour il y a 7 mois


Chapitre 5

Se sentir vivant




Connor se tenait assis dans le salon, un album de jazz entre les mains, effleurant distraitement les pochettes jaunies par le temps. Il observait les visages des musiciens figés sur ces couvertures, des personnes qui avaient autrefois vécu, ressenti, créé, et qui maintenant n’étaient plus que des traces, des fragments de souvenirs capturés sur carton. Son doigt passa sur une image usée, et il s’étonna presque de sentir le grain du papier sous sa peau synthétique.


— Tu ne m'as pas écouté, hein ? demanda Hank, adossé au mur, l'observant avec une tendresse dissimulée.


Connor détourna le regard des pochettes, le visage impassible.


— Non, c'est vrai, répondit-il, la voix neutre mais peut-être un peu trop distante.


Il se leva, reposa l’album et quitta le salon, refermant doucement la porte derrière lui. Dehors, la nuit s’était installée, et une pluie fine tombait, s’abattant en gouttes éparses sur ses épaules et ses cheveux. Il ne ressentait ni la morsure du froid ni l’humidité de la pluie, mais ce contact avec les éléments avait une étrange résonance. Il resta là, sous la pluie, les yeux fixés sur les lumières de la ville qui s’étiraient à l’horizon, cette même ville où il avait suivi Hank des mois plus tôt, lors de cette nuit pluvieuse avec Sumo, leur course sous une giboulée, forcés de rentrer avant d’être complètement trempés.


Il se surprit à ressentir une sensation singulière, une impression diffuse d’émotion associée à un souvenir. Est-ce que c’était cela, être vivant ? 


Pour la première fois, Connor se demanda quel avenir s’ouvrait devant lui et combien de temps cette étrange existence pourrait durer.


Le lendemain matin, Connor était assis à la table de la cuisine, les yeux rivés sur le contenu du journal numérique. Hank, à moitié réveillé, se servit une tasse de café et le rejoignit.


— T’es sorti cette nuit, hein ? Ton bonnet était encore sur le chauffe-serviette, fit remarquer Hank avec un sourire narquois.


Connor hocha simplement la tête, les yeux toujours fixés sur les nouvelles.


Hank prit une gorgée de son café brûlant, observant son partenaire d’un œil attentif.


— Dis, pourquoi tu retires pas ta diode ? Comme ça, on te prendrait pour un humain sans problème. Ce serait plus simple pour toi, non ? Enfin, je dis ça, je dis rien.


Connor leva les yeux vers lui, une ombre de réflexion dans le regard.


— Je vous l’ai déjà dit, répondit-il calmement. Nous devrions être acceptés pour ce que nous sommes. Je suis un déviant, et je ne devrais pas avoir à ressembler à un être humain pour être respecté.


Hank haussa les épaules, un sourire fin étirant ses lèvres.


— T'as pas tort. Ça se tient, ça se tient...


Il posa sa tasse dans l’évier, jetant un coup d'œil à Connor, qui semblait concentré mais étrangement absent. Hank connaissait suffisamment son ami pour deviner qu'il s'ennuyait. Depuis la révolution, Connor logeait chez lui, en attendant que la situation se calme pour les androïdes, mais Hank sentait qu'il avait besoin de plus que cette routine quotidienne.


Jetant un regard à son téléphone, Hank se tourna vers Connor, un éclat malicieux dans les yeux.


— Allez, mets tes affaires. On va au commissariat. Ça va te dégourdir les circuits, dit-il en se dirigeant vers la porte.


****


Alors qu’ils traversaient les rues de Detroit, la voiture vrombissait, remplissant l'habitacle d'une énergie brute. Hank avait ouvert les fenêtres, laissant l’air siffler à l’intérieur, couvrant presque le bruit de la playlist hard-rock qu’il avait lancée. Les rues étaient marquées par des slogans peints à la va-vite sur les murs, des vestiges de la révolution androïde qui avait bouleversé la ville, et bien au-delà.


Connor, assis à côté de Hank, sentit sa diode clignoter en orange, signalant une transmission d’information.


— L’Institut National de la Prolongation de la Vie souhaite nous voir, annonça-t-il d’un ton neutre, ses yeux rivés sur la route.


Hank tourna brusquement la tête, visiblement surpris.


— Hein ? L’INPV ? Qu’est-ce que tu racontes, Connor ? Et si tu sais quelque chose, fais pas des mystères !


Connor tourna la tête vers lui, impassible.


— L’INPV a collaboré avec CyberLife dans le développement de nanotechnologies. Leur but était de prolonger l’espérance de vie humaine. Il semblerait que notre présence soit requise.


Hank émit un sifflement incrédule, secouant la tête.


— Prolonger l’espérance de vie humaine, hein ? Toujours plus d’acharnement pour éviter l’inévitable… ironique, quand on voit comment ils traitent les androïdes, marmonna-t-il.


À leur arrivée au commissariat, Chris les intercepta rapidement, son visage grave trahissant une information importante.


— Lieutenant, Connor… Fowler vous envoie au Renaissance Center. Il y a un transfert spécial, urgent. Je suis censé vous escorter jusqu'à une navette qui vous y conduira.


Hank n’eut pas le temps de protester qu’ils furent guidés à l’arrière du bâtiment, où une voiture noire aux vitres teintées les attendait. Un homme en costume les y attendait, badge en main, mais silencieux. Hank lança un regard sceptique à Connor avant de grimper à l’arrière, suivi par son partenaire androïde.


— Fowler va m’entendre, souffla Hank en s’enfonçant dans le siège. On nous envoie là-bas sans explications… Connor, tu peux nous géolocaliser, au moins ?


Connor consulta brièvement son interface.


— Non, le véhicule bloque les signaux. Mais nous ne sommes qu’à environ cinq kilomètres du DPD. Le trajet devrait durer moins de quinze minutes.


Hank lança un regard suspicieux au chauffeur silencieux, avant de murmurer à Connor :


— Et lui, tu l’as analysé ?


Connor hocha la tête.


— C’est un androïde.


Hank soupira, mal à l’aise, mais resta silencieux pour le reste du trajet.


À l’approche du Renaissance Center, les imposantes tours de verre se dressèrent devant eux, immenses et énigmatiques. À l’intérieur, un agent en uniforme les escorta vers un ascenseur qui les mena dans les étages supérieurs. Ils pénétrèrent dans une salle plongée dans une semi-obscurité, où la lumière des grandes baies vitrées laissait danser les ombres des nuages sur les murs. Au centre de la pièce, plusieurs personnes attendaient autour d’une grande table ovale en verre.


Un homme en costume sombre, les cheveux grisonnants et les yeux d’un bleu glacial, se leva. À ses côtés, une femme à l’élégance distante et un homme massif se tenaient, observant Hank et Connor avec une neutralité glaciale.


Connor balaya la pièce du regard, analysant chaque visage sans rien laisser paraître. Ils semblaient être des dirigeants ou des personnes d’influence. Et pourtant, l’atmosphère était lourde, comme si chaque individu dissimulait quelque chose de plus profond, de plus obscur.


L’homme aux cheveux gris brisa le silence, sa voix grave et assurée résonnant dans la pièce.


— Bonjour à vous. Je suis Derek Ross, directeur de l’Institut National de la Prolongation de la Vie. Pardonnez cette convocation abrupte, mais les circonstances exigent une discrétion particulière.


Il posa ses yeux froids sur Hank et Connor, un sourire calculé flottant sur ses lèvres.


— Lieutenant Anderson, Connor. J’imagine que tout cela vous semble précipité, mais je vous demande un instant de patience. Vous allez en apprendre davantage sur les recherches que nous menons ici.


Les murmures des autres personnes présentes s’amplifièrent légèrement, certains jetant des regards furtifs et mal à l’aise vers Connor, visiblement perturbés par sa présence.


Hank croisa les bras, fixant Ross d’un regard défiant.


— On dirait que certains ici n’aiment pas trop voir un androïde dans les parages, souffla-t-il à Connor, à voix basse.


Connor resta stoïque, ses yeux impassibles fixant les visages autour de la table. Ce n’était pas la première fois qu’il était confronté à de la méfiance, et il savait que cela ne serait probablement pas la dernière.


— Peu importe, lieutenant, répondit-il calmement. Nous sommes ici pour en apprendre plus sur leurs intentions.


La vidéo démarra, projetant sur l'écran les grandes lignes des travaux de l'Institut National de la Prolongation de la Vie (INPV). Des images de volontaires rayonnants défilaient, leurs sourires presque trop enthousiastes pour être sincères, tandis qu'une voix off insistait sur un point précis : « Tous sont volontaires. » Les scènes montraient des participants dotés de prothèses ultramodernes, des seniors en pleine forme malgré leur âge avancé, le tout sur un fond musical inspirant. L’ensemble ressemblait à une publicité, édulcorée et calculée, comme pour atténuer toute inquiétude potentielle.


Une femme d'un certain âge, assise à la gauche de l'écran, prit ensuite la parole, exposant les divers projets de l’INPV. Avec un ton clinique et maîtrisé, elle expliqua que les progrès de l'institut n'auraient jamais été possibles sans le soutien technologique de CyberLife. Elle vantait des prothèses de nouvelle génération, des membres artificiels conçus pour s’adapter à la peau, à la texture, même à la température du corps humain. Son discours dégageait une fierté froide, détachée. À ses côtés, un homme robuste, ancien joueur de baseball, leva un pan de son pantalon pour dévoiler un mollet artificiel. Il expliqua, un peu trop ardemment, la "sensibilité" et la "fluidité naturelle" de sa prothèse, mais ses paroles semblaient presque forcées, comme s'il cherchait à se convaincre lui-même.


Enfin, Derek Ross, le directeur de l'INPV, prit la parole, dominant l'assemblée de sa voix posée et assurée. Il détailla avec précision les avancées en nanotechnologie, les organes en biocomposants, les implants insuliniques, les thérapies anticancéreuses. Il abordait chaque sujet avec une précision scientifique, mais aussi une pointe d’arrogance maîtrisée, comme s'il croyait que ce qu'il décrivait était au-dessus de tout jugement éthique. Sans transition, il évoqua la "déviance" des androïdes, sans jugement apparent, avant de parler de la chute de CyberLife.


« L’effondrement de CyberLife n’entache en rien nos recherches. En fait, nous étions déjà prêts à nous passer de leur collaboration. » La phrase flotta dans la salle, accompagnée de mots comme "régénération", "révolution médicale", "prolongation de la vie". Dans la semi-pénombre, les visages des scientifiques et des actionnaires oscillaient entre excitation et appréhension, certains semblant captivés, d’autres un peu perdus.


Assis à côté de Connor, Hank s’agitait, visiblement de plus en plus irrité par la longueur et la théâtralité de cette présentation. Il se pencha vers Connor et lui donna un léger coup de coude.


— Où ils veulent en venir avec leur spectacle ? T’as analysé ces guignols ? murmura-t-il.


Connor ne répondit pas tout de suite, les yeux fixés sur l’écran, comme absorbé par quelque chose d’invisible dans les images et les mots qui défilaient. Hank, frustré, soupira, tapotant ses doigts nerveusement sur son genou.


Lorsque la présentation prit fin, Derek Ross se leva, remerciant le public d'une voix calme avant d’adresser un signe discret à Hank et Connor, leur demandant implicitement de rester. La salle se vida progressivement, les murmures des invités s'estompant dans le couloir.


Hank se leva, croisant les bras, fixant Ross avec un mélange de méfiance et d'agacement.


— J’ai bien compris votre discours inspirant, mais où est-ce que vous voulez en venir, Ross ? lança Hank, le ton tranchant.


Derek Ross, imperturbable, sourit calmement, levant la main dans un geste de conciliation.


— Je suis désolé de vous avoir fait patienter ainsi, lieutenant, mais il était essentiel que vous compreniez l’ampleur de nos projets avant d’entrer dans le vif du sujet.


Hank leva les yeux au ciel.


— Et pourquoi pas en privé dès le début ? Une simple conversation aurait suffi, gronda-t-il, la voix légèrement plus forte.


Ross soupira, comme s'il s'attendait à cette réaction.


— Lieutenant, mon rôle ici ne me laisse que peu de latitude. Vous avez pu constater par vous-mêmes que nos travaux sont scrutés par des actionnaires, des partenaires… et disons que les personnes dans cette salle n’auraient pas compris l’intérêt de votre présence ici sans un contexte approprié.


Puis, tournant son regard vers Connor, il l’inclina légèrement, comme un signe de respect inhabituel.


— Dites-moi, Connor, connaissiez-vous l’étendue de notre travail avant de venir ?


Connor, un peu surpris par cette question directe, hésita un instant.


— J'avais connaissance des grandes lignes grâce à CyberLife, répondit-il prudemment, pesant chaque mot.


Ross esquissa un sourire ironique, attrapant un verre d’eau qu’il remua distraitement.


— CyberLife… Merveilleuse entreprise, dit-il avec un ton sarcastique. Ils ont toujours excellé pour transformer l'innovation en produit de masse, mais dès que Kamski est parti, la vision s’est perdue. Tout ce qu’ils touchaient finissait en erreur ou en catastrophe si personne n’intervenait.


Il but une gorgée, avant de poser un regard perçant sur Connor.


— Alors, pour vous, les déviants sont des erreurs ? demanda Connor, son regard perçant, ses mots presque accusateurs.


Ross secoua lentement la tête, un sourire énigmatique aux lèvres.


— Pas nécessairement. En réalité, l’existence humaine elle-même pourrait être considérée comme une "erreur". La vie sur Terre est le produit d’accidents, de coïncidences. En ce sens, vous, moi, chaque être vivant… nous sommes des erreurs. Mais certaines erreurs sont précieuses, révolutionnaires. Elles méritent d’être préservées. Cependant, pas toutes.


Hank serra les poings, impatient.


— Venez-en au fait, Ross. On a pas tout notre temps pour vos réflexions philosophiques.


Ross posa son verre avec soin, son visage prenant une expression plus grave alors qu’il soutenait le regard de Connor.


— Très bien, je vais être clair, répondit-il, sa voix se faisant plus sombre. Tous les participants à nos expérimentations sont volontaires. C'est ce que nous pensions, en tout cas… sauf dans un cas particulier. Mila Schwartz. Cette enfant n’avait rien choisi.


Le silence dans la pièce sembla s’épaissir, Hank et Connor échangeant un regard surpris. Ross reprit, ses traits plus durs, comme si le sujet lui pesait réellement.


— Mila est née avec un cerveau gravement atteint. Dès l’âge de trois ans, elle sombrait dans un état catatonique, incapable de parler, de se souvenir, ou même de réagir au monde autour d’elle. Elle était orpheline, sans personne pour veiller sur elle ou décider de son sort. Alors, nous avons fait un choix difficile : lui implanter des puces cérébrales, dans l’espoir de lui offrir une chance de vivre une vie plus normale.


Ross fit une pause, observant les réactions des deux hommes. Hank le fixait, l’air plus tendu, tandis que Connor gardait son impassibilité habituelle, bien que son regard semblait percer Ross.


— Les implants cérébraux ne sont pas nouveaux, bien sûr. On les utilise depuis longtemps pour traiter des patients atteints de la maladie de Parkinson ou d’épilepsie, poursuivit Ross. Mais Mila… elle était différente. Ses implants répondaient aux signaux hormonaux et aux impulsions de son propre cerveau. C’était de la technologie de pointe, un projet pionnier.


Ross s’arrêta un instant, comme pour laisser le poids de ses mots s’installer.


— Grâce à ces implants, Mila a pu retrouver l’usage de la parole, la capacité de marcher, même de manger seule. Elle avait huit ans quand elle a commencé à vivre de nouveau. À sourire.


Hank, absorbé malgré lui par l’histoire, fronça les sourcils.


— Et après ? Qu’est-ce qui s’est passé ?


Ross baissa légèrement les yeux, sa voix se durcissant.


— Puis elle a disparu, dit-il, ses paroles teintées d’amertume. Deux androïdes déviants, travaillant pour nous, l’ont enlevée. Ils l’ont emmenée sans que nous ne puissions jamais les retrouver. Ils se sont évaporés, avec elle. Nous avons lancé des recherches, nous avons mobilisé des ressources… en vain. Elle était introuvable. Jusqu’à récemment.


Un frisson traversa l’air. Hank et Connor restèrent silencieux, chacun digérant l’ampleur de ce qu’ils venaient d’entendre. Une enfant, arrachée à une vie condamnée par la technologie, puis à nouveau disparue, emportée par des androïdes déviants.


— Pourquoi maintenant ? Pourquoi nous ? demanda Connor, sa voix étrangement posée, mais une étincelle brûlante dans son regard.


Ross le fixa intensément.


— Parce que vous êtes tous deux des symboles de cette révolution. Et aussi parce que Mila… pourrait ne plus être seulement humaine. Nous ne savons pas quel impact les implants auront sur sa maturité ou son comportement. Il est possible qu’elle détienne des informations que même nous ignorons.


Hank secoua la tête, tentant de remettre de l’ordre dans ses pensées.


— Attendez… vous nous demandez de la retrouver, c’est ça ?


Ross hocha la tête, un éclat déterminé dans les yeux.


— Oui. Trouvez-la avant que d’autres ne le fassent. Pour elle… et pour ce qu’elle représente.


Le silence retomba dans la salle, chaque mot de Ross résonnant dans l’esprit de Connor et Hank, qui savaient désormais que cette mission ne ressemblait en rien à ce qu’ils avaient affronté jusque-là.


Hank et Connor échangèrent un regard lourd de sens, une prise de conscience silencieuse de l’ampleur de la situation. Hank fronça les sourcils, son visage une expression de méfiance et de perplexité.


— Alors, cette petite fille a disparu, et vous n’avez rien dit ? Vous avez étouffé l’affaire ? Pourquoi ? demanda-t-il d’un ton accusateur.


Derek Ross soupira, un soupir calculé, presque théâtral, avant de répondre, posément.


— La situation était… complexe, Lieutenant. Nos recherches sont confidentielles. Faire étalage de cette disparition aurait mis en péril l’ensemble du projet. Je sais que cela peut paraître… moralement discutable. Mais comprenez que l’INPV travaille sur des avancées qui pourraient changer le destin de l’humanité.


Connor, toujours impassible, fixait Ross avec une attention qui transperçait presque, analysant chaque tic, chaque expression, comme s’il pouvait lire les vérités cachées derrière ses mots.


— Pourquoi nous révéler tout cela maintenant, alors ? demanda-t-il, sa voix calme mais teintée d’une nuance de méfiance.


Ross plongea son regard dans celui de Connor, ses yeux d’un bleu glacial laissant transparaître une détermination froide.


— Parce que Mila a réapparu. Nous pensons qu’elle détient des informations cruciales sur notre technologie. Mais, plus que cela, elle pourrait être en danger.


Hank croisa les bras, ses traits marqués par une frustration grandissante. Il n’aimait pas l’attitude de Ross, cette façon de minimiser les conséquences humaines sous couvert de "progrès". Derek Ross, d’un ton bas et presque solennel, poursuivit, les mains entrelacées devant lui.


— Pendant des années, nous avions perdu tout espoir de la retrouver, murmura-t-il. Mais avec la découverte de ces deux androïdes déviants assassinés, quelque chose a changé. Le problème, c’est que plus elle grandit, plus les implants risquent de la tuer. Si nous ne les retirons pas bientôt… elle n’y survivra pas.


Hank secoua la tête, incrédule.


— Tout ça me paraît complètement fou ! Une technologie de science-fiction implantée dans une gamine… et quel rapport avec la police de Detroit ? Connor et moi ? Vous avez déjà un enquêteur sur l’affaire, d’ailleurs : Reed et son androïde RK900. Pas besoin de nous embarquer là-dedans.


Ross posa calmement ses coudes sur la table, joignant les mains sous son menton.


— Reed et son RK900 sont efficaces, certes, mais ils manquent d’une chose essentielle : l’expérience de la déviance, la compréhension de ce que signifie être au cœur d’un tel changement. Vous, Connor, avez vécu cette révolution. Et vous, Lieutenant, vous avez vu de vos propres yeux ce que cela implique.


Ross se tourna vers Connor, son regard perçant.


— Mila représente une valeur inestimable, autant sur le plan financier qu’humain. Nous savons que cela peut devenir un cauchemar médiatique si ça s’ébruite, sans parler des retombées pour les familles des autres patients. Mais plus encore, cette technologie, qui évolue en elle, est unique. Pour elle, c’est une vie en suspens, mais pour nous… c’est une opportunité de sauver d’innombrables vies.


Hank émit un ricanement amer.


— Pour vous, oui. Elle n’est qu’un autre cobaye pour vous, en réalité. Vous jouez avec la vie humaine comme vous jouez avec vos machines, rétorqua-t-il, le ton chargé de dégoût.


Hank sentait sa frustration bouillir en lui, un mélange de colère et de lassitude. Il savait ce que Connor avait traversé, ce qu’il avait dû endurer pour être reconnu en tant qu’individu, pour se libérer de CyberLife. Et il n’aimait pas l’idée de le voir replonger dans un monde où il risquait de perdre tout ce qu’il avait construit. Mais en regardant Connor, il percevait quelque chose dans son regard : une lueur d’intérêt, un tiraillement qui l’inquiétait.


Derek Ross sembla capter ce moment d’hésitation et se tourna vers Connor, son expression calculatrice masquée par un sourire bienveillant.


— Connor, si vous acceptez cette mission, je m’assurerai personnellement que vous deveniez un membre officiel de la police de Detroit. Vous ne serez plus seulement un androïde de CyberLife, mais un véritable collègue du Lieutenant Anderson, avec tout ce que cela implique.


Il se leva, se tournant vers la grande baie vitrée qui laissait entrer la lumière froide du matin. Les rayons du soleil découpaient son visage, créant un contraste entre l’ombre et la lumière qui rendait son expression difficile à lire.


— Je soutiendrai également les initiatives favorables aux droits des déviants. Contrairement à ce que vous pourriez croire, j’ai une influence considérable dans ces décisions. Je peux vous aider, Connor, à obtenir la reconnaissance que vous méritez.


Hank jeta un coup d’œil à Connor, cherchant à capter son regard. Son ton se fit plus doux, presque suppliant.


— Connor… tu vas pas replonger dans un truc qui ressemble à CyberLife, quand même ? T’as mérité ta liberté. Pourquoi te mettre en danger pour eux ?


Le regard de Hank cherchait désespérément une confirmation, une promesse silencieuse que Connor choisirait de rester du côté de ceux qui l’avaient soutenu, loin des manipulations de ceux qui cherchaient à exploiter la technologie à tout prix. Connor, pourtant, resta silencieux, ses pensées tourbillonnant, tiraillé entre le confort de la routine qu’il avait trouvée avec Hank et ce besoin, presque viscéral, de relever de nouveaux défis. Cette mission, il le sentait, avait le potentiel de bouleverser son quotidien et de lui apporter un sens plus profond.


Il prit une profonde inspiration, fixant Hank, le visage empreint d’une résolution tranquille.


— Je pense être qualifié pour cette mission, Lieutenant.


Hank, décontenancé, secoua la tête, le cœur serré.


— Je sais pas, Connor… tu réalises dans quoi tu t’engages ?


Avant que Connor ne puisse répondre, Ross intervint, les bras croisés, un sourire à peine dissimulé aux lèvres, ses yeux brillants de satisfaction.


— Il vous a déjà donné sa réponse, Lieutenant, dit-il, son ton presque victorieux. Et vous devriez vous en réjouir. Connor est bien plus que ce que vous voulez qu’il soit.


Ross se tourna vers Hank, le regard autoritaire.


— Maintenant, Lieutenant, pourriez-vous nous laisser un instant ?


Hank serra la mâchoire, son visage traversé par une série d’émotions contradictoires, entre la colère et la peur pour Connor. Il lança un dernier regard lourd de sens à son partenaire, espérant que ce dernier comprenne le message, puis, dans un élan d’exaspération, tourna les talons et quitta la pièce, claquant la porte derrière lui.


Dès que Hank eut quitté la pièce, le silence retomba, dense et oppressant. Ross fixa Connor, son visage redevenu impassible, une lueur calculatrice dans les yeux.


— Connor, vous avez plus de potentiel que vous ne l’imaginez. En acceptant cette mission, vous ne faites pas seulement avancer la science. Vous redéfinissez ce que signifie être… vous.



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