Juste trop tard

Chapitre 6 : Chapitre 5

Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/11/2016 01:51

Within Temptation – Fire and Ice : http://www.youtube.com/watch?v=okB3u5_g2Rc

 

Tout était calme. Ce fut la première chose qu'il remarqua en reprenant conscience. Ses yeux étaient toujours fermés, il ne se sentait pas la force de les ouvrir. Il ne se rendait pas encore compte de sa situation, ni comment il en était arrivé là. Son esprit était tout embrouillé, et son mal de tête ne l'aidait en rien.

Il prit conscience de ce calme lorsqu'il réalisa que son mal de tête n'était pas engendré par des bruits intempestifs. Pourtant, cela lui faisait un mal de chien. Ses idées étaient encore emmêlées, il ne pensait même pas à réfléchir. Il était un être sans conscience à cet instant précis, entre l'état d'éveil ainsi que celui de sommeil. Il désirait rester ainsi, comme un enfant qui redoutait de se lever dans le but de se rendre à l'école. L'école… Il y travaillait, d'ailleurs… Avec…

Kurosaki ouvrit les yeux. Autour de lui, tout était blanc. D'un blanc pur et propre. Où se trouvait-il ? Que faisait-il donc ici ? Son mal de tête l'élança, aussi y porta-t-il sa main pour se rendre compte qu'il avait un bandage. Encore ? Que s'était-il passé ?

Des images resurgirent dans son esprit. Il conduisait sa voiture et Teru se trouvait juste à côté de lui. Ils étaient sur une route de campagne lorsqu'un véhicule leur était rentré dedans. Après cela, plus rien. Il avait vraisemblablement perdu connaissance.

Teru, où était-elle ? Il balaya la salle du regard, or il ne la vit pas, ce qui l'inquiéta au plus haut point. L'accident avait été brutal, et si… Non, il ne pouvait pas se permettre d'y songer un seul instant. Elle n'aurait pas pu mourir. Quand bien même, une certaine terreur l'envahit.

Il poussa violemment le drap qui le recouvrait, puis mit un pied au sol avant de se lever et de sentir sa tête tourner. Tasuku s'agrippa à une barre de son lit, en se tenant la tête d'une autre main. Il n'avait pas de temps à perdre dans cette chambre, il fallait s'assurer qu'elle allât bien. Si elle était… Non, il ne pouvait pas l'envisager ne serait-ce qu'une seule seconde.

Sa blessure n'était rien. S'il avait survécu à la chute d'un bureau et d'une chaise, alors cet accident de voiture n'était rien du tout et même totalement insignifiant. C'était particulièrement pour Teru qu'il s'inquiétait. Elle était si fragile, paraissait si frêle… Elle était forcément dans une autre chambre, il ne pouvait en être autrement.

Décidé à la retrouver, Kurosaki lâcha son appui et marcha tant bien que mal vers la porte. Il remarqua au passage qu'il faisait jour, le soleil était haut dans le ciel. Depuis quand était-il ici ? Ils se trouvaient en voiture en fin d'après-midi. Avait-il passé la nuit dans les vapes ? Et si Teru était déjà réveillée ?

Des malades, des médecins, des visiteurs passaient dans le couloir, sans lui prêter la moindre attention, ce qui l'arrangeait, d'un côté. Il n'avait certainement pas envie qu'un médecin arrive et lui ordonne de rester allongé à attendre. Il arrêta une infirmière et lui quémanda le numéro de la chambre de Teru Kurebayashi, en espérant ardemment qu'elle se trouvât là.

« Ah, l'adolescente victime d'un accident de voiture ? Elle est dans la chambre 307. »

Elle était vivante. Teru était vivante. Il crut que ses jambes ne pourraient plus le porter tellement il était soulagé par cette nouvelle. Il se sentait ôté d'un poids sur son cœur. Si elle n'avait pas survécu, il n'aurait pas su quoi faire. Il ne l'aurait jamais supporté, il aurait été responsable de la mort du frère de même que de la sœur Kurebayashi. La culpabilité aurait été trop forte et l'aurait sans aucun doute emporté.

Mais Teru était vivante. Kurosaki posa une main contre le mur de manière à ne pas perdre l'équilibre puis examina les numéros sur chaque porte. 297, 298… Elle se trouvait au fond du couloir. Sans plus écouter les plaintes de son corps, le jeune homme blond s'élança en direction de cette salle. Il voulait la revoir plus que tout, la serrer fort dans ses bras afin de s'assurer qu'elle se trouvait bien là, devant lui.

Sans même frapper, Tasuku entra. Teru était allongée, encore endormie, à sourire telle une idiote, comme à son habitude. Hormis le bandage qui entourait son front, elle avait l'air saine et sauve. Il sentit le reste du poids sur son cœur s'envoler et il se laissa tomber sur une chaise. Elle allait bien. Tout allait bien.

 

Trop plongé dans son univers, il n'avait pas remarqué la présence de Riko qui le fixait intensément. Ce n'était pas fini. Cette histoire ne faisait que commencer réellement, ce qui s'était produit auparavant n'était qu'un échauffement. Cet accident était la preuve qu'ils étaient véritablement entrés en action, et ils ne pouvaient en conséquence pas se permettre de se reposer sur leurs lauriers.

Non seulement avaient-ils provoqué cet accident, mais une fois les deux inconscients, ils avaient fouillé la voiture de fond en comble. Riko savait ce qui s'y trouvait, et tous les documents avaient été volés. Le portable de Tasuku aussi. Ils espéraient sans le moindre doute y trouver ce qu'ils recherchaient. Fort heureusement, elle savait parfaitement qu'il ne l'avait pas caché là, il y avait des limites à l'idiotie.

Elle avait discuté avec le docteur qui les avait pris en charge. Kurosaki avait simplement eu un choc à la tête qui guérirait sans problème. Teru avait été moins chanceuse, son cerveau avait été touché dans une zone qui inquiétait fortement l'homme, de plus l'une de ses jambes était cassée. Il fallait cependant attendre son réveil afin d'examiner les éventuelles séquelles, qu'elle ne préférait pas évoquer devant Tasuku.

Ils se retrouvaient face à un dilemme : Kurosaki était pris pour cible, et Teru avait été impliquée à ce moment-là en raison de sa présence. Les deux étaient constamment ensemble, la situation devenait par conséquent plus que problématique. S'ils attaquaient à nouveau, elle risquait d'être à nouveau blessée et aucun des deux adultes ne le souhaitaient.

Malheureusement, face à cette situation, Riko ne voyait qu'une seule solution. Cette dernière ferait souffrir le « couple », néanmoins elle n'avait pas d'autres idées. Celle-ci paraissait être la meilleure. Et le mieux était d'agir avant le réveil de Teru, qui compliquerait tout. Elle s'opposerait fermement à cette décision qui était pourtant pour son bien.

« Tasuku, tu sais pourquoi tu as eu un accident, n'est-ce pas ? »

L'intéressé ne s'était pas encore rendu compte que la fiancée du défunt Sôichirô se trouvait là jusqu'à ce qu'elle prît la parole, ce qui le surprit. Il était resté dans son monde, à n'écouter que son soulagement quant à l'état actuel de Teru. Il avait eu si peur durant ces quelques instants sans la voir…

Toutefois, la question, qui était plutôt une affirmation, de Riko le fit brutalement retomber sur terre. Il avait des doutes, mais il savait. Qui d'autre aurait pu leur rentrer dedans, si ce n'était ces hommes qui convoitaient ce qu'il lui avait transmis ?

Elle n'avait pas besoin d'en dire plus, il comprenait parfaitement la situation. S'ils avaient tenté une fois de les blesser, voire de les tuer – ce qui ne serait néanmoins pas à leur avantage -, ils recommenceraient. Teru avait déjà été impliquée, il ne supporterait pas qu'elle le soit à nouveau. Son rôle était, avait été et serait toujours de la protéger, peu importaient les sacrifices…

Kurosaki leva ses yeux bleus vers Riko. Ils pensaient assurément à la même chose. Il s'était juré de tout faire pour elle, tant qu'il était en mesure de la protéger. S'il mettait son plan à exécution, il la protégerait, cependant ce serait à Riko de veiller sur elle, puisqu'il ne pourrait rien faire de plus. Et cela lui était plus que douloureux rien que d'y penser.

Il n'avait pourtant pas le choix. Que donnerait-il afin de conserver sa vie paisible avec Teru… À la traiter comme son larbin, certes, mais en continuant de passer du temps précieux en sa compagnie. Il n'aurait jamais songé qu'il serait forcé de la quitter de la sorte. C'en était douloureux…

« Je ne veux plus qu'elle soit impliquée…

- Alors agis en conséquence. »

Le regard perçant de Riko le traversa tout entier en le faisant frémir. Elle savait être terrifiante lorsqu'elle le désirait. Il savait. Il savait, bon sang ! Le jour où Sôichirô lui avait confié Teru ainsi que ses travaux tant convoités, il savait qu'arriverait un jour où il ne pourrait plus associer les deux. Viendrait un jour où il devrait se séparer de l'un au profit de l'autre. Et il avait choisi ses fichiers.

Toutefois, la situation était plus complexe qu'elle ne le paraissait. Ce n'était pas qu'il avait envie de délaisser Teru pour ces travaux, c'était qu'il ne pouvait pas les abandonner aux mains de ces types. Sôichirô n'avait pas entièrement terminé, aussi lui en avait-il confié la finition. Par la suite, il pourrait revendre ce programme cher en donnant l'argent à Teru afin qu'elle ne se retrouvât jamais dans le besoin. C'était l'héritage qu'il ne lui avait pas légué.

De plus, s'il leur donnait les travaux maintenant, ils en profiteraient pour s'enrichir, et Teru ne serait pas gagnante. Le mieux dans ce cas était de s'exiler afin de le terminer, peu importait le temps que cela prendrait. Puis, il reviendrait et aviserait après l'avoir mise au courant. Il espérait seulement ne pas craquer avant…

« Rien ne lui arrivera tant que je serai loin d'elle, n'est-ce pas ? »

En effet, ils savaient déjà que Teru ne possédait rien, puisqu'ils avaient entrepris de fouiller son téléphone ainsi que son appartement. Elle était hors de danger. S'il faisait en sorte d'être introuvable, peut-être finiraient-ils même par abandonner, même si c'était beaucoup trop espérer.

Kurosaki ne pouvait pas seulement disparaître ainsi, Teru se lancerait immédiatement à sa recherche. Il ne pouvait pas la laisser faire cela. Il la dissuaderait. Il demanda faiblement à Riko de quoi écrire. Il ne pourrait pas la revoir à son réveil afin de la prévenir, or il pouvait toujours écrire.

La jeune femme lui tendit une feuille ainsi qu'un crayon puis s'éclipsa, estimant qu'elle ne ferait que déranger, il avait besoin d'être seul en sa compagnie, et cela elle le comprenait parfaitement. Sôichirô ne lui avait rien donné avant sa mort, même pas une lettre comme le faisait Kurosaki en ce moment. Il avait tout transmis au couple qui n'en était pas officiellement un. Mais elle, elle n'avait rien eu.

Tasuku regarda longuement le visage assoupi de Teru qui paraissait si paisible… Il ne pouvait plus se permettre de la mettre en danger. Il la protégerait, à sa façon. Peu importait à quel point il souffrait, ce qu'il ressentait n'était pas important, pourvu qu'elle fût heureuse. La prochaine fois, il ne se pardonnerait pas.

Sa main tremblante tenait le stylo. Il ne savait pas comment débuter cette lettre, ni qu'écrire exactement. Quels mots employer, comment éviter de la blesser encore plus ? Il aurait bien voulu une cigarette de manière à se calmer, cependant il se trouvait dans un hôpital, fumer était par conséquent interdit. Il posa la pointe sur le papier puis écrivit ce qui lui passa par la tête.

 

Teru,

Lorsque tu liras cette lettre, je ne serai plus là. Sache que si tu as été impliquée dans cet accident, c'est de ma faute. J'ai été lamentable, je n'ai pas pu te protéger. Je m'en veux. Je te regarde alors que tu es sur le lit d'hôpital, avec un bandage autour de la tête, et je me dis que sans moi tu serais mieux. Tu ne te trouverais pas dans cet hôpital, tu ne serais pas blessée.

Comment comptes-tu être mon larbin dans cet état ? J'espère bien que tu continueras à travailler correctement dans tes études, parce que je te libère. À présent, je n'ai plus aucun lien avec toi. Alors n'essaie même pas de me chercher ou je te garantis que tu le regretteras. Je ne sais même pas où je vais, et je ne tiendrai certainement pas Riko au courant. Alors abandonne.

J'espère que tu m'oublieras et que tu continueras tranquillement ta vie. Je ne peux même pas te garantir que je reviendrai.

Kurosaki

 

Il n'avait pas été des plus délicats dans cette lettre qui était plutôt concise. Il n'avait jamais été très doué pour écrire en tant que Kurosaki, seul Daisy en était capable. Au final, il était bien minable sans son alter ego.

Il ne fallait pas s'attarder sur des détails, l'heure courait, Teru pouvait se réveiller à n'importe quel moment. Tasuku ne pouvait plus rester ici. Il devait partir, maintenant. Riko se chargerait de tout le reste. Il posa la lettre sur la table à côté puis s'approcha d'elle, le cœur serré en songeant qu'il ne la reverrait probablement jamais.

Kurosaki se pencha puis l'embrassa doucement sur le front avant de se diriger vers la porte. Au moins, Teru serait vivante et en bonne santé. Il pouvait la confier entre les mains de Riko, qui était tout à fait capable de prendre soin d'elle. C'était pour le mieux. C'était ce qu'il se disait sans cesse.

Étant donné qu'elle savait qu'il était Daisy, il attendrait qu'elle fît le premier pas. Si elle ne lui envoyait rien, cela signifierait qu'elle ne voudrait plus lui parler du tout. Elle allait assurément le haïr. Pourtant, le temps effacerait les traces de leur période ensemble. Elle pourrait aller de l'avant. Et aussi douloureux cela fût-il, il en ferait de même, quand bien même il ne s'en sentait actuellement pas capable.

Kurosaki sortit de la pièce sans se retourner en prenant soin de bien refermer la porte. Il passa une main sur son visage avant d'entendre les talons de Riko résonner dans le couloir. Il la retira puis posa ses yeux bleus sur elle. Ils se regardèrent longuement, avant qu'elle ne hochât la tête en signe de compréhension. Elle prendrait soin de Teru, coûte que coûte.

Tasuku se dirigea vers la sortie, en lui murmurant un merci au passage. Puis, il disparut.

 

Riko resta immobile dans le couloir encore quelques instants, avant d'entrer à nouveau dans la chambre. Elle se sentait mal de l'avoir en quelque sorte forcé à partir. Teru en souffrirait, même si elle serait à ses côtés pour surmonter cette épreuve. Quand bien même, elle n'était pas Kurosaki.

L'ancienne fiancée du frère de la victime remarqua la lettre posée sur la petite table puis chercha son portable afin d'effacer à distance les traces du téléphone de Kurosaki qu'ils avaient volé. Elle possédait quelques bases de hacking, elle était au moins capable de faire cela. Il ne fallait pas que ces personnes cherchent dans ses contacts pour ensuite attaquer des innocents. C'était le moins qu'elle pût faire.

Des gémissements attirèrent son attention. Teru se réveillait. Riko ne savait pas vraiment comment réagir. Elle n'avait pas encore prévu quoi dire à son réveil, cela lui paraissait si soudain. Elle la laissa reprendre ses esprits, jusque là elle avait le temps de finir d'effacer son répertoire. Il y avait eu bien assez de victimes.

Après avoir accompli sa tâche, Onizuka reporta son attention sur Teru qui ouvrit lentement les yeux en les clignant. Puis, soudain, sans crier gare, elle porta ses mains à sa tête en gémissant. Le docteur avait signifié qu'elle s'était bien cognée et qu'elle aurait mal encore un moment.

« Teru, tu vas bien ? Réponds-moi !

- Ri-Riko ? »

Teru ouvrit à moitié ses yeux verts avant de les écarquiller en regardant furtivement autour d'elle pour finir avec ses mains qu'elle semblait fixer d'un air terrifié. Sa réaction inquiéta son aînée. Était-ce les séquelles que le docteur avait évoquées ? Que lui arrivait-il ?

« Mes… Mes yeux… »

Riko se précipita dans le couloir à la recherche d'une infirmière, d'un docteur, n'importe qui, qui serait en mesure d'aider l'adolescente blessée. Qu'arrivait-il à ses yeux ? Elle se posa la question maintes fois dans sa tête tandis qu'un docteur l'examinait. Et le détail de son état qu'il lui transmit lui glaça le sang. Surtout quand il l'informa que c'était irréversible.

Après que le docteur fut parti, Teru semblait essayer de s'adapter à sa nouvelle situation, avec ces yeux blessés. Riko resta là en silence lorsqu'elle se souvint de la présence de la lettre. Était-ce le moment de la mettre au courant ? De toute façon elle finirait par le savoir, elle ne faisait qu'écourter l'instant. Il ne servait à rien de le cacher. Alors, elle se lança.

« Teru, Tasuku a lai…

- Qui est Tasuku ? »

Riko la regarda, les yeux écarquillés. Elle plaisantait, n'est-ce pas ? Cela ne pouvait pas se produire… Teru la fixa quelques instants, avant de détourner la tête et d'examiner la chambre dans laquelle elle se trouvait. Cet environnement quelque peu nouveau ne semblait pas la mettre à l'aise. Dans les éventuelles séquelles, le médecin n'avait pas cité une amnésie potentielle. Cependant, elle préférait vérifier.

« Te souviens-tu de ce qui t'est arrivé ? »

Teru secoua la tête de manière à lui signifier que non. Riko s'approcha doucement et prit la lettre de telle sorte qu'elle ne s'en rendît pas compte puis la glissa dans son sac. Si elle avait oublié Kurosaki, elle ferait en sorte qu'il en reste ainsi. Elle n'avait pas besoin de souffrir inutilement. Dans sa tête, elle s'excusa infiniment auprès de lui pour ce qu'elle comptait faire. Elle avait l'intention de remodeler ses souvenirs, de tout faire pour qu'il n'eût jamais existé.

« Tu es tombée dans les escaliers. »

Pardon, Tasuku, Teru…

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