Crash Bandicoot et les Maîtres du Temps

Chapitre 6 : Le Sablier du Temps

6030 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 07/06/2024 16:33

Crash Bandicoot : L’Équilibre de l’Univers

Partie 1 : Les Gardiens de l’Équilibre


Tome 1 : Crash Bandicoot et les Maitres du Temps


Chapitre 6 : Le Sablier du Temps


Arrivée au sommet du Temple, Nefria regarda un immense sablier, considéré comme le cœur du Temple du Temps. Il était majestueux, du grain de sable qui s’écoulait doucement au bois magnifiquement sculpté. La légende disait qu’il aurait le pouvoir d’exaucer un souhait. Mais cela n’était qu’un mythe. En revanche, c’était ce sablier qui allait lui sceller ses pouvoirs, et elle aurait bien aimé que ça soit une fable aussi. Puis son regard convergea vers le symbole sur le sol devant le gigantesque artefact. Il mesurait sans doute dans les deux mètres. Ce signe complexe qui allait causer sa perte.


- Vous aviez tout prévu, dit-elle dans un murmure.

- Il s’est écoulé seize heures entre le moment où je suis venu te donner rendez-vous et où l’on s’est vus. Ça m'a laissé plus de temps que j’en avais besoin pour tout mettre en place.

- J'aurais dû écouter Aku Aku et ne pas venir.

- Cela aurait été préférable. Fini de palabrer inutilement, place-toi au centre !


Elle obéit, s’avança vers le centre de l’emblème au sol et resta debout.


- Tu ne connais pas la procédure, n’est-ce pas ?

- Non.

- Allonge-toi.


Elle obtempéra de nouveau et Tropy vint à elle. Il lui prit un bras où il mit à son poignet des bracelets de fer avec une chaîne qu’il relia au Sablier. La Maîtresse du Temps le regarda faire avec une angoisse qui ne finissait pas de monter, les cliquetis des chaînes ne l’aidant pas. Il fit de même avec son autre bras et la jeune fille attendit l’ordre suivant.


- Tu dois savoir qu’un sceau sera posé sur ton corps.

- Oui. Normalement seul maître Asaki et celui qui scellera, pourront défaire le sceau… Oh mais c’est pour ça que vous avez tué maître Asaki !

- Tu as compris ? Il n’y a que moi maintenant qui peut te délivrer du sceau. Dis-moi, sais-tu où on le place ?

- Non.

- N’importe où. Dis-moi l’endroit que tu préfères suivant le choix que je vais te donner. La tête (il plaça son sceptre sur son front), le cœur ou le ventre.

- Pourquoi ces endroits ?

- Ça n'a pas d’importance.

- Je ne sais pas…

- Alors je choisis pour toi.


De sa fourche, il déchira le corset et la chemise de la jeune fille dévoilant son ventre plat. Elle rougit et s’apprêta à répondre, quand son bourreau entailla son bras. Puis il égratigna son propre doigt avant de prendre une goutte de sang s’échappant de son bras qu’il mélangea au sien. De son doigt ensanglanté, il dessina un symbole sur son abdomen. Elle ferma les yeux en détournant la tête pour ne pas voir le regard vicieux de Tropy se poser sur ses attributs féminins. Quand il eut fini, il se releva très satisfait.


- C’est à toi de poursuivre pour le reste, annonça Tropy.

- Que dois-je faire ?

- Dire au sablier que tu renonces à tes pouvoirs.


Ça y est. Il avait finalement réussi. Elle ne le pensait pas capable d’une telle chose. Sa peur avait atteint son paroxysme. Dépassant les limites qu’elle pensait avoir déjà franchies. Son cœur battait tellement fort qu’elle eut l’impression qu’il allait sortir de sa poitrine. Qu’allait-il se passer maintenant ? Souffrirait-elle ? Cette perspective la fit trembler. Elle ouvrit la bouche, essayant tant bien que mal de sortir un mot. Elle n’y parvint pas. Tropy la pressa. Et ce fut dans un murmure à peine audible qu’elle annonça :

- Je renonce à mes pouvoirs.


Il y eut un silence, un profond et pesant silence seulement perturbé par le souffle du vent chaud et sa respiration saccadée. Une atmosphère oppressante avant que le Sablier s’anime sous le regard effrayé de Nefria. Alors c’était vrai, il était vivant ! Il portait donc bien le surnom de « Cœur du Temple ». Puis l’emblème s’illumina d’une lumière rouge, inquiétante, annonciatrice de malheur. Cette aura rougeoyante rampa sur les liens jusqu’à englober Nefria qui était reliée au Sablier par ses chaînes. La seconde suivante, elle ressentit une vive douleur à l’endroit où Tropy avait tracé quelque chose avec leurs deux sangs réunis. La douleur s’intensifia, encore et encore, lui faisant pousser des cris aigus assourdissants. Elle ne se préoccupa pas de Tropy qui aboya d’un rire sadique. Non, il n’y avait que la souffrance, toujours et inlassablement la souffrance, qui accaparait tout : ses pensées, ses forces, sa voix, ses larmes. Elle progressait toujours, balayant d’un revers de main les frontières du supportable. Elle avait mal, très mal, au point de supplier son bourreau de l’achever. Il n’y fit rien, appréciant le spectacle qu’elle lui offrait. Elle se tordait de douleur, ses poignets liés l’empêchant de trop bouger. Elle comprit la deuxième utilité des liens. Puis elle bougea moins, elle cria moins, ou alors son ouïe faiblissait. Sa vision se fit floue, avant de sombrer dans le noir. Elle ne sentit plus rien, et elle bénit le ciel de l’avoir plongée dans l’inconscience.


Quand la pseudo cérémonie se termina, que les pouvoirs de Nefria étaient bien scellés, Tropy s’avança vers elle. Il la regarda, inconsciente, la bouche entrouverte, et le visage défiguré par la douleur. Il détacha ses poignets et les plaça le long de son corps. Il prit une couverture et l’enroula à l’intérieur, masquant sa demi-nudité. Puis, il la porta jusqu’à sa chambre. Là, il la déposa dans son lit et ferma la porte à clé. Il ordonna à Tiny et Dingodile de veiller au grain, bien qu’à présent, elle ne puisse plus s’enfuir.


***


Nefria se réveilla en gémissant à cause de son corps endolori. Elle eut l’impression qu’aucune partie de son corps n’avait été épargnée par la douleur. Se rappelant le scellement de ses pouvoirs, elle se redressa brusquement lui causant un violent vertige. Bien que l’action fût douloureuse, elle entreprit d’observer l’endroit dans lequel elle se trouvait. L’aurore lui facilita la tâche, baignant la pièce d’une douce lumière rose-orangé, qu’elle reconnut comme sa chambre. Quand elle prit conscience de sa semi nudité, elle rougit et ramena la couverture en coton marron contre son torse et se leva. Elle tituba jusqu’au miroir, et enleva doucement la couverture, dévoilant le sceau sur son ventre et le sang sec qui s’était écoulé le long de la blessure. Elle mordit sa lèvre inférieure et cacha cet acte honteux. Le Sablier du Temps avait gravé sur sa chair, le sceau que Tropy avait dessiné. Elle était marquée à vie et en fut humiliée. Soudain la porte s’ouvrit sans douceur sur Nina qui la dévisagea un bref instant. Nefria se hâta de s’enrouler dans la couverture pour cacher le sceau honteux sur son ventre.


- Je viens pour ta toilette, annonça-t-elle.

Devant les sourcils froncés de son interlocutrice, elle ajouta :

- Je t’emmène à la douche !


Sans un mot, Nefria s’avança jusqu’à sa salle d’eau juxtaposée à sa chambre, Nina sur ses talons. Sous le regard de sa geôlière, elle entra dans une cabine et la buée ne tarda pas à envahir la pièce quand elle s’aspergea d’eau chaude. Cette douche fut bénéfique, décontractant le corps de l’ex-Maitresse du Temps pour son plus grand soulagement. Mais on ne pouvait pas dire que ce fut le cas pour son esprit. Elle était démoralisée et guettait de loin la dépression qui ne tardera pas à venir. Elle entendit Nina lui dire qu’elle avait posé des serviettes sur un tabouret à côté de la porte de sa cabine. 

Nina la pressa également et l’ancienne Maîtresse du Temps ne l’écouta pas. Elle avait besoin de prendre son temps pour une fois. Sans vergogne, la Cortex entra dans sa cabine pour lui dire sa façon de penser et resta muette quand elle vit le sceau rouge vif sur le ventre de Nefria. Elle ressortit sans un mot. La jeune fille scellée décida d’accélérer tout de même et entrebâilla la porte pour attraper une serviette. Elle se sécha rapidement et enroula autant son corps que ses cheveux dans les serviettes mises à sa disposition. La nièce de Cortex lui tendit des affaires qu’elle posa sur la chaise et se retourna pour laisser à l’ex-Maitresse du Temps se changer en toute intimité.


- C’était quoi ce signe bizarre ?

- Un cadeau de Tropy, avoua Nefria après une brève hésitation.

- En quel honneur ?

- Je ne suis plus maîtresse du Temps.

- Je vois.

- Fini.


Quand Nina se retourna, Nefria vit qu’une mèche s’était échappé de sa barrette. Un bref instant, elle crut voir Mayu, sa petite sœur, à la place de la Cortex. Elle s’approcha d’elle doucement, enleva la petite barrette, puis attrapa une mèche noire et la remit en place sous les yeux bleus surpris de Nina.


- Une mèche rebelle, expliqua-t-elle. Tu me fais penser à ma petite sœur. Est-ce que tu saurais si… elle est toujours en vie ? Elle s’appelle Mayu.

- Euh, je ne sais pas, euh, les élèves ont été confinés à l’académie, ils n’ont pas participé à la bataille.

- Les élèves sont sains et saufs, soupira Nefria en posant la main sur sa poitrine.


Elle ne vit pas que si le visage de Nina était resté neutre, ses yeux trahissaient le trouble qui venait de s’emparer d’elle. L’adolescente aux courts cheveux noirs suivit Nefria d’un geste automatique jusqu’à sa chambre. Une fois arrivée, elle lui annonça qu’elle allait lui chercher le petit déjeuner. Elle descendit donc dans la cuisine où elle entendit Tropy et son oncle parler. Elle allait entrer quand elle entendit son nom :


- Et toi, Cortex, tu envisages un mariage pour ta nièce ?

- C’est ton affaire que tu te maries avec l’autre garce. Nina est la mienne.


La Cortex entra et les regards de son oncle, du bras droit de Neo et du Maître du Temps des Ténèbres se braquèrent sur elle. Elle attrapa le petit déjeuner déjà préparé par un des prisonniers de la bataille et se retourna en dévisageant les trois personnages :


- Quoi ? Vous voulez ma photo ?

- Non, répondit Cortex.


Elle sortit de la pièce et se dirigea vers la chambre de l’esclave de Tropy, le cœur lourd. Comment osaient-ils penser la marier ? Elle ! Elle n’était pas n’importe qui ! Elle était la seule fille Cortex, un membre de la famille les plus doués. Sans compter que c’était d’un vieux jeu les mariages arrangés, ils n’étaient plus au moyen-âge ou encore moins dans un pays où le droit des femmes étaient inexistants. Elle s’arrêta en plein couloir en pensant que les lois australiennes ne s’appliquaient pas à l’Archipel où elle vivait. L’Archipel n’avait aucune loi si ce n’est celle des autochtones et encore, leurs règles ne s’appliquaient qu’à leurs villages. En plus elle était mineure, techniquement, son oncle pouvait la marier avec celui qu’il voulait. Elle secoua la tête pour chasser cette idée absurde et reprit sa marche.

Elle entra sans douceur dans la chambre et quand Nefria posa son regard émeraude sur elle, son cœur s’apaisa et elle se sentit plus légère.


- Merci, dit Nefria en se séchant les cheveux avec la serviette.

- De rien, vous n’avez pas de sèche-cheveux ici ?

- Si, il est dans les sanitaires.

- Je vais te le chercher, proposa Nina en sortant.

-… merci.


Quand elle rentra, Nefria mordait avidement dans sa tartine.


- Quel vorace ! ne put s’empêcher d’exprimer Nina.

- Ça va faire une journée entière que je n’ai pas mangé. La faim se fait sentir.

- Tu veux… que je te sèche les cheveux ?


Nouvelle interrogation dans les yeux de Nina que l’ex-Maîtresse du Temps ne remarqua pas, occupée à brosser ses longs cheveux châtains. La partisante du Mal ne comprenait pas vraiment ce qui lui arrivait. Initialement, elle était ennuyée de devoir s’occuper de la prisonnière, mais le geste tendre que cette dernière avait eu envers Nina l’avait troublé. Cela avait réveillé un mal-être enfoui en elle qu’elle dissimulait par son tempérament agressif. Un profond sentiment de solitude qu’elle traînait chaque instant comme un boulet à sa cheville. Elle n’avait pas d’amis à son école et sa seule famille, son oncle, était obsédé par la conquête du monde et l’anéantissement des Bandicoots. Nina avait essayé les réseaux sociaux pour se sentir moins seule mais à part des moqueries sur ses mains bioniques, la partie de son corps qu’elle détestait le plus, son mal-être s’était accru. Elle avait quitté les réseaux sociaux en se sentant encore plus mal.


- Oui, répondit Nefria en lui tendant la brosse.


Elle retira ses chaussures et monta sur le lit. Nina brancha l’appareil à la prise sous la table de nuit, attrapa la brosse sur les cuisses de Nefria et alluma l’engin. Ce dernier poussa un bruit un peu assourdissant, ce qui n’empêcha pas la plus âgée d’entendre la plus jeune dire :


- Tropy va se marier avec toi.

- QUOI ?


Elle se tourna vivement vers elle, le regard affolé.


- Pourquoi ?

- Aucune idée. Je l’ai seulement entendu parler de ton mariage et…

- Et quoi ?

- Et rien.

- J’y pense, tu es la seule fille-enfant si je peux me permettre ?

- Et alors ?

- Tu dois te sentir seule

- « Des fois, pensa-t-elle. » Non, jamais.

- Vraiment ?

- Enfin… commença Nina un peu désemparée.

- Excuse-moi je dois te gêner.

- Ils ont parlé aussi de mon mariage, lâcha-t-elle subitement en sentant un poids en moins sur le cœur.

- Ça n'arrivera pas, dit Nefria avec douceur. Parce que toi tu es différente de moi, tu es une des leurs…

- Ça ne veut pas toujours dire quelque chose, coupa la Cortex.

- Si, parce que toi, tu as ton oncle.

- Je ne vois pas…

- Et il t’aime, ça change tout. Il ne te mariera pas parce qu’il sait ce que ça signifie pour les femmes de la lignée obscure et qu’il ne veut pas ça pour toi.

- Comment tu sais ça ?

- Je vois des choses que vous ne voyez pas toujours.

- C’est avec tes pouvoirs ça ?

- Non. Ou oui, celui du cœur.

- Très poétique, répondit Nina avec ironie, mais je ne comprends pas.

- C’est normal.

- Retourne-toi que je te coiffe. Puis… pour Tropy, à mon avis il viendra… t’expliquer.

- Je suppose.


Elle la coiffa et trouva cela plaisant. Elle aurait aimé que cela lui arrive aussi. Quand elle était petite et que son oncle ne lui accordait pas de son temps, elle avait envie d’une personne comme Nefria par exemple pour… elle dérivait, il fallait qu’elle parte maintenant. Et c’est ce qu’elle fit en évitant de croiser le regard soucieux de la brune.


Elle alla dans une chambre vide et ouvrit la fenêtre pour s’asperger de l’air frais. Mauvaise pioche, l’odeur de chair brûlée était encore bien trop présente et elle referma brutalement celle-ci.


- Bordel ! s’exclama-t-elle en prenant sa tête entre ses mains.


Elle avait mis tant d’années à enterrer ses rêves, son attitude bienveillante, et cette fille surgissait et voilà que tout partait en fumée. Elle s’adossa au mur et leva la tête pour fixer le plafond blanc.


Quand elle était petite et qu’elle n’avait personne, elle aurait voulu une mère, ou plutôt une sœur. Oui, une grande sœur pour lui donner l’exemple, pour être fière et jalouse d’elle, pour se donner envie de la surpasser, pour lui demander conseil, pour se… confier… Et le plus étrange dans tout ça, ce que Nefria n’était pas celle qu’elle avait imaginé, mais ces yeux étaient si… fascinants. Elle avait l’impression qu’elle pouvait tout lui donner, tout lui dire qu’elle ne la rejetterait pas.


Elle chassa ces idées de son esprit et retourna dans la chambre de l’ex-Maitresse du temps. Encore une fois, une force invisible l’avait poussé à s’y rendre. Était-ce… son cœur ?


La brune avait fini de manger et de se sécher les cheveux, faisant rendre compte à Nina combien de temps elle avait passé tête à tête avec elle-même. La propriétaire de la pièce était allongée dans son lit et la fixait d’un regard bienveillant.


- Je peux… rester avec toi ?


Et merde. Elle craquait.


- Bien sûr.


Elle n’eut pas besoin d’enlever ses chaussures puisqu’elle les avait oubliés. Elle s’assit sur le rebord du lit pour commencer, puis s’approcha doucement petit à petit. Elles ne dirent rien toutes les deux, le silence cueillant avec délicatesse leurs sentiments.


***


Quand Tropy entra dans la chambre, Nefria sentit son cœur s’accélérer. Allait-il lui annoncer qu’elle et lui… Puis une petite tête brune entra à sa suite et la brune se leva pour la prendre dans ses bras.


- Mayu ! Oh par le Sablier, j’ai cru…

- Grande sœur !

- Cinq minutes, leur dit Tropy avant de sortir.


Nefria avait eu peur de savoir si sa sœur avait été tuée, puis avec la vitesse dont les événements se sont enchaînés, elle avait oublié. Ce n’était que lorsqu'elle avait passé du temps avec Nina la veille qu’elle y avait repensé. Elle avait eu toutes les peines du monde à retenir ses larmes et n’avait pas réussi à l’oublier ne serait-ce qu’une fois le devenir de sa cadette.


- Tu as survécu !

- Maître Asaki… m’a protégée.

- Parce que tu es ma remplaçante.

- Oui. Pourquoi es-tu là ? Je ne t’ai pas vue dans la bataille…

- Je… je me suis vendue.

- Grande sœur !

- Pour protéger le Temple.

- Et les « Temps éternels » ?

- Il l’a.

- Nous sommes perdus.

- Oui, mais je te promets qu’il ne t’arrivera rien.

- Et toi ?

- Tout se passera bien.

- Ce n’est pas vrai !

- Comment cela se fait-il que tu sois là ?

- Je lui ai demandé si je pouvais te voir.

- Je ne pensais pas qu’il accepterait une telle demande.

- Grande sœur, je sais qu’il veut te faire du mal, je ne veux pas…


Nefria posa un doigt sur les lèvres de Mayu et l’attira contre elle pour l’étreindre avec force. Elles passèrent les quelques minutes qu’ils leur restèrent ainsi, les mots étant bien trop lourds pour être dits. Puis, qui sait, quand elles se reverraient, les gestes d’affections sont de bien meilleures preuves que les mots. Cependant quand le Maître du Temps entra de nouveau sans dire un mot, elles se chuchotèrent un « je t’aime » et se quittèrent à regret.


- Demain à l’aube je te parlerai, lui annonça Tropy.


Et elle savait de quoi il lui parlerait.


***


Crash n’arrêtait pas d’aller et venir entre la maison et la cascade. Cela faisait deux jours que Nefria s’était absentée et il s’inquiétait. Et s’il lui était arrivé quelque chose ? Bien entendu, les « Temps Eternels » s’étaient manifestés et il se doutait que quelque chose n’allait pas. Mais l’artefact n’avait pas eu d’autres réactions. Et quand même, il demandait de nouveau d’aller sauver son possesseur, où était Nefria ? Si elle était dans une autre dimension, comment s’y rendrait-il ?


Il rentra une fois de plus et Crunch l’invita à ne plus bouger. Tout le monde était un peu à cran, et voir une personne toujours en activité à cause de la nervosité n’arrangeait pas l’humeur de chacun. A contrecœur, il obéit sachant que dans une dizaine de minutes, il recommencerait à bouger.


- Il n’y a rien qu’on puisse faire ? demanda Coco.

- Comment ça ? dit Aku Aku en attente de précision.

- Je veux dire, on ne peut pas… savoir ce qui arrive.

- Je n’ai pas de don de voyance, malheureusement.

- Et vous ne pouvez pas retourner au Temple ? Elle s’y est peut-être réfugiée là-bas.

- Je ne peux pas me téléporter aussi loin.

- Aku Aku, souffla Crash.

- Mes enfants, si Nefria est saine et sauve, elle reviendra.

- Et dans le cas contraire ? questionna Crunch.

- Je contacterai Asaki.


Ils auraient voulu lui demander comment il pouvait faire cela, mais ils ne le firent pas. Ils savaient qu’Aku Aku leur en parlerait s’il avait voulu en dire plus. Qui plus est, il n’était pas bien vu d’avoir des contacts avec le Temple du Temps et son dirigeant. Question d’équilibre leur avait dit le masque de sorcier.


***


Mayu entrouvrit la porte de sa chambre qui n’était pas gardée. Elle regarda de droite à gauche pour vérifier que le long couloir était désert en cette nuit. Puis elle sortit discrètement de sa modeste chambre. Prudente et sur le qui-vive, elle resta attentive, prête à courir ou se cacher dès le moindre bruit qui trahirait la présence d’un ennemi. Elle gravit les marches menant au sommet du Temple. Quand elle entra dans une espèce de clocher en pierre, elle inspecta la pièce pour voir s’il n’y avait personne, puis se dirigea vers le gigantesque Sablier, cœur de l’édifice. Elle s’étonna qu’il ne soit pas gardé, mais en même temps qui penserait qu’une simple enfant allait devenir une nuisance ? 


Elle s’avança à pas de velours vers le Sablier et se posta devant lui, l’observant dans ses moindres recoins. Elle sentit le vent frais du désert lui caresser les cheveux derrière elle. L’endroit était ouvert, il n’y avait aucun mur, simplement des piliers qui tenaient le plafond de pierre. Elle posa le plat de sa petite main sur l’artefact et murmura ces mots pour que lui seul entende :


- Je vous en prie, exaucez mon vœu.


On aurait dit que ce dernier comprit les paroles de l’enfant et semblait prendre vie en entendant ses mots.

Mayu sortit un poignard de sa poche et le posa sur son cœur en le tenant de ses deux mains.


- Pardonne-moi Grande sœur… J’aurai tant voulu passer plus de temps avec toi, te voir devenir la meilleure Maîtresse de Temps de l’histoire…


Une larme coula, une seule, pleine de regret et de tristesse qui était si contradictoire avec le sourire serein sur ses lèvres.

Elle posa la pointe du poignard contre sa poitrine, là où battait son cœur à une vitesse démesurée. C’était le prix à payer pour demander au Sablier d’exaucer un souhait. Si sa vie pouvait sauver le temple et peut-être l’univers alors elle ne regretterait rien. Absolument rien. C’était nécessaire et c’est tout ce qui comptait.


 Avec ses deux mains elle éloigna le poignard et le ramena vite sur elle. Il transperça sa peau, son cœur, laissant le sang s’écouler doucement de part en part de l’arme blanche. Elle sentit une atroce douleur l’assaillir laissant sa bouche s'ouvrir sans qu’aucun son ne sorte. Puis elle tomba sans rien sentir quand elle toucha le sol. Elle sentit l’obscurité envahir ses prunelles qui bientôt deviendraient ternes. La douleur semblait ne plus exister, puis bientôt elle ne sentit plus rien. Sa vie n’était plus.


Ses yeux étaient ouverts, et le vide s’en empara. Ses iris verts montraient le regret, la tristesse. Les sentiments d’une enfant qui n’a pas tout vu, qui était morte trop tôt. Elle regrettait de mourir en laissant derrière elle le vide. Elle se sentait coupable de la peine que son décès causerait à ses proches. C’était la dernière pensée innocente de cette enfant qui avait fait don de sa vie pour sauver le monde. Et pourtant son visage était serein. La sérénité d’avoir fait le bon choix. Voir cette expression sur le visage d’une petite fille était effrayant.


Bien que la mort se fasse sentir, le Sablier s’anima d’une vie qu’il avait volée et accomplit le dernier souhait de la défunte qu’il avait lu dans son âme. Les grains de sable qui s'écoulaient lentement s’arrêtèrent soudain. Puis le sable revint en sens inverse en brillant d’une lumineuse incandescence tant elle fut puissante. Le temps revint dans le passé, mais pour une seule personne. La seule pour qui cette petite fille avait donné sa vie. Asaki, maître du Temple ressuscita. Son corps oublia les atrocités récentes qu’il avait connues grâce au temps qui revenait en arrière. Sa plaie béante se referma comme si elle n’eut été qu’un mauvais rêve. La vie vint embrasser ce corps inanimé et les yeux du vieil homme devinrent vifs. Il se releva avec peine mais se téléporta immédiatement sur le clocher. Là, il vit Tropy regarder d’un air dégoûté et furieux le cadavre de Mayu. Qui aurait pu croire cela d’une enfant ? Il leva ses yeux vers Asaki qui se rendit auprès de la défunte fillette. Il la prit dans ses bras et disparut avant que le Maître du Temps maléfique n’ait pu esquisser un geste.


***

Asaki se téléporta, Mayu dans ses bras, sur l'île Wumpa, plus précisément devant la maison des Bandicoots. Aku Aku fut le premier à sortir en sentant une aura puissante et écarquilla les yeux en apercevant le fondateur du Temple du Temps. Crash le suivit et fut le premier à courir vers lui en apercevant un corps inanimé dans ses bras. Il se figea en reconnaissant Mayu. Un instant il fut soulagé que ça ne soit pas Nefria, mais la seconde d’après, une profonde tristesse et colère l’assaillirent. Et bien malgré ses fortes émotions et son visage décomposé, il ne bougea pas d’un iota, regardant Asaki déposer avec douceur le corps sans vie de la petite fille. Il entendit vaguement sa sœur pousser une exclamation de stupeur et d’horreur mêlée. Il entendit des pleurs. Ceux de Crunch et Coco qui s’étaient enlacés. Il ne connaissait Mayu que depuis peu. Elle était la petite sœur de Nefria. Mais c’était suffisant.


Crash s’agenouilla et prit la petite dans ses bras. Il la colla contre son torse et pleura, le visage enfoui dans ses cheveux courts. Aku Aku regarda son protégé ne sachant que dire. C’était la première fois qu’il le voyait si bouleversé. Il leva les yeux vers le Maître du Temple en lui demandant une explication silencieuse. Son regard parlait pour lui.


- Mayu a donné sa vie au Sablier du Temps afin qu’il me ressuscite.


Sa voix claqua dans l’air. Cette simple explication fit naître un sentiment de tristesse et de dégoût. Comme toujours, ce fut Coco qui trouva les mots à dire :


- Comment… une enfant a pu… en arriver là ?

- J’avais tout prévu… Je savais ce qui allait se passer. Et j’ai pris mes précautions. Seulement, je pensais que Nefria aurait compris.

- Nefria ? chuchota Crunch, la voix quelque peu brisée.

- C’était elle qui devait mourir…


La voix éraillée de l’homme s’était teintée d’un bouleversement non dissimulé. Crash se sentit nauséeux. Il n’avait pas pu empêcher Nefria de partir d’ici, et Mayu en a payé le prix. Si elle était restée ici, la petite fille ne serait pas morte. Pourtant, une partie de lui n’appréciait pas de savoir qu’elle aurait subi le sort de sa sœur. Au plus profond de lui, il en était soulagé tout en se sentant coupable de penser cela.


- Alors pourquoi est-ce Mayu ?


Aku Aku n’était pas insensible. Il était aussi troublé. Mais l’incompréhension l’envahit. Si c’était Nefria qu’Asaki avait vu mourir. Alors pourquoi est-ce Mayu qui s’était sacrifiée ? Et quelles étaient ces précautions dont il parlait ?


« - Mayu est plus douée que sa sœur. Elle a aussi des dons de voyance. Ma vision date de plusieurs mois. Si la sienne est récente, alors c’est elle qui a modifié le futur.

- Hapou Poupindou Typio !

- Tu as raison Crash ! Allons sauver le Temple du Temps ! s’exclama Crunch

- Attendez mes enfants ! Il ne faut pas partir ainsi !

- Aku Aku a raison, il nous faut un plan, dit Coco.

- J’en ai un, annonça Asaki.


***


Tropy entra dans la chambre de Nefria comme il l’avait dit la veille. Il la trouva endormie sur le lit. Elle n’avait pas mis les couvertures sur elle, et s’était sans doute assoupie à son insu. Il s’approcha d’elle et s’assit sur le rebord du lit pour regarder quelques secondes la respiration régulière de la jeune fille. Il effleura sa joue d’un revers de main, ce qui fut suffisant pour la réveiller. Elle lâcha une exclamation surprise ne s’attendant sans doute pas à autant de proximité. Il plaça sa main sur le bras de la brune pour l’obliger à rester allongée.


- Allons ne me dit pas que tu as peur de moi, dit-il avec un sourire sadique.

- Veuillez garder vos distances je vous prie.

- Il n’y aura bientôt plus de frontière à ce niveau là.

- Comment ça ? demanda-t-elle bien qu’elle se doutait de la réponse.


Il prit une mèche de ses cheveux châtains entre ses doigts et approcha son visage pour la sentir. Elle retint son souffle et sentit la peur la paralyser.


- Après-demain, tu seras ma femme.


Elle adopta une expression faussement surprise, mais malgré la préparation qu’elle s’était faite, elle se sentit tressaillir.


- Pourquoi ? souffla-t-elle dans un murmure à peine audible.

- Parce que tu es parfaite pour ce rôle, répondit-il en s’écartant d’elle.

- Je ne comprends pas.

- Oh ne sais-tu pas à quoi servent les épouses ?

- Cela dépend. Vous voulez ma définition ou la votre ?

- La mienne.

- A… servir leur mari.

- Pas seulement.


C’est à cet instant que tout le mystère s’éclaira et son cœur eut un raté. Elle posa la main devant sa bouche et il sourit davantage.


- Non… lâcha-t-elle anéantie.

- Qui mieux que toi pour porter mon héritier.


Elle se leva brusquement pour prendre autant de distance que possible, la proximité entre eux générait plus d’émoi émotionnel chez elle. La révélation sur les raisons de ce mariage en était la cause. Le moindre contact physique devenait écœurant au possible, sans oublier qu’ils devenaient dangereux…


- Non ! Il y’en a d’autres ! affirma-t-elle dans un vain espoir de le faire changer d’avis.

- Non, à l’heure actuelle, il y a une seule personne, et c’est toi, la Maitresse du Temps.

- Mes pouvoirs sont scellés.

- Mais pas ton patrimoine génétique, celui d’une Tehiho Metria. On ne choisit pas d’être Maître du Temps, c’est le destin qui le fait.


Il se rapprocha d’elle et elle recula jusqu’à ne plus pouvoir le faire. Et quand bien même elle l’aurait fait, elle était toujours prisonnière de cette pièce. Sans compter qu’il avait toujours ses pouvoirs… 


Il prit son menton pour soulever son visage, mais elle se déroba. Le regarder la ferait encore plus défaillir. Elle avait déjà suffisamment peur comme ça. Oubliant sa dignité, et la panique l’y aidant, elle le supplia de la laisser tranquille. Ce qu’il, évidemment, ne fit pas. Elle détourna la tête quand elle sentit son souffle chaud sur son visage qui descendait dans son cou à présent. Elle ferma les yeux en sentant ses lèvres l’embrasser et le dégoût la révulser. Elle voulait qu’il arrête, qu’il s’en aille. Bon sang, n’avait-elle pas assez souffert comme ça ?! Voulait-il lui arracher la dernière goutte de douleur et l’achever quand il ne pourrait plus rien retirer d’elle ?


Brusquement, il l’obligea à tourner son visage vers lui à l'aide de sa main afin d’emprisonner ses lèvres avec les siennes. Elle se débattit, bien vite maîtrisée par la plus grande force de Tropy. Elle avait envie de vomir. Comment survivra-t-elle quand il ira encore plus loin ? Quand il la souillerait et l’obligerait à porter en son corps le fruit de leur infâme union ?

Il se retira et la fixa dans les yeux en lui caressant la joue.


- Je te ferais devenir femme Nefria. Et tu seras mon épouse.


Plus d’orgueil, plus de force. Juste un profond désespoir. Les larmes roulaient doucement sur ses joues pâles quand il dit cette phrase à double sens. A cet instant, elle pensa à Crash et le pria de la protéger de cet homme. Elle avait besoin de lui, et pas seulement pour la sauver. C’est souvent dans ce genre de situation qu’on se rend compte de la préciosité des choses. Pourquoi fallait-il en arriver là pour qu’elle voit à quel point elle avait été heureuse avant ?


Prochainement…


Je me demande si je n’ai pas fait une erreur en devenant la Maîtresse du Temps des Lumières et la Gardienne de cet artefact, se confia Nefria en caressant les Temps Éternels.


A suivre dans Crash Bandicoot et les Maîtres du Temps - Interchapitre 6.5 : La Gardienne des Temps Eternels.


Correction effectuée par Baka Bulle,

Anciennement par Neo_White et Radar



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