Rien qu'une apparence
Maman était partie... Ces mots avaient résonné une centaine de fois dans ma tête.
Mon coeur aussi venait de partir, il s'était brisé en plus de mille morceaux. J'avais mal, très mal. J'avais envie de crier très fort ma douleur pour que tout le monde m'entende, pour que, quel que soit l'endroit où elle était à présent, Maman aussi m'entende. Mes larmes coulaient automatiquement, mon père me regardait mais nous ne nous disions absolument rien. Ma peluche m'était tombée des mains, mes bras et mes jambes tremblaient, j'étais incapable d'ouvrir ma bouche. Je ne savais même plus si ce que je vivais en ce moment était réel, je refusais d'y croire, non, je ne voulais pas... Je ne pouvais pas ! Pourquoi moi ? Pourquoi ma maman ? Elle était tout pour moi, comment allais-je continuer de vivre sans elle à mes côtés pour me bercer dans ses bras ? Pourquoi avait-il fallu que ce soit elle ? Tout cela était trop injuste.
J'avais fini par exploser en sanglots interminables. La douleur se propageait dans tout mon être et avait rendu mon coeur plus lourd que mon propre corps ne l'était. Je pleurais sans plus pouvoir m'arrêter, ma vie était définitivement détruite : sans Maman elle ne valait plus rien, je ne valais plus rien. J'avais besoin d'elle... et elle le savait parfaitement. Papa m'avait prise de nouveau fort dans ses bras et me suppliait de ne pas pleurer autant mais je n'avais aucune intention de l'écouter. Comment ne pas pleurer alors que la personne qui comptait le plus à mes yeux m'avait abandonnée ? Je pleurerai jusqu'à m'évanouir si c'était nécessaire ! En tous cas tant que ma mère ne revenait pas parmi nous... Comment faire semblant de ne pas souffrir ? Comment faire croire que Maman ne représentait pas beaucoup pour moi ? C'était impossible. J'aimais Maman et je continuerai de l'aimer durant le restant de mes jours. Jamais elle ne quittera mes souvenirs, je me rappellerai chaque jour et chaque nuit de ses longs cheveux noirs lui retombant dans le dos, de sa claire couleur de peau, de ses yeux étincelants, de son doux parfum... Comment ne s'était-elle pas rendue compte qu'en partant, elle avait emporté une énorme partie de moi ?
Ma vue s'était brouillée et mon nez était devenu plus rouge que celui d'un clown. Tristesse, souffrance, douleur, chagrin, peine, torture, déprime, désespoir... Tous les mots y passaient. Mais aucun d'entre eux ne définissait assez cette solitude qui m'envahissait. J'avais envie de m'écrouler par terre avec toute ma vie sur mes épaules. J'avais si mal que j'en devenais en colère. En colère contre Maman, contre Papa, contre ce monde horrible qui ne faisait que nous séparer des personnes qui occupaient une grande place dans nos coeurs. J'en voulais à tous ces gens qui connaissaient Maman, qui eux aussi savaient qu'elle allait partir mais qui n'avaient rien dit. Je n'aimais plus personne, je détestais tout le monde. Je me haïssais moi-même d'avoir laissé ce drame arriver. Je voulais me libérer de l'étreinte de mon père et m'enfuir le plus loin possible, mais il m'enlaçait avec tellement de force que je commençais à me demander qui de nous deux souffrait réellement. Mes sanglots ne firent que se renforcer.
Tous ces moments magiques que nous avions passés rien que toutes les deux, Maman et moi, ils ne signifiaient donc rien pour elle ? Les cinémas, les cirques, les concerts, les parcs d'attraction, les fêtes foraines, la grande roue, la barbe à papa, les glaces, les jeux, les peluches à gagner, comment avait-elle pu oublier si vite toutes ces aventures partagées ? En fait elle n'en avait rien à faire de moi, je n'étais qu'un passe-temps. Une simple distraction ! Alors que pour moi, elle était la raison de mon existence.
Et quand je repensais à tout ce qu'elle m'avait dit avant que nous en arrivions là : elle disait qu'elle était chanceuse de m'avoir pour fille, que mon bonheur faisait aussi le sien, que je comptais énormément pour elle, qu'elle ne regrettait pas d'avoir une famille comme la nôtre pour qui elle donnerait tout... Mais elle m'avait profondément menti. Si tout ce qu'elle m'avait confié là était sincère, elle n'aurait pas été capable de nous abandonner sans explication. Si sincèrement elle avait besoin de moi pour tout surmonter, elle serait restée. Mais non, tout était faux.
"Je veux que Maman revienne". Ces mots avaient été les premiers que j'avais prononcés depuis cette terrible nouvelle qui m'avait plus que bouleversée, frappée à grands coups. En une fraction de seconde je m'étais imaginée tomber dans un vide où je n'en ressortirai plus, où seule la main de ma maman me délivrera. C'était affreux. Je vivais un véritable cauchemar.
Mes exploits, mes réussites, mes échecs, mes amours, mes amitiés, mes joies, mes tristesses, mes colères, mes follies... J'espérais pouvoir tout partager avec elle, me confier à elle, j'espérais qu'elle répondrait toujours présente pour me conseiller et me guider comme le ferait une mère qui tenait à sa fille... J'espérais tout simplement qu'elle ne s'en aille pas ainsi. Mais... l'espoir ne faisait pas forcément tout. De toute façon je n'en avais plus, je n'espérais même plus son retour lorsqu'elle s'apercevrait que ce qu'elle m'avait fait endurer était horrible. Je lui en voulais terriblement !
Je ne me remettrai jamais de ce jour. A partir de là j'avais clairement saisi que ma vie ne serait plus jamais la même. Je me retrouvais désormais toute seule, sans refuge, avec Papa nous n'avions jamais été aussi proches que je l'étais avec Maman.