Code Alpha 1.0 : 25 ans plus tard
Chapitre 16 : Chapitre 15 - Du rose dans l'océan
5768 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour 10/10/2017 11:51
Ce n’était pas encore l’aube.
Jim, plus ancien surveillant de l’ensemble scolaire Kadic, se réveilla d’un coup. Il n’avait pas besoin de réveil, il était lui même réglé comme une horloge. On pouvait être sûr qu’il était toujours levé au même moment, peu importait le jour, le mois, la saison.
Il se dirigea immédiatement dans sa cuisine pour se faire couler un café. Il n’eut pas le temps de réagir lorsque les crépitements d’électricités quittèrent sa cafetière pour se propager dans son corps. La seule chose qu’il put faire, ce fut de se dire : « Je me souviens... J’ai déjà vécu ça. ». Puis sa conscience fut submergée par une autre, artificielle.
Jean
Jean avait merdé. Il le savait, c’était l’essentiel. Quelle idée de rejoindre Steve à nouveau ? Ce mec était complètement psychotique, il fallait le faire enfermer. Une lueur malsaine brillait dans ses yeux quand il parlait des jeunes lycéennes, cela dépassait la simple drague, le simple jeu.
De toute façon, ce n’était plus un jeu pour Jean non plus. Essayer de “pécho”, ça avait été rigolo au début mais désormais c’était devenu... bien plus. Le jeune homme n’osait pas se l’avouer, mais il avait perdu davantage qu’une simple partie de jambes en l’air quand Ambre était partie en claquant la porte de chez lui. Je me sens niais. Et idiot. Putain, je crois que j’étais vraiment amoureux.
Alors voilà, pendant qu’il avait été brûler des voitures avec la bande de Steve, elle se battait pour sa vie. Il ne se faisait pas d’illusions, elle avait dû retourner à l’usine. Je suis même pas capable de la protéger. L’autre jour, c’est l’autre petit con d’Antoine qui l’avait sauvée en désactivant la tour. J’avais même pas été capable de tirer. Elle aurait pu mourir à cause de moi, mais elle avait pas perdu espoir. Ambre a pas besoin de moi. C’est moi qui ai besoin d’elle, réalisa t-il avec horreur. C’était trop tard désormais. Une nouvelle opportunité manquée sur la longue liste des échecs de Jean Schmidt.
Qu’est-ce qu’il pouvait faire ? Retourner avec Steve et brûler des voitures ? Ce n’était plus drôle comme avant. Ça l’avait été quant il avait été ado, mais l’enfance commençait à arriver à son terme. Il avait soif d’autre chose que simplement de l’amusement. Il ne voulait pas non plus gâcher sa vie pour celle de Léa.
Tout n’était peut-être pas encore perdu.
Ulrich
Ulrich se réveilla en sursaut. La première chose qu’il remarqua, c’est qu’il avait une sacrée gueule de bois. Il s’était enfilé un pack de bières entier hier soir, seul dans ce lieu qui avait tant hanté ses cauchemars. Ses rêves aussi. Car il avait passé la nuit à l’usine, se remémorant un temps depuis longtemps révolu. L’époque de sa lointaine adolescence, quand il traînait avec toute la bande. Et quand Yumi était encore vivante… Quant est-ce que tout était parti de travers ? Ce fameux 22 mars, ou avant ? Probablement la deuxième option. Je devais être un raté, quoi qu’il arrive. Ça devait être inscrit dans mon ADN. Un haut de cœur coupa rapidement ses pensées nostalgiques. Alors qu’il se retenait de vomir, il comprit enfin ce qui l’avait réveillé.
Une tour était activée. En regardant le super-scan clignoter à l’écran, des frissons le parcoururent de bas en haut. La dernière attaque s’était bien déroulée, mais l’ennemi avait prit beaucoup de temps pour préparer cette nouvelle offensive. Il s’attendait au pire. Est-ce que cette fois, ils allaient encore être aussi chanceux ? Difficile à dire…
Mélissa sait bien se battre sur Lyoko. Melvin n’est pas trop dégueulasse et Ambre peut désactiver les tours. Quant à Alpha et Antoine, ils ont affirmé pouvoir se charger de XANA. Peut-être que la situation n’est pas tellement en notre défaveur, pensa t-il. Mais même en se répétant ces phrases en boucle dans sa tête, il n’arrivait pas à se convaincre. Une chose était sûre, il fallait agir vite.
« Alpha, je sais que t’aime pas quand je te donne des ordres, mais tu peux envoyer un message à tout le monde pour les prévenir ?
A : Je vais le faire.
Alpha ne le lui dit pas, mais Ulrich le savait déjà pertinemment. Douze ans plus tôt, Jérémie avait donné la même instruction pour rassembler tous ses amis, tous ceux en qui il avait confiance. Une idée qui lui avait été fatale. Le dernier Lyoko-guerrier n’était-il pas en train de reproduire la même erreur ? Cette impression ne lui présageait rien de bon.
- Dis leur aussi que je vais passer les chercher. Vu qu’on ignore la nature de l’attaque, il vaut mieux rester groupé.
A : Ce n’est pas la peine, Ulrich. Antoine s’en charge déjà.
Le bip du superscan lui indiqua qu’une seconde tour venait d’être activée, d’origine inconnue.
A : Ne t’en inquiète pas, cela fait parti de notre plan d’action. Antoine souhaite que tu restes ici pour le moment. Je te tiendrai au courant.
La fenêtre de conversation disparu, ne laissant aucune chance à Ulrich pour répliquer. De toute façon, il s’y était résolu. Dans un sens, ça ne lui déplaisait pas d’être redevenu une simple pièce sur l’échiquier. Plus besoin de réfléchir, juste d’obéir. Il savait faire, ça. Mélissa n’avait pas besoin de savoir. Il resterait un héros à ses yeux.
L’ascenseur commença à s’activer, quelqu’un arrivait. Eh ben, il y a des rapides. Tant mieux, on en aura plus vite fini. Un sourire se dessina sur son visage lorsque les portes s’ouvrirent et ses doutes se dissipèrent, au moins pour un temps. Mélissa était là, plus resplendissante que jamais. Elle avait repris des couleurs. Cependant, elle ne souriait pas. Est-ce qu’elle lui en voulait pour une raison particulière ?
« Salut.
- Salut, répondit Ulrich. Tu… Tu as l’air en forme. Enfin, plus qu’hier quoi.
- Oui. Merci de t’inquiéter pour moi.
Elle avait beau parler, sa voix n’avait aucune chaleur. La jeune femme était distante. Beaucoup plus que d’habitude.
- Tu sais, je suis désolé si hier ma proposition était déplacée…
- On en reparlera plus tard ?
La dernière source de motivation d’Ulrich venait de disparaître.
Ambre
Je me réveillai en stupeur. J’avais fait un drôle de rêve, mais pas désagréable. Cette nouvelle journée était sous le signe de l’espoir. Antoine avait affirmé qu’il était capable de résoudre nos problèmes. Il pouvait parfois trop se vanter (je commençai à le connaître), mais cette fois il ne se trompait pas. J’avais confiance. Quelle aventure bizarre j’avais pu vivre ces derniers jours. Riche en rencontres, en chute et en apprentissage. La première attaque de XANA avait été un coup dur pour tout le monde, cependant nous étions désormais tout un groupe contre lui Ulrich, Mélissa, Antoine et Melvin. Et Ombre, mon inséparable jumelle. Nous avions eu nos différents, certes, mais tout le monde se dispute bien un jour, non ? Il allait probablement lui falloir du temps pour accepter qu’elle n’était plus la seule personne importante à mes yeux, mais elle s’y ferai. Comme j’avais lu dans un livre: “on se fait à tout, sauf aux nuits sans étoiles”. Cette époque où je lisais en permanence me semblait d’ailleurs tellement loin ! Pratiquement dans une autre existence ! Maintenant, je n’avais plus besoin de fuir dans des mondes imaginaires, je connaissais la vraie vie, avec ses hauts et ses bas.
La chose qui m’avait tiré de mon sommeil attira de nouveau mon attention. C’était la sonnerie de mon téléphone portable, à savoir la chanson “Stand as One”.
« Allo ? fis-je.
-Ouais ! Ambre, ne raccroche pas, c’est Jean !
- Ah.
Ma voix devint immédiatement sèche. C’était lui. Celui qui ne m’avait pas retenu, qui m’avait laissé tombé alors que j’étais tellement perdue.
- Je... je veux te revoir.
- Je vois.
Je ne savais pas quoi lui dire.
- Ambre, je suis désolé... J’aurai dû t’appeler il y a longtemps.
- Oui. Pourquoi tu ne l’as pas fait ?
- J’ai été con...
- Au moins nous sommes d’accord sur un point.
- Je peux te voir ?
- ... Oui. Peut-être. Je... Je ne sais pas.
Je m’étais laissée troubler ! Jusque là ma voix avait été sans failles, jusqu’à ce que je laisse sa question ébrécher mes défenses. Oui, je voulais le revoir. Est-ce que c’était une bonne chose ? J’en savais rien.
- Cette après-midi ?
- Non. Je dois aller à l’usine.
- Je me doutais que tu y retournais... Je t’y rejoindrai.
- Je crois pas que ce soit une bonne idée.
- Pourquoi ?
- Tu n’y es pas vraiment le bienvenue. Écoute Jean... J’adorerai passer du temps avec toi, vraiment... mais je crois que ça devient trop compliqué entre nous. Je... Je te rappelle plus tard, quelqu’un sonne à la porte ! »
Je lui raccrochai au nez, pas peu fière. Bon, ce n’était pas une fausse excuse, quelqu’un sonnait vraiment à ma porte. Maman était partie faire ses courses hebdomadaires, c’était donc à moi qu’il revenait d’aller voir. On attendait personne que je sache, surtout à une heure pareille. J’ouvrai la porte et tombai sur...
« Jim ?
C’était bien lui, le vieux surveillant de Kadic. Sauf qu’il se tenait étrangement droit. J’étais soudainement très mal à l’aise, il me rappelait Melvin quand il était possédait par… La même chose se reproduisait ! Et cette fois j’étais toute seule !
- Ne... t’inquiète... pas... articula t-il lentement. C’est... moi... Antoine...
- Qu...qu’est-ce qui doit me pousser à vous croire ?
J’étais prête à refermer la porte.
- Parce que je suis juste derrière ! fit le blondinet depuis une voiture. Tu montes ?
Surprise, je contournai le surveillant pour rejoindre mon frère à l’arrière de la voiture. Jim monta à l’avant.
- Tu m’expliques ?
- Tu avais dit qu’Ulrich était le bouclier et que j’étais l’épée. Tu t’es trompée, Ambre. Je suis l’épée et le bouclier !
- Qu’est-ce qui arrive à Jim ?!
- La même chose qui était arrivé à Melvin ! Sauf que c’est à moi qu’il répond, n’est-ce pas Jim ?
En même temps qu’il parlait, il pianotait sur ton téléphone. Jim, pendant ce temps, commençait à démarrer la voiture.
- Oui... Antoine...
C’était... horrible. Je lui faisais immédiatement part de mes doutes quant à ses méthodes.
- Mais nan, t’exagères ! J’ai pris quelqu’un qui n’avait aucune famille, comme ça personne ne sera triste si on l’abîme.
Quant il vit ma tête peu convaincue, il se pressa d’ajouter:
- On utilise les armes de l’ennemi ! C’est la seule solution pour gagner ! La guerre, c’est la guerre, Ambre !
Bon. Il devait avoir raison. J'enfouis mes réserves au plus profond de ma tête, ça ne servait à rien de le contredire sur son domaine.
- Et regarde, je peux lui faire dire ce que je veux !
- Je... suis... un... vieil... abruti... qui... commença Jim de sa voix mécanique.
- Ça ira Antoine, j’ai compris !
- J’ai compris, ça va. On devrait bientôt arriver à l’usine ! Tu peux reconnaître qu’avoir un chauffeur, c’est plus agréable !
- Qu’est-ce qui se passe exactement ?
- XANA attaque et lance ainsi son arrêt de mort !
Il avait un tel air de détermination dans les yeux que cela en devenait presque effrayant.
- Et puis ça, c’est pour toi ! rajouta t-il en me mettant une feuille sous le nez.
C’était un acte de naissance. Au nom d’Ambre Belpois.
- Je l’ai retrouvé en fouillant sur le net cette nuit. Dans les archives de la mairie pour être précis. Il y a facilement moyen qu’on fasse reconnaître que c’est toi. Et que tu viennes vivre avec moi.
J’étais... un peu prise au dépourvu. Ne lui avais-je pas demandé de me laisser un peu de temps pour m’y faire ?
- Euh... Antoine, tu trouves pas que ça va un peu vite ?
- Oui, tu as raison. On en reparle ce soir quant on en aura fini avec tout ça ! »
Et il me fit un clin d’oeil complice. Nous parlâmes peu pendant le reste du trajet. Bientôt l’usine se dressait devant nous. Le soleil brillait au dessus, c’était une belle journée qui s’annonçait.
Antoine
J’avais envoyé Jim vérifier que le chemin était sûr. On n’était jamais trop prudent. Quant il revint, je fis signe à ma sœur que nous pouvions y aller. Nous étions tous deux bien calme. C’était un moment historique qui s’annonçait ! Une victoire éclatante suivie de retrouvaille émouvante ! J’avais longtemps attendu cette attaque de XANA. Le doute avait presque fini par s’installer, et j’avais commencé à me dire que jamais il ne reviendrait. Heureusement, mon intelligence l’avait encore une fois emporté sur mes émotions parfois un peu trop vives. Je savais qu’il devait à nouveau tenter de nous tuer. C’était logique, nous étions des menaces. La seule question à laquelle je n’avais point trouvé de réponse était la suivante : pourquoi avoir attendu aussi longtemps ? Près d’une semaine s’était écoulé depuis la première attaque… L’ennemi avait dû prévoir un coup, mais moi aussi j’avais plus d’un tour dans mon sac. J’en riais d’avance !
Nous prîmes le monte-charge pour rejoindre le laboratoire. Ulrich et Mélissa nous y attendait.
« Qu’est-ce qu’il fout là lui ? Demanda Ulrich en pointant Jim du doigt.
- Aaaah, j’espérais que vous alliez me le demander. Je vous présente le tout premier « Antoinisé » !
- Qu’est-ce ça veut dire ?
- Vous êtes vraiment aussi bête que vous en avez l’air… C’est comme xanatifié, sauf que c’est moi qui tire les ficelles !
- Putain, murmura le vieux clochard. Puis il éclata.
- Putain ! Mais comment des parents aussi bienfaisant que Jérémie et Aelita ont pu avoir un rejeton comme toi ? Tu vas me faire le plaisir de libérer Jim illico !
Il en devenait rouge de colère. Enfin, son nez était déjà bien rouge à la base et son haleine puait l’alcool. Il était pathétique.
- Peut-être parce qu’un minable comme vous les a laissé crever. Et certainement pas, de toute façon il ne lui arrivera rien : sa force est décuplée comme pour les xanatifiés.
Ulrich regarda Mélissa, comme pour en espérer du soutien.
- Mélissa, tu es d’accord avec moi, non ?
- Ulrich, il faut utiliser toutes les ressources à notre disposition.
Il se mit à rougir. Je cru qu’il allait accepter vu que sa petite amie était à ma grande surprise d’accord avec moi. Sauf que c’était Ulrich et qu’on ne pouvait décidément pas trop en attendre de lui.
- C’est juste pas possible. On ne peut pas utiliser les mêmes armes que XANA sinon… sinon, on est pas mieux que lui !
- C’est avec ce genre de raisonnement que vous avez perdu, non ?
- Soit tu désactives ta tour… soit je me tire !
Enfin une demande raisonnable ! Je ne me fis pas prier, souriant de toutes mes dents :
- Parfait ! La sortie est par là !
Il y eut un immense blanc dans la conversation.
- Je… Je peux pas vous laisser comme ça.
Quel retournement de situation ! Personne ne s’y attendait ! Bref, maintenant qu’il avait fait son caca nerveux, est-ce qu’on pouvait commencer ?
- Et… et sinon, où est Melvin ? Demanda la voix familière de ma chère et tendre sœur.
Oups ! Je l’avais oublié celui-là ! Il faut dire que cela faisait longtemps que je n’avais pas vu mon « Ron » fétiche…
- Boarf, il sera plus utile chez lui qu’ici, j’en suis sûr.
N’écoutant pas les nouveaux sermons d’Ulrich, je m’approchai de l’interface du supercalculateur. En quelques commandes, l’ascenseur fut bloqué. Si jamais XANA devait envoyer des troupes, on aurait ainsi le temps de les voir arriver sur les caméras de surveillance.
- Et si jamais Melvin arrive ?! Rugit Ulrich.
- Dans ce cas, tant pis pour lui ! Je pense que notre sécurité est plus importante que la sienne !
- Antoine… Je crois qu’on devrait au moins faire quelque chose pour lui…
- Oh non Ambre, pas toi !
Elle me dévisageai avec une drôle de tête. Elle avait l’air… déçue.
- Bon... d’accord. »
Je pianotai des instructions sur mon téléphone. C’était en réalité ma commande pour contrôler Jim. Il allait chercher Melvin en allant à la vitesse la plus rapide. De toute façon, je n’avais pas tellement besoin de lui ici.
« Maintenant discutons de la suite des opérations. »
Jean
Jean s’acharnait sur l’interrupteur, mais le monte-charge refusait de fonctionner. Il était bloqué. Est-ce que c’était volontaire ? Est-ce qu’ils le voyaient depuis le laboratoire, qu’ils se moquaient de lui en refusant l’accès ? Peut-être qu’Ambre elle-même rigolait bien avec eux. Peut-être qu’elle s’était rapproché d’Antoine ou même de Melvin, offrant à l’un des deux ce qu’elle lui avait refusé. Il en était vert de rage. Il la récupérerait, coûte que coûte !
« Tiens, Jean ! Quoi de neuf depuis la dernière fois ? Déclara quelqu’un derrière lui.
Jean sursauta et bondit sur son interlocuteur. Il ne s’agissait que de Melvin.
- Elle est avec vous ?
- Qu… qui ça ?
- Mais Ambre, qui d’autre ?
- Euh… oui, elle vient ici tous les jours !
- Tu te l’es faite ?
- Qu-quoi ?
- Réponds moi ou je te frappe.
- N-non ! Je t’assure !
- Et Antoine ?
- J-j’crois pas, non !
Bon, c’était déjà ça au moins. Rien ne l’aurait plus mit hors de lui que de la voir avec l’autre blondinet.
- Comment on va dans le labo ?
- Et… et bien par l’ascenseur…
- Marche pas.
- Euh… Ulrich nous avait parlé d’un autre passage en cas de problème, je peux t’y conduire si tu veux…
- Bonne idée, ouais. »
Melvin commença à conduire Jean à travers l’usine, qui se révélait être un véritable dédale.
Ambre
Antoine n’avait décidément pas un caractère facile. Le nombre de personnes avec qui il s’entendait devait se compter sur les doigts d’une main. J’avais eu un peu peur lorsqu’il avait commencé à s’échauffer avec Ulrich et encore plus quand il avait sous-entendu l’idée d’abandonner Melvin. Le petit génie n’était pas une mauvaise personne, il avait juste parfois tendance à l’oublier. Derrière cette grande muraille d’arrogance, moi seule savait ce qu’il y avait. Et je comptai bien l’entretenir, afin qu’un jour cette carapace puisse disparaître. C’était possible, il suffisait d’y croire. Peut-être que je devrai accepter sa proposition d’emménager avec lui. Mes liens avec ma mère adoptive étaient devenus médiocres au mieux. Ceux avec Ombre s’étaient ressoudés pendant un temps, mais elle me refaisait passer le supplice du silence. Peut-être qu’au final, j’avais moi aussi besoin de former une famille.
« En attendant l’arrivée de Melvin et de mon antoinisé, Ambre et Ulrich, vous irez sur Lyoko. Mélissa restera ici avec moi.
- Ne vaudrait-il pas mieux que Mélissa aille sur Lyoko, et que je reste ? Demanda immédiatement Ulrich.
Est-ce qu’il faisait ça exprès pour contredire mon frère ? Nul ne le savait.
- C’est une machine de guerre son avatar virtuel, ajouta t-il pour se justifier.
- Vous avez plus d’expérience sur Lyoko qu’elle, et vous êtes trop… vieux dans le monde physique pour vraiment assurer une protection fiable. De toute façon, une fois Jim et Melvin revenu, elle vous rejoindra.
- Et est-ce que…
- Est-ce que vous pouvez attendre que j’ai fini de parler avant de m’assaillir avec vos questions ?
Ulrich renifla et se tut. Il donnait l’impression de retenir sa colère avec difficulté.
- Je vais mettre dans le code source d’Ambre une nouvelle donnée toute particulière. Plutôt que de désactiver la tour, il faudra qu’elle l’utilise comme un point relais avec ce bon vieux XANA pour lui envoyer cette fameuse donnée. C’est un virus. Et très virulent qui plus est. XANA n’aura aucune chance de s’en sortir.
- Ça va vraiment marcher ? Ton père a mis des années avant de trouver une solution, alors je doute que…
- Je ne suis pas mon père. Ça va marcher.
- On devrait lui faire confiance, souffla Mélissa à l’oreille d’Ulrich. Après tout, il a eu le soutien d’Alpha.
L’intervention de la jeune femme sembla suffire à convaincre Ulrich. J’étais ravie que cette bataille là s’arrête. Nous étions tous dans le même camps, alors se chamailler de la sorte était tellement idiot ! Je suivais donc l’ancien Lyoko-guerrier à l’étage des scanners, laissant Antoine et Mélissa. Ulrich avait l’air grave. Sa confrontation avec Antoine semblé l’avoir profondément touché. Personne n’avait prit sa défense. Je m’en voulais un peu… Après tout, il nous avait sauvé la vie. Encore une fois, Antoine avait été particulièrement dur avec lui. J’espérais sincèrement que tout allait s’arranger.
Jean
Jean et Melvin erraient dans l’usine. Ce n’était pas un lieu très accueillant. Une forte odeur de moisissure régnait et des tâches de mousses recouvraient certaines parties des murs. Personne ne devait plus utiliser cette zone depuis longtemps. En même temps, ce n’était pas étonnant, l’usine était abandonnée depuis presque quarante ans. Elle était devenue sources de légendes au fil du temps. Pendant une période, ce fut un lieu de rassemblement pour les jeunes du coin, mais finalement l’endroit devint trop glauque pour eux. Rien que vu de l’extérieur, l’usine avait un air malveillant. Depuis le hangar principal où se trouvait le monte-charge, ça ne se ressentait pas trop. Mais à l’intérieur même de l’usine, à travers ses couloirs semblables à des boyaux, on ne pouvait que se sentir mal à l’aise. Quand il était enfant, Jean s’était souvent demandé pourquoi on ne détruisait pas ce vieux bâtiment qui ne servait plus à rien. Désormais, il pouvait essayer de deviner la réponse : quelqu’un avait fait en sorte de le préserver.
Il n’y avait plus beaucoup de lumières désormais, si ce n’était celle de leur téléphones.
« On est plus très loin… je crois… balbutia Melvin.
- Comment ça « pas très loin », je croyais que tu connaissais le ch... »
Il ne put pas terminer sa phrase. Dans un bruit strident, une balle venait de traverser sa jambe gauche.
« Jean ! Qu’est-ce qui… ! Hurla le rouquin.
La personne qui avait commencé à leur tirer dessus ne s’arrêtait plus, et les balles ricochaient contre le mur derrière eux. Dans un élan désespéré, Melvin agrippa Jean et courut dans le sens opposé.
Ambre
Ulrich, Ombre et moi-même furent matérialisés dans une immense banquise. C’était toujours étrange de venir ici. Surtout à cause de cette séparation avec Ombre. Que tout le monde puisse la voir, c’était gênant, semblable à dévoiler son intimité.
« Ton avatar me fait toujours un choc Ambre. Bon, allons y ! Antoine, tu nous donnes les indications ?
Pas de réponse.
- Antoine ? Mais qu’est-ce qu’il fout encore ? On va essayer de se débrouiller sans lui pour le moment.
Nous n’eûmes pas davantage de temps pour discuter, cinq énormes sphères se déplaçaient à toute vitesse vers nous.
Antoine
Une fois qu’Ambre et Ulrich étaient sur Lyoko, je pouvais me détendre un peu. Même si j’étais persuadé de ma victoire, je restais un peu sur les nerfs. J’aurai peut-être dû attendre Melvin avant de lancer l’opération. Sans mon antoinisé, j’étais tout de suite moins à l’aise. J’allais mettre mon casque pour communiquer avec les virtualisés, quand la fausse pionne de Kadic se mit à me parler.
« Tu lui ressembles beaucoup, tu sais.
Elle me regardait fixement, le visage dénué de toute expression.
- Pardon ?
- Ton père.
- Vous l’avez connu ? Demandai-je en haussant un sourcil. Cela m’étonnerai fortement, elle était bien trop jeune pour cela.
- Oui. Un humain fascinant.
Je me levai de ma chaise et la dévisageai.
- Il n’y a pas qu’à lui que tu ressembles. »
Elle se rapprocha, toujours en me dévisageant. Des bruits de pas coupèrent notre conversation. Cela venait d’un autre étage, quelqu’un arrivait par l’échelle.
« Vous devez aller voir qui c’est, vous devez assurer ma protection !
Mélissa haussa les épaules et se rapprocha de l’entrée. Brusquement, Melvin débarqua dans le laboratoire, le visage rouge, exténué.
- Ah ben te voilà, fis-je simplement.
- Antoine… Jean… Jean il est…
- Quoi ? Il s’est fait virer de Kadic ?
J’avais envie de souligner à quel point on en avait rien à faire vu la situation actuelle. Et même en temps normal, ça ne m’importait pas le moins du monde.
- Non… il est blessé. »
Ambre
Les sphères noires étaient indestructibles sauf lorsqu’elles attaquaient, nous apprit Ulrich. Il fut décidé que mon avatar rose (c’est à dire moi) se chargerait de désactiver la tour, tandis que mon avatar noir (Ombre) se chargerait de l’attaque. J’avais voulu protester, insinuant que ce choix n’était basé que sur les couleurs. La mienne était bien évidement « celle des filles », du coup on me reléguait au second plan. Ulrich ne m’avait pas écouté. Puis, les sphères avaient commencé à tirer dans notre direction. Face à la puissance de leurs attaques, nous nous étions replié derrière un rocher tandis qu’elles allaient garder le devant de la tour.
« Il nous faut un vrai plan d’attaque, fit l’ancien Lyoko-guerrier.
Mais pour le moment, le seul que nous avions était assez sommaire.
- Vous me recevez ?
- Ah, Antoine. Il serait temps, grommela Ulrich.
- On a un problème. Y a quelqu’un dans l’usine, il a tiré sur Jean. Ah et il y a Melvin qui est arrivé.
- Quelqu’un dans… Antoine, dévirtualise moi.
On pouvait voir sur le visage de l’homme une expression de terreur désormais.
- Mais on a besoin de quelqu’un avec Ambre !
- Envoie Melvin, ou vas-y toi même mais dévirtualise moi tout de suite ! »
La voix d’Antoine se tut. Était-ce une réponse affirmative ? Probablement, car Ulrich commença à disparaître.
« Restez là les Ambres en attendant les renforts, d’accord ? »
Nous n’étions plus que toutes les deux. Comme au début, comme avant toute cette folie. Ombre se tourna vers moi. Cela faisait quelques jours qu’elle m’ignorait, peut-être qu’on allait enfin pouvoir discuter ? Un coup elle m’aidait, un coup elle boudait, je n’y comprenais plus rien.
« Ambre ?
- Oui, Ombre ?
Le coup fut direct et brutal, en pleine figure. Je tombai par terre, abasourdi.
- Depuis le temps que j’en rêve.
- Qu’est-ce qui te prends ? T’es devenue folle ?
- Qu’est-ce qui me prends ? Il me prend que je vais t’éclater la gueule une bonne fois pour toute, ma vieille !
Elle souriait. Elle était même radieuse, plus que je ne l’avais jamais vue. Cependant, une lueur de haine rougeoyait au sein de ses yeux, les enflammant presque. Et alors qu’elle se rapprochait dangereusement de moi, je réalisais que nous étions seules. Et que contrairement à notre dernière confrontation sous la douche, cette fois, je n’étais pas sûr de pouvoir l’emporter…
Et elle me frappa de plus belle. Effondrée sur le sol, j’essayais de ramper vers l’autre côté du rocher. Me faire dé-virtualisé pouvait être une solution de repli. Elle dû comprendre ma démarche car elle me rattrapa et me lança comme un vieux sac dans la direction opposé.
- Ombre, p-pourquoi ? On est amies… non ?
Elle eut une horrible grimace qui ressemblait de loin à un sourire. Un rictus de haine, peut-être. La bave virtuelle aurait existé, elle m’aurait craché dessus.
- Non. Je te déteste. Je t’ai toujours détestée. Obligée de t’aider, toi Ambre la pathétique, de subir tes caprices… Aujourd’hui, c’est terminé.
Elle éclata de rire. Elle était devenue complètement folle.
- Mais qu’est-ce que…
Et un autre coup de pied vint me faire rouler vers le côté, m’empêchant de finir ma phrase.
- Aujourd’hui, je deviens libre ! Libre de toi, Ambre ! »
C’était… c’était comme ça qu’elle se sentait par rapport à moi ? Alors… alors tout ce que nous avions vécu ensemble, ça n’avait été que mensonges ? Elle n’aurait jamais pu jouer un rôle aussi longtemps. Je ne pouvais pas le croire. Ombre était mon amie. Ma plus vieille amie.
J’ignorai la source de sa colère, mais elle mettait en péril la mission. Cette idée revint briller comme un phare. Ce conflit devait attendre, car celui contre XANA était bien plus important. Et si Ombre ne pouvait entendre raison… j’allais devoir la raisonner de force.
Je me relevai d’un seul bond et lançais mes deux cordes dans sa direction. C’étaient les armes de mon avatar : elle me permettait d’attaquer les cibles aussi bien à distance qu’au corps à corps, voir de les attraper. Je n’avais pas encore trouvé beaucoup de techniques à utiliser, n’ayant pas été en très grande forme pendant les entraînements. Alors qu’Ombre avait toujours été très attentive… Son équipement à elle consistait en de longues griffes sortant de ses mains. Autant dire que si je la laissais s’approcher, elle aurait de suite l’avantage. Je devais donc la garder loin de moi !
Ça se présentait mal, elle était encore plus agile que je le pensais ! Éviter mon attaque ne sembla pas lui opposer la moindre difficulté. Elle continuais à avancer vers moi, tandis que je reculais en ne cessant pas de la repousser avec mes cordes, en vain.
Je reculais, reculais… sauf que bientôt, il n’y eut plus nul part où reculer. Derrière moi, c’était un précipice. Si j’y tombais… j’allais disparaître. Ombre n’avait qu’un seul coup à donner. Ça allait être une question de secondes. Je pouvais toujours utiliser une de mes attaque spéciale, semblable à un lasso, qui me permettait d’attraper un ennemi et de le propulser dans la direction de mon choix. Mais je ne pouvais pas perdre Ombre. J’avais beau l’avoir déjà pensé, je ne pouvais pas vivre sans elle.
« Ombre, je…
- Tu parles trop.
Et elle me donna un dernier coup de pied.
Ainsi commença ma longue chute. Est-ce que j’allais… mourir ? Je n’avais pas envie… Je pensais à ma mère adoptive, avec qui j’avais été si cruelle. A Antoine, ce frère que je n’avais pas eu le temps de connaître. A Jean et son sourire ravageur. A Melvin, à qui d’ailleurs j’avais fini par pardonner son attaque… Tous ces gens que je ne devais plus revoir.
Et je pensais à Ombre. Je ne crois pas que je lui en voulais.
La vie d’Ambre Delmas s’arrête là. Ou est-ce Ambre Belpois ? Je ne sais plus… J’ai été stupide. Tellement stupide. Au revoir tout le monde…